Intervention de Dominique Potier

Réunion du jeudi 28 juin 2018 à 21h10
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Les amendements CL557 et CL558 visent à prévoir, à l'article 34 de la Constitution, que la loi détermine les mesures propres à assurer que l'exercice du droit de propriété et de la liberté d'entreprendre respecte le bien commun – c'est l'amendement CL557 – ainsi que l'intérêt général – c'est l'amendement CL558. En d'autres termes, il s'agit pour la loi de déterminer les conditions dans lesquelles les exigences constitutionnelles ou l'intérêt général justifient des limitations à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété.

Le groupe Nouvelle Gauche, qui a déposé ces amendements, a été rejoint dans son combat par des parlementaires d'autres formations politiques. Les dispositions proposées s'inspirent de l'expérience tirée de l'observation de certaines lois adoptées durant la précédente législature, notamment de la loi Sapin 2, qui prévoyait des dispositions destinées à lutter contre le dumping fiscal, mais aussi d'une loi votée en mars 2017, relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle. À plusieurs reprises en effet, nous avons été confrontés à la mise en oeuvre d'une sorte de verrou constitutionnel invoquant une sorte de sacralisation du droit de propriété et de la liberté d'entreprendre – ce qui nous paraît totalement déplacé, en ce que l'application d'un tel principe a pour effet de protéger les puissants contre les faibles et contrevient en cela à l'esprit des Lumières, qui avait fait de l'émancipation et du droit des sociétés une liberté, certes, mais une liberté pour tous, et non un principe favorisant le despotisme de la toute-puissance économique des multinationales, qui s'abritent derrière leur statut de société pour mieux se permettre de déroger au droit commun.

Nous proposons une réforme mesurée, qui permette de rouvrir le débat démocratique et de rendre droit à cette réforme constitutionnelle. Le grand sujet du XXIe siècle, ce n'est pas le nombre de députés ou de sénateurs, mais l'équilibre à trouver entre la puissance publique et la puissance privée : en l'occurrence, la Constitution actuelle aboutissant à une limitation de la puissance publique destinée à favoriser le bien commun et l'intérêt général, nous devons saisir l'occasion qui nous est donnée de la réformer.

La portée de ces amendements est telle qu'ils ont été soutenus par une tribune signée par cinquante intellectuels, dont de nombreux constitutionnalistes ayant fait le constat de cette déformation de l'esprit de la Révolution française et de la Constitution de 1958. Pour eux comme pour nous, cette réforme mesurée serait à même de redonner au Parlement sa pleine capacité de délibérer et de concourir à l'égalité des droits devant l'impôt et la possession de biens communs – je pense notamment au foncier et au renouvellement des générations.

Je reviens tout juste du forum Planet A qui vient de se tenir à Châlons-en-Champagne avec la participation de Benoist Apparu et de nombreux parlementaires, et où il a été affirmé à maintes reprises que l'enjeu des biens communs, consistant notamment à nourrir la planète, ne peut pas s'effondrer devant la toute-puissance privée telle que la défend actuellement notre Constitution.

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