Intervention de Bastien Lachaud

Séance en hémicycle du jeudi 5 juillet 2018 à 15h00
Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Lachaud :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous ne pouvons qu'approuver la volonté de lutter contre la criminalité organisée et le trafic d'armes illicites, comme nous ne pouvons qu'approuver la lutte coordonnée entre les États, sous l'égide de l'ONU, contre de tels trafics.

Dans le cadre de la convention de Palerme contre la criminalité transnationale organisée, la France n'avait pas encore signé le protocole spécifique contre les armes à feu. Au 14 novembre 2017, ce protocole comptait déjà 115 États parties. Or il est important de participer aux mécanismes de lutte contre les trafics en tous genres, particulièrement d'armes, en raison de leur dangerosité parfaitement évidente.

La possession d'armes par des particuliers pose ainsi un vrai problème. On voit régulièrement aux États-Unis, où la culture des armes est particulièrement développée, des tragédies qui résultent de l'action des lobbies pro-armes et de l'inaction de l'État. Leur cause, en effet, ne peut résider uniquement dans le grave dérangement de l'esprit des personnes qui décident de tirer sur d'autres personnes par surprise, sur d'anciens camarades de classe par esprit de vengeance ou sur les clients d'une boîte de nuit d'Orlando par LGBTQI-phobie, par idéologie lâche et assassine.

Aux États-Unis, les armes à l'origine de ces drames sont le plus souvent parfaitement légales. En France, nous n'en sommes heureusement pas là. Mais la France est très loin d'être exempte de morts par armes à feu.

Si je prends le cas le plus récent porté à la connaissance du grand public, deux hommes ont été tués par balle lors d'une fusillade dans une cité de Salon-de-Provence durant la nuit de lundi à mardi, a-t-on appris de source policière. Les victimes ont été tuées par des armes lourdes. D'après l'AFP, si la piste d'un règlement de comptes devait se confirmer, il s'agirait de la quatorzième et de la quinzième personne décédées dans ces circonstances en 2018 dans le seul département des Bouches-du-Rhône. L'an dernier, on a enregistré 13 règlements de comptes mortels dans le même département, et 28 en 2016, le plus souvent sur fond de trafic de drogue.

Ce dernier cas de figure correspond à un schéma malheureusement trop répandu. Le trafic d'armes, en effet, est rarement isolé : les personnes ayant recours à des armes illégales ont évidemment d'autres activités illégales. Les trafics se nourrissent en une spirale de violence. La sphère de l'illégalité alimente une très vaste machine d'argent apparemment facile, mais qui n'en demeure pas moins sale.

J'ai récemment posé une question écrite sur le trafic d'animaux domestiques. Le sujet paraît anecdotique et dépourvu de lien avec celui qui nous occupe, mais il ne l'est pas.

D'abord, j'ai appris qu'il s'agissait du troisième trafic le plus rentable en France, après le trafic d'armes et le trafic de drogue. Un chihuahua acheté 250 euros en moyenne en Slovaquie est revendu pour 1 000 à 3 000 euros en animalerie. On estime à 700 000 le nombre de chiots vendus en France chaque année hors de tout circuit officiel. Je vous laisse calculer la quantité d'argent sale ainsi générée.

Ensuite, cet argent alimente d'autres réseaux : trafic de personnes humaines, prostitution, mais aussi trafic d'armes à feu. Il transite par les paradis fiscaux – au même titre que celui que l'évasion fiscale soustrait au trésor public – , par principe peu regardants sur l'origine des fonds. Ces derniers peuvent être soustraits à l'impôt, issus du trafic de personnes, d'armes, d'organes, de drogue : qu'importe ! Cet argent sale est brassé à nouveau et sert à financer la corruption, les entreprises terroristes et d'autres trafics.

Je rappelle à toutes fins utiles que, le 28 juin dernier, le cimentier Lafarge, accusé d'avoir financé des organisations terroristes en Syrie, a été mis en examen pour complicité de crimes contre l'humanité, financement d'une entreprise terroriste, mise en danger de la vie d'autrui et violation d'un embargo. La société est soupçonnée d'avoir versé, en passant par des paradis fiscaux, près de 13 millions d'euros pour favoriser ses achats de matières premières et la libre circulation de ses salariés et de ses marchandises. À quoi pensez-vous que l'argent versé par le groupe Lafarge ait pu servir ? La boucle de l'argent fou est ainsi bouclée.

Selon un article du Figaro, 17 000 à 25 500 milliards d'euros au total seraient dissimulés dans les paradis fiscaux, soit, pour donner un ordre de grandeur – ce qui est nécessaire, tant les chiffres sont vertigineux – , le PIB des États-Unis et du Japon réunis. Encore l'étude n'a-t-elle pas pris en compte les actifs non financiers comme les biens immobiliers, les yachts, jets, oeuvres d'art ou bijoux : elle a exclu ces avoirs et s'est fondée notamment sur des chiffres de la Banque mondiale.

La date est toute trouvée pour parler des riches : le magazine Challenges publie aujourd'hui même son classement annuel des fortunes. Le patrimoine des 500 premières fortunes françaises approche les 650 milliards d'euros, soit 30 % du PIB de la France. Un pognon de dingue, comme diraient certains !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.