Intervention de Marc Fesneau

Séance en hémicycle du mardi 10 juillet 2018 à 15h00
Démocratie plus représentative responsable et efficace — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Fesneau, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Ne vous énervez pas, monsieur Schellenberger !

Cet élément est la maîtrise du temps parlementaire, car bien faire la loi, c'est pouvoir anticiper les textes pour mieux exercer notre travail en commission ; bien faire la loi et mieux exercer notre mandat de parlementaire, c'est disposer d'un calendrier stabilisé et non ballotté ; bien faire la loi, c'est pouvoir l'évaluer.

L'article 3 instaure donc une irrecevabilité préalable. En supprimant cet article, la commission a sans doute signifié que cette capitis diminutio était excessive. Le Parlement est aussi un lieu de discussion et entend le rester. Avec les rapporteurs, nous présenterons à l'Assemblée nationale des amendements visant à amodier cette disposition et à lui donner un peu de souplesse, sans pour autant sacrifier son objectif d'efficacité.

C'est tout le sens de l'intervention que j'avais faite en commission : il s'agit de réguler, comme le font déjà nos collègues sénateurs, et de maintenir dans ses fondements, conformément à l'esprit du constituant de 1958, ce droit – certes pas unique, mais essentiel – d'expression parlementaire.

Dans le même esprit et pour conserver le caractère politique de nos débats, nous proposerons de rendre possible la tenue d'un débat d'orientation sur un texte avant son examen en commission, manière d'anticiper, de compléter ou d'enrichir, selon les cas, la discussion générale.

L'article 4 permet de concentrer en commission les amendements sur certains textes, en préservant le caractère décisif de la séance publique sur l'ensemble. C'est ce que pratique déjà le Sénat et ce que nous faisons, pour partie, sur les conventions internationales notamment. Il reviendra au législateur organique d'en encadrer les modalités et de donner toutes les garanties nécessaires à l'opposition et même à la majorité.

L'article 5 prend acte d'un fait évident pour tout observateur : la navette est excessivement longue. Pour cette raison, le Gouvernement souhaite réduire les nouvelles lectures après la commission mixte paritaire. Pourquoi pas, dès lors que le droit d'amendement des députés reste plein et entier ? La commission, pour sa part, propose de mettre le droit en accord avec la pratique, en posant le principe d'une lecture devant chaque chambre avant convocation de la commission mixte paritaire, la déclaration d'urgence par le Gouvernement n'ayant plus pour fonction que de réduire les délais entre le dépôt et le passage en séance publique.

Les articles 6 et 7, tirant les conséquences de ces dispositions, rééquilibrent le temps consacré au marathon budgétaire et social de l'automne. C'est une approche cohérente avec les points précédents. Je laisserai les rapporteurs pour avis de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, que je salue, en parler plus avant.

Enfin, le Gouvernement souhaitait dynamiser l'ordre du jour des assemblées en y inscrivant par priorité les textes économiques, sociaux et environnementaux déclarés par lui prioritaires, sous le contrôle des conférences des présidents. La commission a admis les difficultés posées par un ordre du jour engorgé mais a souhaité limiter cette priorité à deux textes par session pour conserver sa cohérence au calendrier parlementaire.

Au demeurant, les rapporteurs proposeront de changer de braquet et de revoir plutôt l'organisation globale de notre travail, en basculant sur un système réservant trois semaines au Gouvernement et une aux assemblées, tout en ménageant des espaces pour que les parlementaires puissent également exercer les autres activités, ô combien nombreuses, précieuses et importantes, liées à l'exercice de leur mandat.

En outre, la commission a demandé au Gouvernement de faire sa part : disposer d'un ordre du jour prévisionnel à trois mois et du programme de travail semestriel qu'envisage l'exécutif, et pouvoir solliciter le Conseil d'État pour faire expertiser des amendements et les sécuriser juridiquement, y participe.

J'en viens à la fonction de contrôle, sur laquelle la commission a également particulièrement travaillé. Nous proposons notamment deux évolutions : d'abord, que le ministre compétent vienne systématiquement rendre compte de l'application d'une loi devant la commission six mois après sa promulgation ; ensuite, que les pouvoirs d'enquête dont bénéficient les organes de contrôle des assemblées – auditionner, accéder aux données nécessaires, se faire communiquer tout document utile – soient inscrits dans la Constitution. Cela nous permettra, au stade de la loi organique, de nous doter de l'agence d'évaluation que nous appelons de nos voeux. Tel est le sens de la rénovation de la procédure parlementaire que nous vous proposons, qui modernise notre République sans en saper les fondements – elle vise plutôt à y revenir.

J'en viens aux trois derniers articles du projet de loi, qui traduisent l'ambition du Président de la République de permettre aux territoires de se différencier, afin que la République reconnaisse enfin leur diversité. Franchir une nouvelle étape, après trente années de décentralisation, constitue un enjeu central. Nous distinguions, sur nombre de bancs de cet hémicycle, l'impasse dans laquelle nous nous trouvions : celle de l'adaptation de nos règles aux situations locales. Cette incapacité nourrissait le sentiment de rigidités excessives et, plus profondément, l'impression de désintérêt pour les réalités locales et leur prise en compte. Il nous fallait franchir une nouvelle étape.

L'article 15, pour les collectivités de droit commun, tire les conséquences de l'échec du constituant de 2003 et de la procédure d'expérimentation qu'il avait imaginée. Toutes les adaptations n'ont pas vocation à fonctionner partout. « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà », disait Pascal. Nous corrigeons cette erreur en permettant la différenciation pérenne, sous réserve du respect des libertés publiques et de l'accord en ce sens de la loi ou du règlement national.

Sur l'article 16, la pédagogie engagée en commission n'a peut-être pas encore porté tous ses fruits. Je veux répéter que sa grande innovation se trouve, au-delà même de l'inscription, réclamée depuis si longtemps, de la Corse dans la Constitution, dans le deuxième alinéa du dispositif proposé. Nous nous donnons les moyens de répondre aux spécificités physiques du territoire, tout en réaffirmant que nous vivons tous sous la même loi. Ce n'est pas rien : les territoires sont différents mais la République reste indivisible.

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