Intervention de Corinne Soussia

Réunion du mercredi 4 juillet 2018 à 10h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Corinne Soussia, présidente de section à la cinquième chambre :

Il peut y avoir des difficultés, quand on est résident d'une région, pour faire financer sur son compte personnel de formation une formation dans une autre région. Pour traiter le problème de la mobilité, les régions avaient proposé une prise en charge dans le cadre des programmes régionaux qualifiants, mais sans prendre en compte les difficultés inhérentes à l'existence du compte personnel de formation.

J'en viens à la question de l'autonomie et de l'accompagnement des demandeurs d'emploi qui sont les plus éloignés de l'emploi. En amont, le travail relève du conseil en évolution professionnelle. Le fait que le Plan 500 000 formations ait été axé sur la quantité a conduit à ce que cet instrument créé par la loi du 5 mars 2014 n'a pas été déployé de manière suffisamment qualitative. Le conseil en évolution professionnelle est en effet en charge de l'accompagnement, de sorte que, lorsque la priorité est mise dans la réalisation d'objectifs quantitatifs et dans l'inscription à des stages visant à la pleine capacité, on porte moins d'attention au projet professionnel adapté au profil du demandeur d'emploi ou aux besoins du territoire.

En outre, les personnes le plus éloignées de l'emploi ont parfois un mauvais souvenir de la formation initiale, de sorte qu'elles n'ont pas toujours envie spontanément de se rendre en formation. On travaille donc maintenant sur des périodes courtes d'emploi et de formation, mais aussi de mise en situation professionnelle. De cette façon, les demandeurs d'emploi comprennent mieux quelles sont les attentes des employeurs, en quoi consistent les métiers auxquels ils se destinent, de sorte qu'ils puissent mesurer le chemin à faire pour y accéder, chemin à n'accomplir souvent que par étapes, à commencer par la remise à niveau des savoirs de base.

Les partenaires sociaux ont créé le référentiel Cléa, destiné à valoriser auprès des employeurs, sur le marché du travail, l'acquisition des compétences de base. Or une partie des demandeurs d'emploi ne sont pas en situation de passer le cap de la première évaluation de Cléa. Les financeurs de la formation professionnelle doivent investir sur ce point.

L'une des difficultés vient cependant de ce que, si on cherche un indicateur brut d'efficacité des euros investis, on se tourne vers le taux de retour à l'emploi dans les six mois. Cela conduit à se concentrer sur des préparations opérationnelles, qui vont tirer la moyenne vers le haut. Pour des formations socles, l'indicateur adéquat serait plutôt celui qui mesurerait l'avancée dans un parcours individuel de formation, alternant, le cas échéant, des périodes de formation et des périodes courtes d'emploi – ce qui permettrait une montée progressive en qualification.

Dans les achats réalisés par les régions, nous avons constaté que certaines ont commencé d'acquérir des parcours qualifiants qui incorporent des stages pré-qualifiants. En effet, une partie des demandeurs d'emploi orientée vers des stages qualifiants ne passait pas le cap des examens organisés par les organismes de formation pour vérifier la maîtrise des prérequis. Cette première marche dans le parcours qualifiant doit donc faire l'objet d'une attention particulière dans les acquisitions des acheteurs de formation. Ce n'était pas le coeur des achats de Pôle emploi. Ces marchés relatifs aux compétences-clés ont été transférés de l'État aux régions en 2015. Il s'agit donc d'une compétence récente. Les régions s'étaient déjà investies dans l'insertion professionnelle des jeunes, mais leurs compétences en matière d'illettrisme sont assez récentes. Territoire par territoire, il faut donc trouver le bon équilibre entre les savoirs de base, le pré-qualifiant, le qualifiant et le professionnalisant.

L'une des difficultés vient aussi de ce que la loi de 2014 définit des parcours se décomposant en blocs de compétences. Il n'y a donc pas forcément un parcours compact pour acquérir un diplôme. Chez certains demandeurs d'emplois, faute d'accompagnement, seule une partie des blocs est validée, de sorte qu'ils n'atteignent pas la reconnaissance de la qualification sanctionnée par le diplôme ou le titre. L'accès à l'emploi n'est donc pas sécurisé.

L'accompagnement du demandeur d'emploi est aussi nécessaire durant sa période de stage, ce que Pôle emploi ne fait pas aujourd'hui. Le taux d'abandon est donc élevé. C'est l'un des intérêts des services d'intérêt économique général : une relation peut naître entre l'acheteur et l'organisme, au sujet de la manière dont on va configurer les cahiers des charges en y insistant sur la qualité. Le système est alors plus adapté pour ces publics.

Je finis par la comparaison entre les régions. L'État s'est substitué au conseil régional qui n'a pas signé le Plan 500 000 formations, de sorte que la région n'a pas été désavantagée dans la répartition du financement ; l'opérateur national s'est simplement chargé d'acheter des stages plus courts et plus professionnalisants. Par ailleurs, le conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes développe quant à lui des parcours opérationnels qui s'approchent de ceux qui sont développés par Pôle emploi. Les demandeurs d'emploi ne se sont donc pas trouvés défavorisés de ce fait.

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