Intervention de Christophe Lannelongue

Réunion du mardi 26 juin 2018 à 8h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Christophe Lannelongue, directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) Grand-Est :

Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'il faut raccourcir le temps d'élaboration et de mise en oeuvre des projets. Le guichet unique a cet objectif. Vont aussi être mises en place dans dans la région Grand-Est et dans d'autres régions des conférences de financeurs, qui associeront au niveau du département tous les acteurs participant au financement des projets : le conseil départemental, l'assurance maladie et l'ARS.

Nous devons en effet accompagner les porteurs de projets très en amont, dès le moment où ils ont une idée car, comme ces professionnels travaillent beaucoup, ils manquent de temps pour la faire mûrir. Notre mission est donc de rémunérer le temps qu'ils consacrent à développer et construire ces projets, car il ne pourra y avoir d'évolution du système de santé sans une transformation des pratiques professionnelles, donc sans développement de projets innovants à l'initiative des professionnels.

Quant au manque d'attractivité du secteur libéral, je dirais qu'il est lié au sentiment qu'ont beaucoup de jeunes professionnels de ne pas avoir été suffisamment préparés à gérer un cabinet qui est presque une PME. Ils craignent également que l'exercice libéral soit une difficulté pour travailler en équipe, cet exercice se faisant en effet souvent de façon isolée. Enfin, ils considèrent que des contraintes assez fortes pèsent sur les horaires de travail.

Inversement, beaucoup de jeunes professionnels s'installent en libéral parce qu'ils ressentent l'hôpital comme un lieu de bureaucratie et de contrainte. Si nous devenons capables d'aider les futurs médecins à définir durant leurs études un projet professionnel, nous allons pouvoir progresser très rapidement sur cette question.

Un dispositif appelé « La Passerelle » a été mis en place à Nancy à la rentrée de septembre 2017 : le Conseil national de l'Ordre des médecins a recruté sur financement ARS une chargée de mission qui aide les étudiants en médecine à définir un projet professionnel et les met en relation avec des médecins déjà installés. Son bureau est installé dans les locaux de la faculté, en face du principal amphithéâtre.

C'est ce type d'initiative qui permettra d'éviter qu'un jeune professionnel fasse des remplacements pendant plusieurs années jusqu'à ce qu'il trouve un cadre d'exercice qui lui plaise. Ainsi, il aura la possibilité de faire cette recherche durant ses études.

Je terminerai en répondant à votre question sur la régulation de l'installation des médecins. Je crains que toute mesure de régulation aboutisse surtout à pénaliser encore plus la médecine générale. Les difficultés que rencontre notre pays s'expliquent par le retard que nous avons pris : des pays proches de la France comme l'Allemagne ont organisé les soins primaires il y a vingt ou trente ans, ce qui leur a permis de développer la prévention et l'accès en proximité et de mieux coordonner le travail en équipe.

En recourant à des mesures coercitives de régulation, on risque d'aggraver la dérive du système français qui a consisté à privilégier, dans les modes de rémunération comme dans les modes d'exercice, une médecine de spécialité, une médecine hospitalière.

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