Monsieur le ministre, votre discours est fait de didactisme et d'intelligence. Il s'adresse donc au meilleur de ce que nous pouvons avoir.
Vous aviez à répondre à deux impératifs. D'abord, mettre fin à l'état d'urgence, ce dont j'avais été convaincu par un excellent article signé par le vice-président du Conseil d'État, M. Jean-Marc Sauvé, et par un article tout aussi excellent dans Ouest France, un journal qui m'est cher, de notre ancien président de la commission des Lois, M. Jean-Jacques Urvoas. Il n'est donc pas nécessaire d'y revenir.
Mettre fin à l'état d'urgence, cela implique obligatoirement de sortir de l'état d'urgence. C'est le plus difficile. De façon simple, on pourrait dire que la première des libertés est la sécurité mais nous devons toujours résoudre l'antagonisme entre les libertés individuelles, les libertés fondamentales, les libertés collectives et la sécurité. Antique antagonisme entre Antigone et Créon, entre liberté de l'individu et pouvoir de la cité.
Cette sécurité est d'abord celle des personnes – il n'est pas difficile de le comprendre – mais c'est également celle des textes juridiques, monsieur le ministre d'État. Et sur ce point, je suis particulièrement inquiet. Depuis 2012 que je siège à la commission des Lois, j'ai eu à connaître huit textes sur la sécurité et la lutte contre le terrorisme, soit près de deux chaque année. Or il n'y a pas pire que l'insécurité juridique, c'est l'ennemie de la sécurité. Je reprends les arguments développés par Guy Braibant dans son article « L'État face aux crises », bien connu des juristes : « les crises laissent derrière elles comme une marée d'épais sédiments de pollution juridique ».
Que va-t-il se passer ? Des textes de loi vont venir en contradiction les uns avec les autres puisque nous n'avons pas pu les passer au crible pour savoir ce qu'ils apportaient et en quoi ils étaient contradictoires. S'ensuivront des nullités qui aboutiront à la remise en liberté de dangereux terroristes.
Plus les textes s'amoncellent, plus l'insécurité juridique croît, moins la sécurité des personnes peut être assurée.
Ma question est la suivante, monsieur le ministre : combien de textes seront encore présentés sur ces sujets durant le quinquennat ? S'ils sont encore au nombre de huit, je dois vous avouer que je ne pourrai plus suivre. Réfléchissons à cela. J'attends bien évidemment une réponse de votre part.
L'arsenal juridique dont nous disposons à ce jour me semble complet, comme le souligne aussi notre collègue du Sénat M. Michel Mercier dans son rapport.
M. Olivier Dussopt a insisté sur l'apport qu'a constitué le contrôle parlementaire de l'état d'urgence. Plus l'exceptionnel devient l'ordinaire, plus ce contrôle est indispensable. Il reviendra aux commissions des Lois des deux assemblées de l'exercer pour ce qui est du nouveau dispositif.
Je terminerai, monsieur le ministre d'État, en vous disant que c'est avec les armes de la République que l'on lutte contre le terrorisme. Chaque fois que l'on renoncera à l'État de droit, nous ferons la part belle aux terroristes.
À MM. Larrivé et Ciotti, je rappellerai cette phrase de Benjamin Franklin : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre et finit par perdre les deux ».