Intervention de Christian Kert

Réunion du jeudi 15 mars 2018 à 15h00
Mission d'information sur la gestion des évènements climatiques majeurs dans les zones littorales de l'hexagone et des outre-mer

Christian Kert, président du Conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs :

Je vous remercie de me donner l'occasion de revenir à l'Assemblée nationale. Vos fonctions me rappellent celles que j'ai exercées sur des thématiques similaires ! Il y a une vingtaine d'années, quand l'Assemblée nationale a commencé à évoquer la prévention, nous étions le seul Parlement européen à nous en préoccuper. Un journaliste s'en était ému en me demandant si mon intérêt pour ces questions était lié au fait que j'étais né dans la ville de Nostradamus ! C'est dire si nous étions pris au sérieux…

Les choses ont évolué, même si vos attaches géographiques expliquent sans doute, comme moi, votre intérêt pour ces questions. Originaire de la région qui a connu le séisme de Lambesc en 1909 – dernier séisme meurtrier en France –, je me suis toujours intéressé aux risques sismiques. À l'époque, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) s'est penché sur le risque sismique avant l'AFPCN et le COPRNM, et pour la première fois en Europe. Il s'agit d'un risque naturel avéré puisque la dernière cartographie française signale 20 000 communes exposées sur les 36 000 communes françaises.

Dans les années quatre-vingt-dix, au niveau international, a été organisée une décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles (DIPCN). Chaque pays adhérent à l'Organisation des Nations unies (ONU) disposait d'un comité. Le comité français a très bien fonctionné de 1991 à 2000. Cette initiative n'a pas été renouvelée, au motif que l'on avait peut-être tout dit sur les politiques de prévention. Or, c'était faire fi de deux éléments : en premier lieu, la montée en puissance d'un risque nouveau lié à l'effet domino entre risques naturels et technologiques et, en deuxième lieu, l'émergence du changement climatique – qui nous rassemble aujourd'hui. Ses effets ont remis à l'ordre du jour les politiques de prévention.

Les enjeux sociétaux de la mission dont vous avez la responsabilité sont fondamentaux. Les deux tiers des communes françaises sont exposées à au moins un risque, et beaucoup le sont à plusieurs. Par ailleurs, depuis les dernières élections régionales, départementales et municipales, les élus locaux ont été renouvelés à hauteur de plus de 40 % et beaucoup n'ont aucune culture du risque ou ignorent totalement que leur commune est « fichée ». Avec l'AFPCN, nous avons donc mis en oeuvre des actions pédagogiques, mais tous les parlementaires doivent également effectuer cet important travail auprès des élus locaux.

J'ai tenu à ce que l'AFPCN soit présente à mes côtés car le COPRNM s'appuie principalement sur cette association. Elle a été créée antérieurement au COPRNM, ce dernier ayant en quelque sorte profité des fruits du travail de l'AFPCN pour construire son programme. Je tiens à me défendre d'être un cumulard : le président du COPRNM est obligatoirement président de l'AFPCN, les deux structures étant intrinsèquement liées.

Quelles sont les missions du COPRNM ? Il fait partie intégrante de la gouvernance nationale des risques : il conseille le Gouvernement en matière de prévention des risques naturels, mais peut également émettre des propositions.

Son décret de création en août 2003 dispose qu'il est chargé d'émettre son avis sur les actions et politiques publiques qui concourent à la réduction de la vulnérabilité des personnes et des biens face aux catastrophes naturelles. Le code de l'environnement prévoit que l'État peut s'appuyer sur lui, lui demander son avis sur les PPRN et la stratégie nationale de gestion des risques.

C'est avant tout un lieu de concertation, d'échanges et d'arbitrage – sur ces thématiques, il n'y en a pas beaucoup –, composé d'élus, d'experts, de professionnels, de représentants de la société civile et des services de l'État. Nous intégrons même les assureurs. Si l'indemnisation fait partie des préoccupations de la mission d'information, sachez que les assureurs n'étaient absolument pas acteurs de la prévention il y a vingt ans : ils assuraient et indemnisaient, mais ne cherchaient pas à comprendre. Ils sont devenus de véritables acteurs des politiques de prévention.

Notre fonctionnement est souple, ce qui nous permet de nous réunir en fonction de l'actualité. Lorsque votre mission aura rendu ses conclusions, vous pourriez par exemple venir nous les présenter. Nous pourrions ainsi vous aider à les promouvoir.

Nous avons amplement participé à la création d'un Observatoire national des risques naturels. Par ailleurs, en partenariat avec le conseil national de l'eau, nous avons initié la création d'une Commission mixte inondations. Si vous n'avez pas déjà prévu de le faire, il serait intéressant de l'auditionner : elle est chargée de contribuer à la définition des grandes orientations de la politique de gestion des inondations en France et de communiquer sur la mise en oeuvre de cette politique. Cette commission rend compte de l'ensemble de ces travaux au COPRNM. Elle est en quelque sorte issue de nos rangs.

Le secrétariat général du COPRNM est assuré par la DGPR, en lien direct avec l'équipe de l'AFPCN. L'AFPCN est liée à la DGPR par une convention pluriannuelle. Notre lien avec l'AFPCN nous permet de mettre en oeuvre des actions pédagogiques sur tout le territoire, notamment auprès des élus locaux. Nous agissons également à l'international, disposons de contacts avec les sociétés savantes et sommes dotés d'un comité scientifique structuré publiant régulièrement des travaux sur le site de l'AFPCN.

Quels sont les liens entre l'AFPCN et le COPRNM ? La plateforme française de réduction des risques de catastrophes est en quelque sorte la « continuation » de la décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles. Cette décennie s'est transformée en un programme permanent des Nations unies, le programme des Nations unies pour la prévention des catastrophes naturelles ou United Nations office for disaster risk reduction (UNISDR). Ce programme anime la mise en oeuvre des cadres d'action, qui sont adoptés lors de Conférences mondiales sur la prévention des catastrophes. La dernière a eu lieu à Sendaï la même année que la COP21 et a adopté le cadre d'action 2015-2030.

Le COPRNM et l'AFPCN sont en phase de régénérescence : l'AFPCN vient de lancer une opération « de rebond », destinée à renouveler ses équipes et à s'attaquer à de nouvelles thématiques. Le COPRNM réfléchit également à de nouvelles orientations et à une meilleure coordination afin notamment de préparer les Assises nationales des risques naturels (ANRN) qui se tiennent tous les deux ou trois ans dans l'une des capitales régionales de métropole. Il n'est pas exclu, madame la Présidente, que nous les tenions un jour dans votre territoire !

À titre d'exemple, lors de la dernière réunion du COPRNM – qui a duré deux heures trente –, des experts nous ont présenté un retour d'expérience sur le séisme d'Amatrice. Nous avons analysé les travaux liés au plan national d'adaptation au changement climatique. Nous avons en outre examiné le rapport du délégué aux risques majeurs – c'est une obligation. Enfin, des experts nous ont fait part de leur retour d'expérience sur l'ouragan Irma aux Antilles.

Quels travaux avons-nous mené au cours des dernières années ? Nous avons examiné et donné un avis extrêmement important sur la transposition en droit français de la directive européenne du 23 octobre 2007 relative à l'évaluation et à la gestion des risques d'inondation – nous avons été quasiment les seuls à conduire cette réflexion. Nous avons donné un avis et entériné les orientations des groupes de travail sur la prévention du risque sismique et sur la stratégie française à l'international de réduction des risques de catastrophes naturelles.

Nous avons également consacré du temps à la présentation de la thématique « risques et résilience » du deuxième Plan climat. Il en est ressorti l'importance d'une démarche d'adaptation au changement climatique moins jacobine et s'appuyant davantage sur les propositions des territoires. J'insiste sur ce dernier point, thème des Assises nationales des risques naturels à Marseille en 2016 : il faut se rapprocher des territoires car cet échelon de responsabilité fait défaut.

Il est également ressorti de nos travaux le besoin de poursuivre l'amélioration de la connaissance.

Enfin, la transformation des territoires littoraux exposés à l'élévation du niveau de la mer et au recul du trait de côte différencié d'un endroit à l'autre est un enjeu majeur d'aménagement des territoires, qui doit mobiliser les collectivités locales. Ces dernières demandent d'ailleurs des évolutions du cadre législatif afin de disposer d'outils adaptés. Nous appuyons le travail des parlementaires qui se penchent actuellement sur ce sujet.

Vous m'avez également interrogé sur notre participation à l'élaboration des PPRN. Le COPRNM a un rôle d'animation de la politique de prévention et de diffusion de la culture du risque. Il ne participe pas directement à l'élaboration de ces plans. Pour autant, l'État doit recueillir notre avis sur les textes relatifs aux règles de prévention et de qualification de l'aléa dans les zones exposées aux risques et définies par les PPRN. Ainsi, lors de notre prochaine réunion plénière en juin, nous allons examiner un texte relatif à l'encadrement des plans de prévention du risque inondation (PPRI).

Nous sommes parfois consultés à l'occasion d'événements précis : tel fut le cas lors des deux commissions d'enquête parlementaires – une à l'Assemblée et une au Sénat – sur la tempête Xynthia. Il est d'ailleurs regrettable que le Parlement n'ait pas fait une seule commission d'enquête, mais il semblerait que cela ne soit pas possible… Notre participation et nos remarques sur la vigilance météo – notamment la vigilance « vagues-submersion » – avaient été jugées importantes par le président de la commission d'enquête du Sénat, M. Bruno Retailleau.

Cela nous avait également permis de rencontrer les élus de l'Association nationale des élus du littoral (ANEL) Nous avions pu débattre avec eux des interactions entre risques naturels et activités économiques – notamment touristiques –, le littoral étant très souvent occupé par des sites hôteliers, des résidences secondaires, des campings, etc.

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