Je ne suis pas sociologue, mais économiste. Il m'est difficile de vous répondre car chaque catégorie de produits a ses spécificités. Dans le cadre de nos travaux, nous avons tenté de simuler les effets d'une reformulation des principaux produits transformés sur la santé, en alliant un modèle économique et un modèle épidémiologique. Les impacts sont très différents selon le type d'industrie. Nous nous sommes fondés, du reste, sur des travaux que l'industrie elle-même, notamment Unilever, a réalisés pour essayer d'évaluer ses marges de manoeuvre par grand type de produits. Si on n'incite pas les industriels à agir, quel risque courent-ils de mettre en oeuvre cette reformulation ? Si une seule firme le fait, ses produits risquent d'être rejetés par les consommateurs, qui choisiront les produits non reformulés. À cet égard, je dois modérer ma critique des accords « volontaires » et « à la française » sur un point. Ces accords ont en effet été efficaces lorsqu'une profession entière a adhéré à la charte : ce fut le cas de la charcuterie, par exemple. Mais encore une fois, si une firme est la seule à agir dans ce domaine, elle prend de gros risques. Elle préférera donc s'abstenir ou alors développer une nouvelle gamme de produits à destination de certains consommateurs qui seront sensibles à tel argument. L'un des points clés est de parvenir à faire bouger l'ensemble d'un secteur, et non une firme isolée.