Cet amendement est motivé par trois principes, qu'il nous est apparu important de réaffirmer à l'issue des travaux menés en commission. Premièrement, nous souhaitons inscrire dans la Constitution la dimension territoriale de notre République, alors qu'elle n'y figure qu'imparfaitement jusqu'à aujourd'hui, puisque ce principe, quand il est mentionné, ne vise que les outre-mer ou a trait à l'intégrité territoriale – ce dernier sujet n'ayant pas de lien direct avec notre objectif. Deuxièmement, nous entendons faire reconnaître la diversité des territoires, en tirant d'une certaine façon par avance les conséquences du droit à la différenciation, inscrit ou approfondi – car on ne part pas de rien – dans les articles 15, 16 et 17 du projet de loi, que nous examinerons, je l'espère, dans quelques jours. Ce droit à la différenciation a pour objet de permettre à nos collectivités locales de mieux adapter la répartition de leurs compétences ou l'exercice de celles-ci à la réalité locale. Troisièmement, nous voulons lier la volonté de reconnaissance de la diversité au processus de décentralisation, à l'oeuvre depuis des décennies.
C'est bien la décentralisation, en ses différentes étapes et en ses différents aspects, qui est consacrée au travers de cette proposition. La décentralisation est certes un mode d'organisation des pouvoirs publics, mais elle a été conçue, développée et amplifiée dans un dessein à la fois beaucoup plus profond et beaucoup plus politique : celui de répondre, dans l'unité de la République, à la volonté des territoires et de leurs élus de disposer de plus de liberté pour se saisir plus efficacement des questions qui les concernent, pour tenir compte de la diversité de leurs difficultés et de leur potentiel, en un mot pour pouvoir enfin prendre leur destin en mains. Aujourd'hui, la République est décentralisée, de plus en plus décentralisée. Ce n'est pas seulement la marque d'une organisation administrative, mais aussi d'un choix politique, d'une valeur partagée et d'une confiance en nous-mêmes à faire vivre à la fois cette diversité si précieuse et cette unité si nécessaire. Elles peuvent être combinées : tel est le sens de l'amendement qui vous est proposé. Il me semble qu'il va dans le sens des objectifs poursuivis par nombre de nos collègues qui, au travers de leurs amendements, cherchent à promouvoir la reconnaissance des territoires et de leurs différences, de façon qu'ils puissent mieux exprimer ce qu'ils sont au sein de la République. Pour le résumer en une phrase, la décentralisation, c'est la gouvernance de la diversité. C'est ce principe que cet amendement vise à mieux cerner.
Permettez-moi de conclure par deux citations. Le général de Gaulle affirmait, il y a cinquante ans : « L'évolution générale porte en effet notre pays vers un équilibre nouveau. L'effort multiséculaire de centralisation, qui fut longtemps nécessaire pour réaliser et maintenir son unité malgré les divergences des provinces qui étaient successivement rattachées, ne s'impose plus désormais. Au contraire, ce sont les activités régionales qui apparaissent comme les ressorts de la puissance économique de demain. » Pour sa part, Pierre Mauroy déclarait, dans son discours de politique générale du 8 juillet 1981 : « Une France responsable, c'est aussi un pays qui doit désormais enraciner l'unité de la République dans la diversité et la responsabilité de ses collectivités locales. Il s'agit donc de faire disparaître l'image d'une France centralisée à l'extrême, enfermée dans la rigidité de ses textes, de ses règlements et de ses circulaires. »
C'est dans ce débat, à la fois multiséculaire et plus récent, entre centralisation et décentralisation que nous nous inscrivons. Nous assumons et prolongeons l'histoire que d'autres ont portée avant nous. Nous accordons simplement à ces principes équilibrés la part qui nous paraît nécessaire dans les temps que nous vivons, avec la volonté que les territoires et les citoyens s'en saisissent, et que l'État puisse, lui aussi, y prendre sa part, c'est-à-dire faire confiance. D'où cet amendement.