Intervention de Pascal Duchadeuil

Réunion du mercredi 4 juillet 2018 à 10h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Pascal Duchadeuil, président de la cinquième chambre de la Cour des comptes :

Nous n'avons pu, et pour cause, travailler sur France Compétences, agence créée tout récemment. Elle constituera cependant un lieu de rencontre quadripartite, ce qui répond à un besoin que nous avions observé. Cela étant, elle sera un lieu non pas de détermination d'orientations stratégiques, mais plutôt de répartition de financements. Chose allant davantage dans le sens de nos recommandations, cette structure va piloter un processus de certification des organismes de formation qui est censé faire passer l'accent de la quantité vers la qualité. La certification remplacerait ainsi le système de référencement de qualité issu de la loi de 2014, dont le décret d'application pâtit d'un certain formalisme. S'il peut y avoir un progrès, de ce fait, dans la certification des organismes de formation, cela rejoindra tout à fait les orientations du rapport.

J'en viens au compte personnel de formation et à l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Dans notre rapport, deux chiffres montrent la nécessité d'un accompagnement et d'un conseil en évolution professionnelle : le taux d'abandon des inscrits à une formation s'établit à 30 % avant la formation et entre 10 % et 15 % pendant cette formation. On sent bien qu'il y a là un gaspillage, s'il n'y a pas d'accompagnement et de choix pensé et réfléchi de la part des demandeurs d'emploi.

S'agissant des stages, non seulement le barème de rémunération, mais aussi la structure de l'offre est incompréhensible. Nous avons mené un test de recherche, pour une formation donnée, dans le secteur des réseaux informatiques. Alors que les différents sites puisaient tous leur information à la même source, celle des CARIF-OREF, des écarts de un à quatre s'observaient, pour une même région, dans les différentes réponses données.

Quant aux indicateurs globaux, nous pensons qu'ils doivent être différenciés dans une logique de parcours. Autrement dit, l'indicateur classique qui renseigne sur l'insertion dans l'emploi à six mois est évidemment insuffisant ; il faut regarder l'évolution à un an et à trois ans. Cela dépend aussi des publics. Nous venons de terminer une étude sur un système d'insertion spécialisé, à savoir le service militaire adapté en outre-mer : l'insertion immédiate dans l'emploi s'élève à 70 %, alors que l'insertion plus large s'établit à 50 %, pour un public où le taux d'illettrisme atteint 40 %. Voilà un indicateur intéressant, car il prend en compte les caractéristiques du public concerné. Sinon, on ne fait qu'agréger des situations qui n'ont rien de comparable entre elles.

J'en viens à la question des freins périphériques, dont celle de la mobilité. Les progrès du numérique, notamment au sein de Pôle emploi, permettent de faire progresser la situation. Par exemple, les besoins sont désormais analysés au niveau de chaque bassin d'emploi, à travers l'outil Forma'Diag.

S'agissant de l'adéquation entre la formation et les besoins des entreprises, nous avons bien sûr le problème des emplois non pourvus. Des statistiques montrent que, sur le seul périmètre de Pôle emploi, qui ne traite qu'une partie minoritaire de cette confrontation entre offre et demande d'emploi, il y a environ 3 millions d'offres qui sont pourvues tous les ans, tandis que 150 000 autres ne trouvent pas preneur. Cela recouvre les cas où les entrepreneurs déclarent n'avoir pas trouvé de compétences ou, plus souvent encore, de ne pas avoir trouvé l'expérience nécessaire. Des offres sortent aussi simplement du cadre du marché : les conditions de travail et de rémunération proposées ne sont pas en accord avec les pratiques habituelles des branches.

En effet, plusieurs priorités peuvent coexister, car nous sommes en face de plusieurs publics. Le premier est celui de la préparation opérationnelle à l'emploi, qui est un public déjà choisi par l'entreprise ; il n'est pas touché par les défaillances en termes de socle de compétences et de connaissances. Ceux qui le sont font partie des oubliés du Plan 500 000 formations, puisqu'il était plus simple, dans une perspective quantitative, de partir de situations plus favorables à une formation. À cet égard, je rappelle que plus de la moitié du Plan 500 000 formations durait moins de trois mois. De manière nette, les publics pris en charge n'étaient donc pas nécessairement les plus complexes. En tout état de cause, il nous apparaît extrêmement important de poursuivre une approche différenciée et personnalisée. Les termes d'autonomie et d'accompagnement prennent tout leur sens dans ce contexte.

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