Intervention de Christian Hutin

Séance en hémicycle du jeudi 5 juillet 2018 à 9h30
Érosion de la base d'imposition et transfert de bénéfices — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Hutin :

Ce serait une situation exceptionnelle, et ce point me paraît essentiel.

Les restrictions constituent un autre sujet d'inquiétude. La France est manifestement vertueuse, comme vous l'avez souligné, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mais cela ne l'exonère pas de réfléchir à la situation de pays qui le sont beaucoup moins, je pense, sans pouvoir me tromper, à l'Irlande. Quant à l'absence de certains pays, les États-Unis notamment, elle est ennuyeuse. La semaine dernière, la commission des affaires étrangère a reçu Jacques Attali, qui nous a expliqué que le G7 voire le G20 n'existaient plus, dans la mesure où les autorités américaines s'en moquent. Nous sommes dans un autre monde, différent de celui dans lequel les pays peuvent se rencontrer dans des circonstances essentielles. Madame la secrétaire d'État, le Gouvernement devra être attentif à ce sujet.

Autre motif d'inquiétude dans cet hémicycle, l'arbitrage nous fait toujours peur. La récente expérience concernant Bernard Tapie n'est pas brillante, si bien qu'il convient de faire attention. Le législateur, voire l'État, n'ont pas de maîtrise sur l'arbitrage.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué la fragmentation artificielle des contrats, qui me fait penser à un saucissonnage, comme celui pratiqué pour les marchés publics. Tous ceux qui ont été maires ou qui connaissent le fonctionnement d'une mairie savent que l'on peut saucissonner un marché. Cette fragmentation est inquiétante.

Comme le disait Voltaire – même si tel n'est plus vrai aujourd'hui – , « la Prusse n'est pas un pays qui a une armée, c'est une armée qui a un pays ». Remplacez « armée » par « multinationale », et le constat est le même. Les multinationales sont tellement puissantes qu'elles sont devenues l'État. La semaine dernière, en commission, nous avons évoqué le problème des pavillons des bateaux, ce sujet étant dans l'actualité de ce matin, puisque la société de navigation MSC a décidé de ne plus passer par le port de Bordeaux. Il est tout à fait possible qu'Amazon rachète l'ensemble des flottes : si cette entreprise acquérait CMA CGM, Maersk et MSC, elle disposerait d'une puissance terrible. Les armateurs ont puissamment utilisé les pavillons pour pratiquer l'optimisation fiscale depuis les années 1960.

Cela donne à réfléchir sur l'avancée réelle et extrêmement intéressante de cette convention multilatérale, rapide et unique à ce niveau, me semble-t-il, dans l'histoire de la diplomatie économique mondiale. Dans le rapport au fond, il est écrit que des conventions datant de près de cent ans sont encore en vigueur ; quand on voit le numérique, on comprend qu'on a un certain retard !

« Le commerce est une guerre perpétuelle et paisible d'esprit entre toutes les nations », disait Colbert. Une guerre, oui, mais paisible d'esprit, je n'en suis pas sûr.

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