Intervention de Natacha Sautereau

Réunion du jeudi 28 juin 2018 à 9h15
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Natacha Sautereau, chercheuse en agroéconomie à l'Institut technique d'agriculture biologique :

L'objet de notre travail n'est pas l'agro-industrie, même si les produits bio transformés existent et constituent, d'ailleurs, un secteur en fort développement dans les grandes et moyennes surfaces.

La plupart des travaux scientifiques présentent, de manière de plus en plus consensuelle, le modèle de l'agriculture biologique comme l'un des prototypes de l'agriculture durable, voire comme son parangon. Bien sûr, il ne s'agit pas d'un modèle parfait, mais, vous l'avez dit, il est vertueux.

L'agriculture biologique est d'ailleurs le secteur qui se développe le plus et si la consommation de fruits et légumes produits en conventionnel diminue, celle de fruits et légumes bio ne fait qu'augmenter, et de manière assez forte. Il s'agit donc d'un secteur dynamique, porteur, que les chercheurs considèrent comme un prototype.

M. Mesnard vous a parlé des verrouillages sociotechniques. La théorie des transitions est un cadre conceptuel qu'ont utilisé des chercheurs néerlandais, MM. Frank Geels et Johan Schot, qui montre qu'une innovation « percole » dans le régime sociotechnique dominant et qu'il peut se produire des phénomènes de résistance et de difficulté face auxquels il existe trois leviers de déverrouillage : l'offre et la demande sur le marché, la recherche-développement et la mise à disposition de connaissances – la percolation est plus aisée lorsque le degré d'appropriation d'une innovation dépasse 5 % ou 6 % et suscite une familiarité avec le processus – et, naturellement, les politiques publiques. Dans une étude que nous avons réalisée il y a une dizaine d'années sur la théorie des transitions appliquée à l'agriculture biologique en tant que solution alternative en voie d'institutionnalisation, nous avons exploré les différentes manières de favoriser la légitimation de l'agriculture biologique. L'impact des politiques publiques sur le développement de l'agriculture biologique est manifeste : les trois plans successivement mis en place – le plan pluriannuel de développement de l'agriculture biologique (PPDAB) de 1998, le plan « Horizon bio » de M. Barnier en 2008 et le plan « Ambition bio » de M. Le Foll en 2012 – ont produit des effets directs en termes d'accroissement des surfaces. Les plans en question étaient systémiques : ils ne visaient pas seulement l'aide aux agriculteurs, qui est indispensable, mais aussi la formation au moyen de modules bio dans les lycées et les écoles. Le PPDAB ciblait davantage les agriculteurs, pour inciter au développement de l'agriculture biologique, mais les plans sont peu à peu devenus plus systémiques jusqu'à comprendre des mesures relatives à la restauration collective et à la commande publique. Ils ont abordé la question de l'agriculture biologique au moyen d'initiatives territoriales comme les projets alimentaires territoriaux (PAT). En clair, le développement de l'agriculture biologique s'envisage sous plusieurs angles.

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