La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie (no 1139).
La parole est à Mme Catherine Kamowski, rapporteure de la commission mixte paritaire.
Madame la présidente, madame la ministre des outre-mer, madame la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, mes chers collègues, je reviens devant vous pour la seconde fois, et très brièvement, car ce projet de loi ne suscite ni difficulté ni opposition.
Son principal objet est de ratifier une ordonnance relative au droit de la concurrence en Polynésie française, qui apporte des compléments à la loi du pays dans les domaines relevant de la compétence de l'État. Sur ce point, il n'y avait aucune réserve à formuler, tant et si bien que nos deux assemblées ont déjà séparément voté conforme cette ratification, à l'unanimité. La promulgation doit intervenir avant le 10 août pour respecter les prescriptions de l'article 74-1 de la Constitution.
Nos versions différaient en revanche légèrement s'agissant des articles ajoutés par le Sénat en première lecture. Une commission mixte paritaire s'est donc réunie le 4 juillet pour s'accorder sur la version qui vous est proposée aujourd'hui.
En préambule, et avant de détailler les apports du texte final, je souhaite me féliciter du travail entre les deux assemblées. Les échanges avec la rapporteure du Sénat, Mme Catherine Troendlé, ont été francs mais chaleureux et tout à fait fructueux, car ils nous ont permis de parvenir, sous l'autorité bienveillante de nos présidents de commission respectifs, à aplanir les différences d'appréciation de nos deux assemblées, afin de sceller un accord profitable à tous, en Polynésie française comme en Nouvelle-Calédonie. En cela, l'ensemble du processus de discussion sur ce texte a été exemplaire des relations de travail productives et positives qui peuvent s'établir entre nos deux assemblées, quand l'intérêt général est ce qui nous anime prioritairement.
Je tiens aussi à souligner à quel point les discussions que j'ai eues les députés ultramarins de tous les bancs de cette assemblée m'ont permis de mieux comprendre les tenants et aboutissants de la situation très particulière, voire singulière, de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie. L'ouverture, la disponibilité et le soutien de nos collègues sont pour beaucoup dans l'issue positive donnée tant au travail de l'Assemblée nationale qu'à la négociation avec nos collègues du Sénat.
J'en viens maintenant aux détails du texte. L'article 2 a été adopté dans la rédaction de notre assemblée. Il permet, je le rappelle, la coopération entre les différentes autorités de la concurrence, qu'elles soient nationale ou ultramarines, et traite des voies et délais de recours contre les décisions de l'Autorité polynésienne de la concurrence – APC.
L'article 3 a, lui, été adopté dans la rédaction du Sénat. Nous avions souhaité que soient également soumis aux obligations de déclaration auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique – HATVP – les rapporteurs généraux des deux autorités ultramarines, qui disposent de prérogatives notables, et qui n'étaient pas mentionnés dans la loi Sapin 2. Le Sénat a finalement souhaité que ces corrections soient effectuées en bloc, et non pas à pas. C'est une option que nous n'avions pas privilégiée, mais à laquelle nous nous sommes ralliés.
Enfin, l'article 4 est le fruit d'amendements identiques défendus par M. Philippe Gomès, député de la Nouvelle-Calédonie, et moi-même, qui visaient à étendre à la Nouvelle-Calédonie le recours aux procédures et techniques d'enquête prévues, depuis 2009, par le droit national de la concurrence. Le Sénat a fait droit à cette proposition pragmatique, qui permet de résoudre les difficultés ressenties sur le terrain.
Mes chers collègues, j'ai fait au plus bref. Avant de vous inviter à adopter ce texte, je souhaite insister sur la singularité des situations de la Polynésie et de la Nouvelle-Calédonie dans la République, à laquelle j'espère que nous allons apporter une solution ad hoc. À l'avenir, il nous faudra veiller, lors de l'adoption de nos textes, à intégrer les dispositions particulières à ces territoires, ainsi qu'en dispose l'article 74 de la Constitution. C'est parfois dans le cadre de textes très techniques, voire arides, que nous construisons aussi la République ouverte et fraternelle que nous voulons, dans laquelle liberté et responsabilité se conjuguent pour obtenir le meilleur équilibre d'égalité entre des territoires différents et respectés comme tels au sein de notre République, qui n'en demeure pas moins indivisible, laïque, démocratique et sociale.
Applaudissements sur tous les bancs.
Madame la présidente, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, faire vivre la concurrence dans l'ensemble des territoires de la République, tel est bien le sens de ce projet de loi. C'est une exigence forte de nos concitoyens ultramarins, qui sont confrontés au quotidien à la problématique de la vie chère.
Des facteurs structurels expliquent bien sûr le coût élevé de la vie dans les outre-mer : l'insularité, l'éloignement géographique, des structures économiques historiquement tournées vers la France métropolitaine, au détriment des productions locales ou des échanges régionaux. La petite taille des marchés conduit aussi à des déformations de leur structure ou de leur fonctionnement : monopoles, oligopoles, ententes, abus de position dominante. Or c'est toujours le consommateur qui paie, in fine, l'absence de concurrence.
La Polynésie française, en 2015, et avant elle la Nouvelle-Calédonie, en 2009, ont pris des mesures fortes pour, dans leurs champs de compétences, dynamiser davantage l'économie, protéger le consommateur et renforcer le pouvoir d'achat des ménages. L'ordonnance du 9 février 2017, prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution, et qui est soumise à votre ratification, a pour objet de prendre les mesures nécessaires afin que les autorités de la concurrence puissent exercer pleinement leurs fonctions et disposent de moyens de contrôle coercitifs adaptés.
Le Sénat – qui a adopté le projet de loi à l'unanimité hier – a enrichi le texte pour apporter des précisions en matière de voies de recours, et pour rétablir l'obligation de transmission de déclarations de situation patrimoniale et des déclarations d'intérêts à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, pour les membres des autorités administratives indépendantes en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Dans le même esprit, l'Assemblée nationale a apporté des compléments visant à étendre les obligations de déclaration auprès de la HATVP aux rapporteurs généraux des autorités polynésiennes et calédoniennes, et à étendre également certaines techniques d'enquête dont bénéficie l'autorité nationale de la concurrence à l'Autorité calédonienne de la concurrence. Je salue, à cet égard, l'investissement des députés Philippe Gomès et Philippe Dunoyer.
Il fallait, par ailleurs, respecter les délais de ratification, dans un calendrier extrêmement serré – il est vrai que beaucoup de temps avait été perdu avant. Le sujet a été évoqué hier au Sénat, et je sais que vous êtes nombreux sur ces bancs à partager le même objectif : je tiens donc à souligner le souhait du Gouvernement de réintroduire la pratique de l'élaboration de textes réguliers permettant de traiter des adaptations du droit dans les outre-mer. Je sais que Mme Sage, en particulier, partage cette ambition.
Le projet de révision de l'article 73 de la Constitution inclut d'ailleurs la mise en place d'un projet de loi de ratification des normes élaborées par les collectivités – si elles se saisissent de cette faculté. Comme cela a été indiqué également dans le livre bleu, ce vecteur législatif pourrait être « une opportunité pour l'ensemble des territoires d'obtenir des modifications de normes, afin de prendre en compte plus rapidement : les articles d'homologation de peines pénales décidées par les collectivités de l'article 74 ; les mesures d'adaptation juridique qui auraient été sollicitées par des collectivités hors champ des habilitations ; les mesures d'adaptation outre-mer des lois récentes, pour lesquelles la question des dispositions particulières n'a pu être traitée à temps, compte tenu des calendriers contraints de validation interministérielle ou d'adoption parlementaire ». Nous pourrions travailler ensemble pour traiter beaucoup plus rapidement ces sujets, pour répondre aux besoins des territoires et, surtout, aux attentes de nos concitoyens.
Nous mettons donc un point final à l'examen du présent projet loi. Merci à tous ceux qui y ont travaillé, au Sénat comme à l'Assemblée. Quand tout le monde travaille ensemble, on gagne un peu de temps.
Applaudissements sur tous les bancs.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, le droit de la concurrence fait aujourd'hui partie des éléments structurant les relations économiques. C'est un droit relativement récent, mais particulièrement vivant, grâce notamment à l'influence de l'Union européenne. La richesse de la jurisprudence européenne en la matière et le réseau des autorités de concurrence nationales ont permis la constitution d'un droit clair, stable et efficace, qui bénéficie à la fois à l'ensemble des acteurs économiques et aux consommateurs.
Toutefois, ce droit ne trouve pas à s'appliquer sur une partie du territoire français, notamment en Polynésie française. Ce marché insulaire favorise les oligopoles et les monopoles, ce qui génère des prix élevés, et n'est pas suffisamment attractif pour les acteurs économiques. Pour remédier à cette situation, il était essentiel d'instaurer des règles de concurrence. C'est pourquoi la Polynésie française, par deux lois du pays du 23 février 2015 et du 14 avril 2015, a décidé de considérablement renforcer son droit de la concurrence en créant notamment une Autorité polynésienne de la concurrence. Nous l'avons souligné lors de nos débats en première lecture : les débuts de l'APC sont plutôt prometteurs. C'est pourquoi nous pensons qu'il faut la soutenir. C'est notamment l'objet de l'ordonnance que nous allons à présent ratifier.
En effet, si le droit de la concurrence compte parmi les compétences de la Polynésie française, la loi du pays instituant un code de la concurrence local ne pouvait cependant ni inclure des dispositions relatives aux pouvoirs d'enquête des agents de l'APC ou aux contrôles, ni préciser les voies de recours applicables à l'encontre de ses décisions, l'État conservant sa compétence dans ces domaines. Afin de remédier à ces difficultés, le Gouvernement, par l'ordonnance no 2017-157, a fait le choix de compléter le droit de la concurrence en Polynésie française en comblant ces lacunes. L'ordonnance compte 14 articles, inspirés du livre IV du code de commerce et relatifs au droit pénal, aux procédures pénales et administratives, et à l'organisation judiciaire. Ils permettent de compléter et de renforcer les moyens d'action d'une APC qui se doit d'être en mesure d'assurer ses missions de contrôle et de sanction.
Le Sénat a examiné ce projet de loi de ratification en premier, et l'a utilement complété. L'article 2, ajouté par le Sénat, concerne les voies de recours contre les décisions rendues par l'APC, et comble une lacune nécessaire. L'article 3 est relatif aux obligations déclaratives auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, qui sont cohérentes avec le régime national des autorités administratives indépendantes.
De son côté, l'Assemblée nationale a ajouté, sur l'initiative de la rapporteure et de notre collègue Philippe Gomès, un article 4, relatif à l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie, afin de combler une lacune.
Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés est particulièrement heureux que la commission mixte paritaire ait pu s'entendre sur un texte de compromis. En effet, certains pensaient que les dispositions relatives à la Nouvelle-Calédonie n'avaient pas leur place dans le présent projet de loi. Toutefois, cet argument ne nous semble pas justifié, car la matière est la même et, surtout, ces dispositions répondent à une demande expresse des élus de Nouvelle-Calédonie.
Les véhicules législatifs concernant les territoires ultramarins ne sont pas nombreux, et nous pensons qu'il eût été dommage de ne pas saisir cette occasion. Nous soulignons que l'ensemble de ces ajouts constitue des outils juridiques essentiels au plein exercice des missions confiées à l'APC et à l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie, ainsi qu'au plein respect du droit de la concurrence dans les territoires d'outre-mer. Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe MODEM et apparentés adoptera ce texte avec enthousiasme.
Applaudissements sur tous les bancs.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues – principalement de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie ! – , merci d'être là pour ce rendez-vous important pour nos petits territoires. Après une lecture au sein de chaque assemblée, puis une commission mixte paritaire conclusive, nous arrivons au terme de l'examen de ce projet de loi important pour le fonctionnement des économies locales en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
L'objectif premier du texte était d'étendre les missions de contrôle et de sanction de l'Autorité polynésienne de la concurrence. Pour que la mise en place de cette autorité s'effectue correctement, l'État devait légiférer à son tour dans les matières que lui attribue le statut organique de la Polynésie : la procédure pénale et la protection des libertés publiques. L'ordonnance du 9 février 2017 que ce projet de loi prévoit de ratifier vise ainsi à étendre et à adapter à la Polynésie française certaines dispositions du code de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence. En adoptant ce texte, nous donnerons à l'APC tous les outils nécessaires pour qu'elle puisse mener à bien sa mission. C'est là une avancée majeure pour la construction du droit de la concurrence polynésien.
J'en viens à présent aux dispositions qui ont été introduites par notre assemblée concernant l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie. Je tiens à remercier, en mon nom, ainsi qu'au nom de Philippe Dunoyer et de l'ensemble des Néo-Calédoniens, celles et ceux qui sont intervenus dans ce dossier pour nous aider et nous soutenir, notamment Mme la ministre, au titre du Gouvernement, Mme la rapporteure et Mme la présidente de la commission des lois. Nous avons eu peur, à un moment, que ces dispositions ne finissent dans un trou noir parlementaire. Finalement, elles se trouvent dans le texte définitif, et nous en sommes particulièrement heureux, car elles sont importantes. La semaine dernière, la commission mixte paritaire est en effet parvenue à un accord et a décidé de conserver l'article 4, que nous avions fait adopter en première lecture. Je m'en félicite, car cet article représente un pas important dans la mise en place, toute récente, de l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie.
J'ai évoqué en première lecture le parcours semé d'embûches que fut la création de cette autorité, ainsi que les multiples adaptations de notre législation que celle-ci a nécessitées. L'actualité récente vient illustrer une nouvelle fois l'impérieuse nécessité qu'il y a à faciliter et développer la concurrence dans nos territoires. Les conclusions de la dernière étude de l'UFC-Que choisir sur le panier alimentaire type sont en effet extrêmement sévères pour la Nouvelle-Calédonie, puisque ce panier y est 124 % plus cher qu'en métropole. Comme on dit dans notre pays, « ça calme » quand on fait les courses. Certes, vous l'avez souligné, madame la ministre, l'insularité et l'éloignement jouent ; certes, il s'agit d'un petit marché ; certes, nos traditions commerciales font que nous nous tournons davantage vers l'Europe et vers la France que vers notre environnement régional ; toutefois, cela ne suffit pas à expliquer les différences de prix. Certains marchés sont totalement cadenassés, la concurrence y restant au stade de l'idée ; cela contribue directement à ce que les prix soient extrêmement élevés et pénalisants pour les consommateurs. Je suis sûr qu'en Polynésie, ils doivent se situer à un niveau équivalent.
L'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie aura donc du travail. Elle a d'ores et déjà démontré son utilité pour veiller au libre jeu de la concurrence. Comme le révèle son rapport d'activité, cette nouvelle institution dans le paysage calédonien a rendu treize décisions, avis ou recommandations, au titre de ses diverses compétences, au cours du premier trimestre de son existence ; elle a aussi rendu deux décisions relatives à des opérations de concentration et cinq décisions d'autorisation dans le secteur du commerce de détail.
Au-delà de ses missions consultatives et de contrôle, l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie doit jouer un rôle pédagogique : il s'agit d'inverser une tradition culturelle. Il faut donc expliquer aux consommateurs, aux entreprises et aux institutions l'importance qu'il y a à favoriser la concurrence dans notre territoire. L'Autorité doit aussi promouvoir une meilleure information en direction des consommateurs, car ceux-ci ne disposent pas dans notre pays d'une tradition les incitant à comparer les produits et à faire en sorte d'avoir le panier le moins cher possible.
Nous devons permettre à l'Autorité de mener à bien ses missions, notamment en étendant à la Nouvelle-Calédonie des procédures et techniques d'enquête en droit national de la concurrence. Tel est l'objectif de l'article 4 du projet de loi, qui permet aux agents de la direction des affaires économiques et de l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie de disposer des mêmes pouvoirs que les agents assermentés en métropole pour la constatation des infractions à la réglementation économique.
En résumé, ce texte permet de franchir une étape supplémentaire dans la voie du plein respect du droit de la concurrence en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Vous l'aurez compris : le groupe UDI, Agir et indépendants votera sans hésitation en sa faveur.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir, LaREM, MODEM et GDR.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, chers collègues, la concurrence dans les outre-mer est un sujet compliqué à traiter, car il y a là-bas des activités à forte intensité capitalistique qui viennent parfois mettre en doute la nécessité même d'une concurrence – c'est du moins l'avis de ceux qui sont du bon côté du maillet. Dans une autre vie, j'ai été chargé de la mise en place de la concurrence dans le secteur des télécommunications en Polynésie française : ce fut assez sportif. L'opérateur historique faisait en effet preuve d'une certaine inertie en la matière. J'aurais été bien content que l'APC existât.
Pour en revenir au projet de loi que nous examinons aujourd'hui, le groupe GDR votera bien évidemment en sa faveur. Ce texte améliorera la situation des Polynésiens, en introduisant des dispositifs de contrôle qui n'existaient pas. Je mettrai toutefois deux bémols.
Le premier concerne la possibilité pour le président de la Polynésie d'évoquer des affaires. Cette faculté, combinée à la disposition incluse dans l'article 9 bis de l'ordonnance, introduit par l'article 2 du projet de loi, nous semble aboutir à une situation délicate. Il faudra que nous soyons extrêmement attentifs, car cela conduira l'Autorité nationale de la concurrence à être soumise envers le président de la Polynésie aux mêmes obligations que l'Autorité polynésienne de la concurrence. En cas de demande d'assistance adressée par l'APC à l'Autorité nationale de la concurrence, celle-ci pourrait ainsi se trouver en porte-à-faux, puisque le président de la Polynésie disposera de la faculté d'évoquer l'affaire.
Le second bémol est d'ordre interne à la Polynésie. Une loi du pays a en effet été adoptée qui soustrait de l'obligation de mise en concurrence et d'information certains marchés qui pourraient être passés entre des entités qui dépendent du gouvernement de la Polynésie et un certain nombre de sous-traitants intervenant dans de grands projets. Ainsi, Tahiti Nui Aménagement et Développement – TNAD – , organisme chargé de l'aménagement qui dépend directement du gouvernement de la Polynésie, n'est pas obligé de se soumettre à l'obligation de mise en concurrence pour les marchés sur lesquels il intervient.
À l'exception de ces deux bémols, que je tenais toutefois à indiquer, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine soutiendra ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UDI-Agir.
Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté vise à ratifier l'ordonnance no 2017-157 du 9 février 2017. Il étend et adapte à la Polynésie française certaines dispositions du livre IV du code de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence. Disons-le tout de suite : nous sommes favorables à ce projet de loi, d'abord parce qu'il répond à la demande des Polynésiens eux-mêmes.
En effet, en novembre 2014, l'Assemblée de Polynésie a demandé par une résolution que le Gouvernement prenne une ordonnance afin d'aligner le statut et le fonctionnement de l'Autorité polynésienne de la concurrence, sur celui de l'Autorité métropolitaine de la concurrence. Comme vous le savez, la répartition des compétences entre les lois de pays et les lois nationales ne permettait pas à la Polynésie seule d'aligner ce statut. La longue attente de cette ordonnance par les Polynésiens – deux ans – nous commande d'être responsables et efficaces.
L'Autorité polynésienne de la concurrence autorise les opérations de concentration économique. Elle contrôle et sanctionne les pratiques anticoncurrentielles. Elle émet des avis et des recommandations sur les questions de concurrence. Enfin, elle autorise toute création ou extension de surface commerciale. Cette autorité administrative indépendante, de droit local, accomplit donc selon nous une mission précieuse : celle de veiller à ce que la concurrence n'obéisse pas à la loi du plus fort. Nous ne connaissons en effet que trop bien les effets toxiques d'une dérégulation totale de l'économie.
Depuis 2012, l'Autorité de la concurrence dispose pour les départements et régions d'outre-mer, ainsi que pour les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, de l'injonction structurelle. Cette faculté permet à l'Autorité de la concurrence d'enjoindre à des entreprises en situation de position dominante, en dehors de toute exploitation abusive de cette position dominante, donc en l'absence de toute infraction au droit de la concurrence, de remédier à des « préoccupations de concurrence » qui résulteraient selon elle de cette situation. Elle lui permet notamment d'enjoindre à une entreprise de modifier ou de résilier les contrats qui sont à l'origine de sa puissance économique, et même de céder des surfaces commerciales dans des délais assez brefs.
La France insoumise est favorable à une mesure qui permet d'empêcher la concentration du pouvoir économique et de briser des monopoles privés. Par conséquent, l'article 1er, qui complète les pouvoirs de l'Autorité polynésienne de la concurrence sur le modèle de ceux de l'Autorité française de la concurrence, nous semble un débouché logique de notre position politique.
Nous sommes aussi disposés à calquer les règles du recours juridictionnel sur le droit métropolitain, comme le propose l'article 2.
Nous n'ignorons pas que l'Autorité polynésienne de la concurrence a été un sujet de débat. La récente tentative de modifier son fonctionnement en vue de réduire ses pouvoirs en matière de lutte contre les monopoles privés l'atteste. Ces débats appartiennent aux Polynésiens, puisqu'ils s'inscrivent dans des domaines qui relèvent de la compétence propre de la collectivité. Toutefois, dans le cadre des compétences relevant de l'État, nous pourrions envisager de supprimer le secret du délibéré de l'APC. Cette mesure permettrait aux Français de Polynésie de prendre connaissance des raisons motivant les décisions de l'APC. Puisque ces décisions ont un impact direct sur la vie quotidienne en Polynésie, notamment sur la hausse des prix, il nous paraît raisonnable, et même souhaitable, que le peuple puisse constater par lui-même les motivations de telle ou telle décision, dans le droit fil de la plus grande implication citoyenne que nous appelons de nos voeux.
Dans la même logique, nous pourrions également rendre public le vote de chacun des membres du collège, car si le secret du délibéré est un principe général du droit, il empêche le peuple de comprendre le sens d'une décision. N'oublions pas que la fin du secret du délibéré fut une conquête révolutionnaire, obtenue en 1791 pour s'assurer que les magistrats avaient bien la main ferme contre les entreprises voyous, et qu'il ne fut rétabli qu'en 1795.
Il me semble que l'article 3 du présent projet de loi, qui impose une déclaration de patrimoine et d'intérêts aux membres de formations « sanction » de l'APC, va précisément dans ce sens. Puisqu'il permet d'éviter les collusions entre magistrats et secteur privé, nous y sommes favorables. Toutefois, comme je l'ai dit, cette logique demanderait à être approfondie.
En conclusion, nous voterons donc pour ce projet de loi, afin de répondre aux demandes des Polynésiens en matière d'encadrement de la concurrence.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, ce texte fait suite à une commission mixte paritaire conclusive. Le projet de loi en discussion visait à ratifier l'ordonnance no 2017-157 du 9 février 2017 étendant et adaptant à la Polynésie française certaines dispositions du livre IV du code de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence.
Il contient les mesures nécessaires pour que l'Autorité polynésienne de la concurrence puisse exercer pleinement ses fonctions et dispose notamment de moyens de contrôle coercitifs. Ces mesures concernent la compétence juridictionnelle, les cas de prescription de l'action publique, les voies de recours contre ses décisions et les sanctions encourues. L'ordonnance prévoit aussi la possibilité d'une coopération en matière d'enquête de concurrence entre l'Autorité polynésienne de la concurrence et l'Autorité de la concurrence au plan national. Enfin, il est prévu le rétablissement de l'obligation de transmettre une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d'intérêts à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique pour les membres des autorités administratives indépendantes de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française.
L'Assemblée nationale avait ajouté une disposition prévoyant que le rapporteur général des autorités de la concurrence de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie soit, tout comme les membres du collège, assujetti aux obligations de déclaration d'intérêts et de situation patrimoniale. Au stade de la commission mixte paritaire, cet article n'a pas été conservé. Cependant, l'article 4 – ajout de la commission des lois de l'Assemblée nationale – prévoit que les agents calédoniens bénéficient des avancées du droit intervenu depuis 2009, comme le contrôle des opérations faisant appel à l'informatique et la possibilité de faire l'usage d'une identité d'emprunt sur internet.
Le texte répond à une demande de la Polynésie française : conformément aux règles régissant son statut, elle a sollicité par une résolution l'adoption par l'État des dispositions relevant de sa compétence aux fins de compléter une loi relative à la concurrence et une loi du pays portant réglementation des pratiques commerciales.
Territoire insulaire, la Polynésie française est une collectivité d'outre-mer de la République. Située dans le sud de l'Océan pacifique, elle est régie par l'article 74 de la Constitution de 1958 et bénéficie d'une large autonomie administrative. Le pouvoir y repose essentiellement sur une assemblée territoriale élue au suffrage universel renouvelée en avril 2018 et possédant le pouvoir délibérant, ainsi que sur un organe exécutif, constitué par le gouvernement et placé sous le contrôle de l'Assemblée de la Polynésie.
Grâce à l'autonomie administrative dont elle bénéficie, la Polynésie dispose de nombreux aménagements législatifs. Le président de la collectivité d'outre-mer élu en mai 2018 instaure les lois et le règlement ; il possède des compétences quasi similaires au Parlement en France métropolitaine. La législation en Polynésie française est donc particulière : un droit spécifique y est déjà appliqué, permettant au législateur de définir les conditions d'application des lois et règlement et ne rendant possible l'application du droit métropolitain que sur mention expresse en ce sens.
De plus, la Polynésie dispose de « certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante intervenant au titre des compétences qu'elle exerce dans le domaine de la loi », communément appelées « lois du pays ». Ces actes interviennent dans des domaines très larges de la compétence de principe de la Polynésie et ne peuvent être contestés que devant le Conseil d'État et non devant le tribunal administratif.
Ce texte n'avait originellement vocation à s'appliquer qu'à la Polynésie française. Cependant, le Sénat a étendu l'application de l'article 2 à la Nouvelle-Calédonie…
… et cette extension a été faite pour l'ensemble du texte – une avancée saluée par l'Assemblée qui, en conséquence, en a modifié le titre.
La Nouvelle-Calédonie est également un territoire à statut particulier de large autonomie – sui generis, instauré par l'accord de Nouméa – qui diffère de la Polynésie en lui conférant non seulement une autonomie administrative mais également, dans un certain sens, une autonomie politique. À l'exception des domaines de la défense, de la sécurité et de la justice, qui restent métropolitains, la Nouvelle-Calédonie possède une autonomie pour les autres compétences régaliennes – autonomie qui constitue d'ailleurs l'une de nos préoccupations actuelles dans l'hémicycle avec l'examen du projet de révision constitutionnelle.
Comme annoncé de longue date par l'exécutif, cette réforme instituera un droit à la « différenciation » entre collectivités, après une expérimentation – ou non – afin de « permettre aux élus locaux de répondre plus efficacement aux besoins de la population présente sur leur territoire ». Surtout, le pouvoir réglementaire des collectivités d'outre-mer, prévu à l'article 73 est élargi. Si le projet de loi constitutionnelle reste en l'état, ces dernières pourront demander à être habilitées par décret en conseil des ministres à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement.
La République française doit respecter les particularités de chacun de ses territoires : si elle est une et indivisible, l'autonomie et la différenciation doivent cependant être garanties. Le contexte particulier de la Polynésie et de la Nouvelle-Calédonie aussi bien sur le plan géographique, insulaire, que politique, nous invite à faire preuve d'humilité en acceptant la particularité de ces territoires français, lesquels doivent être pris en compte avec leurs spécificités.
C'est pourquoi nous vous demandons de voter ce texte afin de permettre à ces deux territoires d'outre-mer de mettre en oeuvre ce code de bonne conduite en matière économique dès le 10 août et de poursuivre ainsi le redressement économique déjà engagé.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, UDI-Agir et GDR.
Madame la ministre, madame la rapporteure, madame la présidente de la commission des lois – chère Yaël – , chers collègues, nous faisons donc une petite parenthèse dans nos travaux concernant la révision de la Constitution mais, d'une certaine façon, il s'agit de travaux pratiques.
Nous mettons en effet en pratique l'idée selon laquelle, oui, notre République est bel et bien diverse, oui, les territoires sont différents et leurs singularités sont reconnues – peut-être pas autant que certains le souhaiteraient, mais le texte dont nous achevons l'examen ce matin prouve bien que l'unité dans la diversité a un sens, ce qui nous ramène d'ailleurs au débat un peu agité de la nuit dernière sur les termes de « décentralisation », d'« autonomie », de « reconnaissance » de la diversité. L'insularité et la singularité qu'elle constitue me paraissent vraiment très importantes et justifient pleinement une différenciation du droit applicable.
Nous nous retrouvons donc avec le texte issu de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Initialement, il s'agissait de ratifier une ordonnance du 9 février 2017 concernant uniquement le droit de la concurrence en Polynésie française, prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution. Nous avons fort justement élargi le texte – l'article en question illustre d'ailleurs bien, lui aussi, la diversité de la République.
Néanmoins, c'est l'urgence qui nous amène à saucissonner nos travaux législatifs en interrompant l'examen de la révision constitutionnelle. En effet, le texte qui nous occupe a été publié en février 2017 et il a suivi un itinéraire tel que la date butoir s'approche dangereusement – tout cela pour dire que la « fabrique de la loi », pour reprendre une formule à la mode, relève non pas uniquement des travaux parlementaires mais d'un processus, en amont, en aval, qui devrait inciter chacun à remplir sa mission et à ne pas laisser passer quelque date de péremption que ce soit. En l'occurrence, il s'agit du 10 août et, sans mauvais jeu de mots, l'ordonnance visée risque d'être dissoute si nous n'y prenons pas garde, ce qui serait tout de même assez fâcheux.
Sourires.
Le projet de loi initial contenait un article unique, visant à ratifier l'ordonnance. Des modifications ont été apportées par nos deux chambres.
Par le Sénat tout d'abord : un article 2 a été inséré, qui élève au niveau législatif des dispositions relatives aux voies de recours et à la coopération avec les instances nationales compétentes ; un article 3, qui soumet les membres et les agents les plus élevés des autorités de la concurrence de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie à des obligations de déclaration d'intérêts et de patrimoine auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique – cette manière de parallélisme avec la France continentale me semble bienvenue.
Les députés, quant à eux, ont ajouté non le grain de sel que certains évoquent parfois mais une autre valeur ajoutée – je salue celle apportée par le Sénat – , avec quelques modifications, notamment à l'article 3 : les obligations de déclaration d'intérêts et de situation patrimoniale auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ont été étendues aux rapporteurs généraux – quelques débats ont eu lieu sur ce point.
Un article 4 a été ajouté – je me tourne vers nos éminents collègues qui représentent ce territoire, les Philippe et Philippe,
Sourires
Gomès et Dunoyer, étendant à l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie certains pouvoirs d'enquête en matière de pratiques anticoncurrentielles. Cet article résulte d'amendements identiques – c'est pourquoi je l'ai salué – soutenus par nos collègues Gomès et notre éminente collègue polynésienne, Mme Sage, pour pallier un manque dont souffre cette Autorité.
Je le fais bien volontiers et j'en suis très honoré, même si je suis un modeste porte-voix : à la demande de ma collègue, qui ne pourra pas s'exprimer compte tenu de la procédure parlementaire, je salue l'ensemble des parlementaires qui ont travaillé sur ce texte, qui s'y sont associés : peu à peu, le droit de la concurrence prend corps également dans ces parties du territoire national, en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie. Je salue donc l'extension des dispositions à la Nouvelle-Calédonie, attendue depuis de nombreuses années.
Bref, sous la houlette des deux Catherine – Kamowski et Troendlé – , la commission mixte paritaire a parfaitement joué son rôle. Je me permets d'avoir un ton un peu badin avant d'en revenir à des échanges qui seront peut-être un peu plus compliqués mais cela ne signifie pas que l'on manquerait de révérence et de références, madame la rapporteure.
Je salue la sagesse des rapprochements que vous avez obtenus car ce n'était pas, me semble-t-il, absolument gagné d'avance.
Ainsi, nous pouvons avancer dans la bonne direction. La rédaction de l'Assemblée nationale a été privilégiée pour le titre et les articles 2 et 4, la rédaction du Sénat a été préférée pour l'article 3.
Pour conclure, vous l'avez compris, on ne peut que saluer un accord entre les deux chambres dans l'intérêt des deux territoires, la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire il y a quelques petites semaines, c'est avec plaisir que Les Républicains voteront ce texte qui mérite toutes les attentions.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, LaREM, MODEM et UDI-Agir.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
L'ensemble du projet de loi est adopté à l'unanimité.
Applaudissements sur tous les bancs.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix heures dix, est reprise à dix heures vingt-cinq.
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s'arrêtant à l'amendement no 1273 portant article additionnel avant l'article 1er.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 1273 , 1274 , 1812 , 2352 , 1813 , 1617 , 1414 , 1625 , 1626 , 2414 , 2405 , 2392 , 2198 , 328 , 1718 , 396 , 1415 et 1338 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1812 et 2352 sont identiques, de même que les amendements nos 328 et 1718 et les amendements nos 396 et 1415 .
L'amendement no 328 fait l'objet de plusieurs sous-amendements, nos 2489 , 2490 , 2491 , 2507 , 2485 et 2493 .
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir l'amendement no 1273 .
Cet amendement concerne un enjeu de civilisation et le grand défi de notre siècle. Il vise à constitutionnaliser les objectifs indispensables à la survie de l'espèce humaine que sont la lutte contre les changements climatiques et la préservation de la diversité biologique, le droit des générations futures et le principe de non-régression des normes environnementales.
Notre écosystème global est entré en état d'urgence écologique. La vie sur la seule planète à notre disposition est en danger. Il apparaît donc indispensable d'inscrire dans la Constitution une « règle verte », qui veut que l'on ne prélève pas sur la nature davantage que ce qu'elle peut reconstituer, ni produire plus que ce qu'elle peut supporter sur une année.
La Charte de l'environnement, intégrée en 2005 dans le bloc de constitutionnalité, a affirmé trois principes : prévention, précaution et pollueur-payeur. Ces principes ont été affaiblis, ou du moins attaqués de manière incessante, notamment par l'introduction d'un système de compensation ou l'existence de systèmes de marché tels que le marché carbone. Or on ne peut prétendre résoudre un problème en s'appuyant sur les causes de celui-ci.
La règle verte permettra d'affirmer la priorité de l'intérêt écologique sur l'intérêt économique, de renverser l'ordre de nos priorités en faveur de la transition écologique, de refuser l'appropriation des écosystèmes et d'éliminer progressivement les produits néfastes à notre santé et dommageables pour l'environnement.
Ne ratons pas, une fois encore, l'occasion qui s'offre à nous de préserver les générations futures, mais aussi l'image qu'elles auront de nous lorsqu'il faudra nous juger devant l'histoire.
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir l'amendement no 1274 .
Cet amendement de repli, sans inscrire l'expression « règle verte » dans la Constitution, vise toutefois à réaffirmer le principe de précaution vis-à-vis de notre planète.
Nous abordons une série d'amendements dont l'objet est de protéger la planète et les générations futures par l'introduction d'un principe de non-recul dans le caractère durable du développement, et en l'espèce par l'ajout du principe de protection des biens communs mondiaux. Dominique Potier, qui a beaucoup travaillé sur ce sujet, regrette de ne pas être présent mais les députés ont parfois des obligations dans leur circonscription et je me fais son interprète. Je partage bien évidemment sa préoccupation, portée par notre groupe dans son ensemble.
Les biens communs naturels et culturels sont une ancienne et nouvelle catégorie juridique qui concerne à la fois l'environnement, l'eau, l'air, la terre, le sol, les paysages et le patrimoine culturel, jusqu'au numérique. Le monde scientifique et intellectuel, que nous devons inviter à la table de notre discussion sur la Constitution, y apporte une attention particulière depuis des années. En effet, notre vie commune, notre collectivité, notre avenir dépendent de la protection dont nous saurons entourer ces biens communs qui nous relient et nous animent.
Nous avons pris conscience de notre interdépendance, plus particulièrement depuis quelques décennies. Ce que nous décidons ici a des conséquences ailleurs. La COP21, qui a réuni plus de 200 pays a traduit ces engagements. Nous sommes conscients de la fragilité de la planète et de la finitude du monde vivant. Nous ne pouvons pas, au XXIe siècle, conserver une Constitution qui n'évoque pas ce fait majeur. C'est pourquoi nous vous proposons d'y introduire, à l'article 1er, la notion de biens communs mondiaux et, avec elle, celle de l'universel et de notre interdépendance.
Nous vous proposons de porter ainsi une vision plus large, englobant ces biens communs mondiaux qui participent de notre mémoire et de notre survie.
Voter cet amendement, c'est affirmer que notre souveraineté s'exercera de manière non plus solitaire mais solidaire avec le reste du monde, que notre République est ouverte et respectueuse.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 2352 .
Il y a eu une tribune signée par des intellectuels. Il y a eu encore le pas franchi en commission par l'inscription de ce principe dans la Constitution, dont nous considérons cependant qu'il n'engage pas suffisamment l'État, la République car, pour stopper la perte de biodiversité, pour préserver l'environnement, il ne s'agit pas seulement d'écrire, comme le propose la majorité, que la France « agit ». Vous le savez d'autant mieux que le Conseil constitutionnel ne dispose d'aucun moyen pour contrôler, dans ce domaine, les moyens mobilisés. Nous vous proposons, par conséquent, d'inscrire dans le texte constitutionnel que la France « garantit la préservation de l'environnement, de la diversité biologique, du climat et des autres biens communs mondiaux ».
Sans cette précaution, l'inscription dans la Constitution ne sera que de la poudre de perlimpinpin, comme dirait le Président Macron, une mesure d'affichage peu opérante, n'ouvrant aucun droit et ne donnant lieu à aucune jurisprudence. C'est pourquoi nous souhaitons remplacer le verbe « agir » par un autre qui engage véritablement – je le propose en en appelant à la bienveillante attention du cabinet de Nicolas Hulot.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 1813 .
Cet amendement de repli est dans le même esprit : inscrire à l'article 1er de la Constitution un principe fondateur qui inclue la protection des biens communs mondiaux, ce qui nous permettrait, à l'article 34 – nous examinerons plus tard les dispositions visant à le modifier – , de faire valoir la prédominance du principe de protection au regard d'autres principes fondamentaux comme la liberté de concurrence et le droit de propriété, lesquels, en raison de l'intérêt général et de la nécessité de prendre en considération la finitude de notre planète et l'exigence de la protection du monde vivant, nous contraignent à atténuer leurs éventuels effets négatifs. Il faut maintenir ces deux principes fondamentaux, mais les réguler.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 1617 .
Nous devons saisir l'occasion de cette révision constitutionnelle pour inscrire dans la Constitution l'anthropocène, la reconnaissance des limites planétaires liées à l'épuisement des ressources, à l'accélération du réchauffement climatique, à l'effondrement – d'une violence inouïe – de la biodiversité.
Le Gouvernement a souhaité faire figurer, dans son projet de loi, la lutte contre les changements climatiques, à l'article 34 de la Constitution, mais nous avons été nombreux à démontrer que cela ne changerait pas grand-chose à la situation existante, car la question n'est pas seulement celle du domaine de la loi.
De nombreux juristes et écologistes se sont mobilisés pour inscrire ce principe à l'article 1er de la Constitution. La commission des lois a oeuvré en ce sens, grâce au soutien et à la mobilisation personnelle du ministre d'État Nicolas Hulot.
Reste la question des termes à retenir pour parachever ce progrès du droit constitutionnel.
Nous vous proposons, par cet amendement, une rédaction faisant référence à « un niveau élevé de protection de l'environnement », au climat, à la biodiversité mais aussi à la raréfaction des ressources naturelles, soit la reconnaissance des limites planétaires, et enfin au principe de non-régression pour que l'engagement de la République, dans ce domaine, ne cesse de s'accentuer. C'est le principe de la République en marche – pour l'écologie.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 1414 .
Cet amendement, très proche de celui de Mme Batho, s'appuie sur les mêmes arguments. Je salue la prochaine inscription, à l'article 1er de la Constitution, du principe de la préservation de l'environnement, de la diversité biologique et de la lutte contre les changements climatiques. Cela dit, nous devrions aller plus loin en y ajoutant le principe de non-régression, car le développement durable est devant nous et nous ne pouvons nous permettre aucun recul.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 1625 .
Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, madame la présidente, je défendrai simultanément l'amendement no 1626 .
La commission des lois a proposé de retenir le verbe « agir ». Or il ne figure nulle part dans la Constitution et nous ne pouvons donc nous référer à aucune interprétation du Conseil constitutionnel sur cette notion. L'amendement no 1625 tend à vous proposer une rédaction alternative : la République « garantit le droit à un niveau élevé de protection de l'environnement », qui plus est en « amélioration constante ».
Il est très important de retenir le verbe « garantir », qui ouvre la possibilité, en référence à l'article 61-1 de la Constitution, d'engager des questions prioritaires de constitutionnalité fondées sur l'article 1er de la Constitution.
L'amendement no 1626 est un amendement de repli. Il s'agit de proposer la rédaction la plus simple qui soit, en alternative à celle retenue par la commission des lois : « Elle assure un niveau élevé et en progression constante de la préservation de l'environnement, de la diversité biologique et d'action contre les changements climatiques ». Cette rédaction est celle qui s'approche le plus de celle qu'avait souhaitée Nicolas Hulot.
Je regrette l'absence de Mme la garde des sceaux, mais je suppose qu'elle nous rejoindra bientôt. Je suis certaine qu'en attendant, M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement pourra répondre à ma question.
Tout à fait !
La garde des sceaux nous a rappelé hier, à l'occasion d'un autre débat, que l'on ne pouvait réviser la Constitution sans en évaluer les conséquences.
En toute honnêteté, je m'interroge sur la portée juridique de la rédaction proposée par la commission des lois. Au-delà du simple affichage, je crains que les effets, au regard des dispositions de la Charte de l'environnement, soient inexistants. J'aimerais que le Gouvernement nous explique avec précision les conséquences concrètes de la rédaction adoptée en commission des lois, qui nous semble faible.
Je voudrais tout d'abord remercier la commission des lois d'avoir entendu le message d'alerte concernant la préservation de l'environnement, la lutte contre le changement climatique et accepté d'inscrire ce principe, initialement prévu à l'article 34 de la Constitution, à l'article 1er. C'est déjà un premier pas – et il est important. Certains n'y verront que de la com' ; j'y vois quant à moi des effets beaucoup plus importants pour tous ceux qui se battent en faveur de la reconnaissance de ces droits.
Néanmoins, le principe de non-régression nous paraît primordial. Je souhaite soutenir l'action de mes collègues qui, en commission, ont défendu ce principe. M. Ferrand nous a expliqué que l'on pouvait avoir une lecture inversée de ce principe. Après l'avoir entendu, il me semble au contraire encore plus important d'inscrire le principe dans la Constitution.
Notre intention est de porter l'accent, de manière irréversible, sur les droits de l'environnement. Lorsque l'on fait un pas en avant pour renforcer la protection de l'écosystème, de la diversité biologique, de l'environnement en général, il ne soit plus possible de revenir en arrière. Si vous considérez que ce n'est pas de cette manière que nous pouvons atteindre l'objectif, réfléchissons ensemble à la meilleure manière de graver ce principe dans le marbre de notre Constitution.
Par ailleurs, je partage les avis exprimés concernant l'utilisation du verbe « agir ». Beaucoup souhaiteraient renforcer la portée du principe en retenant un autre verbe – « assurer » ou « garantir ». Je soutiendrai les amendements qui y tendent.
L'amendement no 2414 vise à introduire en outre la notion de « résilience », qui est complémentaire du principe de non-régression : nous ne devons pas nous contenter de préserver, nous devons être pro-actifs, car le changement climatique, hélas, est déjà en marche. Aujourd'hui, un grand nombre de territoires subissent les conséquences de ce changement, ce qui nous impose de modifier nos comportements, de décider des politiques d'aménagement et de construction permettant la résilience à ce changement.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 2392 .
Cet amendement tend à répondre aux préoccupations déjà exprimées par d'autres députés. Il reprend la proposition initiale de M. le ministre d'État Nicolas Hulot, qui nous satisfaisait en ce qu'elle introduisait l'exigence d'un niveau élevé de protection, l'idée de non-recul dans le développement durable et utilisait le verbe « garantir ».
Beaucoup d'amendements traduisent une interrogation autour du choix du verbe. Le verbe « agir » permet-il de donner un signe suffisamment fort dès l'article 1er de la Constitution ? Ce verbe, que nous ne retrouvons nulle part dans la Constitution, ne nous semble pas opérant. Il serait préjudiciable de réserver à une question aussi fondamentale que la préservation de l'environnement un terme n'apportant les garanties constitutionnelles que nous attendons lorsque nous énonçons un principe.
Il sera très difficile pour le citoyen de démontrer l'action ou l'inaction de l'État dans la préservation de l'environnement. C'est pourquoi nous proposons également, à l'amendement no 2198 , d'employer le verbe « garantir », qui figure quatre fois dans le préambule de la Constitution de 1946, intégré au bloc de constitutionnalité.
Le droit de l'Union européenne mentionne également à plusieurs reprises dans les traités et dans la Charte des droits fondamentaux les mots « niveau élevé de protection ». Cet amendement est donc totalement en cohérence avec les engagements européens et internationaux de la France. Les mots « constante progression », qui figurent également dans l'amendement, correspondent au principe de non-régression inscrit dans le code de l'environnement : nous souhaitons le faire figurer dans la loi fondamentale pour en garantir toute la portée législative.
Je vous donne de nouveau la parole, madame Untermaier, pour soutenir l'amendement no 2198 .
Je le considère comme défendu, madame la présidente : comme je le disais, il vise à introduire le verbe « garantir ».
Sur les amendements identiques nos 328 et 1718 , je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Nous en arrivons donc aux amendements identiques nos 328 et 1718 .
La parole est à Mme Yaël Braun-Pivet, présidente et rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour soutenir l'amendement no 328 .
Cet amendement s'inscrit dans la continuité des échanges que nous avons eus et qui nous ont permis de souligner que notre souhait de ne pas rouvrir la Charte de l'environnement ne témoignait en rien, bien au contraire, d'un quelconque désintérêt pour la lutte contre le changement climatique et pour le respect de la biodiversité.
Cet amendement va dans le sens d'une meilleure prise en compte par la représentation nationale de ces enjeux majeurs et de l'urgence à agir. C'est pourquoi nous vous proposons d'inscrire à l'article 1er de la Constitution, parmi les principes fondateurs de la République, une phrase ainsi rédigée : « Elle agit pour la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques. »
Nous marquons ainsi l'importance de la préservation de l'environnement, dans toutes ses composantes, pour nous-mêmes et pour les générations futures. Chacun sait que cette préservation est l'un des plus grands défis auxquels nous devons faire face : le nombre des amendements déposés sur le sujet, sur tous les bancs de l'hémicycle, est le signe de la prise de conscience de la représentation nationale.
Le pouvoir constituant a déjà affirmé dans la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, par l'inscription de la Charte de l'environnement dans la Constitution, tout l'enjeu que revêt pour la République l'engagement qui est le nôtre. Or – cela peut paraître étonnant aujourd'hui – le climat ne figure pas dans la Charte de l'environnement ni, du reste, dans la Constitution, alors même que, comme cela a déjà été souligné, la France a été à la pointe du combat contre les changements climatiques, notamment en organisant la COP21 au terme de laquelle a été conclu l'accord de Paris.
De notre point de vue, la Constitution doit prendre acte très fortement de la volonté de poursuivre cette action. Les mots « agit pour » affirment à nos yeux la volonté d'agir, une résolution, celle de la République, et un haut niveau d'exigence. Il va de soi que la jurisprudence tirera des conséquences importantes du choix exprimé par le constituant de considérer la préservation de l'environnement, la protection de la biodiversité et la lutte contre les changements climatiques comme des priorités de la République. Comme l'a rappelé le comité Veil dans ses conclusions, il n'y a pas d'inscription dans la Constitution qui ne soit que symbolique. Chaque inscription dans la Constitution a toujours des conséquences juridiques : c'est la raison pour laquelle il convient de se montrer précautionneux à chaque inscription. Je ne doute pas que celle-ci en aura. Nous pourrons, sur tous les bancs, nous rassembler pour saluer cette réelle avancée.
Cet amendement vise à consacrer la préservation de l'environnement et de la diversité biologique parmi les principes fondateurs de notre République, ainsi que la lutte contre les changements climatiques, en l'inscrivant à l'article 1er de la Constitution, ce qui, à mes yeux, envoie un signal fort.
Nos débats montrent en effet que si, jusqu'à présent, le souhait de modifier l'article 1er de la Constitution n'a été que peu entendu, alors que nous sommes nombreux à le partager, en revanche, il nous paraît essentiel de le faire sur ce point-là. En effet, la France a su montrer sa prise de conscience et sa forte mobilisation face à ces défis qui constituent le grand enjeu du XXIe siècle, non seulement dans le cadre de l'accord de Paris, mais aussi par l'inscription de la Charte de l'environnement dans la loi fondamentale.
C'est pourquoi il paraît urgent, dans un contexte international trouble et incertain, qui voit le désengagement inquiétant de dirigeants, de consacrer ces principes à l'article 1er de notre Constitution.
Madame la rapporteure, vous souhaitez donner le moyen d'assurer un « haut niveau » de protection de l'environnement : le problème est que les mots « haut niveau » ne figurent pas dans la rédaction de la commission des lois. C'est pourquoi le sous-amendement no 2489 vise à garantir « le droit à un niveau élevé de protection ». Je tiens en effet à rappeler que les mots « niveau élevé de protection » de l'environnement figurent dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et dans tous les traités européens. Cette notion est donc parfaitement balisée et connue.
De plus, le même sous-amendement vise à substituer aux mots : « agit pour la préservation », dont nous avons déjà vu le problème qu'ils posent, par les mots : « garantit le droit à ».
S'agissant des conséquences juridiques que vous avez évoquées, madame la rapporteure, de l'inscription à l'article 1er de la Constitution de la phrase proposée dans votre amendement, je ne demande qu'à vous croire. Le constituant est toutefois fondé à vous demander et à demander au Gouvernement : quelles conséquences ? Nous devons prendre nos décisions de façon éclairée. C'est pourquoi nous ne pouvons pas inscrire dans l'article 1er de la Constitution une phrase dont on ignore l'interprétation éventuelle par le Conseil constitutionnel.
Ma question est donc la suivante : compte tenu de la jurisprudence existante, fondée sur la Charte de l'environnement, quel sera l'apport de cette phrase que vous souhaitez faire figurer à l'article 1er ? Son inscription changerait-elle l'appréciation par le Conseil constitutionnel du caractère proportionné ou disproportionné d'une atteinte à la propriété privée pour protéger le climat et permettre au législateur de prendre des décisions en ce sens ?
Je le répète : pour vous croire, j'ai besoin d'obtenir des réponses précises.
Le sous-amendement no 2490 reprend le verbe qui a été proposé par la commission du développement durable, à savoir « assurer », au lieu d'« agir ». Il convient donc de substituer aux mots : « agit pour la » les mots : « assure un niveau élevé de », toujours en référence à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Le sous-amendement no 2491 est le plus important sur le plan politique : il s'agit de faire référence à la « progression constante », c'est-à-dire au principe de non-régression. L'inscrire dans la Constitution serait un vrai progrès, car demain, si une espèce de Donald Trump était élu en France Président de la République, une telle inscription empêcherait toute régression en matière de protection de l'environnement et de la biodiversité. Elle servirait de verrou constitutionnel, garantissant une obligation non pas de moyens mais d'ambition et de résultat en matière de préservation de l'environnement.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir le sous-amendement no 2507 .
Je renouvelle ici ma reconnaissance au ministre d'État Nicolas Hulot, auquel nous devons l'inscription à l'article 1er de ce principe fondateur. Sans sa présence au Gouvernement, la Charte de l'environnement aurait peut-être déjà été détricotée.
Quelque quinze ans après l'inscription, en 2004, de cette charte dans la Constitution, le principe de la protection de l'environnement et de la biodiversité biologique et de la lutte contre les changements climatiques sera enfin inscrit à l'article 1er. C'est un moment important. Je salue cette avancée et nous voterons évidemment l'amendement no 328 .
Toutefois, nous tenons à rappeler que, si nous devons agir avec force, nous devons faire figurer dans la Constitution les mots appropriés, ce qui n'est pas le cas du verbe « agir ». Nous lui préférons le verbe « garantir », qui permettrait une approche lisible, claire et déterminée de l'État en matière de protection de l'environnement.
Ce n'est pas à la jurisprudence de déterminer, dans le futur, le sort qui doit être réservé au verbe « agir ». Il nous appartient à nous, qui sommes constituants, de mesurer les mots que nous faisons figurer dans la Constitution. Or le verbe « agir » ne figure nulle part dans la Constitution : il rendra donc, pour les juges, difficile la lecture de notre décision. Au contraire, les verbes « garantir » ou « assurer », loin de contenir un risque quelconque, garantiraient l'orientation que nous souhaitons donner à ce principe fondateur.
Je ne reviendrai pas sur le principe de non-régression, qui figure dans le sous-amendement no 2493 : je me suis déjà expliquée sur le sujet.
S'agissant du sous-amendement no 2485 , il me semble que distinguer l'environnement et la diversité biologique présente un risque. C'est pourquoi ce sous-amendement vise à préciser que la diversité biologique fait bien partie de notre environnement. Le changement d'un simple petit mot est à cet égard important : nous devons clarifier le droit sur ce point précis. En effet, depuis une semaine où cet amendement a été examiné en commission, des débats ont surgi sur le fait de savoir s'il faut différencier l'environnement de la diversité biologique. C'est pourquoi, il convient de préciser que la République « agit pour la préservation de l'environnement, sa diversité biologique ».
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 1415 .
L'amendement no 1415 est retiré.
Cet amendement est le fruit des travaux de la commission du développement durable et de son rapporteur pour avis, M. Arend. Il vise à inscrire à l'article 1er de la Constitution que la République « assure la préservation de l'environnement ».
Le constituant, en 1958, n'a pas pris en compte l'urgence écologique. Aujourd'hui, les études scientifiques rappellent que, si nous n'agissons pas immédiatement, nous serons responsables de la sixième extinction de masse de l'histoire de la planète. La moitié des espèces, végétales comme animales, pourraient disparaître avant la fin du XXIe siècle.
Face à ce constat, il est essentiel de faire de la préservation de l'environnement un principe fondamental de notre République. Ce choix est tout d'abord un symbole fort. Il place l'environnement au coeur de l'action politique, au coeur de toutes les politiques publiques. Il lui confère ainsi une portée juridique importante, puisque le juge constitutionnel peut l'invoquer, comme il le fait pour d'autres principes inscrits à l'article 1er de la Constitution. Il fait également écho à la Charte de l'environnement, qui fait partie du bloc de constitutionnalité. Enfin, il rappelle l'action internationale de la France en matière de protection de l'environnement et de lutte contre les changements climatiques, plus particulièrement l'accord de Paris. L'amendement no 1338 vise donc à affirmer la préservation de l'environnement comme un principe central de notre République.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements et sous-amendements en discussion commune ?
La commission souhaite bien évidemment l'adoption de l'amendement no 328 , qu'elle a adopté à une très large majorité à l'issue de ses débats. Elle est donc défavorable à l'ensemble des autres amendements, ainsi qu'aux sous-amendements à l'amendement no 328 .
La rédaction que nous avons adoptée est extrêmement large : elle couvre tous les domaines de l'environnement, que nous souhaitons placer au sommet des normes de notre République.
J'insiste à nouveau sur le fait qu'à nos yeux le verbe « agir » est extrêmement positif : c'est un verbe d'action.
Bien au contraire, il montre la farouche volonté de notre République d'agir pour l'environnement, au lieu de rester passive face à ces problématiques. D'ailleurs, nos politiques publiques montrent à quel point nous souhaitons mener une action extrêmement volontariste pour préserver l'environnement.
Cependant, je ne veux surtout pas présager – je ne pense pas que ce soit notre rôle – des décisions futures du Conseil constitutionnel, …
… dont la dernière décision a bien montré qu'il pouvait à tout moment invoquer chaque principe inscrit dans notre Constitution pour en tirer des conséquences.
Nous ne pouvons donc pas vous assurer aujourd'hui, madame Batho, des conclusions que le Conseil constitutionnel tirera de ce que nous allons inscrire dans la Constitution. Nous sortirions totalement de notre rôle de constituant.
La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.
Mesdames et messieurs les députés, je tiens à vous présenter mes excuses pour mon retard. Nous présentions, avec le Premier ministre, le plan de lutte contre le terrorisme – je devais évidemment être présente, puisque ce plan comporte de nombreuses mesures concernant la justice.
Je soutiens totalement l'amendement no 328 de la commission des lois, qui s'inscrit dans la logique même de l'action que la France conduit depuis longtemps en matière de protection de l'environnement, de lutte contre les effets du changement climatique et de protection de la diversité biologique. L'inscription de ce principe à l'article 1er de la Constitution est un acte de nature politique, qui s'inscrit parfaitement dans la tradition de la France.
S'agissant du débat que vous avez eu sur les verbes « assurer » et « agir », je pense, pour ma part, que le verbe « agir », proposé par la commission, se situe dans la dynamique et la puissance d'action. C'est cela qui doit primer. Je ne pense pas que le Conseil constitutionnel soit en mesure de tirer des conséquences singulières du fait que vous ayez préféré le mot « agit » au mot « assure ». Si vous retenez le mot « agit » – ce que j'espère – , le Conseil y verra la volonté d'engager quelque chose de fort et de puissant : il n'y verra pas une différence marquante, au-delà d'un strict point de vue nominaliste.
Je le répète : l'adoption de l'amendement no 328 aura, me semble-t-il, non seulement un effet politique réel, mais également un effet juridique. Bien sûr, on ne peut jamais préempter la jurisprudence future du Conseil constitutionnel, à qui il appartient de décider en toute indépendance. En revanche, si nous hissons ces trois thématiques, ces trois composantes d'une même action globale en faveur de la protection de l'environnement, au rang de l'article 1er de la Constitution, il est certain que le Conseil constitutionnel y verra des objectifs à valeur constitutionnelle et qu'il sera habilité à les mettre en balance avec d'autres objectifs à valeur constitutionnelle. Il sera là dans son rôle naturel, celui de la mise en balance, de la proportionnalité entre des objectifs de nature différente.
L'article 1er de la Constitution est à la fois un outil politique, dans la tradition française, et un outil juridique puissant qui permettra au Parlement d'agir et au Conseil constitutionnel de considérer ces trois thématiques comme des objectifs à valeur constitutionnelle qui doivent être pleinement respectés.
Pour toutes ces raisons, je donne un avis favorable sur l'amendement no 328 de la commission des lois et un avis défavorable sur tous les autres amendements et sous-amendements.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Depuis le début de la discussion de ce projet de loi constitutionnelle, notre groupe a été plutôt réservé quant à l'inscription de droits additionnels à l'article 1er de la Constitution : ainsi, nous avons voté contre la plupart des amendements qui y tendaient.
En revanche, nous sommes ici face à un enjeu majeur : celui de la préservation de l'environnement et de la lutte contre le changement climatique. En effet, si la planète devient inhabitable, tous les autres droits tombent de facto. Notre planète a 4,5 milliards d'années ; la vie y est apparue il y a à peu près 3,5 milliards d'années et une espèce, en l'occurrence l'homo sapiens, apparue il y a environ 160 000 ans, est arrivée au stade où elle peut rendre la planète invivable, inhabitable non seulement pour elle, mais aussi pour l'ensemble des autres espèces. En d'autres termes, nous pourrions arriver à l'extinction de la vie sur notre propre planète.
Nous avons donc une responsabilité écrasante, non seulement face à notre histoire, mais également face à l'histoire de la planète. La question qui se pose est de savoir comment nous assumons cette responsabilité. Sur ce point, nous avons un débat juridique. Les mots ont un sens.
Bien sûr, nous pourrions être favorables au verbe « agir » – personnellement, ce terme me convient très bien – , mais il implique une obligation de moyens et non une obligation de résultat. Le verbe « assurer », quant à lui, implique une obligation de résultat.
Je vous invite à bien y réfléchir, mes chers amis. Nous avons aujourd'hui une responsabilité en la matière. Je le répète, le verbe « assurer » implique une obligation de résultat, et c'est justement l'obligation que nous avons vis-à-vis de notre planète. Aussi, nous vous invitons à voter ces différents amendements et sous-amendements, y compris l'amendement de la commission du développement durable, pour donner à notre pays une obligation de résultat dans la lutte contre le changement climatique et la préservation de la biodiversité.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes UDI-Agir, LaREM et NG.
Mon intervention sera totalement opposée à celle de M. Becht. Il est vrai que nous débattons d'un sujet majeur, d'une idée qui a fait énormément de chemin en quinze ans – ce dont nous pouvons nous réjouir collectivement.
Nous sommes sur le point d'introduire, à l'article 1er de notre norme fondamentale, le principe selon lequel la République « agit pour la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques ». Je vous invite à rejeter les autres amendements, que je considère comme excessivement bavards. La rédaction de l'amendement no 328 est déjà très explicite.
J'en reviens au débat que nous venons d'avoir. J'ai la conviction profonde que le verbe « agir » permet d'avoir une formulation précise. En effet, l'assurance ou la garantie créerait une obligation de résultat peu réaliste et particulièrement difficile à borner. Au contraire, les effets juridiques d'une prescription d'action me paraissent très clairs : si l'on ne peut pas agir contre la préservation de l'environnement, contre la diversité biologique et pour le changement climatique, l'action à venir de l'État est déjà particulièrement bien aiguillée. Nous devons tous considérer comme un grand honneur le fait d'introduire cette prescription dans l'article 1er de la Constitution.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nul ne peut évidemment contester l'intérêt de la préservation de l'environnement. C'est à ce point vrai que nous sommes, à ce stade, le seul pays ayant inclus dans sa Constitution une Charte de l'environnement. C'est dire la place importante que le constituant a voulu donner à cette problématique.
Je crains qu'en allant plus loin, à ce stade et quelle que soit la formulation adoptée, nous nous piégions. Comme l'ont souligné Mme la rapporteure, Mme la garde des sceaux et Mme Batho, nous ne faisons pas seulement ici une oeuvre politique : c'est aussi une oeuvre juridique. Bien évidemment, le moment venu, le Conseil constitutionnel tirera toutes les conclusions de cette modification de l'article 1er de la Constitution – c'est l'objectif de certains, c'est aussi l'objet de ma réserve.
Pour parler simplement, le rôle du Conseil constitutionnel est de peser et soupeser, à la lumière des textes fondateurs, le bien-fondé ou non de certains textes législatifs. Ainsi, il va devoir concilier ce nouveau principe avec d'autres principes tels que la liberté d'entreprendre ou le droit de propriété. Je vous renvoie à la décision du Conseil constitutionnel de 1982 à propos des nationalisations et à la question prioritaire de constitutionnalité de janvier 2017, où le Conseil a bien précisé qu'il ne devait pas y avoir d'atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre.
Par la formulation retenue, quelle qu'elle soit d'ailleurs à ce stade, n'ouvrons-nous pas la voie à des conséquences dont nous ne mesurons absolument pas la portée ? Qu'il s'agisse d'une obligation de résultat ou de moyens, permettez-moi de vous alerter sur une sous-évaluation juridique concrète des termes que nous employons et sur les conséquences que le Conseil constitutionnel pourrait en tirer sur la façon dont on pourra travailler et innover dans notre pays. Cela mérite vraiment réflexion. D'ailleurs, certains députés voulaient même modifier la Charte de l'environnement afin de mieux concilier l'innovation avec le principe de responsabilité. Au-delà des termes choisis, il s'agit toujours du même débat.
Je voudrais revenir sur l'amendement no 328 et un certain nombre d'autres amendements – je me suis endormi hier soir en les lisant, ce qui me permet d'arriver frais et dispos ce matin.
Sourires.
Il m'est apparu un paradoxe dans la rédaction de l'amendement no 328 , dont les derniers mots disposent que la République agit « contre les changements climatiques ». Aujourd'hui, si l'on regarde les indicateurs, le changement climatique va dans le mauvais sens, c'est-à-dire dans le sens d'une élévation des températures et du niveau de la mer. Mais imaginons que la COP23, la COP24, la COP25 et même la COP28 finissent par porter leurs fruits et que le changement climatique aille dans le sens d'un progrès du climat. Allons-nous encore lutter contre ce changement climatique ? Cela me paraît un peu paradoxal. J'aurais donc préféré écrire que la République agit « pour l'amélioration du climat » plutôt que « contre les changements climatiques ».
Il y a quinze ans, Jacques Chirac disait : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Je crois qu'aujourd'hui, nous ne regardons plus ailleurs. Pour autant, considérons-nous suffisamment la question du climat comme une priorité ? Assurément, non. Or, si nous ne considérons pas cette question comme une priorité, ce ne seront pas nos petits-enfants ou arrière-petits-enfants, mais peut-être simplement nos enfants qui verront la maison définitivement calcinée.
Autrement dit, s'il y avait un seul sujet qui nécessitait une révision de notre Constitution, ce serait la question prioritaire de l'environnement. Voilà pourquoi nous avons déposé l'amendement no 1273 , où nous demandons d'instituer la « règle verte », en référence à la règle d'or que d'aucuns parmi vous présentez comme une priorité à l'égard des générations à venir auxquelles nous léguerions une dette.
Selon nous, la seule dette réelle est la dette écologique. Comme je l'ai dit précédemment, le jour du dépassement, c'est-à-dire celui où nous avons prélevé les ressources que la Terre peut reconstituer ou produire, était, en 1971, le 29 décembre. En 1991, il se situait à la mi-octobre et nous en sommes au 1er août. Alors que nous débattions dans l'espoir que les températures n'augmentent pas de plus de 2 degrés à la fin du siècle, nous en sommes à espérer qu'elles n'augmentent pas de plus de 4 degrés, ce qui entraînerait une évolution absolument chaotique. Cela devient donc une urgence absolue.
C'est la raison pour laquelle nous proposons de constitutionnaliser la règle verte. À défaut – car j'ai compris que nous n'obtiendrions pas la majorité sur ce point – , j'appelle votre attention sur le choix entre les verbes « agir » et « garantir » ou, au moins « assurer ». C'est évidemment une différence de fond, car « agir » ne suppose pas d'obligation de résultat.
Je rappelle à cet égard que l'article 1er de la Constitution ne dispose pas que la République « agit pour » l'égalité devant la loi, mais qu'elle « assure » cette égalité, même si, comme l'a répété hier Mme la garde des sceaux, nous en sommes parfois loin : nous pensons au moins nécessaire de dire qu'elle l'assure, précisément pour exprimer l'obligation de résultat.
Il faudrait donc, au minimum, introduire soir le verbe « garantir » soit le verbe « assurer », car « agir » me semble vraiment trop faible compte tenu de l'urgence que nous connaissons.
La situation est évidemment catastrophique et il y a urgence. Quand on voit l'explosion de la concentration de CO2 dans l'atmosphère et la disparition de plus de la moitié des vertébrés sauvages et des trois quarts des insectes volants depuis les années 1970, la question est de savoir comment faire une priorité de la préservation de l'environnement et des biens communs mondiaux, comme l'eau et la terre. Il faut en faire une priorité dans la Constitution, pour que le Conseil constitutionnel la place au-dessus de la liberté d'entreprendre et, parfois, du droit de propriété.
En l'occurrence, quand on parle de liberté d'entreprendre et de droit de propriété, il s'agit bien souvent de ceux d'Arcelor-Mittal, de Total, de GlaxoSmithKline ou de Monsanto-Bayer plutôt que de ceux du petit artisan.
La question est donc de savoir comment contourner les censures du Conseil constitutionnel et rendre du pouvoir au politique, afin que ce ne soit plus un pouvoir politique déguisé derrière des motifs juridiques qui s'exerce.
Un débat intéressant a lieu sur ce sujet, avec des prises de parole, entre autres, de M. Lagarde, qui recommandait de veiller à ne pas tout introduire dans la Constitution, afin de ne pas donner plus de pouvoir au Conseil constitutionnel. Ce qui est proposé ici est précisément l'inverse : en introduisant les biens communs, la règle verte – éventuellement – et une obligation de résultat en matière de préservation de l'environnement, on rend le pouvoir à la démocratie et au Parlement, on nous rend notre pouvoir de faire des lois qui protègent l'environnement, en empêchant le Conseil constitutionnel de nous censurer ultérieurement, comme c'est aujourd'hui le cas.
Une autre question se pose évidemment : il ne suffit pas de faire de ces enjeux une priorité dans la Constitution, car ce sont des mots : il faudra encore en faire une priorité politique qui devra être placée largement devant le commerce international ou les exigences budgétaires.
Nous soutiendrons ces amendements. De nombreux collègues se sont élevés contre le fait d'inscrire de nombreux concepts dans la Constitution, afin de ne pas transformer celle-ci en annuaire téléphonique. Une majorité assez large semble cependant se dégager sur le sujet, et c'est une bonne chose : les questions environnementales sont si prégnantes, si importantes et si impératives que l'inscription de ces impératifs dans la Constitution obligera, volens nolens, à les intégrer dans tous les actes politiques et dans tous les actes de la vie. C'est évidemment une contrainte, mais elle est impérative : nous n'avons pas le choix.
Madame la garde des sceaux, je vous remercie de votre réponse et je vous prie de bien vouloir la compléter. Vous nous dites qu'inscrire cette phrase à l'article 1er de la Constitution est un acte politique. Nous sommes d'accord. Je souhaite, pour ma part, que la majorité la plus large puisse se constituer autour de cette volonté d'inscrire dans l'article 1er de la Constitution une phrase relative à l'environnement, au climat et à la biodiversité, en regrettant certes qu'elle ne fasse pas référence aux limites planétaires, mais il s'agit déjà d'un progrès substantiel. D'accord, donc, pour l'acte politique.
La question est celle des effets juridiques de cet acte politique, car il ne peut pas s'agir – et je pense que nous en conviendrons tous – d'une proclamation sans conséquences. Vous nous dites, madame la garde des sceaux, que le Parlement pourra agir, mais il le peut déjà, et le fait d'ailleurs déjà dans de nombreux domaines, par exemple en votant la loi d'interdiction des néonicotinoïdes – et on pourrait multiplier les exemples, avec 26 lois qui font référence au climat. La question est alors de savoir quelle sera son obligation : qu'est-ce qui relèvera du niveau constitutionnel et obligera le législateur ?
Vous nous dites qu'il s'agira d'une nouvelle puissance d'action. Empêchera-t-elle, par exemple, l'État d'autoriser le projet « Montagne d'or », qui détruit la forêt amazonienne ? Ce sont là des questions concrètes.
Je poserai trois questions précises. Pour ce qui est, tout d'abord, du choix du verbe « agir », vous nous avez dit qu'il n'y avait pas de différence avec le verbe « assurer ». Or, ce dernier a donné lieu à une jurisprudence du Conseil constitutionnel, alors que le verbe « agir » ne figure nulle part dans la Constitution. Pourquoi donc ne pas choisir le verbe « assurer » ?
Deuxième question, à laquelle j'aimerais avoir une réponse : pourquoi ne pas retenir la mention du « niveau élevé de protection de l'environnement », qui figure déjà dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ?
Troisième question : pourquoi ne pas faire référence à la progression constante, qui représenterait une obligation d'action et bornerait l'action du Parlement dans un cadre constitutionnel ?
Comme l'a très bien dit tout à l'heure Olivier Becht, il est ici question de la loi fondamentale et, sur ces questions, la voix de la France doit être écoutée. Plus encore, ce qui sera regardé, c'est notre capacité d'agir. Nous avons voté ici même les lois dites « Grenelle I » et « Grenelle II ». C'est en France, monsieur le rapporteur général, qu'il y a eu la COP21 et chacun se souvient que cet événement a eu tout le retentissement qu'il méritait.
Or, madame la garde des sceaux, en employant le verbe « agir », vous vous inscrivez certes dans l'action, mais on peut agir dans le sens d'une régression, …
… car il n'y a pas d'obligation de résultat. En revanche, le verbe « garantir » impose une obligation de résultat.
On peut agir et connaître une dégradation de l'environnement – c'est d'ailleurs ce que nous vivons chaque jour – ,…
… alors que le verbe « garantir » induit une exigence absolue d'améliorer la situation.
Les mots ont un sens et il faut utiliser les mots les plus forts. « Agir » n'est pas à la hauteur des enjeux. Réfléchissons tous, mes chers collègues : si on emploie le verbe « garantir », on améliorera obligatoirement le niveau de la protection de l'environnement. C'est une exigence absolue que de le faire et je souscris pleinement en cela aux amendements de Mme Batho et de Mme Untermaier.
Madame la garde des sceaux, je vous crois, trop intelligente pour ne pas faire la différence entre obligation de résultat et obligation de moyens. Nous sommes si nombreux à le dire qu'il va falloir finir par vous en convaincre. Si nous débattons de l'enjeu de la constitutionnalisation de la question du climat, c'est parce que, comme vous le savez, le Conseil constitutionnel n'a pas consacré de jurisprudence permettant de prévenir les changements climatiques et d'y adapter notre législation.
À l'intérieur du bloc constitutionnel, la jurisprudence a eu une interprétation restrictive, une lecture littérale, qui a conduit à ne reconnaître aucune des dispositions de la Charte et à n'instituer aucun droit nouveau ni aucune obligation nouvelle : d'où le débat sur le verbe à utiliser. Si vous ne répondez pas à cette question, vous gâchez l'avancée que représente l'inscription dans l'article 1er de la Constitution de ces principes.
Je vous renvoie à cet égard, madame la garde des sceaux, aux questions prioritaires de constitutionnalité – QPC – du 7 mai 2014 et du 10 novembre 2011, qui confirment mon analyse : la Charte n'a emporté, pour la jurisprudence du Conseil constitutionnel, aucune création de droit ni aucune obligation. Il nous faut donc aujourd'hui franchir un pas.
La préservation de l'environnement est l'un des plus grands défis auxquels nous ayons à faire face. Ce défi ne nous engage pas seulement nous-mêmes : il engage également – et c'est peut-être le plus important – les générations à venir. On peut se répéter comme un mantra que la préservation de l'environnement est importante, que l'érosion de la biodiversité et l'extinction des espèces sont une réalité et que le changement climatique nous concerne tous, mais on peut aussi – et c'est aujourd'hui le moment propice pour le faire – se dire que nous devons, en conscience, soutenir unanimement l'amendement no 328 .
Il tend en effet à inscrire dans notre Constitution, dans notre loi fondamentale, que la France agit pour la préservation de l'environnement et de la diversité biologique, et contre les changements climatiques, que nous garantissons la protection de l'environnement dans toutes ses composantes, dont la diversité biologique et la lutte contre le changement climatique, et que nous assurons la prise en compte par le Conseil constitutionnel de la préservation de l'environnement comme étant un objectif de valeur constitutionnelle à part entière. Cela revient à dire que nous adaptons notre droit aux enjeux du long terme pour offrir une protection aux Françaises et aux Français face à ces nouvelles menaces et que nous nous donnons les outils qui conforteront notre mobilisation pour la planète.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous vivons ici un moment important. Après la Charte de 2004 et le Grenelle de l'environnement, nous en venons à inscrire à l'article 1er de la Constitution un principe fondamental de préservation de la biodiversité, de protection de l'environnement et de lutte contre les changements climatiques. Nous ne boudons pas notre joie et je pense que nous voterons unanimement ce dispositif. Je tiens à remercier le rapporteur général, que j'avais oublié dans mes remerciements, de sa ténacité à inscrire ce principe à l'article 1er.
Nous restons tout de même – et c'est souvent le problème de la majorité – frileux eu égard aux enjeux. Vous êtes en effet confrontés à une obligation de compromis et le Sénat vous attend : il ne souhaite évidemment pas que le texte soit trop engagé.
J'aborde cette question avec beaucoup d'humilité. J'ai écouté les intellectuels, les constitutionnalistes et les spécialistes des questions d'environnement qui tous, unanimement, nous ont dit que le verbe « agir » ne convenait pas et qu'il fallait employer le verbe « assurer ».
Dans votre majorité même, la commission du développement durable a considéré que ce terme était utile, car elle a déposé un amendement dans lequel est employée l'expression « assurer la préservation de l'environnement ».
Soyons donc très prudents et humbles face aux enjeux liés à la préservation de la planète et considérons que l'emploi du verbe « agir » risque de nous rendre impuissants face à ces questions fondamentales qui en font encore sourire quelques-uns, alors qu'il y va de notre avenir.
Les propos de M. Becht étaient très justes : si notre planète devient invivable, aucun des droits qui sont aujourd'hui assurés par notre Constitution, par notre vivre ensemble et par notre projet civilisationnel ne seront possibles. Il nous faut donc changer.
J'ai réfléchi, comme vous tous, au choix entre les verbes « assurer », « garantir » et « agir ». J'ai écouté et je me suis dit que, si l'on assure des droits et garantit une situation, la puissance publique doit aujourd'hui agir. Nous ne devons pas nous limiter à assurer des droits, à assurer la préservation de l'environnement, mais il nous faut agir pour cette préservation. C'est là que se situe la grande différence. Le temps est aujourd'hui à l'action.
Le temps n'est plus à la préservation de nos écosystèmes mais à leur recréation, comme le dit M. Hulot. Nous sommes dans un moment où l'injonction qui nous est faite est l'action. Dans la réflexion entre agir et assurer, qui a été assez longue et parfois paradoxale, je pense que c'est l'action qu'il nous faut désormais. Garantir dans la Constitution la nécessité d'agir me semble la meilleure des solutions.
Après nos débats de ce matin sur les enjeux de la Polynésie, avec l'accueil de jeunes Polynésiens en tribune, nous devons regarder les réalités en face. La réalité, c'est notamment que nos compatriotes de Polynésie sont les premiers à souffrir du réchauffement climatique.
Je salue l'engagement du Gouvernement à inscrire les enjeux environnementaux à l'article 1er ; j'ai bien entendu M. le rapporteur général, M. le Premier ministre et M. le ministre d'État, ministre de l'a transition écologique et solidaire, nous dire sans ambiguïté, il y a à peine dix jours, que nous sommes sur une trajectoire risquant de mener à l'effondrement de la biodiversité. La commission du développement durable s'est prononcée à l'unanimité sur l'amendement qu'elle propose. Or qui mieux que la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire peut mesurer les enjeux de la trajectoire actuelle ? Je rappelle en outre, madame la garde des sceaux, que, si nous n'avons pas pu inscrire le principe de non-régression dans la Charte de l'environnement, il me semble indispensable que nous trouvions les moyens de l'inscrire dans l'article 1er de la Constitution.
Les métaphores permettant parfois de mieux comprendre, je conclurai par celle de l'oeuf au bacon : la poule dit « j'agis », le cochon dit « j'assure ». Nous sommes le cochon : nous devons assurer la survie de notre planète pour les humains.
Sourires.
Chers collègues, nous agissons ici comme si le travail des commissions, saisies pour avis ou au fond, n'avait pas eu lieu. Le texte que nous souhaitons voir ajouté à l'article 1er de la Constitution avec l'amendement no 328 – « Elle agit pour la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques » – , qui fait l'objet d'un consensus construit avec le Sénat, …
… a d'abord été bâti en commission des lois, avec tous les commissaires qui ont bien voulu participer, à partir du texte issu de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Nous partons de la proposition du Gouvernement d'inscrire la préservation de l'environnement à l'article 34, donc parmi les compétences du Parlement, et nous l'avons amené à un premier geste, l'inscription à l'article 1er, avec un verbe, qui est engageant, avec un complément, la biodiversité et la lutte contre les changements climatiques, parce que nous considérons que c'est la façon de faire une Constitution de notre temps, pour reprendre les mots de Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel.
S'interroger sur les conséquences de tels actes, c'est d'abord présumer ce que pourrait être la jurisprudence du Conseil constitutionnel, alors que nous avons constaté, encore récemment, l'audace de celui-ci lorsqu'il s'agit de consacrer de nouveaux principes constitutionnels, notamment celui de fraternité.
En outre, s'interroger aussi sur la façon dont nous faisons avancer les choses est à mon avis plus éclairant puisque, en deux jours, nous venons d'ôter le mot « race » à l'article 1er, nous venons d'y ajouter l'absence de distinction de sexes, nous venons d'y ajouter des principes aussi importants que la préservation de l'environnement et de la biodiversité ou la lutte contre le réchauffement climatique. Donc, de grâce, ne minimisons pas toutes ces avancées !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Pardonnez-moi, monsieur Houlié, mais loin de nous l'idée de minimiser cette avancée, bien au contraire ! En revanche, nous sommes aussi dans notre rôle et nous ne préempterons pas la décision du Sénat : nous sommes en première lecture, l'Assemblée nationale est souveraine et tous les députés présents en séance ont le droit de s'exprimer sur ce sujet et de l'enrichir, dans le respect de ce qui s'est dit en commission.
Il s'agit en effet d'un travail conjoint entre la commission du développement durable et la commission des lois, où ces sujets ont été soulevés. Si nous nous permettons, une semaine après ces travaux, de revenir sur le sujet en séance, c'est parce que nous estimons qu'il est important de venir enrichir le texte.
Évoquer la préservation de l'environnement à l'article 1er est une avancée majeure, nous le reconnaissons. Mais la portée du verbe que nous utiliserons, que nous inscrirons dans le marbre, est aussi majeure. J'ai entendu les arguments de la garde des sceaux, que je respecte, mais il faut rappeler les enjeux. Aujourd'hui, il nous faudrait 2,9 planètes pour que l'humanité soit réellement en mesure d'assurer sa survie. Le fameux « jour de dépassement » de la consommation mondiale des humains sur cette planète, dont on nous parle chaque année, est dépassé en août. Mais, à l'échelle de notre pays, ce n'est pas tout à fait la même date : la France, elle, vit à crédit depuis le 5 mai ! Nous allons bien au-delà des moyens réels que notre pays détient pour assurer la survie des Français. Il est temps de passer d'une obligation de moyen à une obligation de résultat !
Cela engage la survie non seulement de notre nation, mais de toutes celles qui partagent avec nous cette planète.
Par l'amendement no 2405 , nous vous proposons d'associer l'obligation de résultat, avec le terme « agir », au principe de non-régression. Pourquoi ? Aujourd'hui, dans les faits, nous sommes bien évidemment incapables de le garantir : regardez les chiffres de notre consommation. Mais il vise un horizon beaucoup plus engageant, avec la perpétuelle volonté de progresser. D'où la nécessité d'inscrire le principe de non-régression à l'article 1er.
Madame la garde des sceaux, j'aurais souhaité vous entendre sur la possibilité d'inscrire le principe de non-régression, soit sous cette forme, soit sous une autre, mais dans notre Constitution.
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Madame la garde de sceaux, il est des jours où je vous jalouse : sur tous les bancs, on vous interpelle, on vous demande des explications, on vous demande des compléments d'éclairage sur un amendement d'origine parlementaire.
Si nous traitions, nous, le travail parlementaire comme vous le faites, vous hurleriez à l'amputation des prérogatives du Parlement !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
À l'unisson avec M. Houlié, je voudrais tout de même rappeler que, aussi vrai que le Gouvernement envisageait l'inscription d'une version à l'article 34 de la Constitution, c'est grâce au travail parlementaire que vos rapporteurs et les membres de la commission des lois défendent le présent amendement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Cela étant, madame la garde des sceaux, c'est une jalousie consentie sans rancune.
Sourires.
Permettez-moi tout de même de dire que les auteurs de l'amendement et les commissaires aux lois, c'est-à-dire les parlementaires qui ont rédigé l'amendement tendant à l'inscription à l'article 1er de la Constitution, proposent là une avancée politique et symbolique majeure ! Je ne voudrais pas que, derrière la logorrhée dénonçant les supposées insuffisances de la rédaction, on passe par pertes et profits le fait que c'est cette révision constitutionnelle qui aura permis d'inscrire que la République agit pour la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques. Avant cela, personne ne l'avait mis sur la table !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Ensuite, les débats sont éclairants. J'ai bien entendu M. Gosselin dire que le Conseil constitutionnel aura à arbitrer à la lumière de plusieurs libertés et de plusieurs principes. De fait, il ne s'agit pas, à travers la création d'un principe ou d'une liberté, d'annihiler les autres. Ensuite, d'autres nous disent qu'on ne sait pas ce que le Conseil constitutionnel va décider. En effet ; il est d'ailleurs assez commun d'avoir du mal à anticiper ce que le Conseil constitutionnel peut décider !
J'entends bien qu'ici ou ailleurs, on voudrait grosso modo imposer une contrainte beaucoup plus forte. Sur le fond, pourquoi pensons-nous, en conviction, qu'« agir » vaut mieux qu'« assurer » ? Nous avons passé un certain nombre de minutes à nous interroger sur ce sujet.
D'abord, de notre point de vue – cela a été dit par d'autres, je ne vais pas m'appesantir – , cela marque une volonté d'action dans un sens de progrès, qui vise à atteindre un certain nombre d'objectifs. Ce verbe, je le rappelle, est d'ailleurs suggéré par le Conseil d'État dans son avis sur l'article 2 : il donne un éclairage que je vous engage à relire car il est assez convaincant.
Plutôt que « garantir » ou « assurer », les mots « agir pour » instaurent, certes, une obligation de moyen, mais la transformer en obligation de résultat théorique, ce serait au fond se contenter d'une incantation sans lendemain.
C'est un peu comme si l'on disait : « La République assure que le nuage de Tchernobyl s'arrêtera à la frontière de la République. » on connaît la suite !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Applaudissements sur les bancs des groupes LR, NG, FI et GDR.
Sourires.
Comment voudrait-on que la France place sous sa seule responsabilité la capacité à régler à elle seule le réchauffement climatique et tout le reste ? Tout cela n'a strictement aucun sens, si ce n'est incantatoire.
Ensuite, sur le fond, nous avons justement voulu n'exclure aucun des pans des problématiques environnementales. C'est pourquoi nous avons souhaité que figurent à la fois la lutte contre le réchauffement climatique, la préservation de l'environnement et la préservation de la biodiversité. Nous avons voulu éviter une sorte d'effet synecdoque qui ferait que, parce qu'on cite seulement l'environnement, on oublie d'autres aspects tout aussi essentiels – c'est un peu le cas, nous l'avons évoqué hier, de la Charte de l'environnement, dans laquelle n'a pas été inclus, lors de sa rédaction, l'enjeu climatique.
Par ailleurs, on nous dit qu'il faut inscrire le principe de non-régression. Celui-ci, tout d'abord, est déjà reconnu par le droit européen, dans le paragraphe 3 de l'article 3 du traité sur l'Union européenne, qui prévoit que l'Union européenne, dont nous sommes un membre fondateur et éminent, vous le savez, « oeuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur [… ] un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement ». Autrement dit, c'est inscrit dans un traité qui nous lie. S'il est donc possible de modifier à l'avenir les règles relatives à l'environnement, c'est seulement pour maintenir ou améliorer le niveau de protection. C'est déjà inscrit et il n'est pas possible de faire autrement. Ainsi, organiser la régression n'est pas possible : il serait donc parfaitement inutile et redondant de revenir, d'une manière bavarde, sur des choses auxquelles nous sommes déjà liés.
De plus, constitutionnaliser pour l'imposer au législateur poserait tout de même un certain nombre de questions.
Sur la forme, ce n'est pas très conforme aux exigences de concision, d'aspect général, de portée générale et de clarté qui s'imposent au pouvoir constituant lorsqu'il modifie la Constitution, a fortiori son article 1er. Je vous engage à songer à ce à quoi ressemblerait l'article 1er si, par mégarde, nous venions à adopter tous les ajouts proposés ; il deviendrait une sorte de litanie, noyant le sens des principes généraux de la clé de voûte de notre ordre juridique dans toute une série de considérations.
Sur le fond, c'est tout de même une manière d'amputer la souveraineté parlementaire, avec un principe de portée incertaine. Qu'est-ce qu'une régression ? Cela veut dire que le Parlement se verrait limité dans sa capacité à agir, en confiant au juge le soin d'apprécier la réalité, en se reposant sur des avis d'experts à l'impartialité parfois contestable, de sorte qu'à la fin des fins, c'est le processus démocratique de délibération que nous affaiblirions en nous en remettant aux experts et au juge. Quel paradoxe, quand on n'a de cesse de nous expliquer, sur les bancs mêmes qui font cette proposition, que la présente révision constitutionnelle serait une victoire de la technostructure ! C'est bien à vous, monsieur Jumel, que nous devons cette saillie ?
Figurez-vous qu'en suivant votre suggestion, ce serait une vraie victoire sinon de la technostructure, du moins des experts et des juges. Or nous voulons que le Parlement et la démocratie restent toujours gagnants !
C'est pourquoi nous ne voulons pas corseter la capacité d'agir, d'interpréter et de légiférer du Parlement.
Mes chers collègues, après avoir longuement travaillé, nous avons la conviction que cette rédaction, qui peut inquiéter sur certains bancs ou sembler insuffisante sur d'autres, ne représente pas tant un juste milieu – expression détestable, qui signifierait que nous nous sommes arrêtés au milieu du gué – qu'un point d'équilibre rendant possible une proclamation politique forte, créant une obligation à agir et à se saisir de ces enjeux au niveau le plus haut de notre Constitution. C'est donc une progression collective, garantissant que les parlementaires qui auront, demain et après-demain, à travailler sur ces sujets, pourront agir librement pour préserver l'environnement et la biodiversité, et pour lutter contre le réchauffement climatique. Entendons-nous sur cette version et nous y gagnerons tous !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je souhaitais reprendre la parole un instant pour rendre à César Ferrand ce qui lui appartient…
Sourires
… et remercier la commission du développement durable ainsi que tous les parlementaires qui ont travaillé sur ce sujet. C'est un amendement parfaitement bienvenu.
Madame Untermaier, vous nous disiez à l'instant que vous aviez pu entendre de nombreux intellectuels. Sans doute avez-vous lu dans Le Monde du mardi 3 juillet 2018 les propos signés par Dominique Bourg, Marie-Anne Cohendet, Michel Prieur ou encore Loïc Blondiaux, bref, par des sommités scientifiques dans le domaine du droit de l'environnement ? D'après son sous-titre, l'inscription de « la protection de l'environnement dans la Constitution marquerait un progrès politique et juridique considérable ».
Vous l'avez dit, je le reconnais.
Je voulais le redire : c'est un pas politique extrêmement important. Juridiquement, je comprends que l'on puisse s'interroger – c'est la nature même du constituant de s'interroger sur chaque mot. Et je le comprends d'autant plus que le Conseil constitutionnel, auquel il a été maintes fois fait référence ici, a parfois eu, à l'égard du climat, une certaine frilosité, en ne donnant pas à chaque principe énoncé dans la Charte de l'environnement le caractère d'un droit ou d'une liberté garanti par la Constitution. Cela ne veut pas dire, contrairement à ce qu'affirmait M. Jumel, qu'il ne leur a pas reconnu une valeur constitutionnelle, mais simplement que celle-ci n'est pas au maximum de l'échelle juridique que l'on aurait pu lui supposer.
Elle n'est pas inopérante ; seul le principe de précaution n'est pas invocable à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité, et je conçois que ce point puisse interroger.
S'agissant du choix du verbe, sur lequel nous nous interrogeons, je pense qu'il ne s'agit pas de « garantir » ; nous ne nous situons pas dans une telle perspective. Garantir, cela signifie donner des droits individuels à tel ou tel.
Or ce n'est pas cela que nous faisons : nous nous inscrivons dans une politique collective, qui nous conduit ensemble à aller vers la protection du climat. Il ne s'agit pas non plus d'« assurer », verbe présentant un côté assez statique, convenez-en. En revanche, je pense bien qu'il convient d'« agir », ce verbe traduisant la vraie dynamique collective que nous voulons pour notre pays, l'environnement, le climat et la biodiversité.
Enfin, madame Batho, vous nous avez demandé pourquoi nous n'inscrivions pas la notion de progression constante dans la Constitution. Elle revient au principe de non-régression, sur lequel nous nous sommes déjà exprimés. J'ai déjà eu l'occasion de vous dire que c'était un principe inscrit dans la loi ; c'est pourquoi je ne suis pas certaine qu'il soit utile de le hausser au niveau constitutionnel.
Surtout, je voudrais vous mettre en garde, comme vient de le faire le rapporteur général. Peut-être ne sais-je pas replacer votre remarque dans son contexte et en fais-je une interprétation trop extensive – en ce cas, vous m'en excuserez – , mais je crois avoir relevé que vous aviez dit qu'il fallait borner l'action du Parlement. Une telle affirmation est assez grave. Il me semble que, dans tous les domaines, c'est la souveraineté parlementaire qui doit s'exprimer ; …
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM
… c'est vous, mesdames et messieurs les députés, qui avez la responsabilité de prendre les décisions concernant les lois qui vont régir notre société ! Je pense qu'on ne peut pas borner l'action du Parlement. C'est ne respecter ni la souveraineté parlementaire ni la démocratie.
Elle est déjà bornée par le droit de propriété et la liberté d'entreprendre !
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Bien entendu, dans notre système juridique, le Conseil constitutionnel est là pour faire respecter la hiérarchie des normes, les grands principes qui figurent dans notre Constitution, jouer le rôle d'équilibre, de mise en balance qui permet de garantir les droits d'une société de libertés. Mais, encore une fois, je rappelle que le Conseil constitutionnel – c'est lui-même qui le dit – ne possède pas un pouvoir d'appréciation et de délibération identique à celui du Parlement. Je vous incite, dans toutes les décisions que nous prendrons, à bien réintégrer votre fonction première, qui est celle de faire la loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Normalement, je ne devrais plus donner la parole à de nouveaux orateurs. Cela étant, vu l'importance du sujet et les demandes répétées de plusieurs députés,
Exclamations sur divers bancs
pour éviter les rappels au règlement, exceptionnellement, je vais donner la parole à un député par groupe.
La parole est à Mme Delphine Batho.
J'ai oublié de retirer les amendements nos 1617 , 1625 et 1626 au profit de mes trois sous-amendements à l'amendement de la commission des lois. Par ailleurs, pour la clarté des débats, je tenais à dire à Mme la garde des sceaux que l'article du Monde qu'elle a cité, cosigné notamment par Dominique Bourg et Michel Prieur, portait en fait sur la rédaction proposée par Nicolas Hulot, laquelle comportait précisément les notions de niveau élevé et de progression constante. Je ne voudrais donc pas que l'article de ces éminents experts soit transformé et qu'on leur fasse dire précisément l'inverse de ce qu'ils ont écrit.
Pour finir, la loi fondamentale de la République énonce un certain nombre de principes qui s'imposent au législateur ; c'est cela dont il est question. Par exemple, l'inscription que nous demandions à l'article 1er de la Constitution aurait-elle empêché le législateur d'avoir la tentation de remettre en cause la loi littoral ? De toute façon, quel que soit le résultat des votes, je pense que l'article 1er fera l'objet d'une modification, laquelle se traduira aussi par une obligation d'action pour le Gouvernement, qui, ensuite, ne pourra pas autoriser le projet Montagne d'or en Guyane ni délivrer au groupe Total l'autorisation d'importer 300 000 tonnes d'huile de palme en France.
Je découvre chaque jour un peu plus à quel point vous êtes brillante, madame la garde des sceaux !
Sourires.
Mais vous citez l'article en oubliant de nous en lire la fin ! Je vais m'en charger : « Alors que le Conseil constitutionnel a fait jusqu'à présent un usage pour le moins frileux…
Je l'ai dit !
… de la Charte de l'environnement – excluant notamment tout recours à la question prioritaire de constitutionnalité pour plusieurs de ses dispositions (notamment la biodiversité) – , la réforme voulue par le président Macron, grâce à cet ajout à l'article 1er de la Constitution, donnera véritablement aux parlementaires, aux citoyens mais aussi aux juges des points d'appui solides pour la protection de l'environnement. » Mais, ajoutent-ils, « sans doute faut-il encore améliorer la formulation proposée par Nicolas Hulot – écrire par exemple que la République "garantit" plutôt qu'elle "assure" un niveau de protection de l'environnement élevé ». Voilà.
Lisez la dernière phrase !
Lisez-la donc !
Sourires.
Ils finissent en disant : « mais il faut d'abord défendre une initiative qui, pour une fois, est à la hauteur des nouveaux enjeux du XXIe siècle ».
Exclamations et applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Mais elle est insuffisante et inopérante ! Elle n'apporte pas de droits nouveaux. Or c'est de cela qu'il s'agit : les brillantes sommités que vous avez citées disent que l'initiative est généreuse mais qu'elle n'est pas opérante.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Ne râlez pas ainsi : il est vrai que la tribune dit exactement ce que rapporte M. Jumel. Elle ne félicite pas le Gouvernement pour son texte ! Elle dit notamment que le verbe « garantit » vaudrait mieux.
Exclamations sur les bancs des groupes LaREM, LR et MODEM.
Mme la garde des sceaux a cité une tribune ; écoutez-la entièrement ! Elle dit exactement ce que tout le monde va faire : à partir du moment où nous n'aurons pas d'autre choix, nous voterons ce que vous proposez.
C'est moins pire que si c'était plus pire, comme aurait dit ma grand-mère !
Cette tribune dit aussi que vous ne saisissez pas l'occasion jusqu'au bout, vu l'urgence du moment, dans la mesure où il faudrait également inscrire le principe de non-régression et le verbe « garantit ». Si vous vous référez à leur article, écoutez-les jusqu'au bout ! Depuis tout à l'heure, vous ne parvenez pas à nous convaincre. Garantir, c'est s'assurer du résultat ; pour s'assurer du résultat, il faut agir, alors que l'inverse n'est pas vrai ; la garantie du résultat implique l'action, alors que l'action n'implique pas la garantie du résultat. Vous pourrez toujours essayer de nous faire croire l'inverse, mais nous dire que vous agissez en faveur de quelque chose ne signifie pas que vous en garantissez le résultat.
M. Ferrand a également dit que, si nous inscrivions le verbe « garantit », nous contreviendrions, en réalité, aux pouvoirs de l'Assemblée. Dans ce cas, enlevez le verbe « garantir » de toute la Constitution ! Enlevez-le, quand elle dit que la loi garantit l'égalité ! La Constitution sert pourtant bien à lier et à créer des obligations à l'égard des pouvoirs publics, dont le législatif. Si nous votons pour le verbe « garantit », cela signifiera que les lois que nous voterons à l'avenir devront avoir une obligation de résultat.
Puisque nous allons changer la Constitution, n'ayons pas, sur la question de l'environnement, la main qui tremble ! Soyons à la hauteur de l'enjeu ! Préférons « garantir » à « agir ».
Si ce qui est proposé aujourd'hui est bien, il est possible d'aller plus loin. Très franchement, pour notre groupe, cette mesure est encore insuffisante. Bien sûr, nous voterons l'amendement, qui a fait l'objet de grandes discussions, en commission du développement durable, en commission des lois et, ce matin, en séance. Cependant, d'ici à ce que le texte revienne, j'espère que nous aurons encore progressé.
Je suis convaincue que nous agissons déjà, et on voit le résultat : cette année, la pollution a encore augmenté de 3 %, c'est un fait. Pourtant nous agissons : loi littoral, loi biodiversité, plus d'une vingtaine de textes cette dernière décennie, cela a déjà été dit. Il est temps de garantir le résultat.
C'était l'objet de nos amendements et nous soutiendrons les sous-amendements de Delphine Batho qui vous proposent d'aller un peu plus loin pour forcer de meilleurs résultats. Ce serait un acte fort, pour la France, d'inscrire cette idée au premier alinéa de l'article 1er de la Constitution.
J'ai bien compris le problème du principe de non-régression et je retirerai mon amendement, tel qu'il est écrit, pour soutenir les sous-amendements de Mme Batho.
Je crois qu'intégrer la diversité biologique sous l'angle de l'environnement est une nécessité, donc je maintiendrai le sous-amendement relatif à cette question.
Pour ce qui est de mon amendement qui évoquait la notion de résilience des populations, je le retirerai aussi puisque je vois que le débat sur la question est pour l'instant loin d'être abouti.
Quoi qu'il en soit, dans l'ensemble, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur général – vous n'étiez pas là tout à l'heure, mais c'est vous que j'avais interpellé en premier – , entendez le message que nous vous adressons aujourd'hui.
Certains donnent l'impression de découvrir que le monde brûle ! Je voudrais donc commencer mon propos en rendant hommage à Jacques Chirac, qui l'a dit dès 2002, au Sommet de la terre : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », faisant expressément référence au réchauffement climatique. Autant vous dire que, sur nos bancs, la préoccupation environnementale est ancienne et que nous ne pouvons que nous associer à cette ardente obligation pour la France, qui, je crois, a des responsabilités particulières au niveau international, et elle l'a prouvé. Au-delà de nos sensibilités respectives, nous pouvons nous retrouver sur cette idée.
En revanche, je maintiens que les rédactions qui nous sont proposées présentent une vraie difficulté. En réalité, la rédaction initiale, qui reconnaissait le poids particulier de l'environnement à l'article 34, était préférable. Je reprends l'argumentation de Mme la garde des sceaux qui a exhorté Delphine Batho à ne pas restreindre les pouvoirs du Parlement ; or l'article 34 ne les restreint pas.
En mettant cette disposition dans l'article 1er ou avant l'article 1er, nous nous contraignons bien plus fortement. Ce n'est peut-être pas très grave, mais il faut tenir compte de l'imprévisibilité de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, auquel nous donnons là un chèque en blanc, plutôt qu'au Parlement souverain !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je préfère en réalité m'en remettre à la souveraineté du Parlement plutôt que de donner un chèque en blanc au Conseil constitutionnel. Comme l'a souligné Delphine Batho, cela pourrait se traduire non seulement par l'impossibilité de réaliser certains projets en Guyane – je m'en réjouis et applaudis des deux mains – , mais aussi par celle de réviser la loi littoral pour combler quelques dents creuses. On va donc bien au-delà, d'où l'intérêt d'émettre des alertes et des réserves.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Le groupe Nouvelle Gauche votera l'amendement qui a été adopté par la commission des lois à l'unanimité, c'est-à-dire par l'ensemble des commissaires et pas seulement par ceux de la majorité.
Je retire un certain nombre de nos amendements, mais je maintiens le no 2392, qui correspond à la volonté exprimée initialement par Nicolas Hulot, et le sous-amendement no 2507 à l'amendement de la commission des lois.
Pour conclure, je remercie et le rapporteur général et Mme la ministre pour les propos qu'ils ont tenus, éclairant leur position. Je trouve que le débat fut de qualité ; nous n'avons pas su vous convaincre et nous en prenons acte. En revanche, d'après vos propos, le débat parlementaire entérine clairement le fait que le terme « agir » est équivalent au terme « garantir » ou « assurer », …
Non, je n'ai pas dit qu'il était équivalent !
… et même plus : qu'il nous oblige à l'action. Nous retenons donc cette avancée considérable.
L'amendement no 1414 est retiré.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 71 |
Nombre de suffrages exprimés | 66 |
Majorité absolue | 34 |
Pour l'adoption | 17 |
contre | 49 |
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 72 |
Nombre de suffrages exprimés | 68 |
Majorité absolue | 35 |
Pour l'adoption | 65 |
contre | 3 |
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 1416 .
L'amendement no 1416 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 1417 .
Nous venons d'adopter l'amendement no 328 de la commission des lois : je pense que nous avons collectivement fait oeuvre utile en inscrivant dans la Constitution les notions de préservation de l'environnement et de la biodiversité, et de lutte contre le réchauffement climatique.
Avec l'amendement no 1417 , il s'agit de s'assurer qu'en matière de préservation de notre planète, la marche arrière ne soit pas possible. Notre objectif est clair : inscrire le principe de non-régression dans la Constitution, pour protéger nos concitoyens contre d'éventuelles tentations de la part des futurs législateurs de revenir sur certains acquis, notamment celui que nous venons à l'instant de voter.
L'amendement no 1417 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous suggérons d'inscrire dans la Constitution le fait que la République protège et promeut les biens communs. Sur le fond, il nous semble que les éléments indispensables à la vie – l'eau, la terre et les semences – ne doivent pas être traités comme de banales marchandises, et qu'il est donc du ressort de l'État de garantir et de protéger ces biens collectifs. Nous sommes particulièrement sensibilisés au problème du foncier, terrain de combat entre terres naturelles, agricoles et susceptibles d'être urbanisées. La difficulté réside dans le fait que l'évolution du foncier relève fondamentalement du marché. Si l'on ne peut remettre en cause le droit de propriété, il n'en demeure pas moins que nous devons lutter contre la spéculation foncière. En Corse, nous sommes particulièrement sensibles à ce problème qui nous frappe chaque seconde. C'est pour cela, entre autres, que nous proposons cet amendement.
La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l'amendement identique no 1561 .
Il est dans la lignée de ceux qui viennent d'être adoptés. Si ce débat s'invite au niveau du texte fondamental, c'est tout simplement parce que le système économique actuel procède à une marchandisation galopante de biens qui apportent des services vitaux de base aux populations : l'eau, la terre, les semences. Il nous semble important que la République progresse sur la question en inscrivant dans la Constitution le fait de garantir, protéger ou promouvoir ces biens communs, c'est-à-dire de rechercher, par la loi, les voies et moyens d'encadrer, pour des motifs d'intérêt général, leur gestion démocratique. Cela ne veut pas dire que l'on met en cause le droit de propriété, mais il faut trouver un équilibre pour faire en sorte que les ruptures graves auxquelles on assiste, avec l'ensemble de leurs conséquences sociales, économiques et environnementales préjudiciables, voient un terme grâce à la volonté politique manifestée dans la loi.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement no 1814 .
La parole est à M. Moetai Brotherson, pour soutenir l'amendement no 2353 .
Nous proposons de donner une consécration constitutionnelle à la notion de biens communs car il faut remettre en cause la place qu'occupent aujourd'hui le droit de propriété et la liberté d'entreprendre, qui n'ont plus de limites. Depuis plusieurs années, le Conseil constitutionnel censure les articles des projets de loi environnementaux ou sociaux sous prétexte d'atteinte à la sacro-sainte liberté d'entreprendre ou au droit de propriété. Dans un contexte de mondialisation des marchés et de capacité d'intervention des États limitée, les profits et la compétitivité passent devant la protection des biens environnementaux, sanitaires, éducatifs ou culturels, au seul bénéfice d'une poignée d'individus, d'une oligarchie qui pense que la richesse est un gâteau dont on peut se gaver impunément. La liberté d'entreprendre et le droit de propriété rencontrent pourtant pour limite évidente le bien collectif.
Comme le disait le poète et philosophe latin Lucrèce, la vie n'est pas donnée en propriété à personne, mais en usage à tous. Thomas d'Aquin affirmait de son côté que, dans la nécessité, tous les biens sont communs. Il existe des biens qui, par nature, doivent échapper à toute forme d'appropriation privative, et doivent au contraire être mis à la disposition de tous : il s'agit de tous les biens nécessaires à la satisfaction des besoins essentiels de la personne humaine.
C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, que la Constitution vise explicitement les « biens communs mondiaux ». Cette expression désigne, depuis plusieurs années, des enjeux cruciaux à l'échelle de la planète pour le maintien et l'amélioration de la vie humaine : l'environnement, l'eau, la santé, la biodiversité, la sécurité, tous biens dont la régulation à l'échelle nationale comme internationale représente un enjeu de justice et d'équité majeur. Notre pays s'honorerait donc en faisant figurer les biens communs dans sa loi fondamentale.
Avis défavorable.
Je renouvelle l'alerte que j'ai lancée hier. La Constitution est une norme que le juge constitutionnel interprète en permanence. Avec tout le respect que je leur dois, les neuf personnes qui composent le Conseil constitutionnel, sont censées être les sages de notre République, …
Qui le sont !
… ont cependant leurs convictions. C'est pourquoi, en ajoutant à la Constitution des principes aussi indéfinis, aussi généraux, aussi largement interprétables que la préservation des biens communs, mondiaux ou non, on transférerait le pouvoir aux juges.
J'ai entendu tout à l'heure M. Acquaviva demander si la République acceptera de progresser en protégeant les biens communs. Mais je ne suis pas certain qu'elle progresserait si nous adoptions ce type d'amendements ; en tout cas, la démocratie régresserait, car ce ne serait plus à nous de définir ce qu'est un bien commun : ce serait le juge qui déciderait. Si vous voulez vraiment inscrire la protection des biens communs dans la Constitution, il faudrait donc faire la liste de tout ce que vous estimez être un bien commun.
D'une façon générale, au-delà de ces amendements, je pense que nous devons veiller à ne pas transférer notre pouvoir vers la rue de Montpensier, c'est-à-dire vers les sages du Conseil constitutionnel, ce que nous n'avons que trop fait ces dernières années. J'ai entendu dire à plusieurs reprises, au cours de nos débats, que nous devrions nous protéger par avance des changements que les futures majorités pourraient décider. Mais les changements de majorité, c'est précisément le coeur de la démocratie !
C'est donc ici, au Parlement, que le pouvoir doit résider : il ne faut pas, par idéologie, le transférer ailleurs.
Monsieur Lagarde, j'ai été sensible à l'alerte que vous avez lancée hier sur ce sujet. Mais, sur ces amendements, je trouve que vos arguments sont – pour le dire avec mes mots – à côté de la plaque. Il est vrai qu'aujourd'hui, les sages de la rue de Montpensier, comme vous dites, exercent un pouvoir politique sous couvert de considérations juridiques. En particulier, ils font primer la liberté d'entreprendre, qui ne figure même pas dans la Constitution, sous prétexte de protéger le droit de propriété. De ce point de vue, les décisions du Conseil constitutionnel ne sont pas équilibrées.
C'est précisément pour cela que l'introduction dans la Constitution de la notion de bien commun, largement reconnue par un certain nombre de juristes au niveau international, rééquilibrerait notre système juridique, en évitant que le droit de propriété et la liberté d'entreprendre passent devant les autres droits, pour des raisons politiques déguisées en motifs juridiques.
J'ai assisté à la conférence de presse organisée par Dominique Potier sur la question des biens communs et je viens d'entendre Moetai Brotherson s'exprimer sur ce point. La grande question qui se posait aux générations précédentes en matière constitutionnelle, c'était de se prémunir contre la toute-puissance du pouvoir public, de lutter contre l'éventualité d'un régime totalitaire, que ce soit sous sa forme fasciste ou communiste. Aujourd'hui, l'oeuvre constitutionnelle que nous devons accomplir, c'est nous préserver de la toute-puissance des multinationales, du secteur privé. C'est dans ce domaine que le politique doit poser des limites !
En l'occurrence, introduire les biens communs dans la Constitution, ce n'est donc pas confier davantage de pouvoir au Conseil constitutionnel, mais au contraire lui en retirer.
Je suis très heureux d'entendre, pour la deuxième ou troisième fois, que les juges du Conseil constitutionnel donnent des avis d'opportunité politique : …
… cette remarque vaut son pesant d'or, et elle vaut ou vaudra peut-être aussi pour d'autres débats, passés ou à venir…
J'ai bien compris votre raisonnement juridique, monsieur Lagarde, mais je regrette qu'il n'y ait pas de débat de fond sur les biens communs.
Donnez une définition satisfaisante de ce qu'est un bien commun, et on en reparlera !
Nous avons longuement débattu du changement climatique, nous avons parlé de la question des frontières, nous avons comparé la portée des verbes « agir », qui implique une obligation de moyens, et « assurer », qui renvoie à une obligation de résultat : sur tous ces points, nous avons eu un débat fécond. En revanche, sur les biens communs – l'eau, le foncier, les semences – , sujet de rupture avéré, nous n'avons pas eu un débat aussi approfondi. Au-delà de la mécanique juridique, j'aurais aimé entendre des propositions de fond sur ce problème actuel d'une aussi grande acuité que le changement climatique, dont les populations souffrent chaque jour et sur lequel il y aura des combats écologiques et politiques.
Je suis saisie d'une série d'amendements pouvant être soumis à une discussion commune, nos 1112, 1271, 1412, 1616, 1411, 2232 et 657.
Les amendements nos 1112 et 1271 sont identiques, de même que les amendements nos 1412 et 1616 , d'une part, et que les amendements nos 1411 et 2232 , d'autre part.
La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l'amendement no 1112 .
Si vous le voulez bien, je défendrai dans le même temps l'amendement no 1411 , qui porte sur le même thème.
Si notre Constitution ne fait évidemment pas obstacle à l'égalité entre les hommes et les femmes, elle n'en est pas pour autant la garante absolue, les chiffres du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes sont malheureusement là pour nous le rappeler. Hier soir, nous avons accompli collectivement un grand pas en reconnaissant, à l'article 1er de notre Constitution, l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de sexe. Mais il me semble que nous pouvons, que nous devons aller plus loin, en modifiant le second alinéa de l'article 1er, actuellement ainsi rédigé : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales. »
Les amendements nos 1412 et 1411 visent respectivement à remplacer le verbe « favorise » par « garantit » ou « assure ». Nous avons déjà débattu des mérites respectifs de ces deux verbes au sujet de l'environnement. Si nous proposons cette modification, c'est tout simplement parce qu'en matière de parité, nous sommes bien forcés de reconnaître que les progrès accomplis l'ont été sous la contrainte. Je vous rappelle que c'est grâce aux lois Jospin de 1999 et 2000 relatives notamment à l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives que la parité a fait d'énormes progrès pour tous les mandats électoraux.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 1616 .
Les termes, et plus précisément les verbes, qui sont employés dans la Constitution ont une très grande importance. C'est lors de la révision constitutionnelle de 1999, conduite à l'initiative de Lionel Jospin, qu'a été inscrite à l'article 1er de la Constitution la phrase qui a permis l'adoption des lois relatives à la parité en politique, ce qui fut une avancée considérable.
Cependant, en raison du choix du verbe « favorise », cet alinéa atteint aujourd'hui ses limites. Un nouveau progrès doit être accompli : il faut à présent garantir un droit à l'égalité aux femmes. Tout à l'heure, on nous a dit que le verbe « garantir » s'applique aux droits. Nous sommes précisément dans ce cas de figure. C'est pourquoi je propose, par cet amendement, de remplacer, au second alinéa de l'article 1er de la Constitution, les mots « la loi favorise l'égal accès » par les mots « la loi garantit l'égal accès », formulation qui induit une obligation de résultat. Ce serait une avancée importante pour les droits des femmes et l'égalité.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 2232 .
Il s'agit de transformer une simple habilitation du législateur à agir en faveur de la parité en une véritable garantie constitutionnelle. Les mots ont un sens, encore plus lorsqu'ils figurent dans la Constitution.
La parole est à Mme Marie-Pierre Rixain, pour soutenir l'amendement no 657 .
Cet amendement est issu du rapport d'information de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur ce projet de loi constitutionnelle, lequel, je le rappelle, a été adopté à l'unanimité.
L'amendement vise à renforcer le principe de parité qui figure au second alinéa de l'article 1er de la Constitution. Conseillères municipales, maires, conseillères départementales, conseillères régionales, députées européennes, députées et sénatrices, ministres : depuis l'instauration de la parité, les femmes apparaissent partout dans la vie politique française. Mais que veulent-elles encore, vous demandez-vous peut-être ?
Ce que nous voulons, c'est un partage à égalité du pouvoir de représentation et du pouvoir de décision ; ce que nous voulons, c'est une parité réelle et effective. Si les femmes sont progressivement entrées dans la vie politique, depuis l'ordonnance de 1944 leur accordant le droit de vote et d'éligibilité, elles restent encore fort peu représentées. La réforme de la parité a été imposée par la loi du 6 juin 2000, après modification de la Constitution. En 2008, une nouvelle révision constitutionnelle a permis de réaffirmer ce principe à l'article 1er de la Constitution et l'étend aux responsabilités professionnelles et sociales. Plusieurs lois ont été adoptées au fil des années.
Malgré ces progrès, dont témoigne de manière frappante la composition de notre assemblée depuis les dernières élections législatives, force est de constater que l'égal accès des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives n'est pas encore complètement effectif : seuls 17 % des présidents de région, 10 % des présidents de conseil départemental et 16 % des maires sont des femmes. Nous devons aller plus loin en garantissant explicitement le principe de parité dans notre Constitution.
Pour cela, nous proposons, par cet amendement, de reformuler le second alinéa de l'article 1er de notre Constitution en remplaçant les mots « la loi favorise » par la formule « la France assure », afin d'accentuer la portée du principe d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Remplacer le verbe « favoriser » par le verbe « assurer » permettrait en effet de passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultat.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements en discussion commune ?
Ces amendements visent à ce que la loi vienne « garantir » et non plus seulement « favoriser » l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.
L'ajout du second alinéa de l'article 1er de la Constitution par le constituant de 1999 et sa modification par le constituant de 2008 avaient pour objet de permettre au législateur d'adopter des dispositions favorisant une représentation équilibrée des femmes et des hommes en politique et dans le milieu professionnel, sous la forme d'une discrimination positive. Mme Pires Beaune a cité à ce propos, à juste titre, les lois adoptées à l'initiative du Premier ministre de l'époque, Lionel Jospin. Il s'agit donc de consacrer un instrument, la parité, au service d'un objectif, l'égalité.
Premièrement, remplacer le mot « favorise » par le mot « garantit » fragiliserait, en vérité, l'adoption de telles dispositions, pourtant nécessaires pour parvenir au maximum d'égalité entre les femmes et les hommes.
Deuxièmement, l'alinéa 3 du préambule de la Constitution de 1946 dispose déjà : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme. » Autant la loi peut garantir une égalité des droits, ce qui est déjà le cas et le sera aussi avec la nouvelle rédaction proposée à l'article 1er, autant elle ne peut garantir une égalité de fait, mais seulement la favoriser.
Troisièmement, prévoir que la loi garantisse ou assure l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives semble quelque peu irréaliste, ne serait-ce qu'étant donné les différents modes de scrutin en vigueur. Il faudrait ainsi prévoir, par exemple, des binômes paritaires pour l'élection des députés ou organiser l'alternance entre un homme et une femme à la présidence de la République !
Dès lors, si je partage, mes chers collègues, votre préoccupation sur les progrès considérables qu'il reste à accomplir, et auxquels nous avons contribué collectivement hier encore, ce n'est sans doute pas une modification de la Constitution qui changerait les choses, mais plutôt – et nous avons encore du chemin à parcourir, je vous le concède bien volontiers – , des dispositions législatives plus exigeantes et, par ailleurs, une évolution des pratiques.
Voilà pourquoi l'avis de la commission est défavorable.
Il est également défavorable sur l'ensemble de ces amendements.
Tout d'abord, je voudrais rappeler que le Gouvernement partage pleinement les objectifs énoncés par leurs auteurs dans les exposés sommaires, les politiques publiques mises en oeuvre en témoignent.
Ensuite, on ne peut pas nier que, contrairement à l'emploi des mots « agit pour » ou « assure », dont nous avons déjà débattu, il est certain qu'entre « favorise » et « garantit », il y a une différence claire de portée juridique. En effet, dans le cadre de son contrôle a priori, le Conseil constitutionnel assure une conciliation entre un principe garanti et un dispositif qui fixe un objectif, et laisse, à ce titre, une marge de manoeuvre au législateur, alors que, dans le cadre de son contrôle a posteriori, une disposition qui « garantit » permettra clairement le déclenchement d'une QPC, contrairement à une disposition qui seulement « favorise ».
Pour autant, le choix du verbe « favoriser », issu de la révision constitutionnelle de 1999 et maintenu lors de celle de 2008, n'a pas empêché le Parlement de se saisir de textes tendant à assurer l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, y compris par des mesures dites de « discrimination positive ».
Enfin et surtout, vous avec adopté hier une modification de l'article 1er qui interdit les discriminations fondées sur le sexe. Il me semble que cela rend inutile les autres évolutions proposées par ces amendements.
Nous partageons totalement l'avis du Gouvernement mais ne voudrions pas que ce soit interprété comme n'allant pas dans le sens de la cause des femmes.
Il s'agit tout de même d'un problème à la fois juridique et de moyens pour atteindre l'objectif fixé. M. Ferrand l'a bien montré à propos des mandats électifs, domaine où l'égalité réelle irait même à l'inverse du principe de liberté : dans une assemblée délibérante, peut-on forcer quelqu'un à devenir maire, président d'un conseil régional ou d'un conseil départemental, cette personne non candidate étant désignée sur le critère du sexe ?
J'ajoute qu'en matière professionnelle, on ferait face à des difficultés fondamentales. Par exemple, en médecine, pourrait-on fixer les critères d'éligibilité aux concours en fonction du sexe et non en fonction de la compétence ? Cela pourrait même, dans certaines professions, comme la magistrature, où le taux de féminisation excède largement 50 %, se retourner immédiatement contre les femmes : faudrait-il retirer à un certain nombre de magistrates le droit d'exercer pour rétablir la parité avec les hommes ?
Je pense que l'égalité réelle est un souhait louable qui relève d'un bon sentiment mais qui est malheureusement pour le moins difficile à mettre en oeuvre dans la pratique.
Je remercie la garde des sceaux de sa réponse car elle a reconnu l'importance qu'aurait, de par ses conséquences, notamment pour les QPC, la substitution du verbe « garantit » au verbe « favorise ».
L'avancée d'hier, par laquelle toute distinction fondée sur le sexe sera proscrite, doit être saluée, mais elle n'a rien à voir avec ce dont on discute maintenant puisqu'il s'agit de traiter du partage du pouvoir, d'une situation dans laquelle 53 % des citoyens sont des citoyennes, mais où l'accès au pouvoir sous toutes ses formes – politique, économique, culturel, etc. – reste largement à partager. C'est le fondement de mon amendement. S'il est seulement écrit que « la loi favorise », cela revient à autoriser, par exemple, des partis politiques à ne pas respecter la parité, quitte à payer une amende, alors que si l'on écrit que « la loi garantit », tous seraient obligés de respecter la parité. Voilà quelle serait la conséquence concrète de l'adoption de mon amendement. De même, en matière d'égalité professionnelle, une loi qui se contente de favoriser n'a d'autres conséquences que, théoriquement, le paiement d'une amende – d'ailleurs très rarement exigé – auprès des entreprises qui ne la respecte pas, alors que la garantie constitutionnalisée de l'égalité représenterait une avancée aux conséquences absolument certaines.
Je répondrai à M. Becht, qui nous a invités à faire bien attention, considérant que cette modification pourrait être discriminante pour les femmes quand elles sont les plus nombreuses. L'égalité hommes-femmes doit bien être comprise dans les deux sens : la parité, c'est un nombre égal d'hommes et de femmes ; il ne s'agit pas pour nous d'avoir forcément le dessus. Déjà en commission, Mme la rapporteure m'avait dit qu'on pourrait admettre d'avoir, comme en Espagne aujourd'hui, un gouvernement comprenant plus de femmes que d'hommes : non, l'égalité entre les hommes et les femmes, c'est bien le même nombre d'hommes que de femmes, pas un nombre supérieur de femmes.
Notre groupe propose de renforcer l'obligation déjà existante ; il s'agit bien de garantir, comme l'a dit Mme Batho, que les personnes qui ne jouent pas le jeu de cette parité, qui ne jouent pas le jeu de l'égalité hommes-femmes, seront punies en vertu d'un principe constitutionnel. Il faut que ce soit bien inscrit dans la Constitution. Nul ne sait de quoi demain sera fait. Certes, les dernières élections législatives ont montré que nombre de mouvements politiques ont changé les façons de faire, d'où l'augmentation du nombre de femmes sur ces bancs, mais on n'est jamais à l'abri. Par conséquent, garantir par écrit ce droit à l'égalité dans la Constitution est important.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
M. le rapporteur général s'est absenté, mais j'aurais voulu lui demander certaines précisions sur les conséquences qu'aurait l'emploi du verbe « garantir » dans cette phrase. J'invite tout de même tous mes collègues à s'interroger : quel en serait l'impact sur les lois électorales, par exemple sur celle de notre assemblée ? Pour garantir l'égal accès, c'est-à-dire, en réalité, satisfaire à une obligation de résultat, il faudrait que notre prochaine loi électorale prévoie soit la proportionnelle intégrale, avec une parité imposée sur les listes, soit la réservation d'un certain nombre de circonscriptions aux candidatures féminines et des autres aux candidatures masculines – dans telle ou telle circonscription, les candidatures seraient interdites à l'un des deux sexes.
On pourrait me rétorquer que ce ne serait pas si grave puisqu'on peut se présenter n'importe où en France pour les législatives, mais cela ne résoudrait pas la difficulté au niveau global, et toutes les autres lois électorales existantes ou à venir seraient confrontées à la même difficulté.
Enfin, si la référence aux responsabilités professionnelles introduite en 2008 me paraît assez sage, Olivier Becht n'a pas dit qu'il fallait plus d'hommes que de femmes dans certaines professions mais qu'il serait nécessaire, si un de ces amendements était adopté, de virer des hommes pour mettre des femmes, parce qu'il ne suffira pas d'augmenter le nombre de ces dernières pour obtenir la parité, et, dans d'autres cas, par exemple dans la magistrature, faire l'inverse. Faites attention parce que « garantit » signifie que la justice peut imposer ce qui est garanti, alors que le terme « favorise », innovation de 1999 à laquelle j'adhère, nous permet d'avancer en allant plus loin que la loi actuelle.
Car la situation n'est toujours pas parfaite : s'il y a aujourd'hui beaucoup plus de femmes à l'Assemblée nationale, c'est plutôt, reconnaissons-le, du fait de l'apparition d'une nouvelle force politique dépourvue de députés sortants que des lois sur la parité, permettez-moi de le dire !
À cet égard, remplacer le mot « favorise » par le mot « garantit » impacterait, par exemple, le prochain renouvellement de cette assemblée, que ce soit à travers la proportionnelle à 100 % – certains s'en réjouiraient, mais je ne suis pas « proportionnaliste » à ce point – ou l'interdiction de se présenter dans telle circonscription en raison de son sexe. Je ne suis plus sûr que dans ces cas le principe de l'égalité de tous devant la loi serait encore respecté.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, après quoi nous passons aux votes.
Resterait une troisième option : appliquer aux législatives le mode scrutin des cantonales ; un député pour 500 000 habitants !
Je voudrais dire à M. Lagarde qu'il y a encore une autre solution : le scrutin binominal comme pour les élections départementales. Puisqu'on doit diminuer le nombre de parlementaires, tout cela pourrait s'organiser dans le cadre de la future loi organique. Nous maintenons donc notre amendement.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 41 |
Nombre de suffrages exprimés | 41 |
Majorité absolue | 21 |
Pour l'adoption | 13 |
contre | 28 |
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 46 |
Nombre de suffrages exprimés | 45 |
Majorité absolue | 23 |
Pour l'adoption | 15 |
contre | 30 |
L'amendement no 657 n'est pas adopté.
La parole est à M. Serge Letchimy, pour soutenir l'amendement no 1413 .
Je regrette, madame la présidente, que vous m'ayez coupé la parole sur la question des biens communs, mais je comprends les besoins d'organisation du débat.
Madame la garde des sceaux, c'est en 1945, il y a exactement soixante-treize ans, que les femmes ont acquis le droit de voter ; les premières élections dans le cadre desquelles purent s'exprimer les 12 millions de femmes furent les municipales, puis, l'année suivante, trente-trois femmes seront élues à l'Assemblée nationale. Je donne ces indications chronologiques pour noter que ce n'est pas si lointain et qu'il a fallu après un temps vraiment très long pour instaurer et même imposer la parité dans certaines élections, et on y parvient progressivement. C'est pourquoi je considère que l'on peut mettre ce qu'on veut dans la Constitution mais que si, derrière, il n'y pas de mesures de discrimination positive en faveur des femmes – mais également, dans d'autres conditions et dans d'autres cas, en faveur d'autres catégories de citoyens – , nous n'y arriverons pas.
C'est la raison pour laquelle cet amendement propose d'aller un peu plus loin que ce que prévoit l'article 1er de la Constitution : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales. » Il nous faut en effet élargir cette thématique. Bien entendu, vous allez me répondre que le lieu et le moment sont mal choisis pour inscrire une telle disposition dans la Constitution. Il s'agit d'un amendement d'appel qui vise à interpeller l'opinion publique et la représentation nationale sur la nécessité d'élargir, le plus amplement possible, ce droit à l'égalité des femmes à d'autres secteurs.
Mon cher collègue, je souscris tout à fait à votre amendement d'appel : il s'agit effectivement de promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes dans tous les domaines : la vie politique, sociale, culturelle, associative, etc. Si nous ne pouvons que nous associer à votre souhait, vous savez très bien, cependant, que nous avons inscrit hier l'objectif que vous poursuivez à l'article 1er de notre Constitution puisqu'y figure désormais l'égalité entre les hommes et les femmes. Vous savez également que, dans notre législation, cette égalité est garantie par d'autres textes. Dorénavant, le combat n'est donc plus un combat constitutionnel : il doit être mené grâce à nos politiques publiques et chaque citoyen doit s'en emparer afin d'atteindre l'égalité réelle.
L'avis défavorable de la commission ne porte donc que sur la forme : il me semble que juridiquement, nous disposons dans notre Constitution des éléments nécessaires pour mener ce combat.
Sur le sujet dont nous traitons maintenant, l'égalité entre les femmes et les hommes, comme sur celui de tout à l'heure, j'entends l'argument selon lequel nous disposerions d'un arsenal juridique complet. Je n'en suis pas complètement sûr et, même si c'était le cas, nous voyons bien, de toute façon, que des angles morts subsistent. Notre collègue Delphine Batho, je crois, a cité comme exemple la proportion de maires femmes, qui est de 17 %, voire moins. C'est encore pire dans les exécutifs des EPCI, les établissements de coopération intercommunale : moins de 8 % des communautés de communes et des communautés d'agglomération sont présidées par une femme ! On voit donc bien qu'il y a un souci.
En règle générale, le législateur se montre habile pour trouver des solutions. Et il en existe : tout à l'heure, notre collègue Jean-Christophe Lagarde évoquait la proportionnelle intégrale pour l'élection des députés. D'abord, je trouve que ce serait une bonne idée, mais c'est un avis personnel !
Sourires.
Non : c'est instaurer un scrutin binominal à deux tours. Pourquoi pas ?
Exclamations sur les bancs du groupe UDI-Agir.
Vous allez me répondre que qu'il en résulterait de très grandes circonscriptions. Non, le nombre d'habitants restera exactement identique.
Les circonscriptions seront deux fois plus grandes ! Vous ne connaissez que Paris !
Certes, chaque circonscription sera deux fois plus grande, mais le nombre d'habitants par représentant sera identique ; cela reviendrait au même.
Jusqu'à une date récente, le personnel politique masculin s'est montré très habile lorsqu'il s'est agi d'écarter les femmes du pouvoir. Il me semble que nous pourrions changer de paradigme et faire preuve de la même habileté pour permettre aux femmes d'avoir aujourd'hui accès au pouvoir.
Mes chers collègues, à l'initiative du président de l'Assemblée nationale, vous êtes tous invités, ainsi que vos collaborateurs, à participer à une courte vidéo destinée à encourager l'équipe de France de football dans la perspective de la finale de la coupe du monde. Le tournage se déroulera dans la cour d'honneur dès la levée de séance et la vidéo sera diffusée sur les réseaux sociaux de l'Assemblée nationale. Nous lèverons donc la séance après le vote de cet amendement.
La parole est à Mme Maina Sage.
Hier, nous avons modifié le premier alinéa de l'article 1er de notre Constitution pour reconnaître « l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de sexe ». Encore faut-il que notre loi fondamentale garantisse aux femmes des droits réels.
Madame Untermaier, je voudrais remercier notre collègue Serge Letchimy d'avoir défendu cet amendement d'appel. En tout cas, sur la question de l'égalité des droits en matière de salaire et de rémunération, nous sommes très loin de l'objectif. En effet, si la loi impose déjà cette égalité, la différence de salaire entre les hommes et les femmes est, selon les domaines d'activité, de 15 à 25 %.
S'agissant des fonctions électives, tous les systèmes de parité obligatoire qui ont été mis en place ont bien démontré que là où ils n'existent pas, de sacrées différences sont constatées en matière de présence des femmes dans ces fonctions. En Polynésie, par exemple, notre assemblée est paritaire depuis plus de quinze ans maintenant, ce qui a effectivement permis aux femmes de se faire élire. Cela a été un combat, je vous assure : au début, bien évidemment, les gens critiquaient le nouveau système, et cela s'est parfois fait au détriment des femmes, puisqu'on considérait qu'elles ne devaient leurs sièges qu'à la parité. Aujourd'hui, je vous assure que tout cela n'est plus du tout d'actualité : la parité est une évidence, et je suis sûre – en tout cas je le souhaite – que si l'on supprimait son caractère obligatoire, elle se perpétuerait naturellement.
Il nous faut donc, à mon sens, encourager l'égalité des droits et l'égalité salariale, qui ne doit pas être seulement favorisée, mais garantie.
Je répondrai notamment à notre collègue Olivier Becht. Les travaux de la délégation aux droits des femmes, qui portent sur un grand nombre de sujets, qu'il s'agisse du milieu des sciences ou des forces armées, nous ont confirmé que le soupçon d'incompétence qui pèse sur les femmes persiste.
Je considère que les propos que vous avez tenus dans cet hémicycle viennent renforcer ce même soupçon qui pèse régulièrement sur les femmes.
Le pouvoir politique et le pouvoir économique ont été organisés par des hommes pour des hommes.
La réalité est qu'aujourd'hui, au XXIe siècle, 53 % des Françaises souhaitent, à juste titre, participer à ces deux pouvoirs. Or ce n'est pas en faisant régulièrement peser sur les femmes un soupçon d'incompétence que l'on permettra aux jeunes filles qui nous écoutent de se saisir des opportunités qui s'offrent à elles. Je souhaite donc appeler l'attention de l'ensemble des hommes qui siègent dans cette assemblée : nous interrogeons-nous régulièrement, à la fois dans les entreprises et à l'Assemblée nationale, de la compétence des hommes ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
En revanche, on se pose systématiquement la question de la compétence des femmes : interrogeons-nous donc à ce sujet !
Sans la loi Copé-Zimmermann, par exemple, les conseils d'administration de nos entreprises ne compterait pas 40 % de femmes.
Je souhaite donc dire à toutes les jeunes femmes et toutes les petites filles qui nous écoutent ce matin que leur place est dans les centres de décision politique et économique, et que les hommes et les garçons, n'en prendront pas ombrage.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et GDR.
Ce débat est important. En écoutant les deux intervenants de tout à l'heure, j'ai trouvé que nous étions face à un vrai problème. J'ai rappelé les soixante-treize ans qui nous séparent de la première élection auxquelles les Françaises ont participé. Nous sommes totalement d'accord sur le principe. Je pense que vous le ressentez, ne serait-ce qu'avec vos filles, votre mère et, pour les hommes qui siègent ici, avec votre femme : pèse sur elles, de façon mécanique, systématique, une suspicion d'incompétence. Cela s'accompagne d'un sentiment persistant de mépris social mais aussi d'infériorisation humaine. Il ne s'agit donc pas d'un petit sujet mais d'un sujet extrêmement important.
La question que nous nous posons est : comment répondre à ces problèmes ? M. Lagarde s'inquiète de des problèmes d'organisation juridique dans les secteurs où il y a davantage d'hommes que de femmes, ou l'inverse. Cela n'a absolument rien à voir…
… quand la dignité humaine est atteinte. Nous allons en effet trouver des solutions.
En l'occurrence, nous débattons d'un projet de loi constitutionnelle et plus précisément de la question de savoir si nous y mettons plus, afin d'obtenir plus de résultats. Nous sommes tous d'accord sur la nécessité d'accélérer le processus mais la question centrale est la suivante : comment le faire ? Aujourd'hui, j'estime que la République et la Constitution refusent le principe de ce que l'on peut appeler les obligations positives – j'irai même un peu plus loin en parlant de discriminations positives.
Nous permettent-elles d'aller plus loin, notamment en matière de biens communs, dans une société au sein de laquelle les inégalités se creusent de manière inversement proportionnelle aux richesses qui se créent ? Nous le permettent-elles alors que les inégalités et la pauvreté ont atteint un niveau plus que préoccupant ? La question se pose également concernant les discriminations sociales et raciales : veut-on, oui ou non, prendre des mesures positives afin qu'un jeune de banlieue soit traité de la même façon qu'un autre jeune venant d'ailleurs ?
S'agissant des femmes, c'est exactement la même chose. Par conséquent, si j'ai bien entendu les arguments de la garde des sceaux et de la rapporteure, je maintiens, par principe, l'amendement no 1413 .
Je réponds en quelques mots à notre collègue sur la question de la compétence : nous partageons évidemment sa préoccupation. Vous avez rappelé, à juste titre, les uns et les autres, que c'est la loi dont notre ancienne collègue Marie-Jo Zimmermann, avec d'autres membres de notre groupe, avait pris l'initiative, qui a permis de faire progresser la parité dans les conseils d'administration. Vous voyez donc bien où nous en sommes.
Je répondrais par l'excellente boutade de Françoise Giroud, en 1983 : « La femme serait vraiment l'égale de l'homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente. » Elle avait parfaitement résumé les choses.
Quoi qu'il en soit, je veux bien que l'on rajoute des tas d'éléments dans notre Constitution, mais il me semblait avoir compris que nous voulions éviter qu'elle ne soit bavarde – le rapporteur général tenait les choses afin qu'elles ne partent pas dans tous les sens. Sur tous les bancs, nous partageons tous le même constat. Je suis père de plusieurs filles, et je ne vois pas pourquoi, lorsqu'elles arriveront sur le marché du travail, elles seraient moins payées que leurs frères.
Le débat me paraît clos : avec l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le troisième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 et l'article 1er de la Constitution de 1958, tous les éléments juridiques sont réunis pour que l'ensemble soit réellement constitutionnalisé, ceinture et bretelles ! Le reste ne dépend pas de la Constitution mais de nous, législateurs, de la façon dont nous appliquons la Constitution et de ce que nous faisons au quotidien, dans notre travail de législateur, pour faire évoluer l'état de l'opinion et la société, ce qui est indispensable !
Voilà ce qui permettra de faire progresser l'égalité réelle et pas simplement formelle !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR, LaREM, MODEM et UDI-Agir.
S'agissant de cet amendement et du débat – qui traite en définitive toujours de la même question – que nous avons depuis tout à l'heure sur la question des verbes garantir, favoriser et agir, si nous options pour le verbe garantir, l'obligation de résultat, comme nous l'a expliqué M. Lagarde, nous contraindrait à prendre des décisions visant à atteindre une égalité parfaite entre les hommes et les femmes dans cette assemblée. Cela nous contraindrait également, semble-t-il, à faire alterner au poste de Président de la République une femme puis un homme, et ainsi de suite.
Je remarque que, si l'égalité devant la loi est réputée garantie, nous en sommes pourtant souvent très loin. L'emploi du verbe « garantit » dans la Constitution induit une obligation de résultat mais pas forcément, et c'est dommage, que cela soit toujours opérant. En revanche, c'est indéniablement plus fort que le verbe « favorise ».
Lorsque, tout à l'heure, au sujet de l'environnement, nous nous sommes interrogés sur les termes « agit pour » ou « garantit », j'ai relu l'article 1er et j'ai été étonné que le terme le moins impliquant, « favorise », soit réservé à l'égalité entre les hommes et les femmes. Il faut que la Constitution impose plus d'obligations au législateur parce qu'on est loin du compte, qu'on est même en pleine régression en matière professionnelle. Voilà pourquoi nous sommes en faveur du mot « garantir ».
Je voudrais simplement que mes propos ne soient pas mal interprétés, mesdames : je n'ai jamais remis en cause la compétence des femmes et, si j'ai cité les exemples des magistrats et des médecins, c'était justement pour que demain on ne recrute pas, dans les concours de la fonction publique notamment, les femmes sur quotas, et qu'on ne privilégie pas le critère du sexe par rapport à celui de la compétence.
Je suis très heureux qu'il y ait davantage de femmes parmi les magistrats ou les médecins. Je préfère être soigné par un médecin femme plus compétent qu'un homme et je serais heureux d'être jugé par une femme magistrate plus compétente qu'un homme parce qu'elle a passé les concours avec succès. C'est cela la compétence.
L'amendement no 1413 n'est pas adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra