Je souhaiterais apporter un autre éclairage sur ces questions.
Le cancer du larynx et le cancer de l'ovaire ne figurent pas dans les tableaux mais peuvent cependant être reconnus par le système complémentaire ; la différence vient de la perte de la présomption d'imputabilité au profit du régime de la preuve. C'est une différence majeure ! Concrètement, s'il y a trace, même légère, de tabagisme chez un salarié atteint d'un cancer du larynx, c'est fini pour ce qui est du système complémentaire – ça ne l'est pas dans celui du tableau. On voit que la mise à jour des tableaux revêt une importance majeure.
Certaines batailles sémantiques sont proprement insensées ; je ne résiste pas au plaisir de vous en signaler une.
Les conditions pour faire reconnaître un cancer broncho-pulmonaire selon les critères du tableau 30 bis sont assez exigeantes. Il faut avoir travaillé dix ans au contact de l'amiante, ce qui n'est pas toujours facile à trouver dans une carrière, alors que la liste des travaux concernée est très limitative. Si les activités exercées ne figurent pas au tableau, la maladie n'est pas reconnue, même si l'on a été très exposé à l'amiante.
Mais il existe une deuxième façon de faire reconnaître un cancer broncho-pulmonaire, largement méconnue des praticiens en général : il s'agit du tableau 30 C. Il est volontairement rédigé d'une façon incompréhensible. Il vise une « dégénérescence maligne broncho-pulmonaire compliquant des lésions parenchymateuses et pleurales bénignes ci-dessus mentionnées » ; comprenne qui pourra. J'ai signalé cet alinéa à un responsable hospitalier en pneumologie : il en ignorait l'existence ; il est volontairement rédigé en chinois alors qu'il signifie qu'en plus de son cancer broncho-pulmonaire primitif l'intéressé présente soit des plaques pleurales soit une asbestose ou des épaississements pleuraux. Il est tellement plus simple de le dire ainsi ! C'est d'ailleurs le cas dans le régime agricole.
Il y a eu un tir de barrage favorable au maintien de la rédaction « en chinois », car elle permettait de faire tomber des reconnaissances de maladies professionnelles, cet alinéa mentionnant des conditions bien plus favorables et plus faciles à retenir : cinq ans d'exposition et une liste limitative de travaux ; concrètement, le fait d'avoir été exposé suffit.
Par ailleurs, lorsqu'on suit des dossiers sur une longue période, il est très choquant de s'apercevoir, pour l'amiante comme pour d'autres cancérogènes, qu'il existe des professions à très haut risque. Ce fait est notoire : les CRAM établissent des fiches d'exposition, l'INSERM réalise des études épidémiologiques et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) produit des documents. Pourtant certaines caisses ne voient pas d'exposition, même en cherchant bien, chez des plombiers couvreurs, des maçons fumistes, etc. C'est absolument insupportable !
C'est pourquoi il est nécessaire d'établir des listes de métiers à risque, un référentiel, afin de faciliter la reconnaissance des maladies professionnelles.