Premier argument massue : celui de l'état de nos réseaux, avec la nécessité d'investir pour les améliorer et la capacité supposée de mutualiser ces investissements par le passage à la case « intercommunalité ». Je vous le demande très directement, madame la ministre, mes chers collègues : en quoi les moyens dévolus à l'eau et à l'assainissement seront-ils supérieurs alors même que les moyens de nos communes comme de nos intercommunalités sont progressivement asséchés par les choix budgétaires de la majorité, alors même que les intercommunalités fusionnées n'arrivent pas aujourd'hui à avoir la moindre visibilité budgétaire, et alors même que le Gouvernement instaure le retour de la tutelle de l'État sur les dépenses de fonctionnement ? Quelle hypocrisie que cet argument ! Quelle hypocrisie quand, dans le même temps, vous prélevez sans vergogne les moyens des agences de l'eau destinés aux acteurs de l'eau que sont les collectivités pour renflouer le budget de l'État et multiplier les cadeaux fiscaux aux plus riches !
Second argument massue : le mythe de l'échelon pertinent que serait l'établissement public de coopération intercommunale, l'EPCI. Je l'ai déjà dit, cet argument est totalement démonté dans les faits, sur le terrain. Il y a des situations très diverses, avec des coopérations intercommunales très différentes les unes des autres, mais construites patiemment par l'intelligence de milliers d'élus locaux.
Soudainement, une intelligence supérieure, jupitérienne peut-être, serait donc apparue pour démontrer que des réseaux non interconnectés et situés sur des bassins-versants différents seraient mieux gérés à une échelle qui ne correspond pas aux réalités du terrain. On croit rêver, madame la ministre ! Comme vous le dites d'ailleurs vous-même, les élus municipaux n'ont pas attendu pour coopérer en matière d'eau et d'assainissement, en fonction des caractéristiques du territoire et de la ressource en eau disponible, afin de répondre au mieux aux besoins des habitants – et c'est justement parce que vous le savez très bien que je ne comprends pas votre enfermement dans des positions de principe totalement erronées.
J'en prendrai un seul exemple, parmi tant d'autres, qui m'a été transmis par Jean-Claude Dufrègne, qui a été président du Conseil général de l'Allier et sait quelle est la réalité du terrain. Dans le domaine de l'eau et de l'assainissement, dit-il, l'Allier est un département exemplaire – il en est fier, et il a raison. Quinze syndicats, pour la plupart sous forme de syndicat intercommunal à vocations multiples – SIVOM – , assurent, sous maîtrise publique, la distribution de l'eau et la gestion de l'assainissement, avec un excellent rapport qualité-prix. Ces syndicats sont regroupés autour d'un syndicat départemental qui assure l'interconnexion entre les différentes structures. Toute cette organisation fonctionne très bien : pourquoi changer ce qui fonctionne bien ? Sans doute pour faciliter, à terme, un transfert des biens vers le privé, qui voudra bien évidemment un retour financier, au détriment de la qualité du service, du prix et des conditions de travail et des statuts des personnels.
Malgré ces arguments, notre débat du jour risque de s'enfermer dans les non-dits et les faux arguments, au lieu de répondre clairement à la demande quasi unanime des élus locaux qui souhaitent revenir, dans ce domaine, sur la sinistre loi NOTRe.
Bien sûr, je vous comprends : depuis la Conférence des territoires, vous avez cherché une petite porte de sortie – en Auvergne, on appellerait cela un « fenestrou » – , avec de jolis mots comme « dialogue », « écoute » ou « compromis équilibré ». Vous en êtes aujourd'hui à promouvoir de énièmes « consultations des élus » et « assises de l'eau », …