Intervention de David Lorion

Réunion du mardi 22 mai 2018 à 17h30
Mission d'information sur la gestion des évènements climatiques majeurs dans les zones littorales de l'hexagone et des outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDavid Lorion :

Merci, monsieur le sénateur, monsieur le vice-président, pour vos présentations et pour votre connaissance parfaite des problèmes posés par les digues littorales. C'est évidemment un sujet très pointu, et l'on comprend qu'en Charente-Maritime, ce soit, depuis Colbert, une préoccupation majeure.

En Outre-mer, l'histoire du problème se sépare en deux périodes. La première a commencé, pour l'île de La Réunion mais aussi pour les Antilles, après Hyacinthe, le grand cyclone de 1980. Raymond Barre, alors Premier ministre, a instauré un vaste plan pluriannuel d'endiguement des ravines, reconduit ensuite tous les cinq ans, qui avait pour objet d'endiguer, de corseter l'ensemble des cours d'eau dans les îles exposées aux cyclones.

Jusqu'en 2007, l'État français a renouvelé ce plan, dont l'exécution était confiée à la DDE. Des bureaux d'études venaient spécialement, grâce à un financement de l'État à hauteur de 80 %, et 90 % pour les petites communes ; ces proportions se sont ensuite modifiées, en intégrant des financements européens. On a ainsi construit des digues très importantes, comme celles que vous avez vues à La Réunion.

Mais, en 2007, le rapport Balland a décidé que les digues étaient passées de mode et que l'on ne pouvait pas endiguer toutes les ravines. Ce dernier point n'est pas faux, mais il ne tient pas suffisamment compte des différences considérables que l'on trouve d'un littoral ou d'un cours d'eau à l'autre. Leurs rivages, leurs berges ne sont pas les mêmes, pas plus que les habitations voisines et les enjeux à protéger.

À la suite du rapport Balland a été adoptée, en 2007, la directive communautaire contre les risques d'inondation, à l'origine du programme général contre les risques d'inondation. Son application s'est soldée par l'arrêt complet de toute construction de digue. Depuis, on met en place des PAPI, mais les fonds publics ne sont plus destinés à l'endiguement. Si bien que nous avons abouti, dans les territoires d'outre-mer, au même problème que celui que vous venez de décrire : entre 1980 et 2007, on a construit des digues dans les communes dont les élus avaient su se montrer les plus pressants – pas forcément là où le risque d'inondation était le plus fort –, puis, en 2007, tout s'est arrêté. Depuis, il faut assurer exactement la même gestion, mais sans financements ni constructions nouvelles.

Quant aux digues existantes, leur entretien incombe désormais non à ceux qui les ont construites, c'est-à-dire à l'État, par l'intermédiaire de la DDE, mais aux EPCI. Les collectivités doivent, de surcroît, assumer un risque supplémentaire, parce qu'en réalité ces digues n'ont pas été prévues pour durer mais, souvent, pour aménager des voiries ou étendre des logements sociaux.

Certains EPCI se trouvent ainsi dans l'obligation de gérer des kilomètres de digues, sans beaucoup de sécurité et sans financements. Ils doivent, dans le même temps, gérer des espaces qui n'ont pas été endigués et qui aujourd'hui ne peuvent plus l'être, puisque cela est désormais interdit par les PAPI. La situation est donc particulièrement complexe. Elle l'est en Charente, mais aussi dans les départements d'outre-mer. Leurs digues maritimes sont évidemment différentes des digues littorales, mais elles posent des problèmes analogues.

Quant à la réponse de l'État… j'en parlais lors de notre précédente réunion avec le préfet de Guadeloupe ; comme je lui disais que les plans de prévention des risques (PPR) et les PPRL n'étaient pas de bons instruments de gestion du risque, il m'a répondu à peu près : « Mais si, voyez, nous avons mis en place un PPR, et le risque qui s'est réalisé y était exactement conforme. »

Certes, il s'agit de phénomènes aléatoires, et il est bien normal que ceux que l'on prévoit correspondent à ceux qui se produisent. Mais le risque ne mesure pas au phénomène lui-même, mais à ses conséquences et à ses enjeux. L'important n'est pas que ce qui arrive corresponde exactement à ce que l'on a dessiné sur une zone en rouge, en bleu ou en noir – une modélisation suffit pour cela et, heureusement, nous savons en faire –, mais que les conséquences du phénomène soient prévenues. Or, aujourd'hui, aucun projet de PPR ne gère réellement les conséquences, et l'État n'assure en réalité, par les PPR, que la prévision du risque. Je n'ai pas voulu débattre avec le préfet parce que ce n'était pas le lieu, mais, à la Réunion comme à Saint-Martin, les PPR ne gèrent pas les risques, ils ne font que prévoir les phénomènes dangereux.

La question que je voudrais vous poser est donc celle-ci : pensez-vous que, pour certaines zones – car je ne dis pas que les PPR soient inutiles partout, ils sont adaptés par exemple aux grandes vallées, avec des risques de crues lentes que nous connaissons et que nous maîtrisons bien –, pour des situations exceptionnelles, du fait de risques complexes de tempête et de submersion, comme il s'en produit à La Réunion ou aux Antilles lors des marées de tempête, avec des vents catastrophiques qui provoquent le débordement des cours d'eau par des embâcles aux embouchures – situations pour lesquelles il faut évidemment une gestion complète du risque, qui ne se limite pas à le cartographier –, pensez-vous que l'on puisse imaginer, pour des cas particuliers comme ceux des littoraux des îles tropicales, exposés au risque de passages cycloniques, un nouveau système de gestion du risque, plus globale que celle des PPR ? Pourrait-on éventuellement appliquer des PAPI littoraux ? Ne serait-ce pas un mode de financement possible pour certaines zones ?

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