Intervention de Bénédicte Peyrol

Séance en hémicycle du jeudi 5 juillet 2018 à 9h30
Érosion de la base d'imposition et transfert de bénéfices — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBénédicte Peyrol, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis ce matin pour autoriser la ratification de la convention multilatérale dite « BEPS », relative à la prévention de l'érosion de la base fiscale et du transfert de bénéfices à l'étranger. Ce texte, examiné il y a deux semaines par la commission des finances, a reçu un avis favorable unanime sur mon rapport.

C'est une convention extrêmement importante, qui traite de l'optimisation et de l'évasion fiscales, lesquels représentent des enjeux politiques majeurs au niveau mondial, puisque le financement de nos écoles, de nos hôpitaux, de la transition écologique est en cause. Il s'agit certes d'un sujet technique, mais il ne faut pas se cacher derrière la technique pour le traiter ; il faut en saisir toutes les implications, notamment politiques, comme nous nous y employons ce matin. Nous devons absolument continuer dans cette perspective.

Ce projet a été porté par le G20 et continue à l'être – ce qui me semble extrêmement important – en vertu d'un mandat accordé par l'OCDE depuis plusieurs années. C'est une étape historique, un « accélérateur juridique », comme vous l'avez dit, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, puisque le texte va entraîner, au niveau mondial, la modification de plus d'un millier de conventions fiscales. Cet accélérateur juridique va enrichir ces conventions de plusieurs outils que nous savons désormais efficaces ; vous avez, à cet égard, évoqué la clause anti-abus et la fin des accords de commissionnaires. Le texte va aussi permettre de lutter contre les dispositifs hybrides, qui témoignent d'interprétations différentes de certaines dispositions. Ainsi, il arrive qu'une entreprise échappe à l'imposition parce qu'un transfert de bénéfices est considéré, dans un État, comme un prêt et est, à ce titre, déductible, tandis qu'il est assimilé, dans un autre État, à des dividendes, non imposables. Ce genre de schéma sera désormais évité.

L'efficacité de cet instrument dépendra de deux facteurs.

Il s'agit, d'une part, du nombre d'États qui le ratifieront. On en dénombrait 68 lors de la signature à Paris, le 7 juin 2017, puis 78 au moment de l'examen du texte en commission et enfin 82, grâce aux signatures du Kazakhstan, des Émirats arabes unis, du Pérou et de l'Estonie, qui sont intervenues la semaine dernière. L'absence des États-Unis a été particulièrement remarquée mais, sans minimiser le problème, il faut le relativiser. En effet, les géants américains utilisaient le réseau conventionnel européen pour établir leurs schémas ; or la plupart des États européens ont signé cet instrument, ce qui permet de répondre partiellement à la problématique – j'y reviendrai en conclusion.

De manière générale, les choix faits par les États inspirent une certaine satisfaction. Pour sa part, la France a notifié 88 des 120 conventions conclues avec des juridictions étrangères, et 64 d'entre elles devraient être effectivement modifiées, dont plusieurs avec des pays comme Hong Kong, l'île Maurice – je me réfère à l'exemple que vous avez pris, monsieur le rapporteur – , Singapour, l'Irlande, Malte ou encore la Belgique. Si certains États ont fait le service minimum, en ne retenant que les standards obligatoires, qui comportent quand même la puissante clause anti-abus prévue à l'article 7, d'autres se sont montrés plus volontaires. La France a retenu les dispositifs marquant un progrès dans la lutte contre l'évasion fiscale et qui sont cohérents avec sa pratique conventionnelle. Les éléments n'apportant pas de plus-values majeures par rapport aux conventions existantes n'ont pas été retenus. Ces choix sont la manifestation d'un pragmatisme opportun, dont il faut se réjouir. La France n'a pas péché par naïveté mais est restée cohérente avec son ambition. Toutefois, la commission des finances est attachée à décider à partir de bases factuelles solides. À cet égard, nous avons regretté le manque d'évaluation préalable de l'impact économique de cet instrument, ce qui n'a pas permis de nous rassurer sur certains choix de la France, notamment concernant l'article 14. Toutefois, madame la secrétaire d'État, la commission des finances salue votre choix de la prudence.

Sur ces sujets comme sur d'autres, il est ainsi essentiel de veiller à la bonne information du Parlement. Vous avez également répondu à cette demande, madame la secrétaire d'État, et nous veillerons à obtenir les informations nécessaires.

De même, en matière de sécurité juridique, vous nous avez apporté des éléments de réponse.

Par ailleurs, nous serons attentifs à ce que les rescrits soient fournis assez rapidement aux entreprises – qu'il leur est parfois difficile d'obtenir dans les délais – , car les investissements n'attendent pas.

Cette convention est extrêmement importante, et j'appelle à ce que nous autorisions sa ratification, mais il ne faudra pas s'arrêter là. La lutte contre l'optimisation et l'évasion fiscales doit être permanente. Les travaux que nous menons au sein de l'Union européenne sont aussi extrêmement importants, et la France ne doit pas être en reste. Donc, oui, ratifions, mais continuons à nous battre, à lutter et à imaginer des dispositifs, à les évaluer, à les améliorer pour que ce fléau ne soit plus et que nous puissions vivre dans un environnement de justice fiscale pour tous.

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