Intervention de Albert Maillet

Réunion du lundi 5 février 2018 à 15h00
Mission d'information sur la gestion des évènements climatiques majeurs dans les zones littorales de l'hexagone et des outre-mer

Albert Maillet, directeur forêts et risques naturels de l'Office national des forêts (ONF) :

Je ne reprendrai pas ce qu'on dit mes deux collègues, et je me contenterai d'apporter des compléments spécifiques à l'Office national des forêts.

Premier point : Patrick Bazin a dit que le Conservatoire du littoral est une agence foncière, eh bien, l'Office national des forêts est exactement l'inverse : nous ne possédons aucun terrain, nous ne sommes que gestionnaires de terrains.

Nous gérons donc des terrains appartenant à l'État, donc des terrains domaniaux, et dans le cas qui nous intéresse, des terrains domaniaux placés sous la responsabilité du ministère en charge des forêts. Nous sommes par ailleurs gestionnaires conseillers auprès des collectivités propriétaires des espaces forestiers et espaces naturels associés.

Deuxième point : l'ONF, de manière intrinsèque, n'a pas de mission en matière de gestion des risques. Néanmoins, en pratique, ces missions sont assez rapidement apparues dans l'activité de l'ONF, précisément en liaison avec son rôle de gestionnaire. Comme les milieux que nous gérons peuvent être le siège d'un certain nombre de risques naturels, nous nous avons cherché à être les plus efficaces possible face à ces risques : risque littoral, risque d'incendies de forêt, risques liés à la montagne, dits RTM – pour restauration et conservation des terrains en montagne – avalanches, coulées de boue, glissements de terrain, chutes de blocs, etc.

Face au risque littoral qui nous occupe aujourd'hui, nous sommes amenés à intervenir à double titre.

D'abord, en tant gestionnaires d'un certain nombre de terrains : un cordon dunaire littoral domanial de 380 kilomètres de long sur la façade Atlantique, les terrains des collectivités et les terrains du Conservatoire du littoral. Cet ensemble représente, en métropole, un linéaire d'environ 500 kilomètres. Les 380 kilomètres de terrains domaniaux étant essentiellement constitués de dunes sableuses, nous avons un solide savoir-faire en la matière.

S'ajoutent à cela un certain nombre de terrains que nous gérons dans les outre-mer, sous le même régime administratif qu'en métropole, sans oublier le cas un peu particulier des mangroves, qui sont des milieux intéressants du point de vue biologique, mais également pour leur rôle de maintien du trait de côte.

Nous sommes donc des intervenants gestionnaires, et nous avons développé, au cours des années, une technique dite de « gestion souple du cordon dunaire » qui vise, au travers d'actions de génie écologique – essentiellement des techniques de revégétalisation – c'est-à-dire sans enrochement –, à fixer globalement le cordon dunaire dans une gamme de mouvements qu'on l'autorise à faire, sans chercher à le figer – car c'est un élément naturel qui respire, qui bouge, et qui doit normalement bouger – dans des limites qui lui permettent de jouer son rôle.

Historiquement, lorsque nous avons commencé à gérer ce cordon dunaire sableux, notre mission consistait à lutter contre l'érosion éolienne, et à faire en sorte que le sable ne quitte pas les dunes pour aller ensabler l'arrière-pays – notamment les zones habitées.

Un peu plus récemment, nous nous sommes « retournés », et au lieu de regarder uniquement vers la terre, nous nous sommes mis à regarder vers la mer et à étudier – pas seuls parce que nous n'avons pas toutes les compétences – le comportement de la dune par rapport aux événements maritimes, notamment tempétueux. Nous avons donc travaillé avec le CEREMA, le BRGM, l'IGN – notamment sur les questions de cartographie – et le Conservatoire du littoral sur un certain nombre de sites pilotes qui ont été évoqués.

Nous partons toujours du même principe : apprendre à gérer au mieux le stock sédimentaire de sable, en évitant qu'il ne s'épuise ou ne se déplace au fur et à mesure des mouvements tempétueux, ou qu'il ne se déplace en fonction des modifications du trait de côte, qui interviennent à la suite d'aménagements anthropiques. Ces derniers peuvent effectivement entraîner des variations dans le régime des courants et dans la manière dont le sable se dépose. C'est notre deuxième mission historique.

Notre troisième mission, encore plus récente, est apparue juste après la tempête Xynthia. On a constaté à cette occasion que toutes les dunes sableuses n'avaient pas le même comportement et ne jouaient pas le même rôle en termes de protection contre le risque de submersion marine. L'État, en l'occurrence la DGPR, nous a alors demandé d'essayer – avec l'aide d'autres organismes – de décrire et de qualifier l'ensemble de ces dunes, non seulement par rapport à leur état d'entretien et à la manière dont le stock sableux est conservé ou pas, ce que nous faisions déjà, mais aussi en termes de fonctionnalité par rapport à un risque de submersion. Ainsi, on regarde la dune comme si c'était une pseudo-digue et on essaie de voir, parmi les dunes, celles qui sont efficaces et celles qui le paraissent moins. De fait, il faut s'assurer de compétences autres que les nôtres pour faire de telles observations, notamment à partir de modèles de submersion marine.

Cela suppose un mécanisme d'observation continue de ces cordons dunaires. En effet, avec nos partenaires, nous avons défini un certain nombre de critères, qui font qu'une dune a un effet plus ou moins efficace par rapport au risque de submersion. Il faut régulièrement parcourir le cordon dunaire pour pouvoir le décrire et repérer les endroits où ces critères sont atteints et où la dune va avoir cette fonction, et les endroits où, au contraire, ces critères ne sont pas atteints, et où l'on peut penser que la dune n'aura pas une fonction protectrice aussi forte. La difficulté tient au fait que, comme la dune vit, bouge, respire, il faut repasser régulièrement pour « recalibrer » la mesure de ces critères sur toutes ces dunes. C'est une des missions qui nous ont été confiées. Des agents gèrent ces dunes et sont présents sur le terrain pour les observer.

Telle est donc, un peu rapidement brossée, la manière dont l'Office intervient en amont des phénomènes.

En cas d'événement tempétueux, les dunes sont déstabilisées et détruites par endroits. Nous avons alors une mission de cicatrisation et de reconstitution des portions de dunes les plus maltraitées. Nous utilisons notamment des techniques douces de génie écologique, qui prennent un peu de temps, mais qui sont efficaces. Ainsi, nous accompagnons le mouvement pour que cela se passe dans les meilleures conditions.

J'ai parlé jusqu'à présent de la partie dunaire, où il n'y a pas un seul arbre, ce qui peut paraître un peu curieux pour l'Office national des forêts. Mais il se trouve que ces parties dunaires sont sous la compétence du ministère en charge des forêts. Nous les gérons, dans la mesure où ce sont des parties domaniales. Et cela a d'autant plus de sens que ces parties dunaires sont en général doublées en arrière-plan par des boisements littoraux que nous gérons également, et qu'il existe une fonctionnalité réciproque entre la dune, l'arrière-dune et ses parties boisées.

On a évoqué le risque climatique pour les forêts. Nous nous intéressons de très près à cette question qui concerne l'ensemble des forêts françaises, mais qui se présente de façon un peu particulière pour les forêts littorales, soumises à des climats à influence maritime, avec notamment des charges en sel que l'on ne rencontre pas dans les autres forêts.

Dans l'hypothèse de modifications liées au changement climatique, en particulier, de modifications un peu profondes du positionnement terre-mer en termes de niveau des eaux et des terres, on peut assister à des phénomènes de remontées de nappes salées, ce que les arbres et les forêts n'aiment pas beaucoup. Cela peut entraîner des phénomènes de dépérissement importants, dont certains s'expliquent toutefois simplement par l'évolution climatique générale.

On peut assister à des phénomènes d'affaiblissement forestier, de sensibilité plus forte des forêts à des phénomènes venteux forts, que l'on appelle des dégâts de chablis. Le fait que des forêts entières soient battues par le vent peut entraîner en chaîne des risques pour la circulation des personnes ou sur les voies de circulation, d'autant que l'on se trouve en général dans des secteurs touristiques avec des plages fréquentées, mais aussi des risques d'incendie avec la multiplication des arbres morts jonchant le sol.

Ainsi, on utilise pour les dunes des techniques de génie écologique afin de fixer le sable. Et, pour tous les autres phénomènes que j'ai décrits, on essaie de développer sur le littoral exactement les mêmes pratiques et les mêmes savoir-faire que dans d'autres types de forêts, en s'inspirant de ce que l'on a fait ailleurs, par exemple pour le risque d'incendie dans le Sud-Est, ou pour la stabilité des peuplements au vent dans d'autres zones. Nous cherchons à les appliquer directement à ces configurations.

J'ajoute que, ces façades littorales domaniales étant souvent touristiques, l'ONF a aussi une action d'aménagement de l'accueil du public : non seulement il se préoccupe des risques, mais il fait en sorte d'accueillir les populations dans de bonnes conditions. Cela lui permet, en même temps, de les informer de la manière dont sont gérées ces dunes, des précautions à prendre, de la liaison entre la gestion des dunes et la maîtrise des risques naturels associés que l'on vient d'évoquer.

Quelles sont nos perspectives ?

Je l'ai dit, nous avons noué des partenariats avec un certain nombre d'organismes : BRGM, CEREMA, IGN, Conservatoire du littoral, mais aussi avec d'autres organismes comme les universités. Nous essayons de développer avec eux des programmes d'innovation, par exemple dans les techniques d'observation du cordon dunaire, par télédétection, par drones. Nous travaillons, notamment avec l'IGN, sur la manière d'observer, sur un très grand linéaire, comment évolue un territoire. Nous essayons également d'améliorer notre capacité de prévision et de simulation par rapport aux phénomènes tempétueux en travaillant avec les universités, spécialistes des problèmes marins, ou avec le BRGM sur des questions de stabilité.

Nous essayons donc de progresser ensemble. Nos partenaires nous apportent leur savoir sur ces phénomènes. De notre côté, nous étudions l'interaction entre les informations qu'ils nous donnent, et l'action sur la dune que nous observons en tant que gestionnaire, voire l'efficacité comparée de certaines techniques par rapport à celles que l'on utilise.

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