Intervention de Corinne Soussia

Réunion du mercredi 4 juillet 2018 à 10h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Corinne Soussia, présidente de section à la cinquième chambre :

Je voudrais revenir sur la territorialisation de l'offre de formation puisque vous évoquez les problèmes de mobilité, et le fait que les centres de formation sont parfois éloignés des publics qui nous préoccupent, ce qui constitue un frein à l'entrée en formation. Les acheteurs recherchent le bon équilibre entre la rentabilité de l'activité pour les centres de formation, et la proximité pour permettre à ces personnes de suivre ces formations. Or la formation au bénéfice des moins qualifiés est la moins rémunérée pour les organismes de formation. Les modalités d'achat ont en effet changé : on se fonde désormais sur « l'heure stagiaire », c'est-à-dire l'heure de présence du stagiaire. Autrement dit, en cas d'abandon, ou de défection, la rémunération de l'organisme diminue. Avec un maillage très fin, et éventuellement des coûts de structure sur les locaux, les plateaux techniques, ce n'est pas rentable. Certains organismes de formation sont sortis du marché de la formation des demandeurs d'emploi pour ces raisons. La difficulté est bien liée à la soutenabilité économique. Par ailleurs, avec les plans conjoncturels, les centres sont exposés à des à-coups financiers. Devoir augmenter la voilure peut aussi être une vraie difficulté, car si les recettes augmentent, il en va de même des coûts. La marge n'est pas forcément évidente même si, en trésorerie, à un moment donné, l'effet devient positif.

Peut-être est-il intéressant de citer deux cas de figure.

La région d'Île-de-France a essayé de découper son territoire régional en bassins « emploi-formation », précisément pour essayer d'avoir des analyses territoriales plus fines, qui ne se limitent pas aux zones d'emploi INSEE. Par exemple, la Seine-Saint-Denis est dans la même zone INSEE que Paris, alors que leur situation n'a absolument rien à voir. Elle mène une réflexion avec de l'outillage numérique. Elle met aussi en coopération des acteurs qui sont en mesure de faire remonter les besoins des entreprises et Pôle emploi qui a la connaissance des profils des demandeurs d'emploi. On constate donc une progression, qu'il s'agisse de l'outillage ou de la réunion des acteurs autour d'une même table.

De ce point de vue, il nous a semblé qu'un acteur, méconnu, pouvait jouer un rôle important : il s'agit du réseau des CARIF-OREF. Ils sont cofinancés par l'État et les régions, à travers les contrats de plan. Ce sont des structures assez légères, intégrées dans certains cas aux conseils régionaux, qui ont deux missions : l'observation de l'emploi et de la formation en région, et la mise en visibilité de l'offre de formation. L'un des intérêts des CARIF-OREF est de disposer de spécialistes des compétences. Ceux-ci peuvent vous dire, par exemple, que ce n'est pas forcément une bonne idée de prévoir exactement, dans les achats de formations, des formations qui correspondent à l'intitulé des métiers en tension. On peut en effet, à travers certaines formations, acquérir des compétences qui sont utiles pour une diversité de métiers. En revanche, pour un emploi donné, il faut peut-être améliorer plusieurs compétences.

L'expertise des CARIF-OREF nous semble insuffisamment exploitée aujourd'hui. Dans la mesure où ce sont déjà des instruments quadripartites, puisqu'ils sont souvent utilisés par les partenaires sociaux, il nous semblerait opportun de les rapprocher des comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles, qui sont maintenus dans le projet de loi en cours d'examen. Cela permettrait de privilégier une autre dimension, celle de l'analyse et de la projection. La relation entre les CARIF-OREF, les branches et Pôle emploi permettrait d'améliorer assez significativement les choses.

Par ailleurs, certains conseils régionaux s'interrogent sur la localisation de l'offre. Faut-il la localiser là où se trouvent les emplois ? Logiquement, les demandeurs d'emploi doivent être prêts à faire le même chemin pour aller en formation que pour aller en emploi. Faut-il plutôt la mettre près des lieux de résidence ? Ce n'est pas figé une fois pour toutes. Simplement, on passe des marchés publics sur trois ou quatre ans, et c'est souvent en cours de route que l'on s'aperçoit éventuellement des difficultés que pose la localisation de l'offre.

S'agissant du maintien d'une offre de proximité, certains conseils régionaux sont attentifs à la manière dont ils évaluent les offres en réponse à leurs appels, de manière à conserver une palette d'organismes assez diversifiée, et à éviter une concentration sur les plus gros opérateurs. Cela dépend de la manière dont les cahiers des charges sont établis. Le rapport insiste sur la nécessité d'avoir des cahiers des charges avec des exigences qualitatives. La question du lotissement géographique se pose aussi dans ce cadre.

S'agissant du suivi et du contrôle, il nous semble important que les acheteurs aillent sur le terrain au moment où les formations sont délivrées. À cet égard, avoir un retour sur le taux de satisfaction des stagiaires et disposer de leurs commentaires grâce aux évolutions numériques ne contribue pas forcément à la qualité des formations. Les stagiaires, en effet, ne sont pas toujours les mieux placés pour juger si les formateurs ont bien les qualités pédagogiques et techniques que l'on doit attendre d'eux. Donc, c'est un indice supplémentaire, mais ce n'est pas, en soi, le seul critère permettant d'établir la qualité de la formation.

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