Comme l'a dit mon collègue Charles de Courson, la suppression du droit de grâce protégerait le Président de la République. En effet, la grâce présidentielle devient finalement une grâce médiatique : il y a ceux qui auront la chance d'attirer l'attention des médias et ceux qui resteront inconnus, dont le cas, puisqu'il ne remontera pas jusqu'à l'opinion publique, ne mobilisera pas l'attention du chef de l'État. C'est un raisonnement assez curieux que celui selon lequel, parce qu'il pourrait y avoir des dysfonctionnements dans notre République, le seul garant qui puisse nous en protéger serait le chef de l'État. Vous rendez-vous compte de ce qui se produirait si nous appliquions ce raisonnement à l'ensemble du fonctionnement de nos institutions ?
Il peut arriver que la justice se trompe et il peut même y avoir des erreurs dans l'administration et l'exécution des peines, mais notre travail est précisément de créer les capacités de recours et de correction, et non pas de nous en remettre à une personne – et je ne vise pas un homme en particulier, le chef de l'État actuel, mais tous les chefs de l'État qui se sont succédé et qui se succéderont – , car telle est en effet la Constitution. Nous devrions nous dire que cet homme serait plus sage que l'ensemble des règles que nous aurons fixées et des jugements qui seront émis ?
C'est là défendre une vision totalement monarchique, quasi divine, de la fonction présidentielle, que je ne partage pas. Supprimer au Président de la République le droit de grâce, c'est le protéger de l'opinion publique et rendre notre République un peu plus démocratique.