Intervention de Frédéric Petit

Séance en hémicycle du jeudi 5 juillet 2018 à 15h00
Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Petit :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, chers collègues, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés apportera un soutien sans réserve à l'adhésion de la France au protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu. En 2001 était proposé aux États membres des Nations unies ce protocole issu des résolutions 53111 et 53114 de l'Assemblée générale des Nations unies ; c'était l'aboutissement de deux années de travaux de comités intergouvernementaux. Relevant de la convention de Palerme, dont la France a déjà ratifié les deux premiers protocoles, ce troisième volet est, à ce jour, l'unique traité multilatéral légiférant dans ce domaine. Pourtant, ce n'est qu'aujourd'hui, après presque deux décennies de difficultés techniques de mise en oeuvre, que nous sommes appelés à le ratifier.

Dans un contexte où le débat sur les armes à feu occupe le devant de la scène et où certaines politiques nationales recommandent, voire vantent le fait de mettre une arme entre les mains de chacun, il importe, comme mes collègues l'ont souligné, de dénoncer ce fléau mondial. Le trafic d'armes et aussi leur fabrication illicite doivent être combattus par tous les instruments possibles.

Ce protocole n'en est pas un parmi d'autres ; il est l'unique instrument disponible. Il est une réponse globale à un problème global. La présidente de la commission l'a dit : au Sahel, au Soudan, au Mali, la propagation des armes à feu contribue à l'instabilité de pays en proie aux conflits internes ou qui sont infectés par le terrorisme et par le grand banditisme. C'est aussi plus proche de nous que ce type de trafic se répand, par la faute d'organisations criminelles ; il est hélas ! souvent dirigé vers l'Europe et notre pays. Cela doit renforcer notre détermination et notre conviction en vue de l'adoption de ce texte.

La France est active dans cette lutte globale. Au plan national, c'est d'abord la loi du 22 juin 2011 et le régime national du contrôle des transferts d'armements ; notre réglementation interne a été faite en accord avec la vision européenne. Notre pays s'est aussi doté d'instruments tels que la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre. Il existe enfin, depuis 1998, un rapport annuel au Parlement sur les exportations d'armement. La France démontre donc sa gestion sérieuse et son contrôle ferme en vue de lutter sur son territoire contre ces trafics.

Au plan européen et international, comme cela a été longuement évoqué dans les précédentes interventions, la France s'est engagée dans ce travail de façon déterminée. Le traité sur le commerce des armes a bénéficié du soutien actif et de la participation de la France, tout comme le programme d'action des Nations unies en vue de lutter contre le trafic des armes légères et de petit calibre. Notre pays a aussi été actif dans l'élaboration de la directive européenne 91477 relative au contrôle de l'acquisition et de la détention d'armes à feu. La France joue un rôle important dans cette lutte. Elle a la capacité d'apporter son expertise, parfois en coopération avec ses partenaires européens, comme c'est le cas avec l'Allemagne en Bosnie-Herzégovine, dans le groupe de coordination sur les armes légères et de petit calibre ou dans le cadre des unités de renseignement franco-serbes dédiées à la lutte contre ces trafics.

Certes, des pays comme les États-Unis, la Russie, l'Inde ou la Chine n'ont pas encore signé ces traités, et je partage l'inquiétude de certains de mes collègues quant à l'impact de ces absences sur l'efficacité générale des accords internationaux.

En France, la procédure d'adhésion s'est heurtée, au fil des ans, à une série d'obstacles qui ont retardé notre vote. En 2002, le premier rapport interministériel concluait que la législation française et les services administratifs n'étaient pas assez préparés. Il a ensuite fallu attendre que certains règlements européens entrent en vigueur. Puis, les réunions interministérielles de 2008 et de 2010 échouèrent à lancer la procédure d'adhésion. Ce n'est qu'en 2012 que l'Europe mettra en place les outils permettant la ratification du protocole. En 2015, enfin, nos administrations se déclareront aptes à travailler sur la question, notre législation interne étant désormais en phase avec les exigences de l'accord. Le droit français a, en effet, profité du temps de ratification pour se conformer de lui-même aux dispositions que le droit international lui proposait, ce qui permet à la France, en retour, de renforcer à l'extérieur la coopération.

L'objectif est aussi de rendre plus cohérent le droit international. Nous avons débattu en commission du caractère contraignant du protocole. Certes, nous ne savons pas à quelle vitesse ces traités internationaux feront progresser la cause qui nous rassemble tous. Mais des petits pas sont faits, sans retour possible en arrière, selon le principe du cliquet que j'ai évoqué. Dans cette série d'avancées dans la lutte contre le trafic des armes légères et de petit calibre, il s'agit du premier traité contraignant. Les dispositifs actuels, comme le PoA – le programme d'action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects – , l'UNROCA – le registre des Nations Unies sur les armes classiques, l'ISACS – standards internationaux pour le contrôle des armes légères – ou l'arrangement de Wassenaar, ne l'étaient pas, mais ils pourront prolonger l'action du protocole. Il y a urgence à rejoindre les pays qui adhèrent déjà au protocole, lequel représente un arsenal d'envergure internationale convaincant, offrant aux États signataires la possibilité de coopérer non seulement contre le trafic d'armes illicite, mais aussi contre le trafic et la construction des pièces les composant et des munitions. Il permet aussi la coopération sur les traçages, les échanges d'informations, les licences d'autorisation et d'exportation ou encore la neutralisation.

C'est pourquoi, mes chers collègues, notre pays n'a que trop attendu. Notre monde en crise, plein d'une violence aveugle et d'inégalités criantes, nous impose d'adhérer sans réserve à ce protocole. Le groupe MODEM apporte bien entendu son soutien à sa ratification.

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