Intervention de Marc Benoit

Réunion du jeudi 28 juin 2018 à 9h15
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Marc Benoit, chercheur en agroéconomie à l'Institut national de la recherche agronomique :

L'évolution des systèmes alimentaires s'est faite de façon couplée et concomitante depuis une cinquantaine d'années. La triple dynamique – intensification de l'agriculture, développement industriel agroalimentaire, mondialisation croissante des échanges – a conduit à une spécialisation de la production agricole, à sa massification, à sa standardisation et à sa concentration.

Les externalités sont les productions de biens marchands pour lesquelles il n'existe ni rémunération ni taxation. Leur meilleure connaissance représente des enjeux importants, compte tenu de la prise de conscience sociétale et des décisions politiques qui pourraient s'y adosser.

Une expertise collective menée par l'INRA en 2016 a mis en avant les différentes externalités, aussi bien positives que négatives, de l'élevage bovin, sur des territoires denses en animaux et peu herbagés. Les services fournis tiennent à la création d'emplois. Les impacts indirects concernent la consommation d'énergie, liée aux intrants utilisés, l'environnement et les aspects socio-économiques.

Nous avons observé que la concentration des élevages a permis des économies d'agglomération ou de concentration, ainsi que des économies d'échelle, donc des conditions concurrentielles favorables aux éleveurs, avec des approvisionnements à plus faible coût en aliments du bétail. En revanche, la spécialisation et l'augmentation de la taille des élevages ont induit une utilisation accrue de consommations intermédiaires par hectare, et contraint à gérer les pollutions induites. Par ailleurs, la concentration, qui entraîne confinement et mutilations, pose la question du bien-être animal.

Nous avons aussi mené une étude, sur vingt-quatre ans, entre 1990 et 2013, de l'évolution de 90 fermes d'élevage charolais dans la région de Clermont-Ferrand. Nous avons observé une hausse sensible de la taille des fermes – augmentation de 60 % de la surface par travailleur –, ainsi que de celle des troupeaux – augmentation de 60 % de la quantité de viande produite. La simplification des pratiques, due à la diminution du pâturage, a permis cette évolution.

En contrepartie, nous avons observé une augmentation de l'usage de certains intrants, comme les concentrés, ce qui indique une baisse de l'efficience technique. Cela s'est traduit par une hausse de 11 % de la consommation d'énergie, non pas à l'échelle des fermes, mais par kilo de viande produite. Voilà donc un exemple des mécanismes qui peuvent se dessiner dans la production bovine allaitante, mais qui peuvent être absents dans d'autres types de production.

Notre étude sur les externalités de l'agriculture biologique comporte deux volets, la quantification et les chiffrages économiques. Commandée par le ministre de l'agriculture Stéphane Le Foll, restituée en novembre 2016, elle a été réalisée sur la base d'une bibliographie scientifique internationale. Nous avons été épaulés par un groupe d'expertise, composés de collègues de l'INRA et d'autres instituts de recherche. La direction générale de l'INRA a validé l'ensemble de ce travail.

L'objet de l'étude est de comparer l'agriculture biologique à l'agriculture conventionnelle. Les différences entre les externalités de ces deux modes de production tiennent bien sûr à l'application du cahier des charges : l'interdiction des pesticides et des engrais de synthèse, ainsi que la limitation des antibiotiques et des additifs, permettent d'éviter les pollutions diffuses et les impacts directs ou indirects sur la santé humaine. Elles tiennent aussi aux pratiques mises en oeuvre, qui permettent de générer un certain nombre de services sur lesquels Mme Sautereau reviendra.

Les externalités ont été étudiées dans trois domaines : l'environnement, la santé humaine et le bien-être des animaux, les performances socio-économiques. Pour les externalités négatives, on parlera d'impact, pour les externalités positives, de services à rémunérer.

Dans la mesure où nous souhaitions effectuer un chiffrage économique cumulatif des externalités, le socle commun proposé est un chiffrage rapporté à l'hectare, les grandes cultures, qui représentent 60 % de la consommation de pesticides, ayant une emprise foncière extrêmement importante. Pour ce qui est des externalités négatives liées à l'usage des pesticides, nous avons travaillé sur la base d'un indicateur de fréquences de traitement – IFT –, pour bien faire la part des choses : en France, le niveau de pesticides utilisés en grande culture est beaucoup moins important que le niveau de pesticides utilisés en arboriculture.

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