Sur le plan général, il est très difficile de déterminer l'exact équilibre entre liberté et sécurité, deux principes qui se contredisent parfois. J'espère que nous y parviendrons ensemble, mais s'il existait une recette miracle permettant de soupeser les deux plateaux de la balance si finement que l'on trouve l'équilibre juste, elle serait appliquée depuis longtemps.
C'est aussi que tout dépend des circonstances. Une série de lois a certes été adoptée, mais notre société a profondément évolué au cours des deux décennies écoulées : jamais, il y a vingt ans, nous ne nous serions posé les questions dont nous débattons aujourd'hui. Nous devons donc inventer des réponses nouvelles aux problèmes que connaît notre pays. En ma qualité de ministre de l'intérieur, j'essayerai de le faire en recherchant le maximum de convergences. Parce qu'elles donnent à chacun l'envie de faire avancer la société, j'ai toujours pensé, dans mes anciennes fonctions, qu'elles étaient nécessaires à l'aboutissement des projets. Si nous nous figeons dans nos contradictions, nous échouerons sur tous les plans : dans les domaines économique et social comme dans la lutte contre le terrorisme.
Ce combat est d'une grande complexité. M. Jean-Michel Fauvergue l'a rappelé en soulignant que c'est dans les pays arabes que le nombre des victimes du terrorisme est le plus élevé, des conceptions assez différentes de ce qu'est l'islam coexistant au sein des populations musulmanes. Dans notre pays, où beaucoup de nos concitoyens sont musulmans, nous devons nous appuyer sur celles et ceux qui ont de l'islam une conception marquée par les traditions historiques françaises et européennes nées d'une culture ancienne – la démocratie.
J'ai entendu prononcer le mot « démocrature », une notion dont j'ignore tout. Je sais en revanche que les penseurs grecs ont construit un équilibre difficile. L'Europe, au Moyen-Âge, s'était déprise de la pensée hellénique ; les philosophes arabes, eux, ne l'avaient pas perdue et ce sont eux qui, en nous la réapprenant, ont permis la naissance de l'humanisme du XVIe siècle. C'est cette volonté d'humanisme que nous devons faire renaître autour du bassin méditerranéen. Si la pensée athénienne a traversé les siècles, c'est qu'Athènes était une société ouverte. Si Sparte la guerrière – dont il n'est pas resté d'écrits mais dont on peut imaginer qu'elle aurait organisé son droit de manière plus radicale – n'a pas traversé le temps, c'est que l'attachement à une société seulement sécuritaire et guerrière ne permet pas de rayonner. C'est dire que si nous devons prendre pleinement en compte les questions de sécurité, nous devons aussi les dépasser.
M. Alain Tourret nous a judicieusement rappelé le conflit opposant Antigone à Créon. L'une et l'autre détenant une part de vérité, un juste équilibre doit être trouvé entre eux puisqu'en penchant entièrement d'un côté, on opte soit pour une société abrupte et inhumaine, soit pour une société ingérable.
Au sujet de la sortie de l'état d'urgence, le Conseil d'État a rappelé que « les renouvellements ne sauraient se succéder indéfiniment et que l'état d'urgence doit demeurer temporaire. » Dans certains pays du bassin méditerranéen, un état d'exception est en vigueur de manière continue depuis une trentaine d'années. Nous pourrions décider d'en faire autant, mais je doute qu'agir de la sorte participerait du rayonnement de la France et assurerait sa sécurité. Aussi voulons-nous mettre fin à ce régime d'exception et, en même temps, ne pas laisser les forces de sécurité dépourvues.
J'ai trouvé, en arrivant au ministère de l'intérieur, des équipes extraordinaires, et j'ai été bluffé par le professionnalisme de la plupart d'entre elles. Des problèmes d'organisation peuvent se poser, mais c'est aux politiques qu'il revient de les régler, en commençant par ne pas désorganiser ce qui fonctionne, comme cela a pu se produire. Pour ma part, je suis plus favorable aux continuités infléchissantes qu'aux ruptures brutales. Vous souriez, monsieur Ciotti. Il se trouve pourtant que, dans mes précédentes fonctions, j'ai préféré infléchir la course du navire sans rompre avec les politiques antérieures, convaincu que j'étais que cette manière de procéder serait source de difficultés certaines.
Comment sortir de l'état d'urgence ? Nous travaillons avec les services aux nécessaires transitions vers le nouveau dispositif qui vous est proposé, notamment pour les assignations à résidence.
Madame Guévenoux, les Français sont en effet plutôt favorables à l'état d'urgence, parce qu'ils ont une forte demande de protection face à un risque qu'ils savent important. Je me battrai toujours pour assurer leur protection et, si je pensais que les mesures que l'on vous propose aujourd'hui étaient inefficaces en termes de sécurité, je ne les défendrais pas. Cela étant, nul ne peut affirmer que ces mesures empêcheront de nouveaux attentats, pas plus qu'on ne peut promettre qu'il ne sera pas nécessaire demain de rétablir l'état d'urgence, car l'évolution de la situation dépend de multiples facteurs, et notamment de ce qui se passe au Proche-Orient, voire au Sahel. C'est l'une des raisons pour lesquelles le Président de la République s'efforce de conduire une politique étrangère propice au rétablissement de la stabilité et à la fin des affrontements dans ces régions.
Mais renouveler indéfiniment des mesures comme les assignations à résidence nous mènerait au-devant de graves difficultés car plusieurs de ces assignés finiraient par devenir « enragés » et prêts à tout plutôt que de vivre dans ces conditions. Assouplir le dispositif me paraît donc une mesure qui n'est en rien contradictoire avec la sécurité des Français.
Nous devons travailler à déradicaliser les esprits, ce qui est un combat de tous les instants, plus facile dans certains cas que dans d'autres. C'est ainsi que, la plupart du temps, les returnees de Syrie sont judiciarisés et condamnés à des peines de prison. On sait en effet qu'ils sont passés par des zones de combats d'une rare violence, et on ne peut, après avoir vécu dans un tel état de barbarie, regagner normalement la civilisation.
Assouplir le régime de l'état d'urgence ne doit donc nullement signifier que nous relâchons notre contrôle et, si je pensais qu'une seule des mesures de ce texte prive nos services de leurs moyens de contrôle, je ne la défendrais pas.
La rumeur publique me prête de nombreux défauts mais également quelques qualités, au premier rang desquelles le courage, la volonté et la détermination à poursuivre mon action dans le temps. Je ne me ferai jamais dicter les mesures à prendre par l'actualité immédiate, car bâtir un texte de loi sur un événement survenu il y a un quart d'heure est la pire des solutions. Il faut inscrire son action dans la durée, sans céder à la pression de l'opinion, que les réseaux sociaux ne font qu'amplifier.
Le texte que nous vous proposons est équilibré, ce qui n'empêche pas que nous soyons prêts à en débattre point par point. La loi montrera ses résultats concrets sur le terrain dans les deux ans qui viennent. Nous nous sommes fixé un but mais sans être simplistes, et nous saurons corriger la trajectoire à la marge si la réalité exige des inflexions. Mais jamais de manière brutale et irréfléchie.
Malgré l'austérité du sujet, la multiplication des lois qu'il a inspiré lui confère une ampleur toute proustienne. Loin de moi néanmoins l'idée de livrer ma version de la Recherche du temps perdu sur la sécurité ! D'où un projet de loi relativement court et ciblé, qui se garde bien d'aborder l'ensemble des problématiques sécuritaires qui traversent notre société. Il nous faudra certes réformer la procédure pénale ou traiter des questions d'asile et d'immigration, mais il conviendra de le faire dans des textes dédiés et non en saupoudrant ce texte consacré à l'antiterrorisme de mesures éparses.
J'ai entendu les remarques des uns et des autres sur les lieux de culte. Je suis de ceux qui pensent que la société est diverse et qu'il faut être à l'écoute des différentes sensibilités – je pense en particulier aux grandes religions – qui la composent. Sans être moi-même pratiquant, je considère qu'il faut écouter celles et ceux qui portent un discours spirituel.
Je défendrai ce projet de loi en restant à votre écoute et en acceptant ceux de vos amendements qui améliorent le texte sans déconstruire sa logique. Vous aurez noté qu'entre le rapport initial de la commission des Lois du Sénat et le texte adopté il y a eu des évolutions et qu'ont in fine été adoptées des mesures qu'avait rejetées la Commission. Sans doute est-ce parce que nous avons su dialoguer pour parvenir au juste équilibre, ce qui ne va pas toujours sans mal tant les lignes peuvent être fluctuantes selon les parlementaires au sein d'un même parti. Pour ma part, équilibre et cohérence sont les deux ambitions qui guident ma démarche. Oui, nous sommes toujours en marche !
Le 24/09/2017 à 09:19, Laïc1 a dit :
Voilà cette fameuse fable d'Esope :
LE CHARIOT D’HERMÈS ET LES ARABES
Un jour Hermès conduisait par toute la terre un chariot rempli de mensonges, de fourberies et de tromperies, et dans chaque pays il distribuait une petite portion de son chargement. Mais, quand il fut arrivé dans le pays des Arabes, le chariot, dit-on, se brisa soudain ; et les Arabes, comme s’il s’agissait d’un chargement précieux, pillèrent le contenu du chariot, et ne laissèrent pas le dieu aller chez d’autres peuples.
Plus que tout autre peuple les Arabes sont menteurs et trompeurs ; leur langue en effet ne connaît pas la vérité.
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Ἑρμοῦ ἅμαξα καὶ Ἄραβες.
Ἑρμῆς ποτε ἅμαξαν ψευσμάτων καὶ πανουργίας καὶ ἀπάτης μεστὴν διὰ πάσης ἤλαυνε γῆς, κατὰ χώραν μικρόν τι διανέμων τοῦ φόρτου. Ὡς δὲ εἰς τὴν τῶν Ἀράβων χώραν ἦλθε, λέγεται ἐξαίφνης συντριβῆναι τὴν ἅμαξαν. Οἱ δὲ ὥσπερ πολύτιμον φόρτον τὰ ἐξ αὐτῆς ἁρπάσαντες οὐκ ἀφῆκαν εἰς ἄλλους ἀνθρώπους προελθεῖν.
Ὅτι Ἄραβες ὑπὲρ πᾶν ἔθνος ψευσταὶ καὶ ἀπατεῶνές εἰσιν· ἐν γλώσσῃ γὰρ αὐτῶν οὐκ ἔστιν ἀλήθεια.
Le 24/09/2017 à 09:15, Laïc1 a dit :
"; les philosophes arabes, eux, ne l'avaient pas perdue et ce sont eux qui, en nous la réapprenant, ont permis la naissance de l'humanisme du XVIe siècle."
L'humanisme ne doit rien aux Arabes, ou très marginalement, ce sont des penseurs éclairés tels que Erasme, Rabelais, Guillaume Budé qui ont lancé l'étude du grec, les Grecs qui prisaient d'ailleurs fort peu les Arabes, voire la fable d'Esope au sujet des Arabes.
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