Au sujet du suivi post-professionnel, je rappelle qu'une disposition résultant de la récente réforme du code du travail par voie d'ordonnances instaure l'examen médical de fin de carrière. Je crois savoir que l'ensemble des praticiens que vous avez entendus a considéré qu'il était compliqué pour un médecin du travail de recevoir pour un dernier entretien un salarié totalisant 43 ans de carrière dans plusieurs entreprises sous des statuts différents et ignorant, à quelques produits cancérogènes près, à quoi il a été exposé.
Nous avons donc des craintes au sujet de cet examen, d'autant que les dossiers des intéressés ne sont pas transmis d'un service de santé du travail à l'autre lorsque les salariés bénéficient du suivi médical.
C'est pourquoi nous considérons qu'il faut rétablir les fiches d'attestation d'exposition – qui ont été supprimées par le gouvernement de M. Hollande. C'est pleinement justifié, puisque cette obligation de traçabilité résulte de la directive européenne du 12 juin 1989 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail. D'une façon ou d'une autre, le Gouvernement devra donc légiférer pour revenir à la situation précédente, faute de quoi la transcription dans le droit français de cette directive sera incomplète.
La question suivante est de savoir comment établir le lien entre la traçabilité dans l'entreprise, l'information du salarié sur le suivi post-professionnel et la volonté politique de la CNAM et des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) de mettre en oeuvre ce suivi. C'est le grand écart ! L'obligation faite aux entreprises de déclarer les procédés de travail pouvant entraîner des maladies professionnelles a été évoquée à plusieurs reprises devant vous. Entendue par la commission d'enquête, la CNAM n'en a pas parlé ; de leur côté, ni les CPAM ni les CARSAT n'écrivent jamais aux entreprises pour leur rappeler leurs obligations : cela ne les intéresse pas !
Il est d'ailleurs intéressant d'établir le parallèle avec le cancer du sein. On nous rapporte que, dans certaines CPAM, des agents passent leur temps à contacter des bénéficiaires pour leur rappeler leur droit au suivi du cancer du sein. Un suivi post-professionnel peut donc être mis en place assez aisément en repartant des expositions ; encore faut-il la volonté politique de le faire.
S'agissant de l'extension évoquée du champ de compétence du FIVA, le régime actuel repose sur la responsabilité de l'employeur ; il faut créer de nouveaux tableaux de maladies professionnelles, ce qui a été évoqué pour les maladies psychiques et les polyexpositions. Il faut certes rappeler au salarié son droit à engager une démarche pour faute inexcusable de l'employeur, mais il faut aussi l'accompagner, notamment dans la documentation et l'instruction de procédures qui sont extrêmement longues. On ne voit donc pas pourquoi il y aurait un pot commun, dès lors que chaque employeur est très facilement identifiable à partir des situations d'exposition.
Le principe pollueur-payeur doit s'appliquer à l'ensemble des maladies professionnelles ; or nous sommes confrontés à une sous-déclaration massive de ces affections, qui sont déjà payées par le pot commun que constituent les cotisations des salariés à la sécurité sociale, alors que ces dépenses sont très largement imputables aux employeurs.