Mission d'information sur la gestion des évènements climatiques majeurs dans les zones littorales de l'hexagone et des outre-mer

Réunion du jeudi 15 mars 2018 à 15h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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L'audition débute à quinze heures cinq.

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Monsieur Kert, je suis heureuse de vous accueillir en tant que président du Conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs (COPRNM). Votre intervention donnera lieu à un compte rendu écrit publié au rapport. Vous êtes accompagné de Mme Bérangère Basin, fonctionnaire de la direction générale de la prévention des risques (DGPR) du ministère de la transition écologique et solidaire, et de M. François Gérard, administrateur de l'Agence française pour la prévention des catastrophes naturelles (AFPCN), agence que vous présidez en tant que président du COPRNM.

Le Conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs est chargé d'émettre des avis et de faire des propositions en matière de prévention des risques naturels, mais également sur les actions et politiques publiques qui concourent à la réduction de la vulnérabilité aux catastrophes naturelles. Il peut également se saisir de sujets d'actualité.

C'est un lieu de concertation, d'orientation, de conseil et d'arbitrage, composé d'élus, d'experts, de professionnels, de représentants de la société civile et des services de l'État. C'est dans ce souci de concertation que la participation la plus active et la plus large possible de l'ensemble des membres du Conseil est nécessaire, notamment celle des députés, des sénateurs et des titulaires de mandats locaux.

Notre mission d'information évalue les politiques publiques chargées d'anticiper ces risques, notamment en zone littorale. Nous faisons également un point sur la gestion de crise sur le terrain : comment nos services s'organisent-ils au moment de l'événement climatique ? Enfin, qu'en est-il de la reconstruction ? Cette mission découle des événements survenus aux Antilles en septembre 2017, mais elle couvre l'ensemble du territoire de la République – Hexagone et outre-mer.

Nous avons souhaité consulter la communauté scientifique – pour mieux comprendre les risques liés au changement climatique –, rencontrer l'administration – qui conçoit ces politiques publiques – mais aussi tous les élus qui les mettent en oeuvre. Notre mission examine également l'apport des technologies au moment de la reconstruction, mais aussi les aspects financiers et économiques de ces catastrophes – comment redéfinit-on un territoire suite à une crise et le remet-on sur une trajectoire plus durable ?

Nous avons encore quelques mois d'auditions. Nous rendrons nos conclusions si possible en septembre 2018.

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Monsieur Kert, vous connaissez bien cette maison, où je suis heureux de vous accueillir. Vous connaissez bien nos méthodes de travail et vous connaissez l'importance du sujet. Pouvez-vous nous présenter le Conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs ? Pouvez-vous détailler les travaux réalisés et propositions faites par le COPRNM en zone littorale ? Comment participez-vous à l'élaboration des plans de prévention des risques naturels (PPRN) ?

L'État recueille votre avis sur les textes relatifs aux règles de prévention et de qualification de l'aléa. Vous êtes également consulté par l'État pour effectuer l'évaluation des risques d'inondation. Pouvez-vous nous présenter ces travaux ?

En matière d'impacts liés au changement climatique, quel a été votre apport au projet de deuxième Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC) ?

Quelle est votre analyse des ouragans de cet automne aux Antilles ? Quelles conclusions en tirer en matière de prévention et de vulnérabilité ?

Quelles seront à l'avenir les orientations prioritaires de vos travaux pour la prévention des risques liés aux événements climatiques majeurs ? Avez-vous identifié des pistes d'amélioration en matière de prévention des risques climatiques et d'information des populations ? Participez-vous à des échanges avec vos homologues européens et étrangers faisant face aux mêmes problématiques ?

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Christian Kert, président du Conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs

Je vous remercie de me donner l'occasion de revenir à l'Assemblée nationale. Vos fonctions me rappellent celles que j'ai exercées sur des thématiques similaires ! Il y a une vingtaine d'années, quand l'Assemblée nationale a commencé à évoquer la prévention, nous étions le seul Parlement européen à nous en préoccuper. Un journaliste s'en était ému en me demandant si mon intérêt pour ces questions était lié au fait que j'étais né dans la ville de Nostradamus ! C'est dire si nous étions pris au sérieux…

Les choses ont évolué, même si vos attaches géographiques expliquent sans doute, comme moi, votre intérêt pour ces questions. Originaire de la région qui a connu le séisme de Lambesc en 1909 – dernier séisme meurtrier en France –, je me suis toujours intéressé aux risques sismiques. À l'époque, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) s'est penché sur le risque sismique avant l'AFPCN et le COPRNM, et pour la première fois en Europe. Il s'agit d'un risque naturel avéré puisque la dernière cartographie française signale 20 000 communes exposées sur les 36 000 communes françaises.

Dans les années quatre-vingt-dix, au niveau international, a été organisée une décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles (DIPCN). Chaque pays adhérent à l'Organisation des Nations unies (ONU) disposait d'un comité. Le comité français a très bien fonctionné de 1991 à 2000. Cette initiative n'a pas été renouvelée, au motif que l'on avait peut-être tout dit sur les politiques de prévention. Or, c'était faire fi de deux éléments : en premier lieu, la montée en puissance d'un risque nouveau lié à l'effet domino entre risques naturels et technologiques et, en deuxième lieu, l'émergence du changement climatique – qui nous rassemble aujourd'hui. Ses effets ont remis à l'ordre du jour les politiques de prévention.

Les enjeux sociétaux de la mission dont vous avez la responsabilité sont fondamentaux. Les deux tiers des communes françaises sont exposées à au moins un risque, et beaucoup le sont à plusieurs. Par ailleurs, depuis les dernières élections régionales, départementales et municipales, les élus locaux ont été renouvelés à hauteur de plus de 40 % et beaucoup n'ont aucune culture du risque ou ignorent totalement que leur commune est « fichée ». Avec l'AFPCN, nous avons donc mis en oeuvre des actions pédagogiques, mais tous les parlementaires doivent également effectuer cet important travail auprès des élus locaux.

J'ai tenu à ce que l'AFPCN soit présente à mes côtés car le COPRNM s'appuie principalement sur cette association. Elle a été créée antérieurement au COPRNM, ce dernier ayant en quelque sorte profité des fruits du travail de l'AFPCN pour construire son programme. Je tiens à me défendre d'être un cumulard : le président du COPRNM est obligatoirement président de l'AFPCN, les deux structures étant intrinsèquement liées.

Quelles sont les missions du COPRNM ? Il fait partie intégrante de la gouvernance nationale des risques : il conseille le Gouvernement en matière de prévention des risques naturels, mais peut également émettre des propositions.

Son décret de création en août 2003 dispose qu'il est chargé d'émettre son avis sur les actions et politiques publiques qui concourent à la réduction de la vulnérabilité des personnes et des biens face aux catastrophes naturelles. Le code de l'environnement prévoit que l'État peut s'appuyer sur lui, lui demander son avis sur les PPRN et la stratégie nationale de gestion des risques.

C'est avant tout un lieu de concertation, d'échanges et d'arbitrage – sur ces thématiques, il n'y en a pas beaucoup –, composé d'élus, d'experts, de professionnels, de représentants de la société civile et des services de l'État. Nous intégrons même les assureurs. Si l'indemnisation fait partie des préoccupations de la mission d'information, sachez que les assureurs n'étaient absolument pas acteurs de la prévention il y a vingt ans : ils assuraient et indemnisaient, mais ne cherchaient pas à comprendre. Ils sont devenus de véritables acteurs des politiques de prévention.

Notre fonctionnement est souple, ce qui nous permet de nous réunir en fonction de l'actualité. Lorsque votre mission aura rendu ses conclusions, vous pourriez par exemple venir nous les présenter. Nous pourrions ainsi vous aider à les promouvoir.

Nous avons amplement participé à la création d'un Observatoire national des risques naturels. Par ailleurs, en partenariat avec le conseil national de l'eau, nous avons initié la création d'une Commission mixte inondations. Si vous n'avez pas déjà prévu de le faire, il serait intéressant de l'auditionner : elle est chargée de contribuer à la définition des grandes orientations de la politique de gestion des inondations en France et de communiquer sur la mise en oeuvre de cette politique. Cette commission rend compte de l'ensemble de ces travaux au COPRNM. Elle est en quelque sorte issue de nos rangs.

Le secrétariat général du COPRNM est assuré par la DGPR, en lien direct avec l'équipe de l'AFPCN. L'AFPCN est liée à la DGPR par une convention pluriannuelle. Notre lien avec l'AFPCN nous permet de mettre en oeuvre des actions pédagogiques sur tout le territoire, notamment auprès des élus locaux. Nous agissons également à l'international, disposons de contacts avec les sociétés savantes et sommes dotés d'un comité scientifique structuré publiant régulièrement des travaux sur le site de l'AFPCN.

Quels sont les liens entre l'AFPCN et le COPRNM ? La plateforme française de réduction des risques de catastrophes est en quelque sorte la « continuation » de la décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles. Cette décennie s'est transformée en un programme permanent des Nations unies, le programme des Nations unies pour la prévention des catastrophes naturelles ou United Nations office for disaster risk reduction (UNISDR). Ce programme anime la mise en oeuvre des cadres d'action, qui sont adoptés lors de Conférences mondiales sur la prévention des catastrophes. La dernière a eu lieu à Sendaï la même année que la COP21 et a adopté le cadre d'action 2015-2030.

Le COPRNM et l'AFPCN sont en phase de régénérescence : l'AFPCN vient de lancer une opération « de rebond », destinée à renouveler ses équipes et à s'attaquer à de nouvelles thématiques. Le COPRNM réfléchit également à de nouvelles orientations et à une meilleure coordination afin notamment de préparer les Assises nationales des risques naturels (ANRN) qui se tiennent tous les deux ou trois ans dans l'une des capitales régionales de métropole. Il n'est pas exclu, madame la Présidente, que nous les tenions un jour dans votre territoire !

À titre d'exemple, lors de la dernière réunion du COPRNM – qui a duré deux heures trente –, des experts nous ont présenté un retour d'expérience sur le séisme d'Amatrice. Nous avons analysé les travaux liés au plan national d'adaptation au changement climatique. Nous avons en outre examiné le rapport du délégué aux risques majeurs – c'est une obligation. Enfin, des experts nous ont fait part de leur retour d'expérience sur l'ouragan Irma aux Antilles.

Quels travaux avons-nous mené au cours des dernières années ? Nous avons examiné et donné un avis extrêmement important sur la transposition en droit français de la directive européenne du 23 octobre 2007 relative à l'évaluation et à la gestion des risques d'inondation – nous avons été quasiment les seuls à conduire cette réflexion. Nous avons donné un avis et entériné les orientations des groupes de travail sur la prévention du risque sismique et sur la stratégie française à l'international de réduction des risques de catastrophes naturelles.

Nous avons également consacré du temps à la présentation de la thématique « risques et résilience » du deuxième Plan climat. Il en est ressorti l'importance d'une démarche d'adaptation au changement climatique moins jacobine et s'appuyant davantage sur les propositions des territoires. J'insiste sur ce dernier point, thème des Assises nationales des risques naturels à Marseille en 2016 : il faut se rapprocher des territoires car cet échelon de responsabilité fait défaut.

Il est également ressorti de nos travaux le besoin de poursuivre l'amélioration de la connaissance.

Enfin, la transformation des territoires littoraux exposés à l'élévation du niveau de la mer et au recul du trait de côte différencié d'un endroit à l'autre est un enjeu majeur d'aménagement des territoires, qui doit mobiliser les collectivités locales. Ces dernières demandent d'ailleurs des évolutions du cadre législatif afin de disposer d'outils adaptés. Nous appuyons le travail des parlementaires qui se penchent actuellement sur ce sujet.

Vous m'avez également interrogé sur notre participation à l'élaboration des PPRN. Le COPRNM a un rôle d'animation de la politique de prévention et de diffusion de la culture du risque. Il ne participe pas directement à l'élaboration de ces plans. Pour autant, l'État doit recueillir notre avis sur les textes relatifs aux règles de prévention et de qualification de l'aléa dans les zones exposées aux risques et définies par les PPRN. Ainsi, lors de notre prochaine réunion plénière en juin, nous allons examiner un texte relatif à l'encadrement des plans de prévention du risque inondation (PPRI).

Nous sommes parfois consultés à l'occasion d'événements précis : tel fut le cas lors des deux commissions d'enquête parlementaires – une à l'Assemblée et une au Sénat – sur la tempête Xynthia. Il est d'ailleurs regrettable que le Parlement n'ait pas fait une seule commission d'enquête, mais il semblerait que cela ne soit pas possible… Notre participation et nos remarques sur la vigilance météo – notamment la vigilance « vagues-submersion » – avaient été jugées importantes par le président de la commission d'enquête du Sénat, M. Bruno Retailleau.

Cela nous avait également permis de rencontrer les élus de l'Association nationale des élus du littoral (ANEL) Nous avions pu débattre avec eux des interactions entre risques naturels et activités économiques – notamment touristiques –, le littoral étant très souvent occupé par des sites hôteliers, des résidences secondaires, des campings, etc.

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François Gérard, administrateur de l'Agence française pour la prévention des catastrophes naturelles (AFPCN)

L'AFPCN est une association née d'une activité internationale – la DIPCN. Cette décennie s'est terminée en 2000, mais nous avons décidé de conserver le comité français et de le transformer en association loi 1901. L'AFPCN suit les sujets liés à la prévention des risques naturels. Nous avions initialement une mission très internationale depuis que la DIPCN s'était transformée en un programme permanent des Nations unies, l'UNISDR.

Aux côtés du COPRNM, l'AFPCN a également un rôle de mise en réseau et d'animation de tous les acteurs de la prévention des risques : l'État et ses structures, les collectivités territoriales et leurs représentants – l'Association des maires de France et l'Association nationale des élus du littoral sont ainsi membres de l'AFPCN –, associations de défense des riverains et organismes scientifiques.

L'association rassemble à la fois des experts individuels qui paient leur cotisation – comme moi – et des membres institutionnels.

Le comité des utilisateurs de l'Observatoire national des risques naturels réalise des recherches et de la prospective, avec l'aide du conseil scientifique. Un des groupes de travail s'est par exemple penché sur l'étiage, la sécheresse et la canicule.

Nos actions territoriales réunissent régulièrement les maires des communes de chaque département afin de les sensibiliser aux plans communaux de sauvegarde. Nous développons également de nouvelles activités liées à la reconstruction : un groupe de travail est chargé de la vulnérabilité et la résilience des territoires, ce que l'on appelle en anglais building back better – reconstruire mieux après une catastrophe.

Enfin, nous menons des actions internationales et européennes.

Si notre rôle de société savante ne doit pas être oublié, nous sommes surtout chargés de la mise en réseau des principaux acteurs de la société civile en matière de prévention des risques naturels, afin de faire des recommandations au COPRNM et à la DGPR. Nous animons par ailleurs ensemble ce réseau, notamment par l'organisation des Assises nationales des risques naturels.

Le COPRNM est quant à lui chargé de valider les grandes politiques – et non directement les aléas. C'est le rôle d'autres instances, et en particulier la Commission mixte inondations, née de la mise en oeuvre de la stratégie nationale de gestion du risque d'inondations. Elle a été fondée grâce à une initiative conjointe du COPRNM et du Conseil national de l'eau. Elle est coprésidée par Mme Marie-France Beaufils, maire de Saint-Pierre-des-Corps, et par M. Daniel Marcovitch, ancien président de l'Établissement public territorial de bassin (EPTB) Seine Grands Lacs.

Cette commission a un rôle important car elle donne un avis sur les projets de plans d'action pour la prévention des inondations (PAPI). Ces dispositifs rassemblent les collectivités sur un territoire à risque autour de mesures de protection et d'alerte. Ils sont financés par le fonds de prévention des risques naturels majeurs dit « fonds Barnier ». Depuis la tempête Xynthia, ils intègrent la problématique littorale, notamment dans les régions insulaires. Lorsque j'étais membre de la Commission interministérielle d'évaluation, nous avions d'ailleurs plaidé pour l'extension des PAPI aux submersions marines. Dans la région de l'île de Noirmoutier ou du Pays de Retz, que je connais bien, ces problématiques sont désormais prises en compte.

Je suis issu du milieu de la météorologie et connais donc bien les questions relatives au changement climatique. Vous savez qu'il existe une stratégie nationale d'adaptation au changement climatique, mais aussi une stratégie nationale de gestion des risques d'inondation et une stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte.

Notre grand défi reste de faire converger ces stratégies et ces politiques, afin de maximiser leur efficacité et de parvenir à une meilleure allocation des moyens. La tendance est de plus en plus favorable. En effet, à l'origine, les acteurs de la prévention des risques ne discutaient pas avec ceux chargés du changement climatique. Ainsi, dans le cadre de la COP21, les spécialistes des risques n'ont été impliqués que très marginalement… Cela a malgré tout été utile puisqu'ont été produites des fiches sur les outils de prévision des risques naturels, la santé publique, la vie et l'évolution des territoires, ainsi que les feux de forêt et de broussailles, par exemple.

La stratégie nationale d'adaptation au changement climatique a été présentée au dernier COPRNM. C'est un point positif mais il est souhaitable que le rapprochement des deux communautés se poursuive, car la prévention des risques et les changements climatiques sont clairement liés : par exemple, le changement climatique entraîne l'élévation du niveau de la mer – c'est une certitude et vos auditions précédentes ont fait le tour de la question – ; de même, le recul du trait de côte, même s'il n'est pas une catastrophe naturelle, mais une évolution plus ou moins naturelle du climat, doit nous conduire à nous protéger du risque de submersion. Les nouveaux plans de prévention des risques le prennent désormais en compte. Le conseil scientifique de l'AFPCN va travailler au rassemblement de ces communautés. Demain, un séminaire sur la gestion du trait de côte est organisé par la direction générale de l'aménagement du littoral et de la nature (DGALN). Je rappelle que la prévention des risques est quant à elle suivie par la DGPR et le changement climatique par la direction générale de l'environnement et du climat (DGEC). Ces trois directions générales font, fort heureusement, partie du même ministère.

Quel bilan dresser des ouragans de cet automne aux Antilles ? Vos précédents interlocuteurs vous ont tout dit – ou presque – sur le sujet. Le changement climatique induit non pas l'augmentation du nombre d'ouragans, mais de leur intensité. Ainsi, les ouragans de 2017 ont été exceptionnels par leur intensité, mais il faut se préparer à d'autres événements de ce type. Sur ce sujet, je parle également en tant qu'ancien directeur des services outre-mer de Météo France : la connaissance des événements n'est pas suffisamment fine sur place.

Lorsque les phénomènes ne se produisent pas régulièrement, on oublie vite leurs conséquences. Ainsi, dans les années quatre-vingt, la Réunion avait fait face à de nombreux cyclones. Les services météorologiques avaient donc sensibilisé la population. Nous avions même imaginé un jeu de l'oie pour sensibiliser les enfants à la prévention du risque cyclonique. Mais, ensuite, pendant plus de quinze ans, l'île n'a pas connu de cyclone, et, lors du cyclone récent, tout le monde avait oublié les bons réflexes… Nous devons impérativement le prendre en compte dans l'éducation et la sensibilisation des populations.

Malgré tout, les documents de prévention existants ont permis de mettre en oeuvre une partie des procédures d'évacuation des populations – 9 000 personnes ont été évacuées à Saint-Martin. Les documents de prévention sont donc utiles lorsqu'ils sont utilisés à bon escient.

Nos faiblesses sont également liées aux procédures actuelles de reconstruction : l'île est encore dans un état lamentable plus de six mois après l'événement. Les normes de construction parasismiques et paracycloniques sont mal connues. La semaine dernière, la Caisse centrale de réassurance a communiqué sur ses encaissements et les sinistres indemnisés : 1,9 milliard d'euros de sinistres ont déjà été chiffrés, dont 700 sinistres de plus de 500 000 euros, qui représentent 35 % des coûts. Il s'agit principalement de sinistres d'entreprises.

De même, pour la reconstruction, Saint-Martin ne dispose que de quatre entreprises générales de bâtiment. Les capacités limitées de certains territoires obligent à aller chercher des ressources ailleurs. La réflexion sur la postcrise et la reconstruction en est d'autant plus importante. Il faut en outre revoir le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles.

Nous devons prendre en compte de manière plus globale ce que l'on pourrait appeler l'économie de la prévention des risques. Ainsi, à Saint-Martin ou ailleurs, la reconstruction va intervenir en respectant les normes parasismiques et paracycloniques. Mais une démarche serait peut-être plus intéressante : en dehors de toute catastrophe, quand des travaux d'amélioration de l'habitat sont entrepris, il conviendrait d'intégrer petit à petit ces normes, tant en métropole qu'outre-mer. Nous avons plaidé en ce sens à l'AFPCN : la qualité de la construction dans les zones à risques est particulièrement importante. Nous l'avons constaté dans une île comme Saint-Martin, mais également dans les zones limitrophes de la Seine pendant les dernières crues. Pourquoi ces crues – qui reviennent en moyenne tous les vingt ans – causent-elles toujours autant de dégâts ?

L'AFPCN plaide pour une meilleure conscience du risque et une véritable culture de la prévention auprès des populations, outre-mer ou en métropole. Les gens – l'individu dans sa maison, le chef d'entreprise, comme le responsable d'une collectivité territoriale – doivent avoir conscience qu'ils sont dans une zone à risques et intégrer cette culture de la prévention.

Les nouvelles équipes à la tête des collectivités ont une véritable responsabilité vis-à-vis de leurs administrés, d'autant plus que les communes sont désormais compétentes en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) : l'État dit le risque – le PPR est élaboré par les services de l'État – et les collectivités mettent en oeuvre la politique de prévention. Il est donc indispensable que les deux communautés se parlent de façon apaisée.

Le COPRNM et l'AFPCN ont un rôle important à jouer en la matière, outre-mer comme en métropole. Nous devons en outre prendre en compte les particularités liées à l'insularité de certains territoires d'outre-mer.

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Christian Kert, président du Conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs

Quels travaux allons-nous mener concernant la prévention des risques liés aux événements climatiques majeurs ? Un comité spécifique est chargé des questions européennes et internationales. En 2018, le COPRNM et l'AFPCN prévoient d'améliorer la mise en réseau des acteurs de la filière, veulent intensifier leurs recherches prospectives et décentraliser le travail fourni à Paris en direction des territoires, afin de donner la parole aux acteurs locaux. Nous souhaitons également étudier des thématiques telles que la culture du risque et les incendies. Enfin, le COPRNM doit se concentrer sur son coeur de mission : le risque sismique. Nos travaux porteront principalement sur le bâti existant, en lien avec la préparation des Assises de 2019 qui devraient aborder ce thème.

Nous nous sommes également attaqués il y a deux ou trois ans, avec une naïveté coupable, au chantier de la réforme du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles – plus communément appelé « fonds Catnat ». Nous avons travaillé deux ans pour rien : ce chantier nous dépassait un peu… Contrairement au fonds Barnier – très belle initiative qui fonctionne bien – le fonds Catnat est dépassé, notamment en matière de sécheresse. Les réticences sont importantes, mais difficiles à identifier. Si vous le souhaitez, nous pourrions rouvrir ce dossier ensemble, car il en va de notre politique d'indemnisation : dès 2040, les assureurs estiment que l'impact du changement climatique rendra les déséquilibres ingérables. En conséquence, l'indemnisation dans les conditions actuelles ne sera plus supportable. Il convient donc de nous mettre en marche car, comme le disait mon concitoyen Mirabeau : « savoir prévenir, c'est savoir gouverner » !

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François Gérard, administrateur de l'Agence française pour la prévention des catastrophes naturelles (AFPCN)

L'AFPCN revoit actuellement ses orientations à moyen terme, afin de mieux remplir son rôle d'animation des différentes partenaires de la prévention des catastrophes naturelles. Nous souhaitons nous focaliser sur les territoires car ils mettent en oeuvre la politique de prévention. Nous allons organiser avec la DGPR les prochaines Assises nationales des risques naturels. Ces Assises sont en quelque sorte le forum de toutes les parties prenantes de la prévention des risques. Les prochaines se tiendront probablement fin mars ou début avril 2019, soit à Montpellier soit à Tours. Vous serez bien sûr invités !

À la demande de la DGPR, nous allons mettre en place une plateforme d'Intelligence collaborative. Cet outil permettra aux membres des groupes de travail de dialoguer à distance sans avoir à se rencontrer. Cela nous permettra de travailler plus efficacement, mais également d'isoler certaines thématiques.

Enfin, nous échangeons déjà avec certains pays africains, mais souhaitons faire de l'AFPCN une plateforme francophone, à destination de tous les pays de la francophonie.

Quelles pistes d'amélioration peut-on envisager dans la prévention des risques climatiques et en matière d'information des populations ? Le corpus réglementaire national prévoit ce droit à l'information pour le citoyen concernant les problématiques environnementales. Un rapport de l'OCDE souligne d'ailleurs que le cadre législatif et réglementaire français de prévention des risques est l'un des plus complets du monde. Le code de l'environnement dispose que chaque citoyen a le droit d'accéder librement aux informations sur l'environnement et sur les risques. En contrepartie, l'État et les collectivités ont un devoir d'information. Mais entre la lettre et l'esprit de la loi, il peut y avoir des divergences…

C'est là que l'animation – je dirai presque l'agit-prop – a tout son rôle à jouer auprès des collectivités – ce que les Anglo-saxons appellent les communities, c'est-à-dire les territoires et les personnes y vivant. Cette mission est absolument indispensable en matière de prévention des risques climatiques, même si cela reste compliqué : nous n'avons pas encore trouvé d'outils parfaitement adaptés. En cas de risques avérés, le préfet transmet au maire un document départemental des risques majeurs, décrivant l'ensemble des risques. Sur les communes les plus à risques, le préfet porte ces risques à la connaissance du maire. Sur cette base, le maire doit établir un document d'information communal sur les risques majeurs. Il doit afficher ces informations en mairie – risques naturels et zones de crues –, mais également mettre en place des repères de crues. Un plan de prévention des risques naturels peut être rédigé, à la seule initiative du préfet, le maire rédigeant ensuite un plan communal de sauvegarde.

Il s'agit là d'obligations réglementaires. Mais quand on fait les choses par obligation, on ne le fait pas toujours pour de bonnes raisons… Le stade de la mise en oeuvre est donc crucial : l'important pour la prévention, c'est l'implication des différents acteurs dans ces démarches.

En tant qu'inspecteur du Conseil général de l'environnement et du développement durable, j'ai réalisé des audits de la prévention des risques et noté cette difficulté : on rédige ces documents parce qu'il faut le faire, mais sans réfléchir plus avant. Or, si l'on veut améliorer la politique de prévention des risques, il faut que les élus et la population s'en saisissent.

Quelles sont les pistes d'amélioration ? Les systèmes d'alerte doivent être intégrés dans les dispositifs de prévention. C'est d'ailleurs recommandé par la directive du 23 octobre 2007 relative à l'évaluation et à la gestion des risques d'inondation. Les mesures de protection des populations – digues ou autres – doivent être complétées par des dispositifs de d'alerte et de prévision. Ainsi, lors du cyclone Irma, les prévisions ont bien fonctionné. Nous devons renforcer leur qualité. Pour mémoire, quand nous avons lancé la vigilance météo en France suite aux tempêtes de 1999, nous nous étions inspirés de l'échelle existante en matière cyclonique – vert, orange, rouge, aujourd'hui complétée par le violet.

Il faut également renforcer la prévention des risques dans les programmes scolaires, surtout dans les zones exposées. Cette thématique de la prévention des risques a été introduite dans les manuels de géographie. Nous devons maintenant travailler avec l'Éducation nationale afin que cela soit bien fait.

En outre, des informations régulières doivent être transmises aux populations : c'est le rôle des collectivités territoriales. Il s'agit même d'une obligation légale pour les maires à partir du moment où la commune dispose d'un PPR.

Il faut également faire respecter la réglementation, ce qui pose le problème du contrôle.

Les Assises nationales des risques naturels permettent de discuter de l'ensemble de ces thématiques avec toutes les parties prenantes, mais il conviendrait que nous puissions démultiplier ces rencontres sur les territoires. Cela nécessite de bons rapports entre les services territoriaux de l'État et les acteurs territoriaux. Les commissions départementales des risques naturels majeurs devraient être le lieu naturel de cette concertation. Elles sont installées auprès des préfets et font le même travail que le COPRNM auprès du ministre. Mais elles ne se réunissent parfois que par obligation… Avec l'aide de relais locaux, l'AFPCN doit contribuer à dynamiser ces concertations prévues par la réglementation.

La prévision des risques climatiques est désormais fiable à dix ou quinze jours et va encore s'améliorer. Des outils de prévision existent également à un ou plusieurs mois, mais ils ne sont pas aussi précis.

À l'international, l'AFPCN est présente à deux niveaux : en multilatéral, sous l'égide de l'ONU, dans le cadre de l'UNISDR, l'AFPCN envoie des délégations communes avec la DGPR. Ce fut le cas à Sendaï. Nous participons aux travaux de la structure européenne de l'UNISDR, également appelée plateforme européenne de prévention des risques – qui inclut la Syrie, la Turquie, la Russie et Israël. Dans ces lieux, nous échangeons sur les bonnes pratiques et les modalités de diffusion de la culture de prévention des risques. Nous travaillons surtout avec les vingt-huit membres de l'Union européenne, les Russes et les Turcs.

D'autre part, au niveau européen, la Commission européenne développe une politique de prévention des risques au sein de la direction générale de l'aide humanitaire et de la protection civile (anciennement Office d'aide humanitaire ou European commission humanitarian office – ECHO). Nous participons aux projets européens sur la prévention des risques.

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Je vous remercie pour ces présentations très riches. Vous menez des travaux de fond sur des sujets qui nous intéressent. Je souhaiterais poursuivre cette collaboration sur le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles et d'autres dossiers liés à la prévention et à la mise en oeuvre effective des mesures. En vous entendant, on comprend bien que l'arsenal juridique existe. Comment faire en sorte qu'il soit intégré dans la mise en oeuvre des politiques locales de prévention, non par la force, mais par la prise de conscience du risque chez nos concitoyens et chez les élus ?

Présidence de Mme Claire Guion-Firmin, vice-présidente de la mission

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Je vous remercie pour cet exposé. Je travaille à la rédaction d'une proposition de loi tendant à reconnaître le recul du trait de côte. Nous voulons élaborer de nouvelles règles d'occupation des zones d'influence d'érosion côtière. Nul ne peut contester que le littoral est un milieu dynamique, évolutif dans le temps et dans l'espace. C'est un géosystème complexe, mais sa dangerosité ne fait aucun doute. L'érosion côtière est un phénomène à cinétique lente ou modérée mais qui, de façon brutale, peut être accéléré par des événements naturels exceptionnels. Un seul chiffre suffit à rappeler l'importance du problème : 25 % des côtes métropolitaines sont soumises à l'érosion. Avec mes collègues, représentant les territoires littoraux de l'hexagone et des outre-mer, nous sommes attentifs aux expertises des organismes en charge de la gestion de ces risques. Le COPRNM a-t-il émis des avis et fait des propositions en matière de prévention du risque de recul du trait de côte ?

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Christian Kert, président du Conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs

Hélas non, je le regrette. Nous allons y travailler puisque vous nous sollicitez.

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Christian Kert, président du Conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs

Cette problématique fait partie de la nouvelle direction que nous voulons impulser au COPRNM. Nous serions preneurs d'une note de votre part, afin de soumettre ce sujet à la discussion lors de notre réunion en juin. Je m'engage à l'inscrire à l'ordre du jour de cette réunion.

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Nous nous sommes également fixés le mois de juin comme objectif. Vous avez utilisé des mots très pertinents pour évoquer ce sujet : « la conscience du risque et la culture de la prévention ». Cela résume parfaitement l'objectif que nous devons tous nous fixer.

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Christian Kert, président du Conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs

Il y a encore du travail… François Gérard parlait de pédagogie. J'ai effectué un déplacement à Tokyo au Japon et j'ai pu constater avec quelle efficacité une ville de dix-huit millions d'habitants avait déployé des mesures de prévention dans toutes ses écoles. Nous nous sommes rendus dans une école, qui n'était pas prévenue de notre arrivée. J'ai demandé à l'institutrice d'une classe de CM2 composée de vingt-quatre enfants ce qui se passait en cas de séisme : l'institutrice a frappé deux fois dans ses mains et, en vingt-huit secondes, les vingt-quatre enfants sont passés sous leur bureau, ont mis le petit casque accroché à droite de leur bureau sur leur tête et ont allumé la petite torche accrochée à gauche.

Bien sûr, le risque sismique est plus important à Tokyo que dans nos régions, mais je ne pense pas que le même exercice aboutirait au même résultat en France… Pourquoi sont-ils si efficaces ? C'est simple : ils font cet exercice tous les lundis matins, un exercice d'évacuation incendie tous les mardis matins et un exercice antiterroriste tous les mercredis matins. Ces exercices ne durent que sept minutes, mais cela porte ses fruits.

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Je vous remercie pour ces informations. D'un point de vue institutionnel, la France a réalisé d'intéressantes avancées en matière de prévention des risques, grâce aux documents que vous avez évoqués : plans de prévention des risques, mais également documents en amont et en aval, dans les municipalités ou les écoles. De même, les avancées sont intéressantes en matière de prévision météorologique, même si des progrès sont encore possibles.

Enfin, les bâtiments neufs – notamment outre-mer – sont désormais construits selon des normes parasismiques.

Mais nous sommes en retard sur trois points. Le premier retard est lié à l'absence totale de prise de conscience, d'investissement et d'accompagnement à la résilience physique des bâtiments existants. Les plans séisme outre-mer sont en panne et rien n'est prévu pour l'habitat existant. Un exemple : le quartier de Trénelle à Fort-de-France compte environ 7 000 habitants. Si un tremblement de terre important se produit, la moitié du quartier disparaîtra. On a même prévu des sacs pour les morts dans certaines communes de Martinique ! Il nous faut donc vraiment faire un effort conséquent en faveur de la consolidation sismique des bâtiments existants.

Au-delà de la réhabilitation, des solutions techniques existent : contreventements, niches de sauvegarde, mobilier adapté. Nous devons développer une véritable culture de la prévention, comme au Japon. Nous devons le signaler dans le rapport et faire des propositions concrètes en la matière !

Ma deuxième remarque concerne le trait de côte. Nous savons qu'il y aura des « décasements ». J'emploie volontairement le terme créolophone. Tout notre littoral est occupé ; des zones vont être totalement inondées et disparaître. Il faut commencer dès à présent à planifier le déplacement des populations. Or aucune planification n'est prévue dans les zones « à risque » des PPR. L'enjeu est considérable en termes d'investissements, de reconstructions, puis de déménagements.

Troisième remarque : le partage des informations doit intervenir au niveau des bassins maritimes transfrontaliers, tant pour les risques sismiques que cycloniques – notamment en cas de tsunami. Actuellement, la prévention existe, mais le partage des informations météorologiques n'est pas optimal. Ce n'est pas une critique mais des éléments sur lesquels je souhaitais vous sensibiliser. La protection civile a fait d'importants efforts, au point que nous sommes désormais capables d'aider les îles voisines.

Mais un trop grand décalage persiste entre les documents de planification du risque – qui peuvent donner bonne conscience –, l'efficacité de la protection civile – qui donne également bonne conscience – et les trois points de faiblesse évoqués. La culture de la résilience doit être intégrée dans notre pratique quotidienne. Notre résilience culturelle locale est insuffisante. Il y a cinquante ou soixante ans, une maison bioclimatique résistait aux aléas climatiques. Aujourd'hui, les bâtiments en béton explosent lorsque les vents atteignent 220 à 240 kilomètres heure – Irma est montée à plus de 340 kilomètres heure !

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François Gérard, administrateur de l'Agence française pour la prévention des catastrophes naturelles (AFPCN)

Pour améliorer la culture de la prévention et la conscience du risque, les efforts doivent avant tout être locaux. Je peux aller à Saint-Martin, mais il est plus efficace que des acteurs locaux, relais sur place, puissent montrer l'exemple. Toute la difficulté est donc de constituer ce réseau de relais locaux.

Monsieur Letchimy, je suis d'accord avec vous concernant le bâti : l'existant pose un énorme problème. Faut-il le démolir et le reconstruire aux normes parasismiques – cela coûte moins cher – ou le conserver en l'adaptant à ces normes ?

Il faut a minima inciter les gens qui font des travaux de rénovation à mettre leur habitation aux normes. C'est souvent difficile en matière parasismique. S'il y avait un tremblement de terre à Nice, je n'ose pas imaginer à quoi ressemblerait la ville… La sécurisation parasismique du bâti existant est un problème redoutable car les travaux à mener sont conséquents et donc coûteux. Mais dans les régions régulièrement inondées, les habitants trouvent bien des moyens pour mettre hors d'eau les infrastructures sensibles.

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Christian Kert, président du Conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs

Monsieur Letchimy, quand je suis venu il y a une dizaine d'années en mission en Martinique afin d'évaluer l'ensemble des risques, il m'avait semblé que l'administration préfectorale alors en place commettait une erreur en raisonnant à l'identique de la métropole, sans tenir compte de vos spécificités – éminemment sympathiques – mais qui aggravent parfois le risque. Je l'avais dit dans mon rapport et ne m'étais pas fait un ami du préfet ! Je ne sais pas si les choses ont évolué. Je continue de penser que c'est une erreur de réagir outre-mer en fonction de schémas métropolitains. Je ne sais pas si vous partagez ce sentiment.

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François Gérard, administrateur de l'Agence française pour la prévention des catastrophes naturelles (AFPCN)

Il y a beaucoup à apprendre des petits pays en développement : leurs approches, beaucoup plus pragmatiques, sont quelquefois très innovantes.

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Suite au passage d'Irma aux Antilles, avez-vous mené une réflexion spécifique sur les risques de submersion ? Vous le savez, l'économie de Saint-Martin est basée sur le tourisme et la plupart des hôtels et des restaurants se situent sur le littoral.

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François Gérard, administrateur de l'Agence française pour la prévention des catastrophes naturelles (AFPCN)

Le lien entre tourisme, activités économiques et risque existe sur toutes nos zones littorales, outre-mer comme en métropole. L'AFPCN va lancer un groupe de travail sur ce sujet. Nous l'avions déjà constaté en analysant les conséquences de la tempête Xynthia : on parle régulièrement de « conscientiser » les populations. S'il est important que les populations permanentes aient une conscience aiguë des risques, il ne faut pas oublier les populations temporaires.

Les touristes viennent pour se délasser et, même s'ils ne veulent pas « se prendre la tête », ils doivent avoir conscience des risques. À Saint-Martin, on l'a vu, toutes les infrastructures touristiques ont été détruites. Le groupe ACCOR participe aux réflexions de l'AFPCN en la matière. Suite au tsunami de 2004, il a mis en place une politique de protection de ses hôtels dans la zone concernée – qui sera sans doute à nouveau soumise à des tsunamis.

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Avez-vous réfléchi à la problématique de la construction dans ces zones littorales très attractives, alors même qu'elles sont dangereuses ?

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Christian Kert, président du Conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs

Nous avons analysé la construction en zone inondable, sans faire de distinction entre les différents types de zones inondables. En fin d'année dernière, j'aurais aimé consacrer une réunion du COPRNM aux nouvelles initiatives en matière de construction en zone inondable. On pourrait y greffer les zones littorales. Vous le savez sans doute, quantité d'équipes réfléchissent aux possibilités de construction en zones inondables car certaines villes ne peuvent plus s'étendre, sauf à bâtir sur ces zones. Cette réflexion serait particulièrement originale. Si j'aboutis, je ne manquerai pas de vous contacter et nous pourrons alors intégrer le littoral à nos réflexions.

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Vous estimez que le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles doit être rénové. Quelles pistes envisagez-vous ?

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François Gérard, administrateur de l'Agence française pour la prévention des catastrophes naturelles (AFPCN)

Je ne m'étendrai pas sur le sujet car il est explosif ! La réflexion sur la réforme de ce régime est pilotée par le ministère de l'économie et des finances. De très nombreux rapports ont été publiés. Je vous invite à lire le rapport auquel j'ai contribué suite à Xynthia. Nous y faisions des propositions de réformes. Il s'agit principalement de responsabiliser les habitants des zones inondables et des zones à risques. Actuellement, en cas de sinistre, les gens sont sûrs d'être indemnisés, ce qui ne les incite pas à faire de la prévention.

Par ailleurs, les assurances remboursent les sinistrés afin qu'ils puissent reconstruire leur bien dans l'état où il était avant la catastrophe, et non dans un état lui permettant de résister à la prochaine catastrophe. L'AFPCN a donc lancé un groupe de travail Building back better sur la base des orientations de l'UNISDR : comment reconstruire mieux, c'est-à-dire afin d'améliorer la résilience ?

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Je vous remercie pour la richesse de vos présentations. Nous n'hésiterons pas à vous solliciter à nouveau si vous le voulez bien.

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Je tiens également à vous remercier pour les précisions que vous avez pu nous apporter concernant Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

L'audition s'achève à seize heures trente.

Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 15 mars 2018 à 15 h 05

Présents. - Mme Claire Guion-Firmin, M. Yannick Haury, Mme Sophie Panonacle, Mme Maina Sage

Excusé. - M. Bertrand Bouyx

Assistait également à la réunion. - M. Serge Letchimy