Intervention de Jean-François Tallec

Réunion du jeudi 24 mai 2018 à 17h00
Mission d'information sur la gestion des évènements climatiques majeurs dans les zones littorales de l'hexagone et des outre-mer

Jean-François Tallec, conseiller institutionnel de CMA CGM :

Madame la députée, messieurs les députés, je vous remercie de cette occasion qui nous est donnée d'apporter notre retour d'expérience après le passage d'Irma.

CMA CGM est une compagnie maritime qui transporte des conteneurs par lignes régulières. Avec une flotte de plus de 500 navires, 200 lignes maritimes desservies et 20 millions de conteneurs transportés chaque année, elle se situe parmi les leaders mondiaux de son secteur. Nous pouvons transporter un conteneur de n'importe quel point du globe à un autre. Nos lignes maritimes sont interconnectées via un réseau de hubs que nous essayons de positionner de la manière la plus judicieuse possible partout sur la planète.

CMA CGM est aussi très investie dans l'exploitation de terminaux portuaires, ce qui n'est pas sans importance pour le sujet que nous examinons aujourd'hui. Nous ne nous limitons pas au transport maritime, mais nous nous intéressons aussi – et c'est le cas en Guadeloupe - à tout ce qui se passe quand les navires arrivent à quai. CMA CGM s'implique également dans le multimodal, à travers l'exploitation de trains, de barges et de camions, ce qui a également eu son importance dans la gestion de la crise d'Irma.

Dernier point, nous sommes très présents dans les outre-mer français, que ce soit dans le Pacifique, dans l'océan Indien ou dans les Caraïbes. C'est pour nous une tradition que cette desserte des outre-mer où nous nous sentons véritablement investis d'une mission de service public.

J'aimerais à présent revenir rapidement sur le déroulé des événements après le passage d'Irma à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, ce qui me permettra de préciser ensuite les points sur lesquels nous pensons que des améliorations peuvent être apportées dans notre dispositif.

Le cyclone est passé le 6 septembre. Dès le 7 au matin, notre directeur général en Guadeloupe s'est mis au service de la préfecture et j'ai pris contact avec le directeur de cabinet de la ministre des outre-mer pour l'assurer que nous étions à son entière disposition. Toutes les communications étaient alors coupées avec Saint-Martin. Le port principal de Philipsburg était inaccessible et l'est d'ailleurs resté pendant une dizaine de jours. Le chenal n'était plus sûr, les grues ne fonctionnaient pas et la zone hollandaise était difficile à traverser.

Nous avons néanmoins bénéficié de deux circonstances favorables : d'une part, la disponibilité de notre navire roulier, appelé « ro-ro » – de l'anglais roll on, roll off –, le Midas, capable de transporter 120 conteneurs sur trois ponts, avec un tirant d'eau relativement modeste, de 5,20 mètres ; d'autre part, la possibilité d'accéder au port de Galisbay, bien dimensionné pour recevoir ce navire.

Nous avons donc pu organiser des allers-retours entre Pointe-à-Pitre et Galisbay, et apporter très rapidement à Saint-Martin les éléments essentiels pour la sécurité civile, les forces de l'ordre et la survie des populations : de l'eau, de la nourriture, des rations militaires, une usine de désalinisation de Veolia, des moyens de chantier et de levage, des véhicules spécialisés d'Orange et d'EDF, mais aussi des véhicules blindés de la gendarmerie, des ambulances, des camions d'intervention du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) et des bus, entre autres. Les quais du port de Pointe-à-Pitre se sont rapidement transformés en un immense entrepôt, stockant des matériels de toutes sortes. Les allers-retours ont commencé le 7 septembre, et se sont poursuivis le 9, le 12, le 16, le 21 et le 25.

Dès le 8 septembre, après une approche prudente, nous sommes arrivés à Saint-Martin, au port de Galisbay. Nous avions pris la précaution, afin de pouvoir décharger, de mettre à bord du Midas des engins de levage et de traction des conteneurs, qui ont permis de pallier la défection totale du port de Philipsburg et l'absence de moyens à Galisbay. Le passage du cyclone Maria nous a conduits à interrompre les rotations entre les escales du 16 et du 21 septembre à Saint-Martin, pour mettre le Midas à l'abri au sud de Sainte-Lucie.

Notre « Fleet Center », basé au siège de la compagnie, à Marseille, gère en permanence la position de nos navires sur toutes les mers du monde. Il est connecté à de très nombreux sites météo qui nous ont permis de calculer au plus juste le passage de Maria et d'interrompre les rotations du Midas uniquement le temps nécessaire.

C'est ainsi que nous avons permis l'approvisionnement en premiers secours de Saint-Martin. Les avions gros porteurs ne pouvaient atterrir ni dans la partie néerlandaise, ni dans la partie française. Le Midas a été le premier, avec le Marin, de la compagnie Marfret, à porter secours à Saint-Martin.

Puis s'est organisé, dans une deuxième phase, l'approvisionnement depuis la métropole. Le dimanche 10 septembre, j'ai reçu un appel téléphonique de Dominique Sorain, le directeur de cabinet de la ministre des outre-mer. Il fallait transporter à Saint-Martin des bâtiments modulaires pour accueillir la préfecture provisoire ; ils n'avaient pu être embarqués sur le navire de la marine nationale, le bâtiment de projection et de commandement (BPC). Nous avons rapidement mobilisé trois navires capables de faire l'acheminement depuis la métropole, soit en les retirant de leur ligne commerciale habituelle, soit en calculant leur rotation de manière à leur permettre de se rendre rapidement à Saint-Martin.

Je voudrais maintenant analyser les facteurs qui nous ont permis de répondre à la demande dans de bonnes conditions. Tout d'abord, nous sommes une compagnie française, dont le centre de décision est basé en France, soit une grande proximité avec les autorités françaises. Les relations entre notre directeur général en Guadeloupe et la préfecture, entre moi-même et le directeur général des outre-mer, ont donc été fluides dès le départ parce que nous nous connaissons bien.

Ensuite, notre implantation dans les outre-mer, et en particulier aux Antilles, est très ancienne. Nous entretenons donc des relations de proximité avec les acteurs locaux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.