Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du vendredi 13 juillet 2018 à 9h30
Contrôles et sanctions en matière de concurrence en polynésie française et en nouvelle-calédonie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté vise à ratifier l'ordonnance no 2017-157 du 9 février 2017. Il étend et adapte à la Polynésie française certaines dispositions du livre IV du code de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence. Disons-le tout de suite : nous sommes favorables à ce projet de loi, d'abord parce qu'il répond à la demande des Polynésiens eux-mêmes.

En effet, en novembre 2014, l'Assemblée de Polynésie a demandé par une résolution que le Gouvernement prenne une ordonnance afin d'aligner le statut et le fonctionnement de l'Autorité polynésienne de la concurrence, sur celui de l'Autorité métropolitaine de la concurrence. Comme vous le savez, la répartition des compétences entre les lois de pays et les lois nationales ne permettait pas à la Polynésie seule d'aligner ce statut. La longue attente de cette ordonnance par les Polynésiens – deux ans – nous commande d'être responsables et efficaces.

L'Autorité polynésienne de la concurrence autorise les opérations de concentration économique. Elle contrôle et sanctionne les pratiques anticoncurrentielles. Elle émet des avis et des recommandations sur les questions de concurrence. Enfin, elle autorise toute création ou extension de surface commerciale. Cette autorité administrative indépendante, de droit local, accomplit donc selon nous une mission précieuse : celle de veiller à ce que la concurrence n'obéisse pas à la loi du plus fort. Nous ne connaissons en effet que trop bien les effets toxiques d'une dérégulation totale de l'économie.

Depuis 2012, l'Autorité de la concurrence dispose pour les départements et régions d'outre-mer, ainsi que pour les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, de l'injonction structurelle. Cette faculté permet à l'Autorité de la concurrence d'enjoindre à des entreprises en situation de position dominante, en dehors de toute exploitation abusive de cette position dominante, donc en l'absence de toute infraction au droit de la concurrence, de remédier à des « préoccupations de concurrence » qui résulteraient selon elle de cette situation. Elle lui permet notamment d'enjoindre à une entreprise de modifier ou de résilier les contrats qui sont à l'origine de sa puissance économique, et même de céder des surfaces commerciales dans des délais assez brefs.

La France insoumise est favorable à une mesure qui permet d'empêcher la concentration du pouvoir économique et de briser des monopoles privés. Par conséquent, l'article 1er, qui complète les pouvoirs de l'Autorité polynésienne de la concurrence sur le modèle de ceux de l'Autorité française de la concurrence, nous semble un débouché logique de notre position politique.

Nous sommes aussi disposés à calquer les règles du recours juridictionnel sur le droit métropolitain, comme le propose l'article 2.

Nous n'ignorons pas que l'Autorité polynésienne de la concurrence a été un sujet de débat. La récente tentative de modifier son fonctionnement en vue de réduire ses pouvoirs en matière de lutte contre les monopoles privés l'atteste. Ces débats appartiennent aux Polynésiens, puisqu'ils s'inscrivent dans des domaines qui relèvent de la compétence propre de la collectivité. Toutefois, dans le cadre des compétences relevant de l'État, nous pourrions envisager de supprimer le secret du délibéré de l'APC. Cette mesure permettrait aux Français de Polynésie de prendre connaissance des raisons motivant les décisions de l'APC. Puisque ces décisions ont un impact direct sur la vie quotidienne en Polynésie, notamment sur la hausse des prix, il nous paraît raisonnable, et même souhaitable, que le peuple puisse constater par lui-même les motivations de telle ou telle décision, dans le droit fil de la plus grande implication citoyenne que nous appelons de nos voeux.

Dans la même logique, nous pourrions également rendre public le vote de chacun des membres du collège, car si le secret du délibéré est un principe général du droit, il empêche le peuple de comprendre le sens d'une décision. N'oublions pas que la fin du secret du délibéré fut une conquête révolutionnaire, obtenue en 1791 pour s'assurer que les magistrats avaient bien la main ferme contre les entreprises voyous, et qu'il ne fut rétabli qu'en 1795.

Il me semble que l'article 3 du présent projet de loi, qui impose une déclaration de patrimoine et d'intérêts aux membres de formations « sanction » de l'APC, va précisément dans ce sens. Puisqu'il permet d'éviter les collusions entre magistrats et secteur privé, nous y sommes favorables. Toutefois, comme je l'ai dit, cette logique demanderait à être approfondie.

En conclusion, nous voterons donc pour ce projet de loi, afin de répondre aux demandes des Polynésiens en matière d'encadrement de la concurrence.

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