Intervention de Gilles Fumey

Réunion du mercredi 27 juin 2018 à 11h00
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Gilles Fumey, professeur de géographie culturelle à l'Université Paris Sorbonne IV Lettres, Pôle alimentation, risques et santé :

Il existe un levier extrêmement facile à manier, qui est la restauration collective, en particulier dans les écoles. Plusieurs communes, petites et grandes, ont réussi à faire des cantines bio à 100 % et il faut étudier comment ça s'est passé. C'est vrai que c'est compliqué et que l'affaire est complètement politique, mais ça marche : cela ne coûte pas plus cher et il n'y a pas de gaspillage. Je suis allé manger incognito dans la commune de Mouans-Sartoux, où j'ai quasiment eu le dernier plateau, et j'ai pu constater de mes propres yeux que ce que l'on jette à l'issue d'un service d'environ 880 repas représente moins d'un kilo ! Il y a un véritable savoir-faire dans certaines communes. On peut mettre en valeur ce capital considérable pour aider les autres communes à devenir progressivement vertueuses.

On peut faire de même dans les EHPAD, les maisons de retraite et les hôpitaux : la plupart du temps, la nourriture n'y est pas considérée comme quelque chose qui va aider à aller mieux – elle conduit plutôt à enfoncer les gens dans la solitude. Des expériences extraordinaires sont conduites dans certaines structures : on pourrait très facilement les encourager et les médiatiser de manière à susciter de l'espoir.

Je pense enfin, probablement parce que je suis un géographe, mais aussi parce que c'est l'acide désoxyribonucléique (ADN) de l'alimentation française, qui est régionale, que les circuits courts doivent être encouragés. Il faut multiplier les structures afin que la majorité de nos concitoyens aient accès à une nourriture de qualité. Vous savez qu'une carte des déserts alimentaires a circulé pendant une dizaine d'années aux États-Unis – nous avons même failli la reproduire dans notre Atlas de l'alimentation. Elle faisait apparaître toutes les parties du pays où la population n'avait pas accès à de l'alimentation fraîche, y compris une simple salade, à une distance de moins de 45 kilomètres, ce qui représentait à peu près un tiers des États-Unis. C'est terminé parce que des efforts considérables ont été réalisés. Même dans le trou le plus perdu du Nevada, on trouve des produits frais, et c'est le fruit d'initiatives citoyennes. Les AMAP, qui sont arrivées en France à la fin des années 1990, sont nées au Japon à la fin des années 1950 lorsque des mères de famille ont constaté que la nourriture donnée aux enfants était contaminée par du mercure après la catastrophe de Minamata. Des femmes ont alors décidé de « sourcer » leur alimentation. Ce que l'on appelait alors des teikei a ensuite migré aux États-Unis avant d'arriver en Europe. Elles y ont trouvé un bon accueil, particulièrement en France où le rapport au territoire existe depuis très longtemps : cela correspond à une réalité extrêmement puissante.

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