Au nom du groupe MODEM je ferai quelques observations sur ce projet de loi, sur lequel beaucoup d'entre nous ont travaillé de façon intense, en participant à l'ensemble des auditions du rapporteur et en s'appuyant sur les travaux de la commission des Lois du Sénat, celui-ci nous ayant précédé dans l'examen du texte.
Monsieur le ministre d'État, nous ne pouvons que souscrire à l'approche du Gouvernement. Nous devons en effet sortir de l'état d'urgence, qui, par définition, ne peut pas être pérenne, en nous dotant d'outils efficaces pour faire face à la menace terroriste. À cet égard, nous vous soutenons sans aucune réserve, car les mesures proposées nous paraissent nécessaires et utiles, justifiées et proportionnées. Même les dix-sept amendements transmis hier par le Gouvernement, et que nous avons dû examiner assez rapidement, recueillent notre assentiment, sans difficultés majeures – certains améliorent le texte tandis que d'autres introduisent davantage de fermeté.
Nous avons pour notre part déposé des amendements qui durcissent l'article 2 relatif à la fermeture des lieux de culte, en supprimant le délai suspensif que vous avez prévu en cas de recours, pour en revenir au régime de droit commun de la fermeture d'office. Nous sommes bien sûr attachés à la liberté des cultes – de tous les cultes – qui doit s'exercer sous les lois de la République – vous avez rappelé la loi du 9 décembre 1905. Nous proposons même un durcissement des sanctions, les peines que vous avez prévues dans le cas où un juge d'instruction serait saisi ne permettant pas le placement en détention provisoire. Or nous pensons que nous devons nous doter de cet outil plus répressif, parfois efficace.
En revanche, sur l'article 3, nous formulons une réserve majeure, qui tient à nos équilibres institutionnels. Cet article propose en effet d'attribuer au ministre de l'intérieur le pouvoir de prendre des mesures restrictives de liberté, qui, dans un système politique fondé sur la séparation des pouvoirs, devraient être confiées au juge judiciaire. Nous avons donc déposé un amendement, conscients cependant que l'efficacité doit continuer à prévaloir. Notre amendement vise à maintenir l'initiative de la décision initiale au ministre de l'intérieur – pour une durée de trois mois pour les mesures les plus restrictives de liberté –, mais confie la prolongation de ces mesures au JLD, dont la compétence est prévue à l'article 4 pour les visites administratives et les saisies. Ce dispositif permet de trouver le bon compromis entre l'efficacité et le respect de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 66 de notre Constitution. Ce régime fonctionne d'ailleurs en matière d'internement psychiatrique et de rétention des étrangers. Il n'y a jamais de chevauchement, le juge judiciaire n'ayant pas à connaitre d'un acte administratif, ni de difficultés dans l'application de ces mesures.
Je souhaite que mes collègues soient convaincus de la nécessité d'une telle évolution pour une mesure aussi restrictive des libertés individuelles. Il ne faut pas attendre la détention arbitraire pour remettre la protection de la liberté individuelle sous l'autorité judiciaire. C'est une question d'équilibre institutionnel et de principe, et non une position de défiance vis-à-vis des mesures proposées par ce projet de loi, qui recueillent très largement l'accord de notre groupe. Nous en discuterons plus précisément lors de l'examen des amendements que vous avez déposés très récemment et que vous pourriez peut-être encore déposer au cours des prochains jours.