Intervention de Daniel Labaronne

Séance en hémicycle du jeudi 5 juillet 2018 à 9h30
Érosion de la base d'imposition et transfert de bénéfices — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Labaronne :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, nous examinons ce matin un texte autorisant la ratification multilatérale pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices.

Le projet BEPS pose, de mon point de vue, la question fondamentale de la territorialisation de l'impôt. La convention en question n'est pas la seule à aborder cette question. Le projet européen d'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés, ou ACCIS, à propos duquel le Parlement européen a adopté récemment deux résolutions, le fait également en constatant que les entreprises n'ont plus de frontières et qu'il faut adapter le droit fiscal international à cette nouvelle donne économique.

Je note d'ailleurs que le problème du décalage entre le territoire où se crée la richesse et celui où cette richesse est taxée se pose également au niveau de notre fiscalité locale, à travers la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – mais c'est un autre sujet.

La communauté internationale a pris conscience du fait que les règles actuelles en matière de fiscalité des entreprises ne sont plus adaptées au nouveau contexte économique. Celui-ci se caractérise par la mondialisation des échanges et l'internationalisation des entreprises. Dès lors, le territoire fiscal ne coïncide plus avec le territoire national. Face à cette limitation de la souveraineté nationale, il faut penser de nouveaux outils pour lutter contre toutes les formes d'optimisation fiscale qui conduisent à délocaliser les bénéfices là où ils sont le moins taxés.

Le projet BEPS fait partie de ces instruments multilatéraux nouveaux, innovants, ambitieux. Il va permettre de transformer très rapidement nos conventions bilatérales sans que cela ne nécessite pour chacune l'ouverture de négociations, ce qui représente un gain de temps considérable. Nous devons nous en féliciter.

Toutefois, il conviendra que le Parlement soit informé des évolutions liées à cette convention. Celles-ci pourront concerner les nouvelles conventions bilatérales que la France choisirait de notifier ou les modifications des réserves et options qu'elle engagerait. Madame la secrétaire d'État, je veux saluer ici l'engagement du Gouvernement à tenir le Parlement informé, mais aussi à accompagner les opérateurs économiques en les avertissant de leurs nouvelles obligations fiscales dans ce cadre multilatéral.

Ce projet démontre que, face à la disparition des frontières et à la perte de souveraineté nationale dans le champ fiscal – celui qui nous intéresse ici – , seuls le multilatéralisme et la coopération internationale peuvent nous permettre de retrouver des marges de manoeuvre concourant à une nouvelle forme de souveraineté.

C'est dans cet esprit que la France a joué un rôle moteur dans les négociations concernant le projet BEPS de l'OCDE et le projet ACCIS européen, mais également le projet de taxation des GAFA. Elle a pris des initiatives et s'est voulue exemplaire dans les discussions sur ces trois projets. Je veux saluer cette attitude, qui renoue, d'une certaine façon, avec la vocation universaliste de la France, appliquée ici à un domaine particulier de notre diplomatie : je veux parler de la diplomatie fiscale.

La France, dont le réseau de conventions bilatérales est le plus étendu au monde après celui du Royaume-Uni, a choisi de notifier près de cinquante conventions fiscales, ce qui en fait l'un des pays les plus ouverts du projet BEPS. Elle a pris des options qui témoignent d'une approche ambitieuse, conforme au rôle de leader qu'elle compte jouer sur la scène internationale dans la lutte contre l'optimisation fiscale. Nul doute qu'en signant la convention, la France bénéficiera, grâce à cette ouverture et à cette ambition, d'une appréciation favorable quand elle sera en compétition avec d'autres pays pour accueillir de nouveaux investissements directs étrangers sur son territoire ou quand ses entreprises voudront s'implanter dans des États qui auront eux aussi signé le texte.

La ratification de cette convention contribue à une nouvelle forme de souveraineté fiscale dans un monde sans frontières, affirme notre vocation universelle et contribue à l'attractivité de notre pays. C'est la raison pour laquelle je vous invite à la voter.

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