Intervention de Guillaume Larrivé

Réunion du mardi 12 septembre 2017 à 15h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Larrivé :

Au nom du groupe Les Républicains, je ferai quatre séries de remarques.

Un mot tout d'abord sur notre état d'esprit, Monsieur le ministre d'État : notre préoccupation et, au fond, notre seule obsession, est de faire oeuvre utile pour mieux protéger les Français face à l'accélération et à l'amplification de la menace terroriste islamiste. Vous l'avez évoqué, en mentionnant explicitement l'État islamiste. Nous savons que cette organisation et d'autres, comme Al-Qaïda, se livrent à une sorte de concurrence. La menace est très élevée, protéiforme. Face à ce constat, notre devoir – celui du Gouvernement et celui du Parlement – est de donner aux forces de sécurité tous les moyens juridiques, opérationnels, budgétaires dont elles ont besoin pour protéger les Français. Nous avons un devoir d'action et d'efficacité. C'est notre responsabilité. Nous l'avons déjà prouvé, nous ne partons pas de rien. Nous sommes un certain nombre, MM. Eric Ciotti, Olivier Marleix et d'autres, à avoir participé très directement – comme vous, alors au Sénat – à la préparation des lois sous la précédente législature. Nous les avons souvent amendées et votées. Nous avons pris nos responsabilités lorsque ces textes allaient dans la bonne direction. Nous avons ainsi, en juillet dernier, approuvé la prorogation de l'état d'urgence. L'état d'esprit est le même aujourd'hui.

C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons, à ce stade, approuver le projet de loi que vous nous soumettez. Après avoir participé aux auditions organisées par le rapporteur et travaillé sur ce texte, nous avons en effet aujourd'hui la conviction qu'il diminue le niveau de protection des Français par rapport au droit existant. Je le dis, au nom de mon groupe, avec une certaine gravité. Article après article, amendement après amendement, nous aurons bien entendu une discussion technique. À ce stade, je ne soulignerai que deux points qui montrent que vous allez priver vos propres services d'instruments utiles pour la protection des Français.

Ainsi, les perquisitions administratives ont certes diminué en volume mais, si une seule d'entre elles peut avoir pour effet d'éviter un attentat massif, pourquoi s'en priver ? Ce serait déraisonnable… Or c'est hélas ce que vous faites en substituant aux perquisitions administratives prévues par le régime de l'état d'urgence une perquisition quasi judiciaire : elle doit être préalablement autorisée par l'autorité judiciaire, en l'occurrence le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris. C'est un premier recul.

Le second recul concerne les assignations à résidence : même si elles ne touchent aujourd'hui que trente-cinq personnes, elles permettent des assignations à domicile, de jour comme de nuit, dans la limite de douze heures. Le régime de surveillance que vous vous apprêtez à faire voter est beaucoup plus vague, sur un périmètre extrêmement large, pouvant aller jusqu'à l'ensemble des vingt arrondissements de Paris. Concrètement, quelle sera la portée opérationnelle d'une telle assignation, dans un périmètre aussi étendu ? Cette mesure sera d'une efficacité faible, pour ne pas dire totalement inopérante. Je pourrais multiplier les exemples. Nous le ferons au fil des articles.

Face à ces lacunes, notre groupe – premier groupe d'opposition – formule des propositions. Nous voulons principalement maintenir et renforcer un véritable état d'urgence, juridique et opérationnel, jusqu'à ce que la France gagne la guerre contre le terrorisme islamiste. Nous pensons de notre devoir de vous proposer un grand nombre d'amendements, cosignés par MM. Eric Ciotti, Jean-Louis Masson, Olivier Marleix et d'autres collègues ici présents, pour mettre hors d'état de nuire les individus les plus dangereux, ceux qui veulent détruire ce que nous sommes et notre société. Nous proposerons des mesures de police administrative renforcées, non seulement le maintien des perquisitions et des assignations à résidence déjà évoquées, mais également des mesures de facilitation des expulsions d'étrangers troublant gravement l'ordre public, ainsi qu'une base juridique plus solide pour permettre la fermeture durable des mosquées salafistes.

Nous vous proposerons également de créer, sous le contrôle du juge administratif, un régime de rétention administrative des individus dont la judiciarisation du dossier n'est pas encore possible mais dont il nous semble important de restreindre très fortement la liberté de circulation, en les plaçant dans des centres de rétention.

Nous vous proposerons par ailleurs un volet judiciaire et pénitentiaire, en vous incitant à modifier l'échelle des peines d'un certain nombre d'infractions, en vous appelant à supprimer un certain nombre de régimes d'aménagement et de réduction de peines, en vous incitant à créer un régime de double isolement – des autres détenus, mais aussi les uns des autres – pour les individus les plus dangereux. Enfin, nous vous inviterons à adopter un régime de rétention post-peine pour les criminels terroristes.

Nous vous inviterons aussi, monsieur le ministre d'État, à prendre une initiative européenne pour que les dispositions du code frontières Schengen, tel qu'il a été – mal – renégocié par le gouvernement précédent en mars 2016, ne nous empêchent pas de maintenir de vrais contrôles aux frontières intérieures de l'espace Schengen à compter de novembre prochain.

Ces amendements et ces mesures de renforcement de la sécurité des Français s'inscrivent bien, dans notre esprit, dans le cadre d'un état d'urgence renforcé. Cela implique naturellement une clause de rendez-vous avec le Parlement. Nous ne proposons pas des dispositions définitives, mais, en application de la théorie classique des circonstances exceptionnelles, des mesures de renforcement de l'état d'urgence soumises à cette clause de rendez-vous.

Vous le voyez, notre approche est très différente de celle du Gouvernement. Nous avons la conviction que le moment est venu non pas de sortir de l'état d'urgence, mais bien au contraire de le proroger par une batterie de mesures administratives et judiciaires permettant de mieux protéger la France et les Français.

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