La réunion débute à 15 heures.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, Présidente
La Commission poursuit l'examen des articles du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (n° 104) (M. Raphaël Gauvain, rapporteur).
Chers collègues, au terme d'un entretien avec les responsables de chaque groupe au sein de cette Commission, nous sommes tous convenu de terminer l'examen du projet de loi ce soir à minuit et, si possible, de ne pas siéger demain matin. Soucieux néanmoins de préserver la qualité de nos débats, nous avons décidé d'un commun accord de laisser s'exprimer un orateur par groupe sur chaque amendement, dans des temps de parole contenus, et de limiter nos échanges d'arguments aux seuls points qui le méritent.
Article 2 (art. L. 227-1 et L. 227-2 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) : Fermeture administrative des lieux de culte (suite)
La Commission examine l'amendement CL174 de Mme Danièle Obono.
À l'inverse de l'amendement CL255 du Gouvernement que nous avons examiné ce matin juste avant la fin de notre réunion et auquel je m'étais opposé, l'amendement CL174 vise précisément à réduire le périmètre de l'article 2 et à revenir sur une terminologie qui peut signifier tout et son contraire, sans forcément de lien avec l'objectif affiché de lutte contre le terrorisme.
Je renvoie les auteurs de cet amendement et de celui qui suit à l'avis du Conseil d'État : celui-ci a estimé que la mention de la notion de violence était justifiée, tout en préconisant de supprimer toute référence à la haine et à la discrimination. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle aborde l'amendement CL107 de M. Éric Ciotti.
Cet amendement vise à élargir les motifs permettant de justifier la fermeture de lieux de culte aux propos provoquant à la haine et à la discrimination. Les propos antisémites notamment n'ont pas leur place dans notre République.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine en discussion commune les amendements CL16 de M. Guillaume Larrivé, CL65 de M. Jean-Louis Masson et CL242 de Mme Marine Brenier.
En se limitant à donner la possibilité de fermeture de lieux de culte en cas de propos, d'idées, de théories ou d'activités provoquant à la violence ou à la commission d'actes terroristes, l'article 2 omet la dimension d'endoctrinement idéologique qui est le terreau le plus fertile pour un éventuel passage à l'acte.
À l'inverse, l'article 3 introduit dans le code de la sécurité intérieure un nouvel article L. 228-1 relatif aux mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance qui vise, parmi les catégories de personnes susceptibles d'être sujettes à un tel contrôle, « toute personne qui soutient ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes ».
Pour assurer la cohérence, l'intelligibilité et l'applicabilité de la loi, il convient donc de prendre en compte cette dimension idéologique dans l'ensemble du projet de loi, article 2 compris.
On ne peut que se féliciter de l'introduction dans la loi de cet article L. 227-1 qui autorise le préfet à prononcer la fermeture des lieux de culte dans lesquels sont prononcés des propos qui incitent ou encouragent à la violence. Il est proposé dans l'amendement CL242 d'étendre cette possibilité dès lors que les propos tenus, les activités pratiquées ou les écrits diffusés dans l'enceinte du lieu de culte condamnent les valeurs républicaines.
Avis défavorable aux trois amendements. Cette motivation supplémentaire est beaucoup trop large et n'est pas limitée à la lutte contre le terrorisme.
La rédaction de l'amendement CL242 n'est pas du tout la même que celle de l'amendement CL16 : lorsque j'évoquais dans mon amendement les valeurs et principes consacrés par la tradition républicaine, je reprenais expressément les termes de la décision du Conseil d'État du 9 janvier 2014 dans « l'affaire Dieudonné ». Mon amendement est donc beaucoup plus précis et plus ciblé et se réfère au droit existant.
Mon propos consistait simplement à dire qu'en ajoutant au texte un motif complémentaire de fermeture, on sortait du champ de la lutte contre le terrorisme. D'où mon avis défavorable à ces trois amendements.
La Commission rejette successivement les trois amendements.
Elle étudie en discussion commune les amendements CL207 de M. Éric Diard, CL17 de M. Guillaume Larrivé et CL108 de M. Éric Ciotti.
La durée maximale de fermeture des lieux de culte est fixée à six mois, ce qui garantit la proportionnalité des moyens mis en oeuvre. Cependant, une limitation absolue à six mois pourrait désarmer la puissance publique en cas de menace réelle et sérieuse. La suppression de cette limite ne signifierait pas pour autant la suppression de toute garantie de proportionnalité dans la mesure où le juge administratif, qui veille au respect des droits et libertés fondamentaux, pourrait toujours invalider toute fermeture abusive décidée par la puissance publique.
Je voudrais connaître l'appréciation de M. le ministre d'État sur cette question. L'article 2 dispose que la fermeture des lieux de culte ne peut excéder six mois. Sous le régime actuel, cette fermeture peut être pérenne. Certes, on connaît diverses mesures de fermeture administrative qui ne peuvent excéder un semestre, notamment dans le code de la santé publique en ce qui concerne les débits de boisson, mais vous reconnaîtrez que l'analogie entre ces lieux est assez faible. Pourquoi avoir choisi une durée de six mois ? Six mois et un jour après, une mosquée salafiste peut être tout aussi dangereuse… Je préférerais de beaucoup que la loi ne fixe pas de délai et que celui-ci soit apprécié in concreto par l'autorité administrative sous le contrôle du juge administratif, comme le propose notre amendement CL17.
Si j'ai fait ce choix, monsieur Larrivé, c'est tout simplement parce que je ne suis ni un idéologue ni un technocrate. Je rentre dans ma ville de Lyon de temps en temps pour observer la réalité : dans les faits, lorsque nous fermons une mosquée, nous ne pensons pas que tous les musulmans de la commune ou du lieu de culte sont forcément impliqués dans l'action des dirigeants qui ont radicalisé cette mosquée. Nous nous donnons donc le temps de trouver une autre association cultuelle permettant aux pratiquants d'exercer leur culte dans des conditions renouvelées.
Mon amendement CL108 participe du même souci. Nous entendons votre argument, monsieur le ministre d'État, mais ce délai de six mois nous paraît beaucoup trop bref. En audition, le représentant du syndicat des commissaires de la police nationale soulignait que le délai de fermeture prévu par le texte sera le même que celui qui prévaut pour un débit de boissons… Or, nous débattons de circonstances beaucoup plus graves et dont les conséquences peuvent être beaucoup plus lourdes. Vous pourriez éventuellement prévoir un délai plus bref, mais renouvelable. Mais pourquoi fixer sa durée maximale à six mois ?
Le Conseil d'État avait proposé une durée de quatre mois – que nous avons décidé d'allonger à six mois. Je ne doute pas qu'un élu aussi actif que vous, monsieur Ciotti, soit capable en six mois, avec le préfet, de faire en sorte qu'un lieu de culte soit ouvert aux musulmans de la commune, sous l'égide d'une association cultuelle renouvelée. Vous qui êtes implanté sur le terrain connaissez, j'en suis sûr, beaucoup de musulmans qui ne sont pas radicalisés et auxquels vous voulez permettre d'exercer leur culte.
Je suis défavorable à l'ensemble des amendements tendant à modifier le délai prévu par le projet de loi. Le Conseil d'État avait effectivement proposé une durée de quatre mois. Ensuite, nous débattons ici de la liberté de culte, corollaire de la liberté d'expression : la comparaison avec la fermeture d'un débit de boissons me paraît un peu osée… Le délai de six mois me semble proportionné ; en parallèle de la fermeture administrative, le droit commun permet de procéder à la dissolution d'associations cultuelles.
Je trouve très bien de limiter à six mois la durée de fermeture administrative des lieux de culte. Mais si la situation reste inchangée au bout de ce délai, l'autorité administrative pourra-t-elle prendre un nouvel arrêté de fermeture ? Le texte ne le précise pas.
Un certain nombre d'établissements de culte ont été définitivement fermés. Nous nous donnons six mois pour pouvoir remplacer l'association cultuelle en cause et repartir sur des bases saines. Dans la pratique, c'est ce que nous essayons de faire avec nos préfets, car nous ne mettons pas sur le même plan tous nos compatriotes de religion musulmane. Nous pensons que l'immense majorité d'entre eux veut pratiquer son culte dans le respect des lois de la République.
Mieux vaut clarifier les choses, ne serait-ce que pour aider les magistrats qui auront à appliquer ces dispositions. Si je comprends bien, contrairement à ce que je pensais à la lecture du texte, l'autorité administrative n'aura pas la possibilité de renouveler cette fermeture : au bout des six mois, soit une nouvelle association cultuelle aura été substituée à la précédente, soit la fermeture du lieu de culte sera définitive.
Si jamais on s'aperçoit que les choses n'aboutissent pas, on pourra reprendre une nouvelle mesure ou fermer définitivement le lieu concerné. Le texte ne pose donc pas de problème.
Monsieur le ministre, vous disiez que vous n'étiez ni idéologue ni technocrate : cela tombe bien, nous ne sommes ni sénateurs ni ministres mais députés. Élus de la nation, c'est nous qui, à partir du projet de loi que vous nous soumettez, essayons d'élaborer la loi.
Vous dites qu'on pourra fermer certains lieux de culte de manière définitive : c'est exactement le contraire de ce que prévoit le projet de loi qui dispose que cette fermeture ne pourra excéder six mois ; autrement dit, au bout de six mois, le lieu de culte en cause sera, mécaniquement, rouvert.
Nous avons déjà fermé deux lieux de culte, à Lagny et à Torcy, et nous continuerons à le faire pour les lieux de culte qui ne permettraient pas un exercice du culte musulman compatible avec l'ordre républicain.
La Commission rejette successivement les amendements CL207, CL17 et CL108.
Elle en vient à l'amendement CL93 de Mme Laurence Vichnievsky.
Dans la matinée, nous avons tous prononcé maintes fois le terme d'« équilibre » – nous avons même fait du mauvais esprit à cet égard. Pourtant, il est normal que ce terme revienne et tourne en boucle dans la mesure où notre mission, à la commission des Lois, consiste, pour une très large part, à apprécier l'équilibre entre des intérêts légitimes, parfois contradictoires, mais juridiquement protégés. Ce texte consiste précisément à trouver un équilibre entre sécurité et liberté – cela me rappelle les débats, il y a bien des années et dans un contexte tout autre, sur la loi dite « sécurité et liberté ». On pourrait penser aussi aux principes de présomption d'innocence et de liberté de la presse, par exemple. C'est précisément notre rôle de parlementaires, en particulier à la commission des Lois, que de trouver la juste position du curseur. Il est certain que, dans le contexte de menace extrême qui est le nôtre, nous allons devoir le déplacer quelque peu.
À cet égard, cette loi ne paraît pas liberticide à notre groupe et les trois amendements que nous avons déposés à l'article 2 vont dans le sens d'une plus grande fermeté. L'amendement CL93, sur lequel je m'exprime en premier lieu, vise à supprimer le délai d'exécution des arrêtés de fermeture prévu par le projet de loi. J'entends bien qu'il ne s'agit pas ici de la fermeture de débits de boissons ni de maisons closes mais de lieux où s'exerce un culte ; mais selon nous, le principe de la liberté de culte ne peut plus être invoqué dès lors que des appels à la violence ou au terrorisme y sont constatés. La France respecte toutes les religions – mais sous les lois de la République.
Un délai minimal d'exécution de quarante-huit heures me paraît justifié pour permettre l'introduction d'un référé-liberté et utile pour protéger la liberté d'exercer ses convictions religions. Il n'y a à mon sens ni péril ni urgence qui justifierait la suppression de ce délai. Avis défavorable.
La question est de savoir si la décision de fermer un lieu de culte doit s'appliquer immédiatement ou si l'on doit donner aux personnes directement visées par cette décision un délai suffisant pour entamer le débat prévu par l'article L. 521-1 du code de justice administrative. Le juge administratif est en effet chargé de prendre des mesures de sauvegarde des libertés fondamentales si ces dernières font l'objet d'atteintes manifestement illégales. Je comprends mal comment, en transposant des considérations de sécurité dans le droit général, nous priverions telle ou telle association, personne morale, de ce droit de discussion préalable dès lors que le juge administratif sera là pour vérifier s'il y a atteinte manifestement illégale aux droits et libertés fondamentales. Nous sommes donc là dans un cadre extrêmement restreint, précis, nécessaire. Il serait problématique de ne pas respecter ce délai : des mesures d'exécution forcée pourraient être très mal ressenties et donner un résultat contraire à l'objectif poursuivi. On voit bien – et nous y reviendrons – que le juge administratif est, lui aussi, un juge des libertés fondamentales.
Ayant l'habitude de voir le Modem plutôt attaché au principe du débat contradictoire et au maintien de garde-fous, je suis un peu déboussolé par cet amendement – contre lequel je voterai évidemment, d'autant que je suis opposé à l'article tout entier. Je rejoins ce que vient de dire notre collègue Paris : si on n'impose pas à l'administration d'expliquer et de motiver sa décision dans le cadre d'un débat contradictoire, la mesure de fermeture risque d'être totalement contre-productive. Elle me semble déjà l'être dans l'absolu, dès lors que l'on vise pêle-mêle les idées et théories, mais ce sera autrement plus grave si l'on ne prend même plus le temps de l'explication.
Je trouve pour ma part intéressante la rédaction proposée par Mme Vichnievsky. Non seulement elle renforce l'effet de la mesure de fermeture mais elle me semble aussi de nature à inverser la charge de la preuve en obligeant l'association cultuelle à se justifier au lieu de contester systématiquement le bien-fondé de l'arrêté préfectoral.
La Commission rejette l'amendement CL93.
Elle est saisie de l'amendement CL208 de M. Éric Diard.
En cas de fermeture d'une association cultuelle, la puissance publique aura six mois pour retrouver une autre association pour accueillir les personnes qui fréquentaient le lieu de culte. Pourquoi ne pas donner à l'autorité administrative un filet de sécurité ? Les choses ne sont pas toujours aussi simples dans ce genre d'établissement : les gens ne s'entendent pas nécessairement et les rapports entre les différentes confessions ne sont pas toujours évidents. Pourquoi s'interdire la possibilité de proroger ce délai de quelques mois ?
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
L'amendement CL229 de Mme Marietta Karamanli est retiré.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CL19 de M. Guillaume Larrivé.
Puis elle aborde en discussion commune les amendements CL95 de Mme Laurence Vichnievsky et CL18 de M. Guillaume Larrivé.
L'amendement CL95 est le deuxième que dépose le groupe Modem dans le sens d'une fermeté accrue du texte. Il tend à alourdir les sanctions prévues en cas d'infraction à cet arrêté de fermeture : nous proposons une peine de trois ans d'emprisonnement et une amende de 50 000 euros – je crois que les Républicains ont proposé une amende de 45 000 euros. Nous ne devons pas nous priver de la possibilité de placer certaines personnes en détention provisoire si une information était ouverte. Or les sanctions qui sont prévues par le projet de loi ne le permettent pas. Par ailleurs, les atteintes dont il est question justifient largement l'alourdissement de ces sanctions.
Mme Vichnievsky a raison et je tiens à souligner notre parfaite identité de vues sur cette question, pour des raisons là encore tout à fait pratiques, monsieur le ministre d'État. Si vous écrivez dans la loi que la réouverture – clandestine, au fond – d'un lieu de culte fermé sera punie de six mois de prison, aucune peine ne sera jamais réellement effectuée : la réalité de l'application des peines dans notre pays est telle que, grosso modo, toute condamnation inférieure à deux ans n'est quasiment jamais exécutée, sauf de manière très exceptionnelle. C'est pourquoi nous proposons dans notre amendement CL18 une peine de trois ans, non pour des raisons esthétiques, idéologiques ni technocratiques mais bien opérationnelles. On sait qu'il y a des réouvertures de lieux de culte clandestins : j'aimerais d'ailleurs que vous en évaluiez le nombre.
Les lieux clandestins, en général, on ne les connaît pas… Nous parlons de lieux de cultes, au sens où nous les avons définis ce matin, c'est-à-dire des lieux où s'exerce un culte.
Il n'y aurait donc en France aucun lieu de culte clandestin où est pratiqué un islam radical ni de prières de rue illégalement tenues ? Ou alors vous ne les connaissez pas parce que vous n'avez pas de service de renseignement. (Sourires)
Avis favorable à l'amendement CL18. La peine proposée nous paraît proportionnée au risque.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement CL18 et à l'amendement CL95 sous réserve de sa rectification car dans le droit en vigueur, à une peine de trois ans d'emprisonnement correspond une amende de 45 000 euros.
Si j'ai bien compris, M. le ministre de l'Intérieur est favorable à la fixation d'une peine d'emprisonnement de trois ans et de 45 000 euros d'amende, comme le demande M. Larrivé dans son amendement CL18 et suggère à Mme Vichnievsky de rectifier son amendement CL95 afin de les rendre identiques.
La Commission adopte simultanément l'amendement CL95 rectifié et l'amendement CL18.
La Commission examine l'amendement CL209 de M. Éric Diard.
Nous venons de parler des lieux de culte clandestins. D'autres sont sous le coup d'une mesure de fermeture mais ne sont pas fermés. Je propose de laisser au juge la possibilité de sanctionner ces derniers en rendant définitive leur fermeture administrative.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
La Commission en vient à l'amendement CL96 de Mme Laurence Vichnievsky.
Notre amendement vise à renforcer la répression en prévoyant la possibilité de prononcer l'interdiction du territoire français dans les conditions prévues par l'article 131-30 du code pénal, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans, à l'encontre de tout étranger coupable du délit défini à l'alinéa précédent.
L'article 131-30 du code pénal prévoit la possibilité de prononcer une interdiction du territoire à l'encontre de tout étranger coupable d'un crime ou d'un délit, dès lors que cette sanction est expressément prévue par la loi d'incrimination de l'infraction en cause. Si la violation d'une mesure de fermeture d'un lieu de culte est commise par un étranger, l'éviction du territoire de ce dernier présente un intérêt évident pour la sécurité publique en empêchant la réitération de l'infraction en tout autre lieu du territoire national.
Cet amendement vise à remédier à une lacune du projet de loi.
Avis défavorable. L'interdiction du territoire peut effectivement être prononcée à titre de peine complémentaire, mais pour des délits et crimes beaucoup plus graves : par exemple, les actes de torture ou de barbarie, les violences ayant entraîné une mutilation, les crimes et délits de guerre, la falsification des marques de l'autorité, le blanchiment. Dans le cas présent, la sanction me paraît disproportionnée.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 2 modifié.
Article 3 (art. L. 228-1, L. 228-2, L. 228-3, L. 228-4, L. 228-5, L. 228-6 et L. 228-7 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) : Mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance des personnes constituant une menace grave pour la sécurité et l'ordre publics
La Commission examine l'amendement CL181 de M. Ugo Bernalicis.
Notre amendement demande la suppression de cet article qui retranscrit la mesure d'assignation à résidence prévue dans le cadre de l'état d'urgence, en la rebaptisant « mesure individuelle de surveillance ». Cette mesure nous semble peu proportionnée à l'objectif.
Lors des auditions, nous nous sommes rendu compte que les actuelles assignations à résidence consistent à mettre un individu « sous cloche », pour reprendre une expression employée à diverses reprises, pour le couper d'un éventuel réseau. Il n'y a alors que des suspicions contre l'individu en question et non pas des preuves qui conduiraient à l'ouverture d'une procédure judiciaire. Cette mise sous cloche a pour effet de tarir les renseignements et l'émergence d'éléments nouveaux qui permettraient de renouveler la mesure. C'est l'un des problèmes qui ont été mis en évidence : des éléments nouveaux sont nécessaires pour prolonger la mesure individuelle ; or une personne qui se sait surveillée a généralement tendance à « se tenir à carreau ».
S'il s'agit d'arrêter quelqu'un avant qu'il ne commette un acte de terrorisme, la mesure peut éventuellement se justifier, mais nous n'en sommes qu'au stade de la suspicion et non de la certitude. S'il s'agit d'obtenir des renseignements, elle est inefficace. Dès lors, où est le bien-fondé de cette mesure ?
Certaines formulations nous semblent extrêmement larges, notamment quand il s'agit d'assigner à résidence quelqu'un qui « entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ». Ce sont des mesures restrictives de liberté et l'on ne peut exclure qu'elles s'appliquent à des personnes n'ayant rien à voir avec le terrorisme, même si on va m'opposer qu'elles seront utilisées avec parcimonie. Cela me semble problématique dès la première assignation. En outre, au cours de la discussion, il a été indiqué que les mesures d'assignation se multiplieraient, comme au début de l'état d'urgence, si la menace s'amplifiait ou si de nouveaux actes étaient commis sur le territoire.
Je plaide donc pour la suppression de cet article et pour l'application des mesures prévues dans notre code de procédure pénale pour assigner à résidence des personnes contre lesquelles il existe des preuves.
Avis défavorable. Nos auditions ont montré, au contraire, que les services de police étaient demandeurs de cette mesure qu'ils estiment très efficace sur le plan opérationnel. En outre, votre présentation me semble excessive dans la mesure où la nouvelle définition de l'assignation à résidence offre des garanties : il est notamment indiqué qu'elle répond aux « seules fins de prévenir des actes de terrorisme ».
Cet article 3 nous a été décrit par la plupart des experts que nous avons entendus sur le sujet comme une mesure de vigilance et de sûreté supplémentaire, venant s'ajouter de manière judicieuse et utile aux moyens à disposition des forces de renseignement et des forces d'intervention. Ils nous ont dit à quel point cette mesure était utile, notamment dans le spectre de « basse intensité » – basse intensité, certes, mais réelle.
Vous nous parlez de suspicion ; nous vous parlons de doutes sur la dangerosité d'individus. Lorsque des sources font état d'une possible dangerosité, on ne peut pas prendre le risque de ne pas lever le doute et de ne pas utiliser cette mesure de surveillance pour les individus les plus dangereux.
L'article 3 pose des critères suffisamment restrictifs pour éviter tout risque d'assignation à résidence abusive : les individus visés sont extrêmement ciblés. Certes, après les attentats de 2015, peut-être a-t-on un peu tapé « dans le tas » ; mais depuis, le dispositif ne concerne que trente-cinq individus, ce qui montre qu'il n'y a pas de mesures abusives. Chacune d'elles est utile et nécessaire pour les forces d'intervention et les forces de renseignement.
Pour ce qui est du contrôle de ces mesures de surveillance et de leur renouvellement dans le temps, nous en reparlerons au fur et à mesure de l'examen des amendements. Il faut voir qu'il s'agit d'une disposition restrictive et non pas privative de liberté, ce qui justifie pleinement l'absence d'intervention du juge judiciaire. Le procureur de la République de Paris, François Molins, nous disait d'ailleurs qu'il ne trouvait pas forcément judicieuse une intervention du juge judiciaire parce qu'il reconnaissait la compétence du juge administratif en la matière. À l'entendre, tout s'est très bien passé jusqu'à présent entre les autorités administratives et judiciaires dans ce domaine-là.
À ce stade, j'aimerais rappeler la philosophie de cet article 3. On se rend compte, à la lecture du premier alinéa de l'article L. 228-1, que le nombre de personnes concernées est extrêmement limité, dans la mesure où toute une série de conditions doivent avoir été remplies : « Aux seules fins de prévenir des actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui, soit entre en relation habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire, par le ministre de l'Intérieur, les obligations prévues au présent chapitre ».
Le nombre de personnes visées est extrêmement limité ; c'est bien pour cela que nous n'en comptons que trente-cinq à l'heure actuelle. Bien évidemment, dès lors qu'il s'agit d'une mesure de surveillance, nous avons veillé à l'encadrer et nous avons accepté plusieurs propositions du Sénat : d'une surveillance à domicile avec obligation de pointer trois fois par jour, on passe à une surveillance dans le périmètre de la commune dont il devient même permis de sortir moyennant le port d'un bracelet électronique. Nous essayons de parvenir à des mesures équilibrées.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL20 et CL21 de M. Guillaume Larrivé et CL109 de M. Éric Ciotti.
Mes deux amendements sont assez différents, même si je peux comprendre qu'ils soient examinés en discussion commune.
Mon amendement CL20 propose de créer un régime de rétention administrative ciblée sur les individus les plus dangereux, aux seules fins de prévenir des actes de terrorisme. On reste en amont de la judiciarisation dans la mesure où il n'y a pas suffisamment d'éléments pour incarcérer ces individus ; on estime néanmoins qu'il faut les mettre hors d'état de nuire en les plaçant dans un centre de rétention avec un contrôle juridictionnel ex post.
Mon amendement CL21 tend à rétablir le régime de l'assignation à résidence tel qu'il est prévu par l'état d'urgence.
Je vous précise que la discussion commune permet d'étudier chaque amendement qui y est soumis : si je mettais votre premier amendement aux voix et qu'il était adopté, cela ferait tomber les suivants, puisqu'ils proposent tous une nouvelle rédaction de l'article. L'examen en discussion commune ne signifie pas que les amendements sont identiques.
Avant de défendre mon amendement CL109, je voudrais soulever un problème de forme. J'avais déposé un amendement en tout point identique à celui de M. Larrivé, dont je suis d'ailleurs cosignataire, visant à créer une rétention administrative. Les députés du groupe Les Républicains ont formulé cette proposition de longue date et à maintes reprises au cours de la précédente législature. Nous considérons qu'il est essentiel de disposer d'un dispositif de protection permettant, dans des moments particuliers de graves tensions et de menaces exceptionnelles, de placer en rétention des individus qui font peser une menace particulière signalée par services de renseignement.
M. Guillaume Larrivé a parfaitement motivé cet amendement. Nous continuerons à nous battre pour créer cet outil à nos yeux essentiel. Or mon amendement a été rejeté au titre de l'article 40 de la Constitution. J'avoue ne pas comprendre la différence de traitement même si mon amendement prévoit la création d'un centre de rétention. Il faudra peut-être trouver un moyen d'harmoniser les décisions de la commission des Finances, chargée d'apprécier de la recevabilité des amendements.
Mon amendement CL109 tend à transposer dans le droit commun le dispositif relatif aux assignations à résidence prévu par la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence. Monsieur le ministre d'État, la transposition est, semble-t-il, l'objectif de ce projet de loi, même si nous en connaissons l'application et la crédibilité sur le fond. Cet outil d'assignation à résidence, qui a été utilisé plusieurs centaines de fois dans le cadre de l'état d'urgence, a montré son utilité ; or vous le videz complètement de sa substance. Je citerai une nouvelle fois l'audition du syndicat des commissaires de la police nationale où fut invoquée « une assignation à résidence du pauvre ». Cette assignation à résidence n'en aura plus que le nom : une fois élargie au périmètre de toute une ville, elle sera dépourvue de tout caractère opérationnel. Un individu assigné à résidence à Paris pourra circuler librement dans tout le périmètre de la ville. L'assignation ne pourra plus se réduire au domicile comme dans le cadre de l'état d'urgence. Qui plus est, la durée de ces assignations sera limitée à trois mois contre douze mois dans le cadre actuel. Quant aux obligations de surveillance imposées aux personnes faisant l'objet d'une mesure administrative d'assignation à résidence, elles ont été considérablement allégées par le Sénat, même si vous proposez opportunément de les replacer dans un cadre au moins quotidien.
Pour ce qui est de l'article 40, je m'en suis remise pour son application à la seule appréciation du président de la commission des Finances.
J'émets un avis défavorable à ces amendements. Concernant les assignations à résidence, l'objectif de ce projet de loi n'est pas de procéder à un copier-coller des mesures prévues dans le cadre de l'état d'urgence. Quant au centre spécialisé pour les rétentions administratives, ce serait un dispositif totalement disproportionné.
M. Ciotti, qui fait toujours preuve d'une forte détermination et d'une grande constance dans ses propositions, avait déjà proposé cette mesure sous le précédent quinquennat. Le Président de la République, soucieux de favoriser l'unité nationale après les attentats du Bataclan, l'avait soumise au Conseil d'État avec d'autres préconisations de M. Ciotti. Le Conseil d'État avait conclu que la détention de personnes présentant des risques de radicalisation était exclue sur le plan constitutionnel. Peut-être allez-vous demander une révision de la Constitution, monsieur Ciotti ?
Madame la présidente, je viens de me rendre compte que plusieurs de nos amendements, après l'article 2, après l'article 4 et après les articles suivants, ont été repoussés à la fin du texte. Faut-il, encore une fois, y voir une volonté de faire en sorte que nos amendements soient discutés à minuit et de nous faire passer pour des opposants systématiques (Murmures) ? Je demande que nos amendements soient rétablis à l'endroit où il était prévu qu'ils soient. Sinon, il semble difficile d'organiser un débat à peu près serein. Ce n'est pas la première fois que cela nous arrive. Je demande une interruption de séance pour en discuter.
Monsieur Bernalicis, les amendements sont placés là où ils doivent l'être dans l'intérêt et dans la logique de la discussion. Il n'y a nullement d'intention de notre part de placer vos amendements à la fin.
D'habitude, on reçoit un message pour nous prévenir quand des amendements sont déplacés. Cette fois, je découvre en réunion qu'ils ne sont plus dans l'ordre dans lequel ils ont été déposés, ce qui me semble problématique pour la bonne tenue des débats et pour la préparation de nos travaux.
Nous regarderons cela attentivement. Cela étant, ce n'est pas vous qui fixez la place des amendements et l'ordre de la discussion.
Il ne s'agit pas du fait du prince. L'administration de la commission des Lois fait au mieux, dans l'intérêt de tous ses membres et de la discussion.
Nous examinons un sujet central sur lequel la vision du Gouvernement s'oppose clairement à celle que nous exprimons au travers des amendements présentés par MM. Éric Ciotti et Guillaume Larrivé.
Sous l'autorité du procureur de la République de Paris, à partir de janvier 2016, c'est-à-dire à peu près au moment du départ de Mme Taubira de la place Vendôme, il y a eu une prise en considération beaucoup plus forte de la menace. Les individus revenant du djihad ou impliqués dans des filières sont désormais mis en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, ce qui permet de les placer en détention provisoire pour une période qui peut aller jusqu'à un an. Cette pratique est infiniment plus efficace que celle qui avait cours sous Mme Taubira, époque où ces individus passaient quelques mois en prison et étaient remis en liberté sans qu'on ait vraiment eu le temps de mener des investigations.
Malheureusement, la situation va se dégrader après la sortie de l'état d'urgence car vous ne proposez pas de solution satisfaisante. Lors de ses auditions à l'Assemblée nationale, le procureur Molins a régulièrement souligné le fait que près de la moitié des informations recueillies par nos services de renseignement proviennent de l'étranger. Ces informations ne peuvent pas faire l'objet d'une procédure judiciaire en l'état. Comme nous ne pouvons pas laisser ces gens dans la nature, nous devons disposer d'une mesure administrative forte, avant leur éventuelle mise en examen et détention provisoire.
Ce texte n'est malheureusement pas à la hauteur de la menace qui pèse sur les Français. M. le ministre d'État nous a rappelé l'avis du Conseil d'État sur lequel nous n'allons pas débattre aujourd'hui. Je regrette que nous ne puissions ouvrir un débat sur les amendements que nous proposons.
Je suis très étonné par les propos qui viennent d'être tenus car j'ai entendu tout autre chose de la bouche des magistrats, le procureur Molins et d'autres, que nous avons auditionnés. Ils nous ont indiqué que, depuis que nous avons atteint ce niveau de risque, il s'est produit une acculturation entre les magistrats et les agents des services de renseignement ; ils ont désormais pris l'habitude de travailler ensemble et en confiance.
Alors que vous parlez de rétention administrative, on passe en réalité dans une procédure judiciaire, et c'est bien normal. Je suis choqué d'entendre ces termes de « rétention administrative » dans vos propos et dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. J'avoue que cela me préoccupe parce que ce sont des choses graves.
C'est précisément pourquoi il ne faut pas jouer à chaque fois à opposer les laxistes aux liberticides, à vous poser en grands dogmatiques de la sécurité. La notion de rétention administrative me choque d'autant plus que nous savons parfaitement judiciariser un dossier quand le risque est grand et que nous voulons traiter le sujet d'une façon radicale, si j'ose dire, par le biais d'une détention provisoire et la mise en place de la procédure pénale habituelle.
La Commission rejette successivement les amendements CL20, CL21 et CL109.
Puis elle en vient à l'amendement CL111 de M. Éric Ciotti.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL76 du rapporteur.
Puis elle en vient à l'amendement CL148 de M. Alain Tourret.
Je souhaite que l'on substitue aux termes « raisons sérieuses » les mots « indices graves et concordants ». C'est un vieux combat que je mène contre cette notion de « raisons sérieuses » qui ne correspond pas aux principes généraux du droit. C'est une référence théorique et floue qui a plutôt rapport au droit du travail où l'on connaît les « motifs réels et sérieux ». En revanche, les « indices graves et concordants » sont systématiquement utilisés dans la réflexion pénale, tout simplement parce que c'est pratique, conforme à la loi pénale, à l'État de droit et aux principes généraux du droit. La notion de « raisons sérieuses » reste très théorique ; celle d'« indices graves et concordants » me semble plus cohérente et protectrice.
Avis défavorable. Cet amendement introduit une confusion entre une mesure de police administrative et une décision judiciaire. La notion d'« indices graves et concordants » correspond à la terminologie utilisée non pas pour engager une enquête préliminaire, mais pour mettre une personne en examen.
Toutes les personnes auditionnées nous ont rappelé l'importance de faire primer l'ouverture d'une procédure judiciaire lorsque c'était possible. C'est aussi l'esprit de ce texte. Il faut bien distinguer la mesure de police administrative et l'information judiciaire.
Cette remarque de notre collègue Alain Tourret nous renvoie finalement à la philosophie de l'ensemble du texte, au-delà des mots qu'il utilise.
Nous sommes face à une situation où les services de police ont un double objectif. En premier lieu, ils doivent travailler dans des situations intermédiaires, pas encore très claires, non encore avérées, mais où un doute commence à surgir à l'égard de tel ou tel individu, dans des conditions qui sont clairement déterminées par la loi. En second lieu, ils doivent basculer au plus vite vers la judiciarisation. Dès que l'on a une expérience concrète, on voit bien que tout ne peut pas être immédiatement encadré par une procédure judiciaire. Cela étant, comme on l'a vu à plusieurs reprises, le juge administratif qui intervient sur l'ensemble de l'article 3 est un garant élémentaire des libertés individuelles, y compris dans ce domaine.
Si nous retenions son amendement, nous viderions de leur substance toutes les dispositions administratives qui deviendraient de facto des dispositions judiciaires, puisque c'est le préalable même des dispositions du code de procédure pénale liées à la mise en examen. Il faut savoir où l'on est. On ne peut pas être au milieu ; il faut être d'un côté ou de l'autre. Nous sommes ici dans le cadre de mesures préalables, de surveillance, de levée de doutes. Il s'agit alors de lever les doutes et de contrôler des individus qui peuvent se révéler dangereux ; dès lors, on est déjà dans une démarche purement judiciaire. L'amendement de M. Tourret ne peut pas s'appliquer dans le dispositif de l'article 3.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission examine l'amendement CL182 de Mme Danièle Obono.
Madame la présidente, j'aimerais tout d'abord revenir sur l'intervention de mon collègue Ugo Bernalicis pour expliciter la demande que nous avons faite. Il ne s'agit pas pour nous de remettre en cause le travail administratif des services de la Commission, mais l'ordre dans lequel nous avons déposé nos amendements répond à une logique propre. Nous avons présenté des amendements de suppression mais aussi des amendements de proposition qui touchent des sujets importants, sur lesquels nous souhaitons avoir un débat de qualité. Le choix de les introduire à tel ou tel endroit du texte a un sens politique.
J'entends vos arguments mais nous sommes face à une difficulté. Si chaque groupe choisissait de placer ses amendements là où il le souhaite, nous pourrions nous retrouver à discuter d'une multitude d'amendements avant l'article 1er avant même de commencer l'examen du texte lui-même. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire que les services de l'Assemblée décident de l'emplacement des amendements, sous mon autorité. Je puis vous assurer que nous procédons avec la plus grande rigueur.
Je vous invite à respecter ces choix qui sont guidés non pas par des motifs politiques mais par la seule logique de l'examen du texte.
Madame la présidente, voici une liste de nos amendements placés dans l'ordre dans lequel nous souhaitons les voir examinés. Je vous laisse réfléchir.
Monsieur Bernalicis, je vous demande de vous en tenir à une attitude courtoise et respectueuse à l'égard de la commission.
Par notre amendement CL182, nous proposons de clarifier à droit constant les dispositions qui permettent un contrôle judiciaire avant un jugement pénal. Le projet de loi contient une accumulation de nouveaux dispositifs qui ne font qu'ajouter du droit au droit et qui créent un millefeuille juridique qui ne permet pas d'agir de la manière la plus efficace.
Certains invoquent la nécessité de ne pas prendre de risque dès lors qu'un soupçon existe. Or nous avons déjà des outils à notre disposition pour dissiper les doutes, je pense en particulier au renseignement, qu'il faudra peut-être réorganiser dans le sens d'une plus grande synergie avec la justice au lieu d'instiller l'idée d'une procédure du soupçon généralisé.
Nous estimons que notre droit contient déjà des mesures équivalentes à celles mentionnées à l'article 3, qui peuvent être prises à l'encontre des personnes placées sous contrôle judiciaire ou, le cas échéant, en détention provisoire dans les conditions et les modalités prévues par la section VII du chapitre Ier du titre III du livre Ier de la première partie du code de procédure pénale. Ce contrôle judiciaire avant le jugement pénal garantit de ne pas priver les personnes qui en font l'objet de plusieurs droits fondamentaux sur la base d'éléments flous. Le travail des services de renseignement doit permettre de lever le doute et de maintenir les libertés et les droits fondamentaux qui fondent notre État de droit.
Même avis que précédemment. Vous avez conscience qu'il ne s'agit pas du tout du même dispositif. L'objectif est évidemment la judiciarisation. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement CL182.
La réunion de la Commission, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt.
La Commission en vient à l'examen de l'amendement CL92 de M. Sébastien Huyghe.
Cet amendement vise à supprimer à l'alinéa 8 de l'article 3 les mots « de manière habituelle ». Il n'est pas nécessaire qu'un individu soit en relation avec une mouvance terroriste « de manière habituelle » pour être considéré comme dangereux. Il nous appartient de ne pas restreindre la marge d'appréciation des autorités compétentes. Chaque situation doit être étudiée en prenant en considération tous les éléments concernant le suspect.
Défavorable. Il n'est pas ressorti des auditions que la mention « de manière habituelle » représentait un frein au caractère opérationnel de la disposition.
La Commission rejette l'amendement.
Elle aborde ensuite l'amendement CL243 de Mme Marine Brenier.
Nous proposons d'ajouter le mot « diffuse » après le mot « soutient » car nous considérons que les personnes qui diffusent des messages incompatibles avec nos valeurs républicaines doivent faire l'objet des mêmes mesures de surveillance que celles qui les soutiennent ou y adhèrent.
La Commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL230 de Mme Marietta Karamanli.
Les mesures administratives individuelles de surveillance prévues à l'article 3 sont restrictives de libertés et de droits. Elles sont de même nature que celles prononcées à l'encontre des personnes placées sous contrôle judiciaire du fait d'indices graves et concordants de culpabilité. La simple existence de notes blanches peut ainsi amener certaines personnes à faire l'objet de mesures particulièrement restrictives et contraignantes. L'inexécution de certaines obligations est sanctionnée de trois ans d'emprisonnement, et la sanction est parfois plus forte que celles qui étaient prévues dans le cadre de l'état d'urgence !
Pour éviter erreurs et confusions, nous proposons de compléter l'alinéa 8 par les phrases suivantes : « Les raisons sérieuses, motivant lesdites décisions, sont objectivées par des éléments de fait retracés de façon précise et circonstanciée ; doivent être évoqués aussi, de façon détaillée et argumentée, les risques pour la sécurité des personnes et des biens ».
Le texte de loi est déjà très exigeant sur les critères qui doivent être retenus ; qui plus est, il appartiendra au juge de les apprécier. De manière générale, il faut prendre garde à ne pas empiéter sur l'office du juge. Des éléments de preuve lui seront soumis et il lui appartiendra de juger si les mesures sont ou non légales. Avis défavorable.
Nous avons indiqué ce matin que des mesures de ce type avaient pu être annulées par le juge administratif. Ce n'est évidemment pas sur la base de vagues indications mais d'éléments précis que le juge appréciera la demande de mise en surveillance.
La Commission rejette l'amendement.
Elle rejette successivement les amendements CL22 et CL154 de M. Guillaume Larrivé, tous deux défendus par M. Sébastien Huyghe.
Elle examine l'amendement CL210 de M. Éric Diard.
Cet amendement propose de supprimer le mot « normale » à l'alinéa 10. Il est demandé ici de donner une plus grande liberté d'action au ministre de l'Intérieur pour la délimitation du périmètre géographique de l'assignation, qui sera examinée par le juge administratif dans le cadre du contrôle de la proportionnalité des moyens mis en oeuvre.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL211 de M. Éric Diard.
Il s'agit d'un amendement de repli. Nous considérons que la délimitation du périmètre ne doit pas s'étendre à plusieurs départements.
La Commission rejette l'amendement.
Elle aborde l'amendement CL66 de M. Jean-Louis Masson.
Nous proposons de préciser que le périmètre géographique sera défini par le juge des libertés et de la détention. L'introduction d'un périmètre a minima communal pose problème. Il y a en effet une forte disparité de surface et de densité entre les communes françaises. Un périmètre correspondant à celui de la capitale ou d'une grande ville de province ne serait pas suffisamment restrictif pour surveiller des activités potentiellement répréhensibles d'un individu. Qui plus est, cela rend le contrôle du respect du périmètre soit complexe, soit inopérant.
Rappelons que l'individu qui remplit les critères définis à l'article L. 228-1 fait l'objet d'obligations limitées dans le temps et qui peuvent être remplacées par le port d'un bracelet électronique sur proposition du ministre de l'Intérieur en vertu de l'article L. 228-3.
Il faut adopter un dispositif contrôlable par les forces de l'ordre et par le juge. Il apparaît donc nécessaire de prévoir que le périmètre géographique est défini par le JLD.
Le directeur général de la sécurité intérieure, interrogé sur l'opportunité de fixer un périmètre plus restreint, par exemple limité à l'arrondissement dans les plus grandes communes, nous a répondu que c'était une mesure difficilement applicable car elle conduirait à devoir délivrer un grand nombre de sauf-conduits. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CL91 de M. Sébastien Huyghe et CL212 de M. Éric Diard et les amendements identiques CL257 du Gouvernement et CL23 de M. Guillaume Larrivé ainsi que l'amendement CL113 de M. Éric Ciotti.
Dans le texte initial du Gouvernement, il était prévu que la personne faisant l'objet d'une mesure de surveillance n'avait pas à se présenter aux services de police ou aux unités de gendarmerie plus d'une fois par jour. Le Sénat a souhaité limiter le nombre de pointages à trois par semaine. Compte tenu du climat de tension lié à la menace d'attentat, il me semble inopportun de procéder à une telle modification. Je propose donc de supprimer les mots « dans la limite de trois fois par semaine » et de laisser aux autorités compétentes le soin d'apprécier le nombre de pointages nécessaires selon le profil et la situation de l'intéressé.
Le Sénat a voulu réduire à trois fois par semaine l'obligation de présentation. Évidemment, dans l'intervalle, les services de police ou de gendarmerie peuvent perdre de vue l'individu sous surveillance.
Après avoir consulté ces services, nous avons considéré qu'il fallait revenir à la rédaction initiale du texte du Gouvernement, soit une obligation fixée à une fois par jour, contre trois fois par jour dans le cadre de l'état d'urgence, rappelons-le. Cela nous paraît une proposition équilibrée.
Madame la présidente, vous pouvez considérer que les amendements CL23 et CL113 sont défendus.
Avis favorable aux amendements CL257 et CL23. Avis défavorable aux amendements CL91, CL212 et CL113.
J'aimerais savoir, monsieur le ministre, pourquoi il est nécessaire de fixer une limite dans le texte. Ne peut-on laisser une marge d'appréciation aux autorités compétentes ?
La proposition du Gouvernement constitue un bon point d'équilibre. Limiter le pointage à trois fois par semaine serait faire courir le risque que la police ou la gendarmerie perdent de vue l'individu sous surveillance. Revenir à trois fois par jour, comme dans le cadre de l'état d'urgence, serait beaucoup trop astreignant.
M. Collomb sait que le commissaire qui dirige le commissariat du cinquième arrondissement de Lyon – arrondissement dont j'étais maire il y a encore quelques semaines – craignait que le triple pointage quotidien auquel était astreint un individu fiché S n'exerce sur lui une pression trop forte, au point de le pousser à certains agissements. La personne, dans ce cas, passe son temps à se déplacer. Elle peut habiter loin du commissariat et n'avoir pas accès aux transports en commun, ce qui rend le contrôle extrêmement compliqué.
Le Conseil d'État a précisé que les nouvelles mesures de surveillance devaient avoir un degré de contrainte inférieur aux mesures prévues à l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi de limiter le pointage à une fois par jour.
L'amendement CL91 est retiré.
La Commission rejette l'amendement CL212.
Elle adopte les amendements identiques CL257 et CL23.
En conséquence, l'amendement CL113 tombe.
La Commission en vient à l'amendement CL87 de Mme Cécile Untermaier.
J'aimerais aborder la question de la durée des mesures de contrôle et de surveillance. Pourquoi trois mois plutôt que deux ou quatre ? Comment avez-vous analysé la pertinence du choix de la durée d'une mesure qui se veut préventive ?
Ajoutons que si une telle surveillance devait durer un certain temps, elle pourrait avoir des conséquences dont on peut s'inquiéter, et qui devraient appeler des actions réparatrices : faire venir régulièrement une personne dans un service de gendarmerie ou de police ne va pas forcément améliorer sa façon de penser… Ne pourrait-on imaginer un dispositif complémentaire ?
De manière générale, il paraît nécessaire de fixer une durée maximale à ce nouveau dispositif.
Lors de leurs auditions, les responsables de services opérationnels nous ont tous indiqué que la durée de trois mois leur paraissait un bon choix. Une durée de deux mois, comme vous le proposez, serait insuffisante pour confirmer ou infirmer les éléments ayant conduit à la décision de l'administration. Avis défavorable.
L'amendement CL87 est retiré.
La Commission rejette l'amendement CL24 de M. Guillaume Larrivé.
Elle examine l'amendement CL97 de Mme Laurence Vichnievsky.
La sage commission des Lois du Sénat a innové avant nous en proposant un amendement très similaire à celui que nous défendons aujourd'hui, et qui vise à conditionner la prolongation des mesures de surveillance et de contrôle à la décision du JLD.
Soyons clairs : ce n'est pas le contenu de ces mesures qui nous pose problème. Elles nous paraissent justifiées au regard de la menace à laquelle nous sommes exposés, en l'absence même de commission d'infraction. C'est seulement le régime de leur mise en oeuvre qui nous paraît poser problème.
Nous entendons concilier efficacité et respect de l'article 66 de la Constitution, et donc des équilibres institutionnels. Nous souhaitons que l'autorité judiciaire, à qui la Constitution donne le rôle de garante des libertés individuelles, soit réintroduite dans le dispositif.
L'efficacité serait préservée, car nous laissons au ministre de l'Intérieur le soin de prescrire ces mesures. Au contact des services de renseignement, c'est lui qui sait le premier où doit porter la surveillance. Mais dès lors qu'il s'agit de les renouveler, l'autorité judiciaire doit retrouver sa place naturelle.
On ne manquera pas, je le sais, de nous opposer la récente jurisprudence du Conseil constitutionnel qui, dans le cadre de l'état d'urgence, a restreint l'intervention exclusive du juge judiciaire aux seules mesures privatives de liberté, estimant que les mesures de police administrative qui seraient simplement restrictives de liberté ne relèvent pas de son contrôle. Nous observons que l'article 66 ne procède pas à une telle distinction et que l'esprit des constituants de 1958 était bien de faire de l'autorité judiciaire la garante des libertés individuelles, et notamment de celle d'aller et de venir.
Nous pensons que les modifications proposées par le Sénat, et que nous reprenons dans notre amendement, représentent un bon équilibre entre efficacité et protection de la liberté individuelle, en laissant au seul ministre de l'Intérieur la décision initiale, mais en confiant au juge judiciaire la possibilité de la renouveler.
Le texte proposé prévoit que, pour prolonger ces mesures, le ministre de l'Intérieur devra s'appuyer sur des éléments nouveaux ou complémentaires. Le juge judiciaire, lui, devra apprécier si la menace terroriste perdure sans avoir à apporter d'éléments complémentaires. C'est un argument de plus en faveur de l'efficacité.
Par ailleurs, nous avons prévu des délais réduits s'agissant du recours possible contre la décision du ministre de l'Intérieur de manière à éviter tout chevauchement dans le temps entre la décision du juge administratif et la décision de prolongation du juge judiciaire.
Il n'y a pas non plus de risque de chevauchement entre les interventions respectives du juge administratif et du juge judiciaire. Le juge judiciaire ne sera jamais amené à apprécier la validité d'un acte administratif dans le système que nous proposons.
Pour finir, je précise que ce système mixte existe déjà en matière d'hospitalisation d'office pour troubles mentaux à la demande du préfet et en matière de rétention administrative pour les étrangers.
C'est un vrai débat, qui a déjà donné lieu à des échanges au cours des auditions, et je dois dire que je partage vos doutes. Une mesure restrictive de liberté qui se prolonge dans le temps ne peut-elle être assimilée à une mesure privative de liberté ? La question se pose en effet, mais nous y avons répondu en déposant un amendement visant à limiter dans le temps l'application de la mesure administrative restrictive de liberté.
Voilà pourquoi je donne un avis défavorable à votre amendement CL97.
Nous ne sommes pas d'accord avec l'analyse de Mme Vichnievsky, dont les propositions nous semblent méconnaître le principe de séparation des pouvoirs.
D'une part, le principe de séparation des pouvoirs issu de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen s'oppose à ce que le pouvoir d'édicter des mesures de police administrative, qui est l'apanage d'autorités relevant du pouvoir exécutif, puisse être transféré à une autorité juridictionnelle. Le principe de la séparation des pouvoirs s'applique en effet aussi au bénéfice du Gouvernement – je vous renvoie à la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-192 QPC du 10 novembre 2011 et à la décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012 rendue sur la loi de finances rectificative pour 2012.
En outre, le Conseil constitutionnel a censuré, le 16 mars 2017, un dispositif transférant à un juge, le juge des référés du Conseil d'État, le soin de se prononcer sur le renouvellement d'une assignation à résidence édictée par le ministre de l'Intérieur.
D'autre part, « conformément à la conception française du principe de séparation des pouvoirs, seul le juge administratif est compétent pour connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises dans l'exercice des prérogatives de la puissance publique par les autorités exerçant le pouvoir exécutif » – il s'agit de la décision n° 86-224 DC, relative au contentieux des décisions du Conseil de la concurrence. Or les mesures de police administrative, qui ont pour but de préserver l'ordre public et de prévenir les infractions, sont au nombre des actes pris par l'administration dans l'exercice des prérogatives de puissance publique.
Ainsi, le recueil de renseignements par les services compétents relève de la seule police administrative – je vous invite à lire la décision du 23 juillet 2015 rendue sur la loi relative au renseignement.
De même, sont des mesures administratives les perquisitions administratives prévues par la loi du 3 avril 1995 – voir la décision n° 2015-536 QPC du 19 février 2016, Ligue des Droits de l'homme – dès lors qu'elles ont pour objet la prévention d'actes terroristes.
Nous restons donc sur notre position. Mais nous sommes sensibles à l'idée que l'on ne peut pas maintenir indéfiniment de telles mesures, et donc garder perpétuellement quelqu'un sous surveillance dans le périmètre déjà élargi de la commune, voire des territoires adjacents.
Au nom du groupe de la République en marche, je voudrais exprimer nos points d'accord et de désaccord.
Nous n'approuvons pas les deux dispositions proposées dans l'amendement CL97, à savoir l'intervention du JLD, et la limitation à une durée totale de trois ans des mesures individuelles de surveillance imposées à une même personne.
Notre désaccord sur l'intervention du JLD résulte d'abord de l'enseignement que nous avons tiré de l'audition du procureur de la République de Paris. En effet, celui-ci ne nous a pas invités à rechercher ce qui était utile ou non à l'autorité judiciaire, mais ce qui était utile ou non à la sécurité, et à garder à l'esprit, lorsque nous examinerions ce texte, son caractère opérationnel et sa nécessaire efficacité. Or, en rapprochant les propos du procureur de la République de ceux du directeur général de la sécurité intérieure, nous nous sommes aperçus qu'il existait des « zones grises » entre l'autorité judiciaire et l'autorité administrative. Nous en avons conclu que l'intervention de deux autorités ne pouvait que nuire à l'efficacité des mesures de surveillance et de contrôle.
Pourquoi deux autorités puisque c'est le ministère de l'Intérieur, autorité administrative, qui prend une mesure administrative pour restreindre la liberté d'un individu qui fait l'objet d'une surveillance ?
Par ailleurs, l'unicité du contentieux appelle l'intervention du juge administratif. Le ministre de l'Intérieur vient d'ailleurs de rappeler l'abondante jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Nous sommes cependant d'accord avec vous pour limiter dans la durée le renouvellement des mesures de surveillance. Mais nous souhaitons aller plus loin que vous : nous proposerons tout à l'heure de limiter le renouvellement à douze mois.
Voilà pourquoi nous voterons contre cet amendement.
C'est par erreur que mon nom apparaît comme cosignataire de cet amendement. J'avais signalé à mon groupe que je ne souhaitais pas le cosigner, même si je suis solidaire de tous les autres qu'il a déposés. Je considère moi aussi qu'il s'agit d'une mesure de police administrative, restrictive mais non privative de liberté et que par nature, elle relève de la compétence du juge administratif. Je suis donc entièrement d'accord avec la position de la majorité et du Gouvernement.
La Commission rejette l'amendement CL97.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL258 du Gouvernement, qui fait l'objet du sous-amendement CL288 du rapporteur.
Il nous semble que trois mois constituent un laps de temps trop court pour disposer d'éléments nouveaux et complémentaires. Voilà pourquoi nous vous proposons d'insérer la phrase suivante : « Au-delà d'une durée cumulée de six mois, chaque renouvellement est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux et complémentaires ».
Avis favorable à l'amendement du Gouvernement, sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement, qui vise à limiter dans le temps, c'est-à-dire à douze mois, la durée totale de la mesure administrative.
Je suis favorable à ce sous-amendement.
Nous serons favorables à l'amendement du Gouvernement, à condition qu'il soit sous-amendé par le sous-amendement du rapporteur. Si nous reconnaissons que trois mois ne suffisent pas pour mettre à jour un certain nombre d'effets ou d'actes, il est bon de pouvoir encadrer cette mesure dans le temps.
Cela me ramène à la question que j'ai posée hier sur la situation des personnes qui font l'objet d'une assignation à résidence depuis plusieurs mois, voire depuis deux ans – le début de l'état d'urgence. Le délai de douze mois que nous nous apprêtons à adopter s'appliquera-t-il aussi à ces personnes ? Comment organiserez-vous la transition ? Leur assignation à résidence sera-t-elle levée, quitte à ce qu'une nouvelle assignation soit décidée dans le cadre des dispositions de l'article 3 ?
J'ai déjà répondu hier que nous allions examiner chaque situation individuelle, de manière à pouvoir soit remettre la personne sous surveillance, soit l'en libérer. Cela concerne chacune des 35 personnes dont nous parlons aujourd'hui.
Alors que 460 personnes avaient été durant un temps mises sous surveillance, il n'y en a plus, dites-vous, que 35 aujourd'hui. Mais ne pourrait-il y en avoir bien davantage, en raison des retours attendus ? Nous aimerions avoir des précisions.
Comme je vous l'ai expliqué, après les attentats, nous avions un spectre d'individus assez large. Aujourd'hui, parce que les services ont fait un certain travail, et même un travail certain, le nombre des personnes concernées s'est réduit, soit parce que nos doutes ont été levés, soit parce que certains individus font l'objet d'une procédure judiciaire.
Pour ce qui est des returnees, ils sont dès leur arrivée systématiquement pris en charge et leur situation examinée. Et s'ils ont effectivement participé à des combats, ils sont immédiatement judiciarisés et en général condamnés.
La Cmmission adopte le sous-amendement CL288.
Elle adopte ensuite l'amendement CL258 modifié.
Mes chers collègues, je vous indique qu'en cinq heures, depuis ce matin, nous nous sommes prononcés sur 80 amendements, et qu'il nous en reste encore 190 à examiner. Je vous laisse en tirer les conclusions qui s'imposent…
La Commission examine l'amendement CL244.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL79 et CL80 du rapporteur.
Elle examine ensuite en discussion commune les amendements CL259 du Gouvernement et CL218 de Mme Caroline Abadie.
Le Sénat avait proposé de laisser trois jours à la personne concernée pour qu'elle puisse former un recours, et deux jours au juge pour qu'il puisse se prononcer. Nous pensons qu'en deux jours, l'intéressé a tout loisir de prendre un avocat et de déposer un recours, mais qu'en revanche le juge a besoin de davantage de temps pour prendre connaissance des éléments du dossier. D'où l'inversion proposée.
Je tiens à associer mes collègues de la République en marche à mon amendement CL218.
L'article L. 521-2 du code de justice administrative prévoit que le juge des référés-liberté doit se prononcer dans un délai de quarante-huit heures.
Il ressort des propos des juges administratifs que nous avons auditionnés la semaine dernière que la multiplication des délais induit un effet d'éviction sur les autres affaires qu'ils ont à juger. Voilà pourquoi, dans un souci d'harmonisation, je propose de ramener ce délai également à quarante-huit heures.
Je développerai la même argumentation pour défendre l'amendement CL224, qui porte sur le renouvellement de cette mesure individuelle.
La Commission adopte l'amendement CL259.
En conséquence, l'amendement CL218 tombe.
La Commission est alors saisie de l'amendement CL247 de Mme Marine Brenier.
Cet amendement vise à écarter la possibilité, pour les personnes concernées par des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, de saisir le juge administratif dans un délai de soixante-douze heures à compter de la notification de la décision. Or l'existence d'un recours suspensif peut conduire certaines personnes à prendre la fuite ou à quitter le territoire national.
Avis défavorable. Cet argument n'est pas en soi suffisant pour justifier la suspension d'un recours.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CL25 de M. Guillaume Larrivé.
Nous contestons l'instauration d'un régime procédural spécifique, et nous proposons tout simplement de revenir à l'application du droit commun en matière de référé-suspension.
Avis défavorable. Je maintiens que le dispositif prévu par la loi est plus protecteur et qu'il est utile de le conserver.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL81 du rapporteur.
Puis elle examine l'amendement CL225 de Mme Caroline Abadie.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission examine l'amendement CL67 de M. Jean-Louis Masson.
Mon amendement vise à insérer l'alinéa suivant après l'alinéa 14 : « Le cas échéant, la personne soumise aux obligations prévues aux 1° à 3° du présent article peut voir son autorisation de détention ou de port d'armes, et celle de ses proches, suspendue. »
Compte tenu de la dangerosité supposée des individus, ne pas assortir les mesures prévues par la loi d'une suspension des autorisations liées aux armes me paraît pour le moins incongru.
Cette obligation paraît satisfaite par l'article L. 312-3-1 du code de la sécurité intérieure. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CL183 de M. Ugo Bernalicis.
Cet amendement, qui vise à supprimer les alinéas 15 à 18, concerne le dispositif de placement sous surveillance électronique.
Que vient faire ici le bracelet électronique, étant donné qu'à l'heure actuelle, il n'est prévu que dans le cadre d'alternatives à des peines privatives de liberté ? Nous considérons en effet, par extension, que le bracelet électronique doit avoir un lien avec une peine privative de liberté.
Dans la mesure où nous sommes encore dans le cadre d'une mesure administrative, mesure restrictive et non privative de liberté comme cela a été rappelé à bien des égards pour éviter toute censure du Conseil constitutionnel, nous ne comprenons pas en quoi le bracelet électronique viendrait se substituer à une peine restrictive de liberté. Ce serait une nouveauté, une création dans notre droit.
Nous avons bien noté que l'accord de la personne concernée était requis. Cela étant, l'autorité judiciaire est-elle à même de poser un bracelet électronique ? Nous n'y sommes pas favorables puisque l'on est encore, comme cela a été dit, au stade de « l'infra-soupçon », sans aucune preuve établie. La mesure actuelle va bien assez loin pour ne pas y rajouter un dispositif censé pallier des peines privatives de liberté.
Maintenant, sans vouloir faire un lien avec la question des agents de sécurité privée, je remarque que le bracelet électronique peut être, de la même manière, source d'un marché assez lucratif. De fait, l'entreprise Thalès a déjà bénéficié d'un appel d'offres de plus de 50 millions d'euros pour la conception de ce bracelet. Peut-être y a-t-il là une piste à creuser ?
Au-delà du débat sur Thalès et sur la distinction juridique entre peine restrictive de liberté et peine privative de liberté, je ferai remarquer que le dispositif prévu par la loi est favorable à la personne concernée. Qui plus est, son accord est requis, comme vous l'avez remarqué. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement CL183.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL26 de M. Guillaume Larrivé.
Le rapporteur vient de dire que nous étions en présence d'un dispositif favorable à l'individu qui fait l'objet d'une mesure d'assignation. Le problème est que ce texte est motivé par la présence d'un individu « repéré comme particulièrement dangereux ».
Si cet individu est particulièrement dangereux, il peut être opportun de le surveiller en permanence, et le bracelet électronique peut y pourvoir. Mais je remarque que d'autres mesures privatives de liberté devraient également être mobilisées.
C'est le premier point de l'amendement CL26 de notre collègue Guillaume Larrivé, que nous avons cosigné.
Cela m'amène à défendre par avance mon amendement CL112, qui pose la question du consentement. Et là, nous avons une divergence de fond avec le rapporteur. En effet, face à un individu particulièrement dangereux, solliciter son consentement, c'est priver de tout effet pratique et concret ce qui constitue une mesure de protection de la société : si nous sommes en présence d'un individu repéré comme particulièrement dangereux, pourquoi la puissance publique lui demanderait-elle l'autorisation de le surveiller ? Comment nos concitoyens pourraient-ils le comprendre ? Selon nous, il y a là une contradiction majeure. Et c'est ce qui motive, à ce stade, notre opposition à ce texte.
Que les choses soient bien claires : l'administration ne va pas demander à l'individu si elle peut mettre en place la mesure individuelle. Mais cette mesure est plus favorable à l'individu. Le texte prévoit en effet que l'administration place l'individu sous mesure individuelle, mais que si l'on veut étendre le périmètre géographique imposé, non pas au territoire de la commune mais à l'ensemble du département, il devra porter un bracelet électronique. C'est donc cette possibilité d'étendre le périmètre qui lui est proposée, et pour laquelle on doit recueillir son consentement.
On a évoqué tout à l'heure l'utilisation du bracelet électronique en matière judiciaire ; celui-ci constitue en effet un substitut à l'incarcération. Mais dans ce cas également, la mise en place d'un bracelet électronique est subordonnée à l'accord de l'intéressé.
Mon avis est donc défavorable.
Je vous renvoie à la décision du Conseil constitutionnel du 8 décembre 2005…
La Commission rejette l'amendement CL26.
Elle est saisie de l'amendement CL112 de M. Éric Ciotti.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CL27 de M. Guillaume Larrivé.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission est saisie de l'amendement CL248 de Mme Marine Brenier.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CL28 de M. Guillaume Larrivé.
La Commission rejette l'amendement CL28.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL82 du rapporteur.
Puis elle examine l'amendement CL68 de M. Jean-Louis Masson.
Comme précédemment, nous proposons d'insérer, après l'alinéa 17, l'alinéa suivant : « Le cas échéant, la personne concernée peut voir son autorisation de détention ou de port d'armes, et celle de ses proches, suspendue ».
Là encore, cet amendement me semble satisfait. L'article L. 312-3-1 du code de la sécurité intérieure permet déjà à l'autorité administrative d'interdire l'acquisition et la détention des armes aux personnes dont le comportement laisse craindre une utilisation de ces armes dangereuse pour elles-mêmes ou pour autrui.
Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement CL68.
Elle est alors saisie de l'amendement CL149 de M. Alain Tourret.
L'amendement est retiré.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel CL272 du rapporteur.
Elle examine l'amendement CL219 de Mme Marie Guévenoux, qui fait l'objet du sous-amendement CL285 du rapporteur.
L'interdiction de paraître dans un lieu déterminé semble être une mesure opérationnelle, qui peut être envisagée comme une alternative à des mesures plus restrictives, par ailleurs prévues dans cet article.
Mon sous-amendement vise à prendre en compte la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les interdictions de séjour. En excluant le domicile de l'intéressé, nous intégrons les nécessités liées à la vie familiale et professionnelle.
La Commission adopte le sous-amendement CL285.
Puis elle adopte l'amendement CL219 modifié.
La Commission est alors saisie de l'amendement CL287 du rapporteur.
Il s'agit, là encore, de limiter dans le temps, autrement dit à un an, l'application des mesures les moins restrictives – déclarer son domicile et signaler ses déplacements. Ces obligations peuvent être prononcées pour une durée maximale de six mois, et renouvelées pour la même durée.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine l'amendement CL146 de Mme Laurence Vichnievsky.
La Commission rejette l'amendement CL146.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL273, CL274, CL275 et CL276 du rapporteur.
La Commission se saisit alors de l'amendement CL260 du Gouvernement, faisant l'objet d'un sous-amendement CL286 du rapporteur.
Cet amendement vise notamment à rétablir l'obligation, pour les personnes faisant l'objet d'une mesure individuelle de contrôle et de surveillance, de communiquer ses numéros d'abonnement et identifiants techniques de tout moyen de communication électronique. Comme je l'ai expliqué hier, il ne s'agit pas pour nous de disposer des codes d'accès aux téléphones, mais seulement des numéros et des identifiants, de manière à ce que, si la personne concernée achète un nouveau téléphone sans le signaler aux autorités, elle se rende par là même coupable d'un délit passible de trois ans de prison.
Avis favorable, sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement CL286 qui, comme précédemment, tend à limiter la durée de la mesure restrictive de liberté à un an.
La Commission adopte le sous-amendement.
Puis elle adopte l'amendement modifié.
L'amendement CL220 de Mme Marie Guévenoux est retiré.
La Commission se saisit alors de l'amendement CL249 de Mme Marine Brenier.
Cet amendement tend à étendre les mesures d'interdiction d'entrer en relation en précisant qu'elles peuvent aussi porter sur les relations avec des personnes diffusant un message visant à radicaliser et à recruter des djihadistes.
Avis défavorable. Les activités à caractère terroriste comprennent déjà l'apologie d'actes terroristes.
La Commission rejette l'amendement.
Elle se saisit alors de l'amendement CL147 de Mme Laurence Vichnievsky.
Cet amendement constitue la suite logique de ceux que j'ai défendus tout à l'heure, CL97 et CL146.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Elle se saisit ensuite de l'amendement CL245 de Mme Marine Brenier.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
La Commission se saisit alors de l'amendement CL224 de Mme Caroline Abadie.
Il est en fait satisfait par l'amendement CL259 du Gouvernement. Nous n'avons donc pas à nous prononcer.
La Commission se saisit de l'amendement CL150 de M. Alain Tourret.
Je demande, par cet amendement, que les mesures de surveillance décidées par le ministre de l'Intérieur soient communiquées au maire de la commune où habite la personne concernée. Le maire, responsable de la paix publique, doit être prévenu ; le tenir dans l'ignorance présenterait des risques très importants si des infractions étaient commises.
Avis défavorable. Pourquoi le maire devrait-il être informé plus particulièrement de cette mesure-là ? Ce n'est pas le cas, par exemple, pour les mesures d'interdiction de sortie du territoire.
Ayant été maire moi-même, je rappellerai que certains secrets nous sont opposés, notamment dans le domaine social ou dans celui de la prévention de la délinquance : on ne sait pas tout. Certes, les maires doivent assurer la paix publique et la protection des personnes et des biens ; mais cela n'oblige pas à tout connaître. Nous ne sommes pas le seul maillon de toute la chaîne. La police nationale ou la gendarmerie jouent leur rôle ; le maire, et pas davantage sa police municipale, n'a pas nécessairement la fonction de contrôler ces personnes.
Alors qu'il s'agit ici de l'intérêt supérieur de la nation, je ne suis pas particulièrement mécontente de ne pas tout savoir, et je connais des collègues maires qui partagent ma position. Du reste, cela n'irait pas sans poser des questions pratiques : que devrait faire le maire d'une telle information ? Il ne peut pas la transmettre à la police municipale. Et ce n'est pas faire insulte aux 36 000 maires de France que de dire qu'il est impossible de prévoir la réaction qu'un maire pourrait avoir en entendant, dans un autre contexte, le nom d'une personne dont il saurait par ailleurs qu'elle fait l'objet d'une mesure administrative.
Ce serait de plus attentatoire à la liberté de la personne.
Je ne suis donc pas favorable à cet amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 3 modifié.
Après l'article 3
La Commission examine l'amendement CL9 de M. Guillaume Larrivé.
Cet amendement est une variante d'un autre que nous avons déjà présenté.
Monsieur le ministre d'État, nous avons bien lu l'avis du Conseil d'État du 17 décembre 2015 que vous avez cité. C'est pour cela que nous avons modifié notre proposition : nous ne représentons pas, mois après mois, le même texte… Nous avons veillé à réserver cette rétention à la seule finalité de la lutte antiterroriste ; et nous avons bien sûr prévu un contrôle ex post par le juge judiciaire.
Mais ce sont là des détails techniques. Il existe en réalité entre nous, on le voit bien, un désaccord politique majeur. Le Gouvernement et sa majorité ne souhaitent pas créer de régime de rétention administrative pour les individus les plus dangereux ; le groupe Les Républicains estime au contraire qu'il est nécessaire de placer ces personnes dans un centre fermé. Il y a là, bien plus qu'une nuance, une divergence profonde sur ce point fondamental qui continue de nous préoccuper beaucoup.
Avis défavorable. Vous avez raison sur le fait qu'il existe une différence entre nous : nous privilégions la voie judiciaire, et nous sommes opposés à ces centres de rétention.
Dans l'examen de ce texte, et particulièrement à l'article 3, nous devons concilier deux exigences : la préservation des droits et libertés fondamentaux, parce que nous sommes dans un État de droit d'une part, et d'autre part l'efficacité. Ce que propose l'amendement, c'est finalement de mettre en détention provisoire des personnes contre lesquelles la justice ne dispose pas d'éléments suffisamment probants pour qu'elles soient mises en examen, quand bien même on pressent quelques éléments de dangerosité. Lors des auditions, aucun de nos interlocuteurs – qui travaillent tous au quotidien sur ces problèmes et savent parfaitement de quoi ils parlent – n'a demandé de proposer ce type de mesure. Les mesures inscrites dans le projet de loi sont parfaitement proportionnées ; aller au-delà ne serait pas raisonnable.
La Commission rejette l'amendement.
Article 4 (art. L. 229-1, L. 229-2, L. 229-3, L. 229-4, L. 229-5 et L. 229-6 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) : Visites domiciliaires et saisies
La Commission examine d'abord l'amendement de suppression CL184 de Mme Danièle Obono.
L'article 4 est titré « visites domiciliaires et saisies ». Il nous semble que les termes employés, ici et plus généralement dans ce projet de loi, ne contribuent pas à la clarté et à la compréhension par les citoyens et les citoyennes des enjeux du texte. Pourquoi ne pas parler de perquisitions ? Appelons simplement les choses par leur nom.
De plus, au lieu d'utiliser les termes du code de procédure pénale, les formules choisies renvoient souvent au domaine économique, au vocabulaire des douanes, à des pratiques anticoncurrentielles… Ce mélange des genres apporte à notre sens de la confusion.
Par ailleurs, cet article nous semble souffrir d'une certaine fragilité juridique. Ainsi, le texte étend aux autorités administratives la possibilité d'ordonner des perquisitions et des saisies dès lors qu'un lieu est « fréquenté » par une personne mise en cause par son comportement : ce terme est soigneusement choisi pour être très vague. Il peut désigner la rue où cette personne habite, le chemin qu'elle emprunte habituellement pour aller travailler, l'école primaire où elle accompagne ses enfants… Cela nous semble poser problème.
Je rappelle aussi que les perquisitions sont évidemment possibles dans le cadre judiciaire actuel.
Cet article nous semble inutile. Il ne vise qu'à transférer des compétences du juridique vers l'exécutif, ce qui est préjudiciable à l'État de droit. Voilà pourquoi nous vous proposons de le supprimer.
Avis défavorable. Encore une fois, votre propos est quelque peu caricatural. Les dispositions de l'article 4 ne sont en rien un décalque de celles de l'état d'urgence. En particulier, l'assentiment du JLD est nécessaire pour que la visite domiciliaire soit possible.
Vous nous dites que cet article est inutile et confus. Après avoir écouté les experts pendant toutes les auditions, il nous paraît au contraire absolument nécessaire. Cela nous a été dit et répété.
Il est en effet nécessaire dans deux situations. D'une part, des sources, étrangères par exemple, doivent être protégées. L'objectif est bien sûr de judiciariser dès que cela est possible ; mais il faut parfois pouvoir lever des doutes, lorsqu'il existe des renseignements concordants qui laissent penser qu'il existe un danger caractérisé mais que les éléments ne sont pas suffisants pour judiciariser le dossier. D'autre part, il existe des situations d'urgence : parfois, les autorités doivent pouvoir agir avec fluidité et rapidité. Des exemples très concrets nous ont été donnés, qui nous ont montré que ces perquisitions administratives sont absolument efficaces dans ces situations d'urgence. Le directeur général de la sécurité intérieure nous a expliqué que ces perquisitions permettaient de rechercher des armes, mais aussi des vidéos de l'État islamique ou des vidéos qui détaillent la fabrication artisanale de bombes. Or on sait bien qu'il y a eu une saisie d'explosifs la semaine dernière à Villejuif. On recherche également les échanges, par internet ou sur papier, avec l'État islamique, qui montrent la volonté de passer à l'acte.
Tous ces éléments sont fondamentaux car le renseignement ne permet pas toujours de pénétrer certains réseaux ; seules les perquisitions peuvent le permettre.
Comme pour l'assignation à résidence, si après les attentats de 2015 le nombre de perquisitions administratives a été élevé en raison de l'état de sidération où nous nous trouvions, ce nombre a beaucoup diminué. Elles sont maintenant beaucoup plus ciblées, utiles et efficaces ; elles ont d'ailleurs été suivies de procédures judiciaires.
Cet article est donc indispensable.
En vous entendant, chère collègue, j'avais l'impression d'entendre le ministre ! (Sourires.) Mais je ne vous ai pas vue à toutes les auditions, notamment à celles de ceux qui contestaient cet article, et plus globalement l'intérêt de ce texte. Vous étiez là, certes, à l'audition du directeur général de la sécurité intérieure – moi aussi.
Vous prenez l'exemple de Villejuif. La direction générale de la sécurité intérieure n'a rien à voir avec tout cela… Celui qu'il faut féliciter, c'est ce plombier qui, par sens citoyen, a transmis l'information pertinente aux services de police, qui ont pu ainsi découvrir ce laboratoire clandestin.
Par ailleurs, on fait mine de découvrir tout cela… Mais fabriquer du TATP, cela n'a rien de très neuf. Je me souviens avoir, très jeune ado, été un peu fasciné par la fabrication des pétards – ceux du 14 juillet, je vous rassure. Je n'ai jamais eu l'intention de faire sauter quoi que ce soit. (Sourires.) Eh bien, j'étais tombé sur un site internet qui proposait toutes les méthodes de fabrication d'explosifs. On trouvait à l'époque très facilement tous les produits nécessaires, et même beaucoup trop facilement. Pour obtenir du TATP, il suffit de mélanger de l'acétone et de l'eau oxygénée, que l'on trouve dans n'importe quelle grande surface : c'est d'ailleurs ce qui a amené à la création d'un fichier, pendant l'été, des acheteurs d'acétone et d'eau oxygénée. C'est un sujet sérieux, et par cette digression je voulais vous montrer que je ne le méconnaissais pas.
S'agissant du JLD, j'ai entendu les syndicats de magistrats nous expliquer qu'il s'agissait d'un juge alibi, qui allait se prononcer sur une mesure d'initiative non pas judiciaire, mais administrative – première bizarrerie. Et, pour autoriser cette perquisition administrative, il ne se fondera pas sur grand-chose de plus que le juge administratif lorsque celui-ci était amené à juger d'une contestation a posteriori d'une perquisition administrative menée dans le cadre de l'état d'urgence : il se fondera sur des notes blanches, issues des services de renseignement, qui ne sont pas étayées et qui ne contiennent pas d'éléments tangibles.
Vous parliez d'une coopération efficace entre la DGSI et les magistrats ; mais en l'occurrence, il s'agissait du procureur de la République de Paris, M. François Molins, qui a accès, lui, aux dossiers « confidentiel défense », qui vont bien au-delà de la note blanche ! Il peut, lui, confirmer qu'une affaire n'a pas pu être judiciarisée. À la limite de la limite, cela me paraîtra déjà bien plus valable – mais ce texte ne prévoit pas que le JLD aura accès aux dossiers classés « confidentiel défense ».
Si vous faisiez confiance à la justice, alors vous donneriez accès à certains magistrats, de façon limitée, à ces éléments classifiés, en bonne intelligence avec les services de renseignement. Mais vous semblez vous méfier des magistrats : il plane à leur égard une espèce de présomption de ne pas être capables d'accéder à ce genre de dossiers, de ne pas être suffisamment intègres, citoyens, efficaces ou je ne sais quoi. C'est ce que l'on a pu entendre dans la bouche de certains syndicats de police – pas forcément d'ailleurs ceux auxquels je m'attendais, puisque les syndicalistes d'Alliance ont estimé inutiles les mesures d'assignation à résidence et de fermeture des lieux de culte.
Vous voyez, j'ai suivi les auditions, et j'ai aussi entendu les experts : ils ne disent pas tous la même chose. Je vous prie de l'entendre : il y a un débat sur ce sujet ; il n'y a pas une évidence, avec des experts unanimes qui nous diraient que c'est comme ça et pas autrement.
En ce qui concerne le renseignement, on nous dit qu'il est souvent impossible de judiciariser, c'est-à-dire d'ouvrir une enquête et d'aller vérifier des soupçons dans le cadre de la flagrance. Les avocats que j'ai rencontrés me disent le contraire ! Il y a peut-être des questions de procédure, qui rendent difficile de doubler un renseignement étranger d'un renseignement « maison », comme on le faisait auparavant, pour disposer d'éléments tangibles à même de nourrir un dossier. C'est à voir.
Vous évoquez également la protection des sources. On nous a ainsi donné un exemple quelque peu étonnant : celui de parents d'un jeune en voie de radicalisation, qui l'avaient dénoncé mais ne souhaitaient pas apparaître dans la procédure. Certes, entre d'un côté choisir de faire apparaître des gens dans la procédure, arrêter le terroriste et judiciariser, et de l'autre choisir une simple perquisition administrative, il y a un choix à faire. Pour nous, la judiciarisation est bien préférable.
Il faut faire confiance aux magistrats de ce pays, chose que le texte ne fait pas.
En raison du caractère intrusif des visites domiciliaires et des saisies, nous avons prévu un dispositif particulièrement contraignant. Relisez le texte : uniquement dans le but de prévenir des actes de terrorisme, l'autorité administrative peut, après en avoir préalablement informé le procureur de la République de Paris – qui précisera s'il dispose d'éléments supplémentaires – et le procureur territorialement compétent – qui peut, lui aussi, disposer d'éléments autres qui permettront une judiciarisation –, saisir le JLD de Paris. Nous essayons ainsi de construire un système parallèle entre le procureur de la République de Paris et le tribunal de grande instance de Paris.
Personne, que je sache, ne pense que le procureur de la République de Paris fasse mal son travail et propose des mesures monstrueuses !
Nous considérons cet article comme plus fort que le précédent, et c'est pourquoi nous avons choisi d'apporter des garanties supplémentaires importantes.
Je n'interviendrai pas sur le fond, car tout a été parfaitement expliqué, mais sur la forme.
Monsieur Bernalicis, vous perdez trop souvent votre sang-froid. Ce que vous dites dépasse l'entendement. Vous déformez les propos des gens qui ont été entendus, vous accusez vos collègues de ne pas suivre correctement les auditions – alors que vous, vous partez au milieu de la plupart d'entre elles.
Plus grave, vous êtes approximatif, et vous êtes insultant. Vous comparez un pétard à mèche avec un gilet explosif !
J'ai été confronté aux deux, aux pétards à mèche comme aux gilets explosifs. Quand vous faites cette comparaison, vous insultez les policiers et les gendarmes qui sont intervenus et qui ont risqué leur vie, et vous insultez surtout toutes les victimes des attentats.
Il sera dit aujourd'hui que le représentant de la France insoumise a été insultant et a dépassé les bornes. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)
Suspendue à 17 heures 40, la séance est reprise à 18 heures.
Mes chers collègues, je vous appelle les uns et les autres à la responsabilité. J'espère que chacun saura rester serein et respectueux des autres dans l'expression de ses pensées et de ses arguments. Ainsi, nous pourrons faire honneur au sujet qui nous occupe ce soir et qui revêt une particulière gravité.
Madame la présidente, je souhaite faire un rappel au règlement, au titre des articles 70 et 77. Je demande la convocation du Bureau, afin d'envisager des sanctions contre M. Fauvergue, pour agression non justifiée dans ce débat. Je trouve scandaleux d'être mis en cause comme insultant envers les victimes des attentats ou les policiers. Je ne peux pas laisser passer de tels propos.
Monsieur Bernalicis, nous venons d'échanger avec M. Fauvergue. Je pensais que nous pouvions en rester là. Vous souhaitez saisir le Bureau de l'Assemblée nationale, vous êtes parfaitement libre de le faire, je vous laisse libre des démarches que vous pourrez effectuer à la suite de cet événement.
Je souhaite maintenant que nous continuions nos débats.
La Commission rejette alors l'amendement CL184.
Puis elle se saisit de l'amendement CL30 de M. Guillaume Larrivé.
Nous abordons un point du texte particulièrement important, mais également particulièrement fragile. Après l'assignation à résidence, très largement vidée de sa substance, après la question des fouilles de véhicules et des contrôles d'identité, c'est une nouvelle illustration de la faiblesse de ce texte.
Monsieur le rapporteur, vous avez dit tout à l'heure que les perquisitions administratives n'étaient absolument pas un décalque de celles prévues par l'état d'urgence. Précisément, tout le problème est là ! Vous bâtissez un hybride juridique – un des représentants du syndicat des commissaires a parlé de « monstruosité juridique ». C'est à tout le moins une création étonnante, qui mêle police administrative et autorité judiciaire. Monsieur le ministre d'État, loin de nous bien sûr toute défiance à l'égard de l'autorité judiciaire ! Mais la procédure administrative, telle qu'elle est prévue dans la loi de 1955 relative à l'état d'urgence, a ses spécificités et son utilité. J'ai ainsi rappelé hier l'exemple des perquisitions des casiers de certains personnels de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, qui ont permis de lever certains doutes. Dans certaines circonstances particulières et motivées, notamment en cas d'urgence, ces perquisitions administratives ont montré leur utilité. Vous l'avez d'ailleurs opportunément rappelé : elles ont eu des résultats, et ont débouché sur un nombre important de procédures judiciaires.
Nous contestons en revanche l'utilité de la mesure que vous prévoyez ici. Cet outil, nous en sommes convaincus, mourra de sa belle mort : la procédure que vous avez imaginée est si complexe qu'il n'y aura plus de perquisitions administratives. Je mesure les efforts de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques, que je salue avec respect… Reste que la perquisition administrative n'aura plus d'intérêt et ne sera plus utilisée. Peut-être, d'ailleurs, est-ce là votre objectif, monsieur le ministre d'État.
Ce texte est d'abord un moyen de communiquer ; c'est une façon de justifier la sortie de l'état d'urgence, et c'est cela que nous contestons. Cette majorité a atteint un degré de maîtrise totale des outils de communication, jusqu'au sommet de l'État ; nous le reconnaissons bien volontiers. Mais ce sujet mérite mieux que de la communication ; or il n'y a ici plus que cela. Les perquisitions judiciaires existent, fort heureusement, et elles sont utilisées ; vous semblez vouloir dire ici que vous maintenez des perquisitions administratives, mais le dispositif prévu est si complexe qu'il sera inopérant.
C'est pourquoi cet amendement tend à proroger tout simplement le dispositif des perquisitions administratives tel qu'il est prévu dans le régime de l'état d'urgence.
La question centrale, et nous l'avons posée à nombre de nos interlocuteurs, est de savoir si le nouveau dispositif sera vraiment opérationnel, autrement dit, pensez-vous, si le JLD sera en mesure de prendre une décision rapidement. Nous avons entendu les syndicats de la police, qui étaient opposés au dispositif envisagé, dénonçant en effet une monstruosité juridique, mais nous avons également entendu le procureur de Paris, le vice-président chargé du service des JLD de Paris, le président du tribunal de grande instance de Paris, les représentants de la DGSI : tous – en particulier le procureur de Paris – nous ont assuré que le JLD serait en mesure de répondre efficacement et rapidement aux demandes des préfets.
Je rappelle en outre que le dispositif tient compte de l'avis du Conseil d'État selon lequel la mise en place d'une garantie judiciaire via l'intervention du JLD est de nature à lever l'éventuelle inconstitutionnalité de la mesure.
Nous assumons le fait qu'il ne s'agit pas d'un décalque de l'état d'urgence, mais bien d'un nouveau dispositif ; et je ne peux pas vous laisser dire que la visite domiciliaire n'aura aucun effet et que l'ensemble des personnes que nous avons entendues étaient contre. Ce n'est pas vrai. Du reste, nous évaluerons le dispositif afin de déterminer l'efficacité de la visite domiciliaire destinée à remplacer la perquisition administrative.
Je suis donc défavorable à la transposition dans le droit commun de la perquisition administrative telle que prévue dans le cadre de l'état d'urgence.
Vous savez, monsieur Ciotti, à quel point je suis attaché à la sécurité de nos concitoyens et si je ne pensais pas que le présent dispositif puisse fonctionner, je ne l'aurais jamais proposé. Vous avez pu constater, lors de l'examen de l'article 3, que j'ai été assez ferme sur ma position ; donc, si je soumets le présent texte au Parlement, c'est bien parce que je pense qu'il va fonctionner et qu'il va nous permettre de continuer à être efficaces dans la lutte contre le terrorisme.
Il est vrai que ce dispositif est novateur. Reste que la dernière fois qu'une de mes propositions a été qualifiée de monstruosité juridique, c'était lorsque j'ai créé la métropole de Lyon : on me reprochait le caractère hybride du projet. Et aujourd'hui je m'aperçois que tout le monde veut créer une métropole à l'image de celle de Lyon.
En tout cas certains… Ce qui prouve que les innovations sont parfois porteuses. Or, dans le domaine qui nous préoccupe en ce moment, je pensais qu'il fallait innover et défendre un dispositif qui garantisse les libertés tout en assurant la protection de nos concitoyens.
Mettons-nous bien d'accord sur les termes de notre désaccord. Ce que vous proposez n'est pas une perquisition administrative, monsieur le rapporteur. Aussi cessez, si vous me permettez, d'employer cette expression car ce que vous proposez est une visite à l'initiative des préfets sur autorisation de l'autorité judiciaire – autorité judiciaire spécialisée, j'entends bien.
Si l'on entre dans votre logique, vous avez raison de faire ce que vous faites : vous situant en dehors de l'état d'urgence, vous avez en effet besoin de l'autorisation d'un juge judiciaire pour procéder à ces visites. C'est cohérent.
Notre cohérence à nous – et c'est pourquoi, j'y insiste, je souhaite que nous soyons d'accord sur les termes de notre désaccord – consiste à rester sous l'empire du régime des circonstances exceptionnelles, à continuer d'appliquer l'état d'urgence. Or, dans le cadre de ce dernier, une perquisition purement administrative est bien prévue, en tant qu'elle est d'initiative et d'autorisation administratives, sous le contrôle ex post du juge administratif.
Je tiens à rappeler avec une certaine gravité à l'attention de nos collègues du groupe La République en Marche que nous avons déjà amorcé ce débat il y a quelques mois. Après la phase II de l'état d'urgence, notamment, en avril-mai 2016, la majorité de l'époque avait décidé de supprimer les perquisitions administratives. Dans sa phase III, de mai à juillet 2016, nous avons eu droit à un état d'urgence un peu dégradé qui ne les prévoyait plus. Nous avons alors alerté le ministre de l'Intérieur – pas de manière péremptoire : nous ne prétendons pas détenir la vérité révélée –, en lui faisant valoir que ce n'était pas très raisonnable. On nous a fait remarquer que le volume des perquisitions administratives avait diminué et nous avons répliqué qu'il ne s'agissait pas d'une question de volume : une seule de ces perquisitions permettrait-elle d'éviter un attentat que nous devrions conserver au ministre de l'Intérieur et aux préfets le pouvoir de les décider, sous le contrôle des juges. Nous n'avons pas été écoutés à l'époque. Hélas, en juillet 2016, il s'est passé ce qui s'est passé et la majorité s'est empressée de rétablir les vraies perquisitions administratives.
Je ne soutiens pas, monsieur le ministre d'État, qu'il faudrait procéder à un nombre très élevé de perquisitions – et peut-être faut-il le faire de façon ciblée – mais je pense vraiment, et je le dis avec un peu de gravité, que vous avez tort de vous priver, vous-même et vos préfets, de cette faculté. J'espère avoir tort en pensant que vous avez tort.
Mettons-nous donc d'accord sur nos désaccords. Je suis de ceux qui pensent qu'il suffit, pour le voter, que le processus que nous proposons soit employé une seule fois. Et vous avez totalement raison de considérer que ce n'est pas le volume des perquisitions qui compte : même s'il ne devait concerner qu'un individu, il faudrait que le dispositif que nous examinons puisse l'empêcher d'agir.
Je pense que le dispositif est efficace. Maintenant, l'est-il à 100 % ? Personne ne peut l'affirmer. L'exemple de Villejuif, évoqué tout à l'heure, le montre bien : l'individu en cause n'apparaissait pas « sur les radars ». La question du terrorisme doit imprégner l'esprit de nos concitoyens : sitôt que je vois ceci, je le signale immédiatement à la police. Oui, au-delà de la loi, nos concitoyens doivent faire preuve d'une vigilance de tous les instants et nous avons besoin d'eux pour déceler les signaux, aussi faibles soient-ils, de radicalisation dans nos quartiers.
Lorsque nous en viendrons aux associations travaillant sur la radicalisation, nous verrons que c'est en agissant à la fois au niveau le plus élevé, par le biais d'une réflexion intellectuelle avec nos universitaires et nos chercheurs, et, en même temps, au plus près du terrain, que l'on pourra empêcher la commission d'actes terroristes.
Vous savez que j'ai demandé aux préfets, que le Président de la République et moi-même avons réunis il y a une semaine, de faire de la lutte contre le terrorisme leur priorité et, à cette fin, de réunir très régulièrement, à la préfecture, tous les partenaires concernés : nous devons communiquer avec les représentants des agences régionales de santé, les recteurs, les inspecteurs d'académie, de manière qu'ils portent à notre connaissance tous les signaux faibles laissant à penser que, quelque part, un individu est en train de se radicaliser.
Le ministre d'État a fait un parallèle un peu étonnant, tout à l'heure, entre le dispositif que nous examinons et l'organisation territoriale qu'il a créée dans sa ville et son département…
Que vous considériez comme une monstruosité !
Je ne la considère pas comme une monstruosité.
Nous avons beaucoup évoqué le consentement des personnes faisant l'objet de mesures privatives de liberté ou de mesures quelque peu coercitives. J'espère que vous serez d'autant plus attaché à ce consentement, si je me permets ce trait d'humour, qu'en ce qui concerne les collectivités il a un fondement constitutionnel avec l'article 72 de la Constitution, relatif à la libre administration des collectivités locales.
Le modeste parlementaire que je suis n'entend pas se faire l'arbitre des désaccords entre M. Ciotti et le ministre d'État. Le texte renvoie aux dispositions spécifiques que nous allons largement examiner, je présume.
L'exposé des motifs de l'amendement CL30 me surprend particulièrement et m'inquiète même un peu – y compris de la part de M. Ciotti… Je ne comprends pas en effet qu'on puisse avancer, en ces lieux, que le régime proposé perdrait sa valeur tout simplement parce que lié à l'autorisation d'une autorité judiciaire. Ce qui d'ailleurs pourrait nous conduire à nous interroger sur le rôle de l'autorité judiciaire en général – mais ce n'est pas le lieu.
Nous avons entendu M. Jean-Michel Hayat, président du tribunal de grande instance de Paris, accompagné du vice-président chargé du service des JLD. Leur approche était certes théorique, mais aussi des plus concrètes, et nous en avons tiré tous ensemble – je n'ai pas perçu de distinguos entre nous – le sentiment que la chaîne de responsabilité était en train de se construire. Le président Hayat nous déclare qu'il a onze magistrats à sa disposition et qu'il lui en faut treize, non pas parce qu'il en a rêvé, mais parce qu'il a besoin de treize juges pour être capable de répondre à la demande de visites domiciliaires exprimée par les préfets, visites qui doivent être réalisées dans des conditions déterminées, avec une autorité judiciaire demeurant disponible « H24 ». On ne doit pouvoir craindre aucun retard dans l'intervention du juge en la matière. Or voilà qui était admis par l'ensemble des intervenants.
Aussi, déclarer a priori que l'intervention du juge supprimerait une mesure administrative alors que l'autorité judiciaire elle-même s'y prépare, me paraît un argument relativement faible. J'ajoute que le préfet devra motiver sa décision, ce qui n'est pas rien. C'est pourquoi je considère que le dispositif proposé par le texte représente une saine approche du sujet : nous ne sommes effectivement plus sous le régime de l'état d'urgence. Il faut, sinon en faire le deuil – terme inadapté à la situation –, en tout cas accepter de passer à autre chose et admettre que la motivation des décisions administratives s'impose comme garantie. La mesure proposée par le Gouvernement ne pose donc aucune difficulté au groupe majoritaire.
À aucun moment le texte n'évoque les JLD des tribunaux de grande instance. Je me pose la question de savoir si le dispositif prévu tourne bien avec le seul procureur de Paris, territorialement compétent, et le JLD de Paris. Avez-vous ainsi limité le nombre d'acteurs concernés à raison du faible nombre de mesures qui selon vous devraient être prises ? Ou alors, d'un point de vue opérationnel, à propos du JLD, dont je précise qu'il est désormais un juge spécialisé avec un statut identifié dans chaque TGI, ne doit-on pas travailler sur la question, notamment, de la retenue judiciaire ? Bref, pouvez-vous clarifier ce point et nous garantir que le dispositif tourne bien avec le JLD de Paris ?
Nous réalisons une perquisition tous les trois jours. Si nous avions estimé, nous en avons discuté avec l'ensemble des parties prenantes, que le dispositif ne marcherait pas, nous ne vous l'aurions pas proposé. Je sais quelle est ma responsabilité. Quand vous êtes ministre de l'Intérieur dans une période comme celle que nous vivons, vous la mesurez tous les jours. Je peux vous dire que lorsque je suis arrivé place Beauvau, tous les soirs je me disais : pourvu que, dans la nuit, on ne m'annonce pas qu'un attentat a été commis, provoquant, comme précédemment, un nombre de morts important. Au moment des événements de Barcelone, j'ai pensé à ce que pouvaient éprouver les autorités lorsqu'elles ont appris non seulement qu'un attentat avait été commis, mais surtout que ses auteurs présumés auraient pu en commettre un autre.
Je ne faisais pas du tout allusion à une éventuelle légèreté du dispositif, mais je lis à l'alinéa 13 que la visite « s'effectue sous l'autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention qui l'a autorisée ». Fait-on toujours référence au JLD du tribunal de grande instance de Paris ou bien à un autre juge ? Je me dis que si, à tel ou tel endroit, nous disposons d'un juge et d'un procureur territorialement compétents, peut-être, avant que le texte ne soit examiné en séance publique, devons-nous nous assurer que c'est bien ainsi que le dispositif doit fonctionner.
Nous voulons avoir des gens qui puissent dialoguer entre eux. Aujourd'hui, sur le terrorisme, le procureur de Paris s'est spécialisé. C'est donc lui qui a à connaître de tous les problèmes liés au terrorisme. Nous voudrions, de la même manière, qu'il y ait un corps de JLD qui, lui aussi, soit spécialisé en matière de terrorisme. En effet, pour comprendre ce qui se passe, il faut avoir une vision globale du problème : ces treize JLD composant ce corps disposeront de toutes les notes qui leur permettront petit à petit de se forger une idée assez précise de ce qu'il convient de faire.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL185 de M. Ugo Bernalicis.
Avant de présenter l'amendement CL185, je m'associe, bien entendu, au nom du groupe La France insoumise, à la protestation de notre collègue Bernalicis et nous allons soutenir sa demande de réunion du Bureau de l'Assemblée. Tout le monde semblait s'accorder, au début de nos travaux, sur cette règle élémentaire qu'il me faut donc rappeler et qui touche non seulement à l'organisation de nos travaux, à nos relations au sein de l'Assemblée mais aussi, surtout, à l'image que nous donnons : nos débats sont publics et nous avons un devoir d'exemplarité vis-à-vis de nos concitoyens quant à la manière dont nous abordons, comme ici, une question très grave.
Or la mise en cause d'un de nos collègues, et la manière dont il a été interpellé, ne contribue pas à créer une atmosphère de cohésion nécessaire pour parvenir à l'objectif que nous poursuivons. Nous espérons donc que tous les députés se tiendront à cette règle au cours de la discussion et surtout lors de l'examen du texte en séance. On peut avoir parfois une parole malheureuse, une expression excessive, mais les intentions des uns et des autres ne peuvent être remises en cause.
Notre amendement propose de revenir à un dispositif à droit constant puisque, comme c'est le cas pour d'autres amendements que nous présentons, nous considérons que les mesures prévues par l'article 4 peuvent déjà être prises en vertu du droit en vigueur. Nous disposons d'un arsenal juridique important et largement suffisant : l'article 56 du code de procédure pénale permet à l'OPJ d'ordonner, dans le cadre d'une enquête criminelle de flagrance, de perquisitionner le domicile de toute personne qui paraît « avoir participé au crime » ou « détenir des pièces, informations ou objets relatifs aux faits incriminés ».
Dans le cadre d'une enquête préliminaire concernant un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement – d'une durée égale ou supérieure à cinq ans –, une perquisition domiciliaire peut être ordonnée par le JLD « si les nécessités de l'enquête l'exigent ».
Dans le cadre d'une information judiciaire, le juge d'instruction peut de même ordonner des perquisitions et des saisies.
En outre, le code de procédure pénal prévoit d'ores et déjà des mesures permettant de s'assurer de la présence d'une personne sur place pour éclairer les éléments ayant fait l'objet de la visite ou de la saisie.
J'y insiste : à droit constant, notre arsenal juridique et policier permet déjà de prévenir le terrorisme – comme c'est l'intention du texte –, en tout cas d'aider les services judiciaires et de police à intervenir dans le cadre d'une enquête ou d'une procédure visant des faits, des actes ou des suspicions d'actes terroristes. Nous proposons donc de réécrire l'article en simplifiant le droit en vigueur, en réaffirmant les moyens dont nous disposons et donc en évitant d'ajouter du droit au droit, de le complexifier au risque de ne pas parvenir à donner les outils nécessaires à nos forces de sécurité et de justice pour remplir leur devoir de prévention des actes de terrorisme.
Je m'exprime une dernière fois sur l'incident que vous avez à nouveau évoqué. Je rappelle – et vous ne pourrez pas me reprocher le contraire – que je suis particulièrement soucieuse de la qualité des débats au sein de cette Commission. J'ai invité tout un chacun à adopter une attitude responsable et sereine, à employer une expression parfaitement mesurée. J'en appelle à la conscience de chacun pour que nos échanges se poursuivent dans de bonnes conditions et je ne doute pas que ce sera le cas.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement CL98 de M. Erwan Balanant.
Il ne s'agit pas d'un amendement rédactionnel mais de vocabulaire, si j'ose m'exprimer ainsi. La plupart des personnes que nous avons auditionnées parlaient de « perquisitions ». Il faut appeler un chat un chat : je n'ai pas l'impression que les perquisitions telles qu'elles sont faites ressemblent à des « visites » – en tout cas pas à des visites de courtoisie. C'est pourquoi réintroduire les mots « perquisition administrative » me paraît cohérent. Si j'avais pu aller plus loin, j'aurais préféré « perquisition pour levée de doutes » ou bien « perquisition contre danger imminent », mais cela aurait été un peu compliqué. Les magistrats que nous avons interrogés le rappellent : à chaque fois que les commencements de preuve sont suffisants pour lancer une perquisition judiciaire, ils le font. Or nous nous situons ici entre le renseignement et la preuve. Bref, continuer à appeler ce dispositif « perquisition », cela n'a rien d'infamant et rappelle ce qu'il est vraiment.
M. Guillaume Larrivé a très bien expliqué la différence entre une perquisition administrative et une visite domiciliaire. Je me rallie à son argument et donne un avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement CL132 de M. Éric Ciotti.
Elle en vient à l'amendement CL145 de M. Erwan Balanant.
Dans la logique de l'amendement que je viens de présenter, celui-ci vise, à l'alinéa 4, après les mots : « procureur de la République de Paris », à insérer les mots : « qui peut se saisir prioritairement et décider d'une perquisition judiciaire ». Toujours au cours des auditions que nous avons organisées, un magistrat a émis l'idée d'avoir un droit de veto – c'était son terme – sur les visites et saisies. Dans la mesure où le juge a suffisamment d'éléments pour faire une perquisition judiciaire, il est bon d'en revenir à la voie judiciaire dès que possible, ce qui présente de plus quelques avantages en matière de protection, que ce soit pour les forces de l'ordre ou pour la sécurisation des preuves qui vont être éventuellement trouvées au domicile. C'était une volonté des magistrats d'avoir la possibilité de préempter, si je puis dire, la visite et la saisie, pour revenir dans le domaine judiciaire si l'exposé qui leur est fait leur permet d'aller plus loin.
Je suis assez sensible à l'argument selon lequel il faut toujours privilégier la voie judiciaire. Or le dispositif implique que la voie judiciaire sera nécessairement privilégiée : j'imagine mal le JLD de Paris accéder à la demande d'un préfet d'effectuer une visite domiciliaire, si le procureur de Paris, dans son avis, souhaite ouvrir une information judiciaire ou une enquête préliminaire ; dans les faits, le JLD rejettera la visite domiciliaire et on ira donc vers l'ouverture d'une information judiciaire. Cela dit, on peut réfléchir à une autre rédaction que celle proposée. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement CL133 de M. Éric Ciotti.
Je tiens à souligner qu'en effet, madame la présidente, vous faites tout pour garantir la bonne tenue de nos débats. Toutefois, comme je vous en ai informée, j'ai saisi le Bureau de l'Assemblée au titre de l'article 77 du règlement, comme l'ont fait également le président de mon groupe et le membre qui représente ce dernier au sein du Bureau. Cela implique, normalement, que nos travaux soient suspendus en attendant que le Bureau prenne une décision. Je vous demande donc, madame la présidente, de suspendre la réunion de la Commission.
J'ai par ailleurs reçu un texto de la part d'un ami dont la compagne se trouvait au Bataclan. Il m'a écrit qu'il ne m'a pas trouvé insultant envers eux et m'assure de son soutien. Je tenais à vous en faire part car ce message me touche particulièrement.
Monsieur Bernarlicis, les travaux ne seront pas suspendus et nous allons donc les poursuivre. Nous en avons discuté, je vous ai appelé au calme et j'ai bien compris que vous aviez déposé une réclamation auprès du Bureau de l'Assemblée. J'y insiste : en l'état, aucun motif ne nous contraint à interrompre la discussion du texte.
La Commission adopte l'amendement de précision rédactionnelle CL277 du rapporteur.
Puis elle examine l'amendement CL231 de Mme Marietta Karamanli.
Il est prévu, dans le projet de loi, que des perquisitions pourront être ordonnées par le JLD sur saisine motivée du préfet, aux seules fins de prévenir des actes de terrorisme. Ces « visites » ont donc une finalité préventive, ce qui constitue une grave dérogation au principe constitutionnel et conventionnel de l'inviolabilité du domicile. Le Conseil Constitutionnel avait ainsi censuré, dans une décision du 29 décembre 1983, les dispositions d'une loi qui permettait des perquisitions administratives, et ce, malgré l'autorisation préalable du juge judiciaire. Le Conseil relevait que, « quelles que soient les garanties dont les dispositions de l'article censuré entourent les opérations qu'elles visent, ces dispositions […] n'assignent pas de façon explicite au juge ayant le pouvoir d'autoriser des investigations des agents de l'administration mission de vérifier de façon concrète le bien-fondé de la demande qui lui est soumise ». Or le projet de loi comporte la même omission. Nous proposons donc de compléter l'alinéa 4 de l'article 4 en indiquant explicitement que « le juge saisi est compétent pour apprécier le bien-fondé de la mesure de visite des lieux et des saisies envisagées des documents, objets ou données qui s'y trouvent ».
Avis défavorable. L'amendement est satisfait, dès lors que c'est l'office même du juge que d'apprécier le bien-fondé de la mesure de visite des lieux et les saisies envisagées. Le projet de loi va même bien au-delà, puisqu'il est prévu que le juge apprécie également le bien-fondé de l'éventuelle exploitation des documents qui auront été saisis.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement CL280 du rapporteur.
Le projet de loi proscrit les visites des lieux affectés à l'exercice d'un mandat parlementaire ou à l'activité des avocats, des magistrats ou des journalistes. Par cet amendement, nous proposons, conformément à la jurisprudence judiciaire, d'étendre cette interdiction au domicile des parlementaires et des membres de ces professions.
Nous soutenons très fortement cet amendement qui, au demeurant, n'empêche ni une éventuelle enquête, ni une perquisition, dans un autre cadre : s'agissant d'un avocat, par exemple, la présence du bâtonnier sera nécessaire.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL221 de Mme Marie Guévenoux.
Cet amendement a été défendu initialement au sein de notre groupe par M. Jean-Michel Fauvergue, dont je salue l'engagement passé en tant que policier, engagement qui explique peut-être que ses mots puissent parfois dépasser sa pensée.
Il s'agit de protéger l'identité des agents chargés des opérations en préservant leur anonymat afin, notamment, que ne puisse être identifié leur domicile. Ils resteront toutefois identifiables dans le cadre de la procédure par leur numéro d'immatriculation. Cet anonymat est indispensable aujourd'hui au regard de la menace qui pèse sur les forces l'ordre, comme l'a tristement démontré l'attaque de Magnanville en 2016.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL213 de M. Éric Diard.
Il s'agit de faciliter les visites prévues à l'article 4 en l'absence de l'occupant des lieux, en remplaçant les deux témoins par un magistrat, dont l'indépendance et les qualifications juridiques ne sont pas à démontrer.
Avis défavorable. Il n'est pas apparu que la disposition actuelle, qui figure à l'article 11 de la loi de 1955, soulevait des difficultés d'application particulières.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL250 de Mme Marine Brenier.
L'alinéa 12 de l'article 4 vise à restreindre les visites et saisies entre 21 heures et 6 heures du matin. Or, si l'on veut permettre aux agents de procéder sans délai à la visite d'un lieu potentiellement fréquenté par un individu pouvant présenter une menace, les restrictions horaires n'ont pas lieu d'être, et le cadre des visites doit être assoupli. C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, de supprimer l'alinéa 12.
Avis défavorable. Premièrement, même dans le cadre de l'état d'urgence, les visites de nuit sont encadrées. Deuxièmement, elles restent possibles dans le dispositif proposé, en cas d'urgence et pour des motifs particuliers.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL251 de Mme Marine Brenier.
Je retire cet amendement, qui me semble satisfait par l'adoption de l'amendement CL221 de Mme Marie Guévenoux.
L'amendement est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement CL261 du Gouvernement.
Le texte adopté par le Sénat prévoit que le JLD donne son accord exprès pour la retenue des personnes sur le lieu de visite. Par cet amendement, nous proposons qu'il soit simplement informé. En effet, la durée de cette retenue est limitée à quatre heures. Dès lors, si l'on tarde à obtenir l'accord du JLD, cette durée risque d'être réduite et la personne retenue pourrait en profiter pour informer celui dont le domicile est visité.
Nous sommes favorables à cet amendement, qui rejoint la préoccupation que nous avons exprimée quant à l'efficacité du dispositif.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement CL214 de M. Éric Diard.
Il s'agit de porter de quatre à douze heures la durée maximale durant laquelle l'occupant des lieux peut être retenu au cours de la visite, tout en prévoyant la possibilité, pour le JLD, de mettre fin à la retenue s'il la juge abusive. Au-delà de ces douze heures, il faudra procéder à une garde à vue.
Avis défavorable. Dans le cadre de l'état d'urgence, la durée maximale de la retenue est également de quatre heures, et il n'y a aucune raison que nous l'allongions.
Je ne voterai pas pour cet amendement. S'il ressort des auditions que les visites domiciliaires sont absolument utiles, puisqu'elles permettent de dissiper le doute dans le cas où l'on ne dispose pas encore des éléments nécessaires à une judiciarisation, cette mesure porte atteinte au principe d'inviolabilité du domicile et doit donc être entourée de garanties pour respecter l'équilibre qui doit caractériser ce texte.
Quant à la retenue, il est prévu qu'elle ne puisse excéder quatre heures. Ce délai, qui doit permettre à la personne de s'expliquer sur les objets éventuellement saisis et l'empêcher de prévenir d'éventuels complices, est suffisant pour constater une éventuelle infraction. Si tel est le cas, on se situe alors dans un cadre pénal et l'on bascule dans le régime de la garde à vue, qui permet de retenir une personne plus longuement. Cette durée de quatre heures est donc suffisante ; la porter à douze heures serait disproportionné et inutile.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL281 du rapporteur.
Cet amendement tend à accorder à la personne retenue les mêmes droits, prévus à l'article 78-3-1 du code de procédure pénale, qu'à la personne faisant l'objet d'un contrôle ou d'une vérification d'identité. Nous souhaitons cependant y apporter une rectification, en substituant, à l'alinéa 7 de l'amendement, aux mots : « procureur de la République », les mots : « juge des libertés et de la détention ».
Il me semble que l'on alourdit beaucoup la procédure. Il ne faudrait pas que toute cette série de conditions à remplir empêche le déroulement des opérations.
Je crois utile de rappeler que cette retenue se déroule dans un cadre préventif, et non dans une phase judiciaire. Dès lors, il faut l'entourer de garanties suffisantes. La notification des droits en fait partie, et j'estime, en tant qu'avocate, que cette notification est également utile en pratique. En effet, si la personne retenue est ensuite placée en garde à vue et qu'on ne lui a pas notifié ses droits durant la période de retenue, on risque de créer un vice de procédure de nature à entraîner l'annulation de celle-ci, dans la mesure où la notification des droits en amont de la phase judiciaire est garantie par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
La Commission adopte l'amendement rectifié.
Elle adopte ensuite l'amendement de précision rédactionnelle CL278 du rapporteur.
Puis la Commission adopte l'article 4 modifié.
Avant l'article 4 bis A
La Commission est saisie de l'amendement CL29 de M. Guillaume Larrivé.
Par cet amendement, nous proposons d'interdire le financement par des fonds étrangers d'une association régie par la loi de 1905, sauf si une décision expresse du ministre de l'Intérieur l'autorise ou si un traité international ratifié par la loi le prévoit.
Avis défavorable. Je ne nie pas que le financement des associations cultuelles puisse soulever un réel problème, mais il me semble qu'introduire une disposition générale sur le financement des associations cultuelles dans un projet de loi antiterroriste risquerait de créer un amalgame et de provoquer une dangereuse escalade susceptible de porter atteinte à notre pacte républicain.
L'interrogation de M. Larrivé est fondée, mais inscrire une telle mesure dans un texte antiterroriste, ce serait exprimer de lourdes suspicions. Mieux vaut faire en sorte que le ministère de l'Intérieur veille à ce que des fonds étrangers ne financent pas ces associations.
C'est une question fondamentale, à laquelle nous nous sommes déjà attaqués sous la précédente législature. Puisque vous évoquez la forme, monsieur le ministre d'État, votre réponse pourrait laisser entendre que, sur le fond, vous êtes favorable à une telle mesure ? Nous souhaitons, sans faire le moindre amalgame que ce soit, poser un principe très clair qui peut souffrir des exceptions, du reste prévues dans l'amendement. De fait, on ne peut pas dire aujourd'hui qu'aucune puissance étrangère – et nous n'en stigmatisons aucune – ne peut jouer de son influence sur le territoire national en finançant un lieu de culte.
Il s'agit donc de faire respecter un principe républicain que nous devrions tous affirmer. Certes, nous examinons un texte sur la sécurité, contre le terrorisme. Mais ne perdons pas de temps : si nous sommes d'accord sur le fond, et j'ai cru comprendre, monsieur le ministre d'État, que vous n'y étiez pas hostile, faisons oeuvre utile dès maintenant.
C'est, je le répète, un véritable problème, mais il ne peut pas être résolu dans ce texte.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, si vous touchez à la loi de 1905, elle va vous exploser au visage. C'est une loi fondatrice de la République : la loi de la laïcité, de la tolérance et du respect des cultes. Il y a deux lois auxquelles il faut faire très attention : celle de 1881 sur la liberté de la presse – on comprend pourquoi – et celle de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État. Envisager d'inscrire une telle mesure dans un projet de loi contre le terrorisme est, à mon sens, inconcevable.
Je veux dire à notre collègue Tourret que nous tenons tout autant que lui au respect des équilibres de la loi de 1905 – cet amendement, du reste, n'a pas été improvisé puisqu'il est issu d'une proposition de loi très fouillée que nous avons déposée il y a un an. Il est néanmoins nécessaire de prendre en compte les réalités de l'époque. Une collectivité ou la République française ne peuvent financer une association cultuelle régie par la loi de 1905 ; en revanche, un État étranger le peut. Il y a tout de même là un paradoxe qu'il faudrait explorer.
J'ajoute que nous avons pris soin, dans cet amendement, de prévoir des exceptions, notamment dans le cadre de traités. Car nous entendons bien qu'il est des pays – je pense notamment au royaume du Maroc – avec lesquels nous coopérons très étroitement dans la lutte contre le terrorisme, et il est parfaitement légitime d'envisager, dans ce cadre, les conditions dans lesquelles ces questions pourraient être réglées.
J'entends, monsieur le ministre, que vous n'êtes définitivement pas hostile à cet amendement sur le fond. Nous aurons à nouveau ce débat en séance publique et à d'autres occasions. Posons la question du financement des cultes ! Notre collègue du Sénat, Mme Goulet, a remis, il y a un an, un rapport très intéressant sur cette question, dans lequel elle cite l'influence qu'exercent l'Arabie Saoudite ou d'autres puissances étrangères à travers le financement de mosquées – disons les choses telles qu'elles sont. Nous ne sommes pas certains, c'est le moins que l'on puisse dire, de vouloir poursuivre dans cette voie, et nous pensons que la République a le droit de se doter de moyens, parfaitement respectueux de la liberté religieuse, permettant de mieux contrôler cela.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL31 de M. Guillaume Larrivé.
Pour l'application des dispositions de la loi de 1905 qui prévoient d'ores et déjà que les associations cultuelles sont soumises au contrôle de l'inspection générale des finances, nous proposons que ces associations soient tenues d'avoir un commissaire aux comptes et de publier leurs comptes.
La Commission rejette l'amendement.
Article 4 bis A : Encadrement de la participation des associations et fondations aux programmes de lutte contre la radicalisation
La Commission est saisie de l'amendement CL153 de M. Alain Tourret.
Cet amendement tend à supprimer l'article 4 bis A, introduit par le Sénat, qui offre aux personnes publiques la possibilité de charger une association ou une fondation d'une action, d'un projet ou d'une activité tendant à lutter contre la radicalisation et à la prévenir. Cette disposition est en effet très éloignée du champ de l'article 34 de la Constitution et ne relève pas du projet de loi.
Avis défavorable. Je pense, au contraire, qu'une telle disposition relève du domaine de la loi. Néanmoins, je vais présenter dans un instant un amendement par lequel je propose un dispositif alternatif à celui du Sénat.
L'amendement est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL284 du rapporteur, CL223 de Mme Marie Guévenoux et CL190 de Mme Danièle Obono.
L'article 4 bis A, introduit par amendement au Sénat, réserve la possibilité, pour les personnes publiques, de confier une action, un projet ou une activité en lien avec la prévention et la lutte contre la radicalisation aux seules associations ou fondations reconnues d'utilité publique et bénéficiant d'un agrément. Cette restriction risque de conduire à interrompre la plupart des actions en cours mises en oeuvre par des structures non associatives ou par des associations ne bénéficiant pas des critères exigés. Le présent amendement vise donc à élargir la catégorie des personnes morales pouvant conduire ces actions.
Je retire l'amendement CL223, car il est couvert par le champ de l'amendement du rapporteur.
Les amendements CL223 et CL190 sont retirés.
La Commission adopte l'amendement CL284.
Puis elle adopte l'article 4 bis A modifié.
Article 4 bis : Caractère expérimental des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance et des visites domiciliaires et contrôle parlementaire
La Commission est saisie des amendements identiques CL206 de Mme Danièle Obono et CL253 de Mme Marine Brenier.
Cet amendement, qui tend à supprimer l'article 4 bis, s'inscrit dans le droit fil de nos amendements de suppression précédents. Là encore, nous décelons une contradiction dans le caractère temporaire de certaines dispositions du projet de loi. En effet, si l'on souhaite sortir de l'état d'urgence, dont l'application est limitée dans le temps en raison, précisément, de son caractère exceptionnel, on décide de rentrer définitivement dans le droit commun. Là, on a le sentiment qu'on n'est pas très sûr de son coup, s'agissant d'un champ juridique assez flou, celui de l'infra-soupçon. On propose donc des dispositions exceptionnelles pendant une durée déterminée, dont vous proposez du reste de ramener le terme à 2020.
J'y vois une contradiction profonde, qui illustre bien votre volonté de mettre en place un état dérogatoire et non de modifier le droit commun. J'aimerais entendre l'argumentation du rapporteur et, éventuellement, celle du ministre sur le caractère temporaire de ces dispositions. Comment assument-ils cette position ?
Notre amendement CL253 est identique, mais nos motivations sont tout autres : nous souhaitons supprimer la limitation dans le temps introduite à l'article 4 bis, qui vise à conférer un caractère expérimental aux mesures individuelles ainsi qu'aux visites domiciliaires et saisies.
M. Bernalicis voit dans cette disposition une contradiction ; j'y vois, quant à moi, au contraire, une avancée et une garantie supplémentaire, assortie, qui plus est, d'un contrôle du Parlement. Effectivement, les outils que nous mettons à la disposition de la police administrative ont un caractère expérimental. Je suis donc défavorable à la suppression de l'article 4 bis.
Nous partageons la position du rapporteur, pour deux raisons. Premièrement, nous serons amenés à nous revoir au sujet d'un certain nombre de dispositions devant être adoptées à l'échelon européen et qui concernent ces problématiques. Deuxièmement, un certain nombre d'évolutions technologiques sont en cours, que nous pourrions introduire dans la loi si leur efficacité est démontrée. De ce fait, l'horizon de l'année 2020 nous convient parfaitement.
Je constate que le texte que nous examinons aujourd'hui n'éteint pas la discussion sur l'état d'urgence et les mesures liées à la lutte contre les actes de terrorisme. Bien au contraire, nous nous orientons vers une potentielle inflation législative, qui concernera aussi le présent quinquennat.
Je souhaite appeler l'attention sur le fait que, de loi en loi, on affaiblit la frontière séparant l'autorité judiciaire de l'autorité administrative. Si des événements malheureux venaient à survenir au cours de cette législature, on sera conduit à aller toujours plus loin ; jusqu'où ?
La Commission rejette ces amendements.
Elle se saisit ensuite de l'amendement CL99 de M. Erwan Balanant.
Cet amendement propose d'approfondir le dispositif de contrôle et d'application des articles 3 et 4, cela jusqu'à l'année 2020.
Au regard notamment de ce que vient de dire M. Bernalicis, nous proposons la mise en place d'un comité de suivi et d'évaluation du texte au fil du temps afin de pouvoir l'amender et le transformer au terme de cette période. L'idée est de préserver tout à la fois l'efficacité face à la menace et l'équilibre que nous souhaitons tous maintenir entre nos institutions.
Avis défavorable. Avancer l'échéance d'un an fait partie de mes propositions, en revanche, la constitution d'un comité de suivi rejoint la question du contrôle parlementaire au sujet duquel des amendements restent à venir.
Comment exercer le contrôle parlementaire sur cette loi ? En l'état, le comité de suivi proposé, qui mêle Assemblée nationale, Sénat, etc., me semble par trop complexe.
Le dispositif que je propose excède le champ du contrôle stricto sensu que nous connaissons en tant que parlementaires. L'évaluation des dispositifs légaux fait partie de nos missions. Ici, la chose est plus complexe, car l'autorité judiciaire et un représentant du ministère de l'Intérieur, par exemple, qui chacun ont leurs pratiques spécifiques, pourraient être associés.
Nous proposons un outil susceptible de proposer de nouveaux textes adaptés à l'évolution, particulièrement rapide, de la menace. Je rappelle que la menace terroriste dite low cost n'existait pas il y a de cela deux ans. Notre dispositif va bien au-delà de la simple évaluation parlementaire.
La Commission rejette cet amendement.
Elle en vient à l'examen des amendements identiques CL283 du rapporteur, CL84 de M. Olivier Dussopt et CL222 de Mme Marie Guévenoux.
Il s'agit de ramener la fin de l'expérimentation à une durée de trois ans, soit de l'année 2021 à l'année 2020.
La Commission adopte ces amendements.
Puis elle adopte l'article 4 bis modifié.
Après l'article 4 bis
La Commission examine l'amendement CL54 de M. Guillaume Larrivé.
Cet amendement portant article additionnel propose que le titre II du livre II du code de la sécurité intérieure soit complété par un chapitre X sur la r »emise des armes et munitions à des fins de prévention du terrorisme ».
Il convient de continuer à donner aux préfets le pouvoir d'ordonner la remise d'armes ou de munitions, même détenues légalement, aux seules fins de prévenir des actes de terrorisme, pour une durée d'un an pouvant être renouvelée par la loi.
Et si Monsieur le rapporteur invoque l'article L. 313-3 du code de la sécurité intérieure, comme il l'a fait à deux reprises, je lui répondrai que cet article concerne les personnes déjà condamnées ayant un casier judiciaire n° 2 comportant une longue liste de délits énumérés par ce code, ou les personnes condamnées à une peine d'interdiction de porter une arme.
J'observe que, dans le cadre de l'état d'urgence, la remise d'armes a été peu utilisée.
Par ailleurs, votre demande est déjà satisfaite par le droit commun, car le préfet a la possibilité d'ordonner la remise des armes, comme le prévoient les articles L. 312-7 à L. 312-10 du code de la sécurité intérieure, si le comportement ou l'état de santé de la personne détentrice d'armes présente un danger grave pour elle-même ou pour autrui.
Cela peut encore être le cas en cas de trouble à l'ordre public ou à la sécurité des personnes, ce qui est prévu par les articles L. 312-11 à L. 312-15 du même code.
Pour ces raisons, mon avis est défavorable.
J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer qu'après l'attentat des Champs Élysées, alors qu'une personne figurant au fichier S ne s'était pas vu retirer son arme, j'avais adressé aux préfets l'instruction de faire retirer les armes de toutes les personnes figurant au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) ou au fichier S pour les individus particulièrement signalés.
J'ai bien entendu, monsieur le ministre, mais nous rédigeons une loi pour les années à venir…
Nous pouvons le faire sur la base de la loi actuelle, qui est même plus large.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL137 de M. Éric Ciotti.
Cet amendement vise à donner au représentant de l'État dans le département la possibilité de suspendre l'autorisation d'acquisition ou de détention d'armes de personnes inscrites au fichier AGRIPPA (application de gestion du répertoire informatisé des propriétaires et possesseurs d'armes) qui feraient l'objet de recherches pour prévenir des menaces graves pour la sécurité publique ou la sûreté de l'État.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL83 de M. Olivier Dussopt.
J'ai indiqué hier que pour le groupe Nouvelle Gauche, la présence d'un contrôle parlementaire serait un des éléments déterminants de notre vote.
Lorsque, le 1er novembre 2015, nous avons prorogé l'état d'urgence une première fois, nous avons mis en place un système de contrôle parlementaire qui avait du reste été adopté à l'unanimité des groupes politiques, chacun s'accordant à reconnaître qu'il était utile que le Parlement soit informé de l'application des dispositions relatives à l'état d'urgence.
Le 21 juillet 2016, nous avons renforcé ce contrôle parlementaire en prévoyant que les autorités administratives transmettraient sans délai copie de tous les actes qu'elles prendraient en application des dispositions liées à l'état d'urgence.
Nous examinons aujourd'hui un texte dont les quatre premiers articles intègrent dans le droit commun une partie des dispositions relevant de l'état d'urgence en prévoyant que cela ne s'appliquerait qu'au champ du terrorisme, et non aux autres cas susceptibles d'être visés par la loi relative à l'état d'urgence.
Nous souhaitons que les mêmes modalités de contrôle soient prévues, et que les assemblées parlementaires soient informés, sans délai et dans les mêmes conditions, de tous les actes pris par les autorités administratives au titre des quatre premiers articles de la loi.
Nous avons adopté à l'instant le principe d'une clause de revoyure en 2020 afin d'apprécier s'il sera opportun de maintenir dans le droit commun les dispositions que nous adoptons. Au regard de l'état de la menace, nous pourrons alors décider de proroger ou non ces dispositions. L'expérience accumulée par notre Commission depuis deux ans sera à cet égard particulièrement utile. Autant de raisons qui justifient pleinement un renforcement du contrôle parlementaire dans ce contexte.
Votre préoccupation est tout à fait légitime, et sans trahir de secret, j'avoue avoir moi-même envisagé un dispositif de ce genre. Néanmoins, la spécificité du contrôle parlementaire dans le cadre de l'état d'urgence se révèle singulièrement difficile à transposer dans le droit commun.
Je vous propose donc de retirer votre amendement afin de réfléchir, d'ici à la séance publique, à un dispositif à même d'assurer un contrôle parlementaire le plus optimal possible.
Je soutiens la proposition du rapporteur d'engager un travail en commun avant la séance publique afin d'arrêter les modalités de contrôle de la future loi.
Je vais retirer l'amendement que nous redéposerons dans les mêmes termes lors du débat en séance publique. J'entends que le rapporteur comme le ministre sont ouverts à la discussion ; compte tenu de l'importance que nous attachons à cette question, je préfère le retirer plutôt que d'arriver en séance publique avec un avis négatif de la Commission.
L'amendement est retiré.
La Commission se saisit ensuite de l'amendement CL119 de M. Éric Ciotti.
Nous présentons une série d'amendements visant à compléter ce texte, au-delà du seul cadre de l'état d'urgence.
Le présent amendement introduit un dispositif existant en Grande-Bretagne, appelé le « passport ban » et interdit l'entrée sur le territoire d'un individu binational qui est allé combattre dans les rangs djihadistes, notamment en Irak et en Syrie.
Nous nous attarderons plus sur ce sujet lors du débat en séance publique.
Avis défavorable. L'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que « nul ne peut être privé du droit d'entrer sur le territoire de l'État dont il est le ressortissant. »
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CL189 de Mme Danièle Obono.
Cet amendement est issu des révélations du journal Le Monde sur l'entreprise Lafarge, qui a collaboré avec Daech sur des théâtres d'opérations dans le but de continuer son business.
Nous pensons que des mesures doivent être prises afin de ne pas en rester à un mode de business dans lequel l'argent n'aurait pas d'odeur, et où tout resterait impuni. Le fait de traiter, fût-ce indirectement, même sans aller jusqu'à leur acheter des armes, avec des entreprises terroristes, ou les aider à commettre des actes terroristes n'est pas de nature à enrayer la menace.
Nous souhaitons donc adresser un signal clair à toute entreprise, notamment française, qui sur le plan international voudrait profiter de telle ou telle situation locale favorable à des entreprises terroristes.
Nous avons rédigé un article intitulé « Saisies inamicales » afin de tenter de trouver un terme pas trop caricatural, et de rester dans la mesure. Toutefois, et nous en avons parlé avec vous, monsieur le ministre, nous pensons qu'il faut agir sur ces situations, qui ne sauraient demeurer impunies. Je souhaite que nous puissions renforcer notre droit par une mesure qui nous honorerait tous.
Avis défavorable. Notre droit prévoit d'ores et déjà des dispositifs tels que le gel des avoirs ou les dispositions du code monétaire et financier relatives à lutte contre le blanchiment, qui permette d'atteindre l'objectif visé par votre amendement.
Sans trahir de secret, je peux vous indiquer qu'une information judiciaire a été ouverte par le parquet de Paris contre X le 9 juin dernier et confiée à trois juges d'instruction pour financement d'une entreprise terroriste et mise en danger de la vie d'autrui.
La Commission rejette l'amendement.
Article 4 ter (art. 706-24-2 du code de procédure pénale) : Continuité des mesures de géolocalisation entre la phase d'enquête et l'information judiciaire
La Commission est saisie de l'amendement CL191 de M. Ugo Bernalicis.
Cet amendement demande la suppression de l'article 4 ter qui propose d'ajouter à une liste déjà très fournie le volet de la géolocalisation.
Cette mesure de surveillance pourrait être prononcée pour quarante-huit heures sur autorisation du procureur de la République après l'ouverture d'une instruction en matière d'actes terroristes. Ainsi, outre les moyens déjà existants, tout individu sera susceptible de faire l'objet d'une géolocalisation en temps réel sur l'ensemble du territoire et à son insu.
De notre point de vue, les libertés individuelles sont dangereusement remises en cause par cette disposition. Rappelons que ces mesures sont d'ores et déjà autorisées par le JLD ou par le juge d'instruction.
Par cet article, le Sénat ne fait qu'ajouter à l'arsenal du parquet, sous l'influence de la Chancellerie, un pouvoir liberticide supplémentaire.
Nous entendons que les mesures de ce projet de loi veulent se contenir aux entreprises terroristes, et nous ne doutons pas des intentions de nos collègues et du Gouvernement. Toutefois, il nous semble primordial de garantir, non pas les mesures d'exception, mais le plein exercice des droits individuels.
Or cet article nous semble singulièrement propice à la multiplication des mesures restrictives de liberté, bien au-delà des seuls actes liés aux entreprises terroristes. C'est ce qu'a montré l'application de l'état d'urgence, même si certains excès ont depuis été tempérés. En cas de nouveaux actes terroristes, la tentation légitime d'exercer ce type de contrôle tous azimuts ne manquerait pas d'être grande ; ce qui emporterait un large risque d'erreurs attentatoires aux libertés. En tout état de cause, cet article 4 ter dépasse les bornes et les limites que le droit a posées pour prévenir ce genre de chose.
Il me semble qu'il y a là une confusion : l'article 4 ter ne met pas en place une mesure de géolocalisation décidée par un procureur ou un juge d'instruction ; il se borne à compléter une disposition effectivement introduite par la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, et permet de faire la jonction entre l'enquête préliminaire, menée par le procureur qui peut décider de la mesure de géolocalisation après autorisation du JLD, et une information judiciaire où cette mesure est décidée par un juge d'instruction.
Il s'agit de faire en sorte que la mesure décidée en enquête, quand bien même une information judiciaire serait lancée, se poursuive pendant quarante-huit heures.
Aussi mon avis est-il défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL263 du Gouvernement.
Cet amendement vise à améliorer le dispositif en précisant que l'autorisation donnée par le procureur de la République doit être écrite, et que le juge d'instruction peut, ce qu'il fait déjà lorsqu'il ordonne des investigations, décider de ne pas faire figurer cette décision au dossier de la procédure tant que les actes d'investigation sont en cours par ailleurs.
Cela permet d'éviter que les coauteurs ou complices non encore interpellés soient informés de l'utilisation de techniques spéciales dans le cadre d'une enquête les concernant, et de garantir ainsi l'efficacité des actes d'investigation.
La Commission adopte cet amendement et l'article 4 ter est donc ainsi rédigé.
Après l'article 4 ter
La Commission se saisit de l'amendement CL271 du Gouvernement.
Il s'agit de garantir la protection de celles et ceux qui témoigneraient à propos d'infractions terroristes ou liées à la criminalité organisée. La protection des repentis serait améliorée de deux façons : d'une part, le délit de révélation de l'identité d'emprunt d'un repenti, puni d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, sera étendu au fait de révéler tout élément permettant l'identification ou la localisation de l'intéressé ; d'autre part, tout repenti comparaissant devant le tribunal correctionnel ou la cour d'assises pourra demander à bénéficier du huis clos.
La Commission adopte cet amendement.
L'article 4 quater est ainsi rédigé.
Elle examine ensuite l'amendement CL256 du Gouvernement.
Dans le cadre d'enquêtes pénales en matière d'infractions portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, tel l'espionnage, l'intelligence avec une puissance étrangère, la section antiterroriste du parquet de Paris doit pouvoir recourir à des techniques spéciales d'enquête comme les surveillances, les sonorisations ou les écoutes téléphoniques.
Or ces techniques spéciales d'enquête sont aujourd'hui réservées aux infractions relevant du régime de la criminalité et de la délinquance organisées, dont le terrorisme, prévues par les articles 706-73 et suivants du code de procédure pénale. À ce jour, les infractions portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ne sont pas visées par ces articles ; nous souhaitons les y voir figurer.
La Commission adopte l'amendement.
L'article 4 quinquies est ainsi rédigé.
Puis elle en vient à l'amendement CL269 du Gouvernement.
Aujourd'hui, des enquêtes préalables sont menées en vue de l'embauche de personnes candidates à l'exercice de professions sensibles. Cependant, une fois embauchées, certaines personnes peuvent se radicaliser. Il faut donc pouvoir rouvrir des enquêtes afin d'éviter que des individus appartenant à des services de sécurité, par exemple, continuent d'y être employés, et de procéder à leur mutation, voire à leur révocation si le cas est particulièrement grave.
Rappelons que certains attentats déjoués ont mis en cause des militaires qui venaient d'être rendus à la vie civile, et qui connaissaient parfaitement les lieux où ils comptaient agir. C'est ce type de situations que nous visons.
La Commission adopte l'amendement.
L'article 4 sexies est ainsi rédigé.
Article 5 (art. 17 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale) : Pérennisation du traitement des données relatives aux passagers aériens, dit « système API-PNR France »
La Commission examine l'amendement CL159 de M. Ugo Bernalicis.
C'est un amendement de suppression, car, au départ, l'article 5 renvoie au système « API-PNR », système de traitement automatisé des données commerciales collectées auprès des compagnies aériennes, dont la durée devait être limitée dans le temps. Un rapport devait être réalisé afin de déterminer s'il y avait lieu ou non de prolonger ce dispositif.
Il ne semble pas opportun de supprimer ici la disposition portant cette limitation dans le temps, car les travaux du G29, regroupant les autorités européennes de protection des données, ont montré qu'il n'y avait pas de lien entre la collecte des données et la lutte contre le terrorisme et la grande criminalité.
Nous demandons donc la suppression de cet article ; peut-être aurons-nous à un autre moment l'occasion de discuter de la capacité opérationnelle de ce dispositif.
Premièrement, les auditions que nous avons conduites sur le PNR aérien ont montré au contraire le réel intérêt opérationnel de ce fichier. Deuxièmement, rappelons qu'il s'agit d'un engagement international, puisque si la France s'était auparavant dotée seule d'un PNR aérien, il s'agit désormais de transposer une directive européenne. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 5 sans modification.
Article 6 (art. L. 232-1 et L. 232-7 du code de la sécurité intérieure) : Transposition de la directive « PNR »
La Commission est saisie de l'amendement CL160 de Mme Danièle Obono.
L'article 6 vise à transposer dans notre droit commun la liste des infractions mentionnées par la directive (UE) 2016681 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à l'utilisation des données des dossiers passagers (PNR) pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière.
Les infractions visées sont punies d'une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'une durée similaire.
Comme nous l'avons déjà exprimé, nous sommes opposés à la surveillance de masse de nos concitoyens et nous considérons que cette transposition participe à une forme de restriction particulièrement grave des libertés. Non seulement c'est inefficace, mais cela pose problème au regard de notre conception philosophique des libertés.
La Commission rejette l'amendement.
Je vous précise que, sur les articles 5 et suivants, la commission de la Défense a rendu un avis. Je souhaite la bienvenue à son rapporteur, M. Guillaume Gouffier-Cha, qui pourra intervenir dans nos discussions.
Puis la Commission adopte l'amendement rédactionnel CL36 et les amendements de précision CL37 et CL38 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l'article 6 modifié.
Article 7 (art. L. 232-4, L. 232-7 et L. 232-7-1 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) : Création d'un fichier « PNR maritime »
La Commission examine l'amendement CL161 de M. Ugo Bernalicis.
Cet amendement se situe dans la même logique que nos deux précédents amendements de suppression. Nous ne sommes pas favorables au fichage automatique et systématique, notamment dans le transport maritime. Je me souviens de l'audition de la Commission nationale de l'informatique et des libertés – CNIL ; la CNIL avait été particulièrement vigilante lors de la mise en place du dispositif API-PNR. Elle a fait des remarques successives sur ce dispositif, pour l'encadrer, car il n'était pas toujours respectueux des libertés individuelles et des règles en matière de fichage.
Il ne me paraît pas forcément nécessaire d'étendre ce dispositif aux affaires maritimes. Les éléments concrets attestant de son efficacité dans la lutte contre le terrorisme ne me semblent pas réunis. Je ne pense pas qu'il soit souhaitable de procéder à ce fichage dans des conditions qui ne sont pas équivalentes à celle du PNR.
Bien au contraire, nos auditions ont montré que la mise en place d'un fichier PNR maritime a un réel intérêt opérationnel. J'ajouterai que l'utilisation du fichier n'est pas limitée à la lutte contre le terrorisme. Elle est beaucoup plus large. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement de clarification CL39 du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement CL264 du Gouvernement.
Cet amendement vise à ne pas faire état de la création d'une ou de deux unités de gestion pour l'organisation du PNR maritime. Les services sont en train d'étudier la question de savoir si nous avons intérêt à avoir un dispositif centralisé ou bien deux dispositifs séparés, l'un pour la façade océane, l'autre pour la Méditerranée.
Je ne doute pas, madame Obono et monsieur Bernalicis, de votre engagement dans la lutte contre le terrorisme. Cela étant, comprenez que, dans vos interventions, vous remettez en cause une à une toutes les dispositions que nous proposons pour lutter contre le terrorisme. Si nous vous suivions, nous nous trouverions demain extrêmement désarmés. Nous aurions sans doute affaire à beaucoup d'attentats, qui seraient commis parce que nous serions dans l'incapacité de les éviter.
Je vous invite donc, très amicalement, à réfléchir. Car il faut que notre pays se dote de mesures qui permettent de protéger nos concitoyens.
Monsieur le ministre, je vous remercie de la réserve dont vous avez fait montre dans votre intervention ; c'est fort sympathique de votre part. Mais comprenez que nous soyons particulièrement attentifs à cette tension entre les effets de ces fichages automatisés sur la vie privée et les libertés individuelles, et ce que nous croyons efficace et utile ou non dans la lutte contre les actes de terrorisme. Votre intervention n'est qu'une hypothèse de travail…
Je ne parlais pas du PNR maritime, mais du texte en général.
J'ai bien compris, mais cela ne reste qu'une hypothèse. Vous ne pouvez le savoir de manière certaine. Vous-même, lors de la discussion générale d'hier, avez reconnu que personne ne pouvait avoir la certitude qu'en votant ces mesures, nous mettrons fin aux attentats. Et le contraire est tout aussi vrai.
Je n'ai pas la certitude qu'avec ce texte, il n'y aura plus d'attentat terroriste, mais je suis sûr, en tout cas, que s'il n'était pas adopté, il y en aurait. Ce qui change tout…
La Commission adopte l'amendement.
Elle adopte ensuite l'article 7 modifié.
Article 7 bis (art. L. 612 – 1 du code de la sécurité intérieure) : Possibilité pour les organismes privés à but non lucratif gérant des établissements de santé, sociaux et médico-sociaux d'organiser un service de sécurité intérieure
La Commission examine les amendements identiques CL265 du Gouvernement, CL85 de M. Jean-Charles Larsonneur et CL192 de M. Ugo Bernalicis.
Un nouvel article a été introduit par le Sénat, qui prévoit d'élargir aux seules cliniques privées l'embauche d'agents de sécurité. On ne voit pas pourquoi cela serait ouvert à elles seules, et non aux établissements culturels. Je propose de traiter de ces problématiques dans un cadre plus large. Nous réfléchirons ensemble aux relations entre police nationale, polices municipales et agents de sécurité privée.
Mon amendement CL85 participe du même raisonnement et propose également de supprimer l'article 7 bis. Nous comprenons la nécessité de sécuriser les établissements de santé privés, mais pourquoi en exclure les établissements culturels, à commencer par le Louvre ? D'autant que les établissements médico-sociaux privés ont toujours la possibilité de faire appel à un prestataire extérieur.
La Commission adopte les amendements. En conséquence, l'article 7 bis est supprimé.
Après l'article 7 bis
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CL120 de M. Éric Ciotti.
Puis elle examine l'amendement CL118 de M. Éric Ciotti.
Il s'agit de favoriser le croisement de fichiers, notamment de permettre aux services de renseignement d'avoir accès aux différents traitements informatisés de données personnelles, par exemple ceux de la CAF.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL237 de Mme Marine Brenier.
Pour lutter contre le départ des mineurs dans les zones de conflit, le Parlement a rétabli l'autorisation préalable de sortie de territoire (AST), quelle que soit la nationalité du mineur. Au vu de la situation, le rétablissement de cette autorisation va évidemment dans le bon sens. Néanmoins, on peut s'étonner de l'application du nouveau dispositif, puisque cette autorisation est matérialisée par la présentation d'un formulaire CERFA renseigné et signé par un titulaire de l'autorité parentale. Aucun contrôle dans les mairies n'est prévu comme cela se faisait jusqu'en 2013.
Pour rendre ce dispositif plus efficace, il est donc proposé de soumettre l'autorisation de sortie du territoire à la validation de la mairie de la commune de résidence pour les sorties individuelles.
Avis défavorable. Il paraît peu opportun de confier à la commune le soin de valider l'AST, s'agissant d'un domaine dans lequel les prérogatives sont exercées par le ministère de l'Intérieur et par les préfectures. Pour rappel, l'AST a vocation à compléter les mesures judiciaires et administratives visant à empêcher le départ sur zone.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL217 de M. Éric Diard.
Nous proposons d'insérer un article L. 214-4-1 ainsi rédigé : « Tout ressortissant étranger qui s'est vu faire l'objet d'une interdiction administrative du territoire en raison d'un comportement lié à des activités à caractère terroriste est mis en détention dans l'attente de sa reconduction d'office hors du territoire national ».
Avis défavorable. En l'état du droit, l'autorité administrative peut déjà placer l'étranger faisant l'objet d'une interdiction du territoire en centre de rétention administrative – et non de détention – dans l'attente de la mesure d'éloignement.
Je veux simplement indiquer que nous usons assez régulièrement de ce genre de dispositions, puisque les mesures d'expulsion ont été utilisées 95 fois depuis novembre 2015, douze depuis le début de 2017, tandis que près de 300 IAT sont aujourd'hui en vigueur. Autrement dit, les outils existent et nous nous en servons.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL138 de M. Éric Ciotti.
Cet amendement vise à favoriser le retrait d'un titre de séjour à un étranger inscrit au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). À ce propos, monsieur le ministre d'État, combien de personnes sont-elles inscrites dans ce fichier ? J'ai entendu qu'il y en aurait 18 000 et que ce nombre aurait connu une forte augmentation depuis plus d'un an.
Nous considérons qu'un étranger qui bénéficie d'un titre de séjour et qui représente une menace pour le territoire national, car il est inscrit au FSPRT – ce qui signale son caractère potentiellement radicalisé, et donc dangereux –, ne saurait rester sur ce même territoire national. Suivre tous les individus fichés représente aussi une charge importante pour les services de renseignements territoriaux ou pour la DGSI. Leur mission de surveillance en serait d'autant allégée.
Avis défavorable. On ne peut expulser un étranger au seul motif qu'il est inscrit au FSPRT. Par contre, l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'applique. Il faut donc évaluer si l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ; c'est seulement à ce moment-là qu'une décision d'expulsion pourra être prise.
Monsieur Ciotti, le FSPRT est un fichier évolutif. À un moment donné, des gens y figurent, puis ils n'y figurent plus, tandis que d'autres y entrent. Il faut évidemment suivre les procédures. Prendre une décision d'expulsion sur la seule base des renseignements recueillis serait quelque peu irrespectueux…
La Commission rejette l'amendement.
Puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement CL139 de M. Éric Ciotti.
Elle examine ensuite les amendements CL157 et CL158 de M. Michel Zumkeller.
Cet amendement porte une revendication très forte de nombreux maires. Il s'agit d'autoriser le préfet à communiquer au maire qui en fait la demande l'identité des personnes résidant dans sa commune et inscrites au fichier dit « fichier S ».
Le CL158 est un amendement de repli : il vise à autoriser le préfet à communiquer au maire qui en fait la demande des informations anonymisées sur les personnes résidant dans sa commune.
Avis défavorable. Nous avions déjà eu cette discussion. Je suis assez circonspect sur le fait de communiquer aux maires des mesures de police administrative.
Je suis également très réservé sur cette proposition du groupe Les Constructifs. Je conçois mal, pour la sécurité nationale, la diffusion, potentiellement, de la liste complète des personnes faisant l'objet d'une inscription au fichier des personnes recherchées au titre des atteintes à la sûreté de l'État dans les 35 000 et quelques communes de France. Cela me paraît assez peu pensé, assez peu opérationnel et, au final, extrêmement dangereux pour les maires eux-mêmes d'ailleurs. Une fois qu'ils auront eu connaissance de cette information, ils n'en seront pas pour autant dotés de tous les pouvoirs de police et de renseignement du ministre de l'Intérieur… Cet amendement ne me semble pas très raisonnable.
Je partage et l'avis du rapporteur et les arguments développés à l'instant par M. Larrivé. Nous avons heureusement écarté tout à l'heure un amendement qui aurait fait peser sur le maire la responsabilité de signer, ou non, une autorisation de sortie du territoire, au vu d'éléments essentiellement subjectifs et sans avoir accès aux renseignements dont disposent les services d'enquête.
J'ai la chance de présider une association qui compte un peu plus de 1 000 maires. Je puis vous assurer que la demande portée par notre collègue Marine Brenier n'est pas autant partagée qu'elle le dit… La responsabilité qui pèserait sur les maires, s'ils avaient connaissance des informations, notamment des informations non anonymisées, serait extrêmement lourde. Très peu en sont demandeurs.
La Commission rejette successivement les deux amendements.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL121 de M. Éric Ciotti et CL10 et CL11 de M. Guillaume Larrivé.
Cet amendement vise à porter de dix à quinze ans d'emprisonnement la peine prévue pour l'association de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste. Cette demande a été formulée par des magistrats du siège, comme j'ai pu l'entendre au cours des travaux de la commission d'enquête que j'ai présidée après les attentats du 7 janvier 2015.
Il s'agit de modifier l'échelle habituelle des peines en matière délictuelle. Mais il y a aujourd'hui une frontière qui pose des problèmes, notamment matériels, extrêmement importants : ou bien on criminalise l'infraction, auquel cas la question se pose de la capacité la cour d'assises spéciale de Paris à traiter le cas de toutes ces personnes ; on bien on reste dans un cadre correctionnel, ce qui permet de juger plus de monde dans un délai plus rapide, mais il faut alors modifier l'échelle des peines.
Ce débat ne fait pas l'unanimité, y compris parmi les magistrats. Mais il avait été ouvert par des magistrats du siège du tribunal de grande instance de Paris. Depuis cette date, des réponses matérielles ont été apportées, avec des dispositifs plus conséquents : le nombre de jurés d'assises a été réduit, tandis que celui des magistrats professionnels a été augmenté, pour favoriser la multiplication des audiences en cour d'assises. Quoi qu'il en soit, il serait utile d'engager cette réflexion pour réévaluer l'échelle des peines en matière d'association de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste.
Je partage votre préoccupation sur la nécessité de réévaluer l'échelle des peines, notamment en matière d'AMT. Mais cela doit faire l'objet d'un projet de loi spécifique. Car l'on risque de bouleverser l'échelle des peines, ce qui doit faire l'objet d'une réflexion plus globale.
Dans le cadre de nos auditions, le procureur François Molins nous a assuré que la pratique actuelle du parquet n'était pas de correctionnaliser pour éviter le passage en cour d'assises au motif que celles-ci ne parviennent pas à réduire le stock. Au contraire, en matière de terrorisme, le parquet a pour politique de criminaliser, notamment dans les cas des individus qui reviennent de Syrie ou d'Irak où ils étaient partis après les attentats de Charlie Hebdo : ils sont systématiquement poursuivis en matière criminelle et renvoyés devant une cour d'assises. Avis défavorable sur ces amendements.
Avec mon collègue Georges Fenech, j'ai été à l'origine d'une loi sur la prescription pénale, pour laquelle nous avons rebalayé l'ensemble des infractions délictuelles et criminelles. J'ai fait à cette occasion un constat : depuis vingt ans, il n'est pratiquement pas d'infraction pour laquelle le quantum de la peine se soit vu diminuer. Au contraire, on constate une inflation systématique : des délits sont devenus des crimes, dans la mesure où la peine est allègrement passée de cinq à dix ans, voire vingt ans ; pour les prescriptions, on est arrivé à des prescriptions de trente ans pour des délits… C'est devenu un salmigondis inimaginable.
Si l'on recommence, au début de ce quinquennat, à augmenter systématiquement les peines au gré des réactions et de l'émotivité de l'opinion publique face au terrorisme aujourd'hui, aux atteintes aux mineurs demain, et après-demain aux coups portés par les maris sur leurs femmes, etc., toutes causes plus légitimes les unes que les autres, où irons-nous ? Gardons-nous de contribuer à cette inflation ! Il faut engager une réflexion globale sur l'ensemble de notre procédure pénale et de notre droit pénal, réfléchir aussi, au niveau national comme au niveau européen, au sens de la peine, trop souvent oublié, à son quantum, voire s'interroger sur le bien-fondé de la distinction entre contravention, délit et crime. Mais il ne faut surtout pas suivre MM. Ciotti et Larrivé dans leur amendement, qui ne fera qu'ajouter un peu plus de trouble à une situation déjà bien difficile.
Comme le rapporteur, je confirme l'action très ferme du parquet de Paris, qui suit une politique de criminalisation systématique des individus qui reviennent de zones de guerre. On ne peut simplement relever une peine particulière de dix à quinze ans d'emprisonnement. Il convient d'avoir une réflexion d'ensemble sur ce sujet. On ne peut accepter ce genre d'amendements.
La Commission rejette successivement les trois amendements.
Puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement CL124 de M. Éric Ciotti.
Elle examine ensuite l'amendement CL125 de M. Éric Ciotti.
Mon amendement CL125 vise à étendre les possibilités d'expulsion au cas des étrangers coupables de tout délit ou crime passible de cinq ans de prison au minimum. Là aussi, nous considérons qu'un ressortissant étranger qui commet un crime ou un délit particulièrement grave n'a pas sa place sur le territoire national.
Avis défavorable. Pour de nombreuses infractions, notamment les plus graves, le code pénal prévoit d'ores et déjà une peine complémentaire d'interdiction du territoire français pour les étrangers condamnés. Elle est d'ailleurs souvent prononcée.
J'en profite pour revenir sur tous les amendements de M. Ciotti qui visent à établir des dérogations à l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permet de procéder à l'expulsion d'un étranger, s'il constitue une menace grave pour l'ordre public. Nous assistons à une dérive assez grave et regrettable de l'utilisation des fichiers nationaux, fichier S ou fichier de prévention contre la radicalisation. Les mesures proposées par ces amendements détournent les outils de surveillance et de prévention, permettant de remonter les réseaux pour lutter efficacement contre le terrorisme. C'est contraire à l'intention qui habite le texte que nous examinons, car cela compromet l'opérationnalité des dispositions que nous adoptons.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL252 de Mme Marine Brenier.
Cet amendement vise à protéger les familles endeuillées par un attentat de la diffusion non autorisée d'images montrant les victimes, comme cela fut notamment le cas à l'occasion de l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice. Cette façon de faire du sensationnel sur la douleur n'est pas acceptable. Il est donc proposé de sanctionner la diffusion non autorisée de l'image de victimes d'un attentat ou d'une tuerie de masse.
Avis défavorable. L'amendement est satisfait. L'article 225-17 du code pénal réprime déjà, au titre des atteintes au respect dû aux morts, l'atteinte à l'intégrité physique ou à l'intégrité d'un cadavre. Je vous renvoie également à l'article 35 quater de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Je vous invite à retirer cet amendement.
La Commission rejette l'amendement.
L'amendement CL89 est retiré.
La Commission examine l'amendement CL156 de M. Guillaume Larrivé.
Cet amendement nous a été inspiré par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris qui, lors de son audition par le rapporteur, a insisté sur la nécessité de criminaliser le comportement d'un père ou d'une mère ayant incité son enfant mineur à aller commettre un acte de terrorisme en France ou à l'étranger.
M. Molins nous a expliqué que l'autorité judiciaire avait du mal à se saisir de pareils faits, qui ne relèvent pas exactement de l'association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, et constituent tout au plus un délit de mise en péril de mineur puni de deux ou trois ans d'emprisonnement, alors que des actes de cette nature devraient être réprimés dans le cadre d'une procédure criminelle.
M. Molins a effectivement évoqué ce problème lors de son audition. Cela dit, comme vient de le suggérer M. Larrivé, j'estime qu'il serait plus sage d'engager une réflexion avec les services de la Chancellerie au sujet de la rédaction du nouvel article 227-28-4 du code pénal qu'il suggère. Je suis donc défavorable, en l'état, à la rédaction proposée par l'amendement CL156.
Je suis moi aussi d'avis qu'il convient de réfléchir à une rédaction plus satisfaisante, et émets donc un avis défavorable à cet amendement.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission est saisie de l'amendement CL134 de M. Éric Ciotti.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CL122 de M. Éric Ciotti.
Cet amendement vise à permettre aux agents de police municipale d'effectuer des contrôles d'identité, sous le contrôle d'OPJ autres que le maire.
Je suis défavorable à cette disposition contraire à la Constitution : le Conseil constitutionnel a rendu à cet égard une décision très claire le 10 mars 2011.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CL202 de Mme Danièle Obono.
Dans le cadre de notre démarche de remise à plat et de renforcement de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme, l'amendement CL202 vise, comme les amendements CL200, CL201 et CL203 que nous vous présenterons plus loin, à clarifier et améliorer les procédures existantes en matière de contrôle d'identité.
Au cours des années précédentes, des propositions avaient déjà été faites en la matière, notamment par nos collègues du groupe Europe Écologie-Les Verts, dans l'objectif de mettre fin aux discriminations qui peuvent avoir lieu lors d'opérations de contrôle d'identité dites « au faciès » – des abus ont été mis en évidence par plusieurs associations, s'appuyant sur des enquêtes réalisées à ce sujet.
Nous reprenons aujourd'hui ces propositions qui nous semblent plus que jamais utiles. En effet, si l'on veut prévenir efficacement les actes terroristes, notamment en favorisant l'action des services de renseignement, il est indispensable que nos concitoyens entretiennent des relations sereines et de confiance avec les forces de sécurité. Or nous savons que la multiplication des contrôles d'identité peut engendrer des tensions, des violences, voire des morts, ce qui va évidemment à l'encontre de l'objectif recherché.
Il nous paraît essentiel de veiller à ce que les mesures que nous adoptons dans le cadre de ce projet de loi ne se révèlent pas contre-productives en créant des tensions supplémentaires plutôt que d'assurer à nos concitoyens la sécurité et la sûreté, qui comprend le droit à ne pas être soumis à l'arbitraire et aux discriminations. Tel est le sens de l'amendement CL202, qui vise à préciser l'article 78-2 du code de procédure pénale afin de limiter le risque d'une multiplication des contrôles arbitraires.
Je suis défavorable à cet amendement, qui aurait pour conséquence de limiter la possibilité pour les forces de l'ordre de procéder à des contrôles d'identité. Cela dit, la question des contrôles d'identité et du respect des droits des personnes contrôlées mérite que l'on y réfléchisse. Un dispositif comprenant le déclenchement automatique d'une caméra afin d'enregistrer les conditions du contrôle d'identité est actuellement utilisé à titre expérimental ; il doit permettre de vérifier que ce contrôle se fait conformément aux dispositions du code de procédure pénale et ne donne pas lieu à une pratique abusive, en particulier à un contrôle au faciès.
Nous avons engagé une réflexion sur le thème de la police de sécurité du quotidien qui doit, à terme, conduire à ce que nos policiers soient équipés – les gendarmes, eux, le sont déjà – de tablettes numériques qui leur permettront de vérifier immédiatement si une personne contrôlée est fichée, mais aussi de constater éventuellement qu'elle a déjà été contrôlée au cours de la journée – ce qui permettra d'éviter un nouveau contrôle qui, s'il était effectué, pourrait paraître abusif. Ces précautions visent à faire en sorte de ne pas créer un climat de tension pouvant aboutir à couper la police de la population.
D'autre part, comme l'a dit le rapporteur, nous allons équiper les forces de police de caméras qui enregistreront les contrôles d'identité, ce qui mettra fin aux controverses sur la façon dont ils ont été effectués.
La Commission rejette l'amendement.
La réunion s'achève à 20 heures 15.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Laetitia Avia, M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Vincent Bru, Mme Émilie Chalas, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, Mme Typhanie Degois, M. Éric Diard, Mme Coralie Dubost, M. Olivier Dussopt, M. Christophe Euzet, Mme Élise Fajgeles, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Isabelle Florennes, M. Raphaël Gauvain, Mme Marie Guévenoux, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, M. Sébastien Huyghe, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Catherine Kamowski, Mme Marietta Karamanli, M. Guillaume Larrivé, M. Philippe Latombe, Mme Alexandra Louis, M. Olivier Marleix, M. Jean-Louis Masson, M. Fabien Matras, M. Stéphane Mazars, M. Jean-Michel Mis, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, M. Stéphane Peu, M. Éric Poulliat, M. Aurélien Pradié, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Robin Reda, M. Thomas Rudigoz, M. Pacôme Rupin, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, Mme Laurence Vichnievsky, M. Cédric Villani, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Hélène Zannier, M. Michel Zumkeller
Excusés. - Mme Huguette Bello, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Philippe Dunoyer, Mme Paula Forteza, M. Philippe Gosselin, M. Mansour Kamardine, M. Jean-Pierre Pont, M. François de Rugy, Mme Maina Sage, M. Guillaume Vuilletet
Assistaient également à la réunion. - Mme Marine Brenier, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Hubert Wulfranc