Intervention de Gérald le Corre

Réunion du mercredi 20 juin 2018 à 16h15
Commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie risques chimiques, psychosociaux ou physiques et les moyens à déployer pour leur élimination

Gérald le Corre, membre de l'Association Henri-Pézerat :

Soit. Dans le secteur industriel du nucléaire civil, toutes les études montrent que les salariés de la sous-traitance sont exposés à 90 % de la dose et les valeurs d'exposition sont telles que les salariés, une fois la dose atteinte, passent de site en site.

J'ai pris ces quelques exemples pour illustrer les expositions actuelles qu'ont révélées des militants syndicaux et des CHSCT, afin de leur donner de la visibilité. La disparition des CHSCT inquiète naturellement, de même que la réduction des moyens de l'inspection du travail et des caisses d'assurance-retraite et de santé au travail (CARSAT).

Autre sujet important : le recours à la sous-traitance, qui permet aussi de diluer les risques et les responsabilités, en particulier dans les trois branches que sont la maintenance des installations industrielles, le nettoyage de ces mêmes installations et la gestion des déchets, comme l'illustre le cas de la raffinerie Total à Gonfreville-l'Orcher. Le développement de l'externalisation des risques professionnels nous semble nécessiter des mesures fortes d'interdiction de la sous-traitance dans ces métiers à risque.

Je conclurai par une question : Adisseo, France Télécom, EDF, Environnement Recycling, Bolloré, Vinci et Triskalia sont-ils des exceptions ? Hélas non. Ce sont à l'évidence de mauvais élèves, mais l'association constate qu'une grande partie des industriels exposent les salariés à des risques de maladies professionnelles, notamment des cancérogènes. Le nombre de cancers d'origine professionnelle est en débat mais si l'on cherche les malades, on les trouvera – même si, quelles que soient les organisations, les moyens consacrés à la recherche des malades et à l'établissement du lien entre l'exposition et la maladie sont réduits. En attendant, il est plutôt rentable pour les industriels d'exposer leurs salariés, parce qu'il est onéreux d'investir dans la prévention collective et de substituer les produits cancérogènes, compte tenu du schéma classique de gestion d'une entreprise – coûts, bénéfices, risques. Peu nombreux sont les salariés qui déclarent les risques, soir par méconnaissance soit parce que le parcours du combattant est trop ardu. En outre, le risque pénal est quasiment nul.

En clair, les salariés restent exposés et certains meurent d'un crime parfait, puisqu'aucun responsable ne peut être trouvé pour ces milliers de morts de maladies professionnelles, notamment à cause de substances cancérogènes. Pour mesurer le chemin parcouru depuis le début du siècle dernier, j'évoquerai quelqu'un dont je ne suis pourtant pas un fervent partisan : Georges Clemenceau. Tirer sur quelqu'un avec une balle en plomb, disait-il, vous conduit en prison ; une fois fondu et respiré à petites doses régulières par les employés, ce même plomb – la céruse – ne présente aucun risque de poursuites. Un siècle plus tard, nous nous trouvons dans une situation similaire.

Nos préconisations, que nous pourrons naturellement vous transmettre par écrit, consistent à renforcer la réglementation, notamment le code du travail, en interdisant les expositions lorsque c'est techniquement possible, à supprimer les valeurs limites d'expositions qui sont considérées comme un moyen de gestion du risque, à augmenter les moyens des représentants du personnel, à maintenir les CHSCT, et à veiller à ce que le droit de retrait des salariés en cas de danger grave et imminent – qui existe depuis 1982 – s'applique concrètement de sorte que le salarié soit protégé contre le licenciement au même titre que les représentants du personnel moyennant l'autorisation de l'inspection du travail. En matière pénale, il faut instaurer une tolérance zéro à l'égard des employeurs délinquants en matière de santé au travail, ce qui suppose que le ministère de la justice adresse des directives de fermeté aux parquets – comme c'est le cas dans le domaine de la circulation routière par exemple. Enfin, il faudrait créer une nouvelle infraction dans le code pénal concernant les crimes industriels ; elle permettrait enfin aux procès pénaux d'aboutir s'agissant de l'ensemble des situations de travail qui exposent les salariés à des substances cancérogènes.

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