En ce qui concerne les taxes nutritionnelles, les travaux que nous avons menés portaient sur la taxe soda en France, dont les caractéristiques ont un peu évolué.
Nous avons montré que pour certaines formes de taxes, le montant pouvait être sur-répercuté, c'est-à-dire que la variation des prix in fine pouvait être supérieure au montant de la taxe. D'autres travaux sur le tabac ont identifié le même type de mécanisme. Une récente évaluation ex post de la mise en place de la taxe en 2012, portant sur des données françaises et italiennes, montre que, pour un certain nombre de produits, la répercussion de la taxe a été totale, voire légèrement supérieure.
Ces études, y compris les évaluations ex post qui consistent à recueillir les données et analyser les effets d'une mesure, sont assez compliquées à mener à bien. Il faut en avoir un grand nombre pour confronter les résultats et ne pas se baser sur les résultats d'une seule étude. C'est un peu général d'un point de vue scientifique, mais je tenais à le souligner.
Ces travaux suggèrent aussi que, dans le cas de la France, la taxe a eu un impact sur la consommation non-négligeable si l'on compare avec les données de régions voisines en Italie, qui n'y étaient pas soumises. La difficulté, pour mesurer l'effet d'une politique, est d'arriver à isoler ses effets de tous les autres. Beaucoup de choses se passent d'une année sur l'autre : les revenus évoluent, les prix aussi et, en ce qui concerne les boissons, la météo peut être plus ou moins chaude, entraînant une demande plus ou moins forte ! Il faut donc arriver à trier, parmi tous ces éléments, ceux qui sont dus à la politique poursuivie. Il semble que la taxe ait eu un effet, mais cela ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de débat autour de ces mesures.
Il n'existe pas pour l'instant d'observation directe des impacts d'un taux de taxe croissant en fonction de la teneur en nutriments, en France ou ailleurs, car il y a peu de cas de mise en place de cette mesure. Des travaux théoriques montrent qu'il y aurait un intérêt, pour les industriels, à reformuler leurs recettes pour réduire la teneur en sucres des sodas afin d'échapper en partie à la taxe. Cette idée repose plus sur des travaux théoriques que sur des travaux empiriques pour le moment.
Pour la distribution, il n'est pas simple de vous répondre. Dans nos travaux, nous essayons de prendre en compte la filière, donc de caractériser la demande – comment les consommateurs vont-ils réagir à des variations de prix ? – et l'offre. L'offre, dans ces travaux, regroupe à la fois l'industrie productrice et la distribution, sachant que ces deux secteurs sont en relation verticale. C'est le distributeur qui fixe les prix, mais il existe des interactions entre les deux niveaux. C'est en se basant sur les modélisations, réalisées en amont, et sur les études ex post, que nous avons constaté une sur-répercussion de la taxe sur les prix finaux. Cela vient des interactions prenant en compte l'intérêt des firmes « amont », productrices, et des distributeurs. Dans le cas des sodas, ces deux secteurs sont très concentrés, donc ils ont la possibilité d'agir de façon importante sur les prix.
Les distributeurs ont aussi un rôle de producteurs, ou au moins de prescripteurs des caractéristiques des produits qu'ils vendent, puisqu'ils développent les marques de distributeurs. Dans ce cas, ils sont producteurs, au sens où ils choisissent les caractéristiques des produits qu'ils vont mettre sur le marché, et distributeurs, dans le sens où autour de 75 % des achats de produits alimentaires se font dans la grande distribution.