Intervention de Ugo Bernalicis

Réunion du mercredi 13 septembre 2017 à 15h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

En vous entendant, chère collègue, j'avais l'impression d'entendre le ministre ! (Sourires.) Mais je ne vous ai pas vue à toutes les auditions, notamment à celles de ceux qui contestaient cet article, et plus globalement l'intérêt de ce texte. Vous étiez là, certes, à l'audition du directeur général de la sécurité intérieure – moi aussi.

Vous prenez l'exemple de Villejuif. La direction générale de la sécurité intérieure n'a rien à voir avec tout cela… Celui qu'il faut féliciter, c'est ce plombier qui, par sens citoyen, a transmis l'information pertinente aux services de police, qui ont pu ainsi découvrir ce laboratoire clandestin.

Par ailleurs, on fait mine de découvrir tout cela… Mais fabriquer du TATP, cela n'a rien de très neuf. Je me souviens avoir, très jeune ado, été un peu fasciné par la fabrication des pétards – ceux du 14 juillet, je vous rassure. Je n'ai jamais eu l'intention de faire sauter quoi que ce soit. (Sourires.) Eh bien, j'étais tombé sur un site internet qui proposait toutes les méthodes de fabrication d'explosifs. On trouvait à l'époque très facilement tous les produits nécessaires, et même beaucoup trop facilement. Pour obtenir du TATP, il suffit de mélanger de l'acétone et de l'eau oxygénée, que l'on trouve dans n'importe quelle grande surface : c'est d'ailleurs ce qui a amené à la création d'un fichier, pendant l'été, des acheteurs d'acétone et d'eau oxygénée. C'est un sujet sérieux, et par cette digression je voulais vous montrer que je ne le méconnaissais pas.

S'agissant du JLD, j'ai entendu les syndicats de magistrats nous expliquer qu'il s'agissait d'un juge alibi, qui allait se prononcer sur une mesure d'initiative non pas judiciaire, mais administrative – première bizarrerie. Et, pour autoriser cette perquisition administrative, il ne se fondera pas sur grand-chose de plus que le juge administratif lorsque celui-ci était amené à juger d'une contestation a posteriori d'une perquisition administrative menée dans le cadre de l'état d'urgence : il se fondera sur des notes blanches, issues des services de renseignement, qui ne sont pas étayées et qui ne contiennent pas d'éléments tangibles.

Vous parliez d'une coopération efficace entre la DGSI et les magistrats ; mais en l'occurrence, il s'agissait du procureur de la République de Paris, M. François Molins, qui a accès, lui, aux dossiers « confidentiel défense », qui vont bien au-delà de la note blanche ! Il peut, lui, confirmer qu'une affaire n'a pas pu être judiciarisée. À la limite de la limite, cela me paraîtra déjà bien plus valable – mais ce texte ne prévoit pas que le JLD aura accès aux dossiers classés « confidentiel défense ».

Si vous faisiez confiance à la justice, alors vous donneriez accès à certains magistrats, de façon limitée, à ces éléments classifiés, en bonne intelligence avec les services de renseignement. Mais vous semblez vous méfier des magistrats : il plane à leur égard une espèce de présomption de ne pas être capables d'accéder à ce genre de dossiers, de ne pas être suffisamment intègres, citoyens, efficaces ou je ne sais quoi. C'est ce que l'on a pu entendre dans la bouche de certains syndicats de police – pas forcément d'ailleurs ceux auxquels je m'attendais, puisque les syndicalistes d'Alliance ont estimé inutiles les mesures d'assignation à résidence et de fermeture des lieux de culte.

Vous voyez, j'ai suivi les auditions, et j'ai aussi entendu les experts : ils ne disent pas tous la même chose. Je vous prie de l'entendre : il y a un débat sur ce sujet ; il n'y a pas une évidence, avec des experts unanimes qui nous diraient que c'est comme ça et pas autrement.

En ce qui concerne le renseignement, on nous dit qu'il est souvent impossible de judiciariser, c'est-à-dire d'ouvrir une enquête et d'aller vérifier des soupçons dans le cadre de la flagrance. Les avocats que j'ai rencontrés me disent le contraire ! Il y a peut-être des questions de procédure, qui rendent difficile de doubler un renseignement étranger d'un renseignement « maison », comme on le faisait auparavant, pour disposer d'éléments tangibles à même de nourrir un dossier. C'est à voir.

Vous évoquez également la protection des sources. On nous a ainsi donné un exemple quelque peu étonnant : celui de parents d'un jeune en voie de radicalisation, qui l'avaient dénoncé mais ne souhaitaient pas apparaître dans la procédure. Certes, entre d'un côté choisir de faire apparaître des gens dans la procédure, arrêter le terroriste et judiciariser, et de l'autre choisir une simple perquisition administrative, il y a un choix à faire. Pour nous, la judiciarisation est bien préférable.

Il faut faire confiance aux magistrats de ce pays, chose que le texte ne fait pas.

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