Le débat de rang constitutionnel renvoie à la question du droit des locuteurs, il ne renvoie pas aux politiques publiques. Lorsque je me rends en Sardaigne en ma qualité de conseiller exécutif de la Corse, chargé des transports, pour faire une délégation de service public dans un territoire transfrontalier – car on a tendance à oublier que c'est ce qu'est la Corse – j'utilise la langue corse pour m'exprimer. J'utilise l'affinité culturelle qui fait qu'étant Corse, on est Méditerranéen, et que c'est parce qu'on est Méditerranéen qu'on est Corse : tout cela s'interpénètre.
Cette richesse est utile. Une langue meurt lorsqu'elle est parlée au coin du feu – lorsqu'on estime qu'elle ne peut être parlée qu'au coin de la cheminée, en famille. Une langue n'est pas une religion ; c'est une couleur de peau, c'est une identité profonde, c'est un rapport au monde, donc à la sphère publique.
Si l'on ne donne pas de statut à une langue, si l'on ne donne pas à ses locuteurs la possibilité s'exprimer, ce qui ne correspond pas forcément à une obligation pour les autres de l'utiliser mais est une marque de respect pour ceux qui la parlent, pour ceux qui rêvent dans cette langue, pour ceux qui veulent interpeller leur cousin germain sarde – pour prendre l'exemple du corse ou du toscan – , bref si l'on interdit son usage dans la sphère publique, on condamne à mort cette langue et, ce faisant, c'est une identité qu'on condamne à mort. Tous les linguistes le disent : sans un statut public qui permette de respecter le droit du locuteur à sa langue, une langue ne peut survivre. C'est une réalité historique incontestable.
Cela grandirait la République française que de faire ce saut ; ce serait un grand progrès pour elle.