Nous devrons étudier au cours de l'examen de ce texte trente amendements en lien avec le numérique, défendus ou cosignés par un total de 380 députés issus de six groupes et de sensibilités politiques différentes. Nous avons reçu beaucoup d'experts du numérique, des constitutionnalistes, des acteurs de la société civile. Ils ont pris position et il n'y a pas de doute : c'est un des grands enjeux de notre génération, et il est temps de l'intégrer dans notre texte constitutionnel.
Ces amendements présentent plusieurs dispositifs. Pourquoi, en ce qui nous concerne, défendons-nous une charte ? Parce que nous devons affirmer un ensemble de droits et libertés liés au numérique qui soit cohérent, non éparpillé dans le texte ; un ensemble qui mette en avant une vision française du numérique, un cadre pour notre action législative et publique dans un secteur qui se développe sans arrêt et parfois de façon chaotique. Nous voulons défendre un tel cadre sur le plan international alors qu'il est contesté par les États-Unis et par la Chine notamment.
L'accès au numérique et la maîtrise de ces outils est devenu aujourd'hui une condition préalable à l'exercice effectif des droits et des libertés fondamentales : la liberté d'expression, la liberté d'entreprendre, l'accès au savoir, l'accès aux services publics. Si nous ne nous consacrons pas à ce noyau dur de droits, une citoyenneté à deux vitesses se mettra en place.
Sans un droit d'accès à internet et un droit d'éducation au numérique, par exemple, la dématérialisation intégrale des services publics laissera des citoyens de côté. N'oublions pas que 13 millions de Français éprouvent des difficultés dans ce domaine.
Si nous ne consacrons pas encore la neutralité du net dans la Constitution, nous pourrons revenir en arrière en fonction des aléas politiques, comme ce fut le cas aux États-Unis. Nous mettrions ainsi en cause les principes même qui ont fondé internet, qui le font vivre aujourd'hui tel que nous le connaissons : l'ouverture, la neutralité, la non-centralisation. Nous nous exposerions à « casser internet », selon l'expression consacrée par les spécialistes du numérique et les nombreux citoyens qui se sont mobilisés aux États-Unis notamment à ce sujet.