L'AFPCN est une association née d'une activité internationale – la DIPCN. Cette décennie s'est terminée en 2000, mais nous avons décidé de conserver le comité français et de le transformer en association loi 1901. L'AFPCN suit les sujets liés à la prévention des risques naturels. Nous avions initialement une mission très internationale depuis que la DIPCN s'était transformée en un programme permanent des Nations unies, l'UNISDR.
Aux côtés du COPRNM, l'AFPCN a également un rôle de mise en réseau et d'animation de tous les acteurs de la prévention des risques : l'État et ses structures, les collectivités territoriales et leurs représentants – l'Association des maires de France et l'Association nationale des élus du littoral sont ainsi membres de l'AFPCN –, associations de défense des riverains et organismes scientifiques.
L'association rassemble à la fois des experts individuels qui paient leur cotisation – comme moi – et des membres institutionnels.
Le comité des utilisateurs de l'Observatoire national des risques naturels réalise des recherches et de la prospective, avec l'aide du conseil scientifique. Un des groupes de travail s'est par exemple penché sur l'étiage, la sécheresse et la canicule.
Nos actions territoriales réunissent régulièrement les maires des communes de chaque département afin de les sensibiliser aux plans communaux de sauvegarde. Nous développons également de nouvelles activités liées à la reconstruction : un groupe de travail est chargé de la vulnérabilité et la résilience des territoires, ce que l'on appelle en anglais building back better – reconstruire mieux après une catastrophe.
Enfin, nous menons des actions internationales et européennes.
Si notre rôle de société savante ne doit pas être oublié, nous sommes surtout chargés de la mise en réseau des principaux acteurs de la société civile en matière de prévention des risques naturels, afin de faire des recommandations au COPRNM et à la DGPR. Nous animons par ailleurs ensemble ce réseau, notamment par l'organisation des Assises nationales des risques naturels.
Le COPRNM est quant à lui chargé de valider les grandes politiques – et non directement les aléas. C'est le rôle d'autres instances, et en particulier la Commission mixte inondations, née de la mise en oeuvre de la stratégie nationale de gestion du risque d'inondations. Elle a été fondée grâce à une initiative conjointe du COPRNM et du Conseil national de l'eau. Elle est coprésidée par Mme Marie-France Beaufils, maire de Saint-Pierre-des-Corps, et par M. Daniel Marcovitch, ancien président de l'Établissement public territorial de bassin (EPTB) Seine Grands Lacs.
Cette commission a un rôle important car elle donne un avis sur les projets de plans d'action pour la prévention des inondations (PAPI). Ces dispositifs rassemblent les collectivités sur un territoire à risque autour de mesures de protection et d'alerte. Ils sont financés par le fonds de prévention des risques naturels majeurs dit « fonds Barnier ». Depuis la tempête Xynthia, ils intègrent la problématique littorale, notamment dans les régions insulaires. Lorsque j'étais membre de la Commission interministérielle d'évaluation, nous avions d'ailleurs plaidé pour l'extension des PAPI aux submersions marines. Dans la région de l'île de Noirmoutier ou du Pays de Retz, que je connais bien, ces problématiques sont désormais prises en compte.
Je suis issu du milieu de la météorologie et connais donc bien les questions relatives au changement climatique. Vous savez qu'il existe une stratégie nationale d'adaptation au changement climatique, mais aussi une stratégie nationale de gestion des risques d'inondation et une stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte.
Notre grand défi reste de faire converger ces stratégies et ces politiques, afin de maximiser leur efficacité et de parvenir à une meilleure allocation des moyens. La tendance est de plus en plus favorable. En effet, à l'origine, les acteurs de la prévention des risques ne discutaient pas avec ceux chargés du changement climatique. Ainsi, dans le cadre de la COP21, les spécialistes des risques n'ont été impliqués que très marginalement… Cela a malgré tout été utile puisqu'ont été produites des fiches sur les outils de prévision des risques naturels, la santé publique, la vie et l'évolution des territoires, ainsi que les feux de forêt et de broussailles, par exemple.
La stratégie nationale d'adaptation au changement climatique a été présentée au dernier COPRNM. C'est un point positif mais il est souhaitable que le rapprochement des deux communautés se poursuive, car la prévention des risques et les changements climatiques sont clairement liés : par exemple, le changement climatique entraîne l'élévation du niveau de la mer – c'est une certitude et vos auditions précédentes ont fait le tour de la question – ; de même, le recul du trait de côte, même s'il n'est pas une catastrophe naturelle, mais une évolution plus ou moins naturelle du climat, doit nous conduire à nous protéger du risque de submersion. Les nouveaux plans de prévention des risques le prennent désormais en compte. Le conseil scientifique de l'AFPCN va travailler au rassemblement de ces communautés. Demain, un séminaire sur la gestion du trait de côte est organisé par la direction générale de l'aménagement du littoral et de la nature (DGALN). Je rappelle que la prévention des risques est quant à elle suivie par la DGPR et le changement climatique par la direction générale de l'environnement et du climat (DGEC). Ces trois directions générales font, fort heureusement, partie du même ministère.
Quel bilan dresser des ouragans de cet automne aux Antilles ? Vos précédents interlocuteurs vous ont tout dit – ou presque – sur le sujet. Le changement climatique induit non pas l'augmentation du nombre d'ouragans, mais de leur intensité. Ainsi, les ouragans de 2017 ont été exceptionnels par leur intensité, mais il faut se préparer à d'autres événements de ce type. Sur ce sujet, je parle également en tant qu'ancien directeur des services outre-mer de Météo France : la connaissance des événements n'est pas suffisamment fine sur place.
Lorsque les phénomènes ne se produisent pas régulièrement, on oublie vite leurs conséquences. Ainsi, dans les années quatre-vingt, la Réunion avait fait face à de nombreux cyclones. Les services météorologiques avaient donc sensibilisé la population. Nous avions même imaginé un jeu de l'oie pour sensibiliser les enfants à la prévention du risque cyclonique. Mais, ensuite, pendant plus de quinze ans, l'île n'a pas connu de cyclone, et, lors du cyclone récent, tout le monde avait oublié les bons réflexes… Nous devons impérativement le prendre en compte dans l'éducation et la sensibilisation des populations.
Malgré tout, les documents de prévention existants ont permis de mettre en oeuvre une partie des procédures d'évacuation des populations – 9 000 personnes ont été évacuées à Saint-Martin. Les documents de prévention sont donc utiles lorsqu'ils sont utilisés à bon escient.
Nos faiblesses sont également liées aux procédures actuelles de reconstruction : l'île est encore dans un état lamentable plus de six mois après l'événement. Les normes de construction parasismiques et paracycloniques sont mal connues. La semaine dernière, la Caisse centrale de réassurance a communiqué sur ses encaissements et les sinistres indemnisés : 1,9 milliard d'euros de sinistres ont déjà été chiffrés, dont 700 sinistres de plus de 500 000 euros, qui représentent 35 % des coûts. Il s'agit principalement de sinistres d'entreprises.
De même, pour la reconstruction, Saint-Martin ne dispose que de quatre entreprises générales de bâtiment. Les capacités limitées de certains territoires obligent à aller chercher des ressources ailleurs. La réflexion sur la postcrise et la reconstruction en est d'autant plus importante. Il faut en outre revoir le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles.
Nous devons prendre en compte de manière plus globale ce que l'on pourrait appeler l'économie de la prévention des risques. Ainsi, à Saint-Martin ou ailleurs, la reconstruction va intervenir en respectant les normes parasismiques et paracycloniques. Mais une démarche serait peut-être plus intéressante : en dehors de toute catastrophe, quand des travaux d'amélioration de l'habitat sont entrepris, il conviendrait d'intégrer petit à petit ces normes, tant en métropole qu'outre-mer. Nous avons plaidé en ce sens à l'AFPCN : la qualité de la construction dans les zones à risques est particulièrement importante. Nous l'avons constaté dans une île comme Saint-Martin, mais également dans les zones limitrophes de la Seine pendant les dernières crues. Pourquoi ces crues – qui reviennent en moyenne tous les vingt ans – causent-elles toujours autant de dégâts ?
L'AFPCN plaide pour une meilleure conscience du risque et une véritable culture de la prévention auprès des populations, outre-mer ou en métropole. Les gens – l'individu dans sa maison, le chef d'entreprise, comme le responsable d'une collectivité territoriale – doivent avoir conscience qu'ils sont dans une zone à risques et intégrer cette culture de la prévention.
Les nouvelles équipes à la tête des collectivités ont une véritable responsabilité vis-à-vis de leurs administrés, d'autant plus que les communes sont désormais compétentes en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) : l'État dit le risque – le PPR est élaboré par les services de l'État – et les collectivités mettent en oeuvre la politique de prévention. Il est donc indispensable que les deux communautés se parlent de façon apaisée.
Le COPRNM et l'AFPCN ont un rôle important à jouer en la matière, outre-mer comme en métropole. Nous devons en outre prendre en compte les particularités liées à l'insularité de certains territoires d'outre-mer.