L'audition débute à dix-sept heures cinq.
Nous avons le plaisir de reprendre nos travaux cet après-midi en accueillant deux représentants du monde maritime, qui vont nous faire part de leur expérience des événements survenus aux Antilles pendant et après le passage de l'ouragan Irma. Leurs réflexions sur l'enclavement et le désenclavement de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, et sur la situation actuelle de ces îles, enrichiront nos travaux.
Je serai, au cours de cette audition, assistée de mes collègues Lionel Causse et Jimmy Pahun. Cette mission d'information a été créée par l'Assemblée nationale à la suite du passage d'Irma, mais son objectif est de permettre une analyse complète des événements climatiques majeurs et de leur impact en zone littorale, qu'il s'agisse des politiques d'anticipation, de la gestion de crise ou de notre capacité à reconstruire, et bien sûr à reconstruire autrement.
Je donne sans plus tarder la parole à M. Causse pour préciser l'enjeu de cette audition.
Nous vous remercions, messieurs, d'être avec nous cet après-midi pour aborder un sujet important. Nous ferons de notre mieux, Jimmy Pahun et moi-même, pour remplacer le rapporteur, Yannick Haury, qui a dû s'absenter en urgence. Je rappelle que c'est le président de l'Assemblée nationale, François de Rugy, qui a tenu à la création de cette mission d'information après s'être rendu aux Antilles, à la suite du passage de l'ouragan Irma.
Pour commencer, nous aimerions savoir quel regard vous portez sur la gestion de la crise à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin après le passage d'Irma, du point de vue, en particulier, de votre secteur d'activité, le secteur maritime.
Compte tenu de vos connaissances et de votre expertise, quelle analyse faites-vous aujourd'hui de cet événement ?
Cette audition va nous permettre, en effet, de revenir sur la catastrophe Irma. Nos questions se préciseront au fil de la discussion, mais permettez-moi de compléter celles de Lionel Causse.
Des catastrophes de ce type sont-elles appelées à être de plus en plus fréquentes ? Nos maisons sont-elles suffisamment solides ?
Il serait bon également de reparler de ce qui s'est passé après la catastrophe. Si l'île de Saint-Barthélemy s'est relevée relativement vite, c'est moins vrai pour Saint-Martin. Je crois savoir que les épaves restent nombreuses dans les ports et parfois même sur les routes.
Je vous remercie, madame la présidente, messieurs les députés, de nous avoir conviés à cette audition. J'aimerais commencer par présenter, en quelques mots, l'organisme que je représente.
Le Cluster maritime français est un organisme qui regroupe à ce jour plus de 450 acteurs de l'économie maritime, des grandes compagnies maritimes telles que la Compagnie maritime d'affrètement – Compagnie générale maritime (CMA CGM) jusqu'aux plus petits cabinets, soit un écosystème d'une extrême richesse. Nous avons comme objectif de contribuer au développement de l'économie bleue, c'est-à-dire l'économie maritime française. C'est pourquoi nous sommes très fortement déployés en outre-mer, avec sept clusters ultramarins, situés en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, à La Réunion, à la Martinique, en Guadeloupe, en Guyane et à Saint-Pierre et Miquelon. Le cluster de Mayotte est en cours de constitution.
Mon témoignage sera forcément parcellaire, le Cluster maritime français n'étant pas spécialiste de tous les sujets. Toutefois, des informations nous remontent, sur certains manques notamment, dont je vais vous faire part, mais sans entrer trop dans les détails. Pour ces détails, ce sont les professionnels ou leurs fédérations représentatives qu'il vous faudrait consulter directement. Ils pourraient vous dire mieux que nous les difficultés qu'ils ont rencontrées et les solutions qu'ils peuvent apporter.
J'ai sous les yeux le questionnaire préalable que vous nous avez transmis et auquel nous avons tenté de répondre.
Vu du Cluster maritime français, ici, à Paris, et d'après nos relais de Guadeloupe et de Martinique, le monde maritime s'est immédiatement mobilisé après le passage d'Irma à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy pour apporter, avec d'autres acteurs, toute l'aide qu'il pouvait aux habitants des îles.
À titre d'exemple, les clusters maritimes de Guadeloupe et de Martinique se sont coordonnés pour affréter, à Saint-Martin, deux catamarans de plaisance destinés à loger dix personnes pendant plusieurs semaines et à accueillir les services de l'État, en particulier ceux de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) et de la direction de la mer de Martinique, qui n'avaient plus de bureaux. Cette logistique apportée par les deux clusters maritimes a donc permis d'aider à l'organisation des secours sur place.
De même, le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Guadeloupe, ainsi que le cluster maritime de Guadeloupe, se sont associés pour apporter expertise, matériel et logistique, et favoriser une relance rapide de la pêche dans les îles sinistrées par l'ouragan Irma.
Je ne reviendrai pas sur les images que nous avons tous vues et sur la dévastation des navires et des ports de plaisance. La Fédération des industries nautiques et d'autres acteurs se sont immédiatement rendus sur place pour expertiser les dégâts, procéder à la gestion des sinistres du point de vue assurantiel, et déterminer comment déblayer, déconstruire – les îles ne sont pas équipées pour la déconstruction d'autant de navires – et reconstruire les marinas. Tout ce travail est en cours.
Ainsi, des membres du cluster maritime de Saint-Pierre et Miquelon, malgré leur relatif éloignement, se sont rendus sur place pour examiner comment ils pouvaient apporter de l'aide et du soutien, et faire profiter de leur expertise dans le domaine de la construction des infrastructures.
Permettez-moi, maintenant, d'exprimer un regret. Dès que la catastrophe a été connue, la ministre des outre-mer, puis le Premier ministre, se sont rendus sur place, et des adhérents du Cluster maritime français ont proposé qu'un navire de commerce soit envoyé sur place pour fournir de l'électricité. Il s'agissait d'un navire sismique alors non utilisé, disposant d'une très grosse puissance électrique. J'étais persuadé, en tant qu'ancien capitaine au long cours, que cette opération était tout à fait faisable techniquement. J'ai donc saisi le directeur de cabinet de la ministre pour l'informer qu'un navire était mis à disposition pour réalimenter en électricité plusieurs points de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. La proposition a été transmise à la cellule de crise. Je n'ai jamais eu de réponse.
Il est dommage, quand des bonnes volontés se manifestent, de ne pas prendre la peine de leur répondre, quelle que soit la réponse. Ce n'est pas tant le cabinet de la ministre qui est en cause, que la cellule de crise et la sécurité civile. Sans doute des procédures devraient-elles être mises en place. Mais ce silence s'explique peut-être par une incompréhension : lorsqu'on n'est pas du métier, on peut s'étonner qu'un bateau puisse produire de l'électricité.
Et pourtant, un bateau peut même produire de l'eau douce. Un opérateur développe actuellement un projet de production d'eau consommable, sur des navires, à partir de l'eau de mer. Il s'agit d'aspirer de l'eau dans les grandes profondeurs, où elle n'est pas très salée, de la traiter et de la mettre en bouteille. L'exploitation de cette mise en bouteille pourra se faire de deux manières : soit par la vente grand public, soit dans des contextes de gestion de crise, car ces navires, en cours de construction, seront capables d'apporter sur place l'eau douce qu'ils fabriqueront.
Il y a aussi les navires qui disposent de plateformes pour hélicoptères et les navires de ravitaillement offshore. Au-delà de leur capacité de transport maritime, un certain nombre de bateaux de la marine marchande ont une capacité d'urgence humanitaire, en matière d'eau, d'électricité ou même de soins médicaux.
Le navire qui a été proposé pour fournir de l'électricité à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin était basé à Dunkerque. Il lui aurait fallu huit jours pour rejoindre les îles.
Quant aux bateaux qui pourraient fournir de l'eau douce, ils sont en cours de construction. Le projet est encore économiquement instable, mais nous y croyons beaucoup. Je suis convaincu de la nécessité de réfléchir sérieusement à sa réalisation. Produire de l'eau douce à partir d'un navire n'est pas très compliqué et peut constituer un approvisionnement d'appoint essentiel dans des îles qui n'ont pas la capacité immédiate de restaurer l'eau de consommation.
Avant d'aborder les solutions futures et les pistes d'amélioration, pourriez-vous nous donner votre analyse du bilan économique de cette catastrophe ? Le Cluster maritime français a-t-il analysé la situation des entreprises liées au secteur maritime ? Un dispositif national a-t-il été organisé pour assister ces entreprises ?
S'agissant de la déconstruction des épaves, je sais que vous avez lancé, au niveau national, un plan pour un transport maritime durable, en partenariat avec le ministère des transports. Dans quelle mesure ce plan peut-il affecter positivement nos territoires et en particulier les territoires d'outre-mer, où la nécessité de traiter en urgence les épaves appelle des solutions d'avenir ?
Je ne suis malheureusement pas capable de vous donner de chiffrage précis sur l'impact économique de la catastrophe. Compte tenu de nos implantations, nos connaissances portent davantage sur la Martinique et la Guadeloupe. Elles sont limitées sur Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que le chiffrage ait réellement été fait. Je n'ai, pour ma part, pas obtenu de réponses aux questions que j'ai posées depuis que vous nous avez sollicités.
Ce qui est certain, toutefois, c'est que le secteur de l'industrie nautique a connu à Saint-Martin et Saint-Barthélemy une remise à zéro complète. Tout le problème est en effet, désormais, de déconstruire les bateaux. Or il n'y a pas de filière de déconstruction dans ces îles. La seule cale de déconstruction des Antilles est située en Martinique et elle est utilisée à plein régime par l'activité courante.
La Fédération des industries nautiques a mandaté une mission à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy pour évaluer la situation, mais je n'en connais pas encore les résultats. Bien avant la catastrophe de l'ouragan Irma, une filière de déconstruction pour les navires de plaisance a été mise en place dans le cadre de la responsabilité élargie des producteurs. Elle a fait l'objet de longs débats sous la mandature précédente et sera opérationnelle à partir du 1er janvier 2019. Il est indispensable que cette filière se développe également dans les territoires des Antilles. Là-bas aussi, et vous le savez mieux que moi, Madame la Députée, en dehors même de tout événement climatique majeur, de nombreuses épaves doivent être traitées. Un ouragan génère un nombre très impressionnant d'épaves et je ne suis pas sûr qu'il y ait actuellement dans les îles une capacité de traitement suffisante.
Madame la députée, messieurs les députés, je vous remercie de cette occasion qui nous est donnée d'apporter notre retour d'expérience après le passage d'Irma.
CMA CGM est une compagnie maritime qui transporte des conteneurs par lignes régulières. Avec une flotte de plus de 500 navires, 200 lignes maritimes desservies et 20 millions de conteneurs transportés chaque année, elle se situe parmi les leaders mondiaux de son secteur. Nous pouvons transporter un conteneur de n'importe quel point du globe à un autre. Nos lignes maritimes sont interconnectées via un réseau de hubs que nous essayons de positionner de la manière la plus judicieuse possible partout sur la planète.
CMA CGM est aussi très investie dans l'exploitation de terminaux portuaires, ce qui n'est pas sans importance pour le sujet que nous examinons aujourd'hui. Nous ne nous limitons pas au transport maritime, mais nous nous intéressons aussi – et c'est le cas en Guadeloupe - à tout ce qui se passe quand les navires arrivent à quai. CMA CGM s'implique également dans le multimodal, à travers l'exploitation de trains, de barges et de camions, ce qui a également eu son importance dans la gestion de la crise d'Irma.
Dernier point, nous sommes très présents dans les outre-mer français, que ce soit dans le Pacifique, dans l'océan Indien ou dans les Caraïbes. C'est pour nous une tradition que cette desserte des outre-mer où nous nous sentons véritablement investis d'une mission de service public.
J'aimerais à présent revenir rapidement sur le déroulé des événements après le passage d'Irma à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, ce qui me permettra de préciser ensuite les points sur lesquels nous pensons que des améliorations peuvent être apportées dans notre dispositif.
Le cyclone est passé le 6 septembre. Dès le 7 au matin, notre directeur général en Guadeloupe s'est mis au service de la préfecture et j'ai pris contact avec le directeur de cabinet de la ministre des outre-mer pour l'assurer que nous étions à son entière disposition. Toutes les communications étaient alors coupées avec Saint-Martin. Le port principal de Philipsburg était inaccessible et l'est d'ailleurs resté pendant une dizaine de jours. Le chenal n'était plus sûr, les grues ne fonctionnaient pas et la zone hollandaise était difficile à traverser.
Nous avons néanmoins bénéficié de deux circonstances favorables : d'une part, la disponibilité de notre navire roulier, appelé « ro-ro » – de l'anglais roll on, roll off –, le Midas, capable de transporter 120 conteneurs sur trois ponts, avec un tirant d'eau relativement modeste, de 5,20 mètres ; d'autre part, la possibilité d'accéder au port de Galisbay, bien dimensionné pour recevoir ce navire.
Nous avons donc pu organiser des allers-retours entre Pointe-à-Pitre et Galisbay, et apporter très rapidement à Saint-Martin les éléments essentiels pour la sécurité civile, les forces de l'ordre et la survie des populations : de l'eau, de la nourriture, des rations militaires, une usine de désalinisation de Veolia, des moyens de chantier et de levage, des véhicules spécialisés d'Orange et d'EDF, mais aussi des véhicules blindés de la gendarmerie, des ambulances, des camions d'intervention du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) et des bus, entre autres. Les quais du port de Pointe-à-Pitre se sont rapidement transformés en un immense entrepôt, stockant des matériels de toutes sortes. Les allers-retours ont commencé le 7 septembre, et se sont poursuivis le 9, le 12, le 16, le 21 et le 25.
Dès le 8 septembre, après une approche prudente, nous sommes arrivés à Saint-Martin, au port de Galisbay. Nous avions pris la précaution, afin de pouvoir décharger, de mettre à bord du Midas des engins de levage et de traction des conteneurs, qui ont permis de pallier la défection totale du port de Philipsburg et l'absence de moyens à Galisbay. Le passage du cyclone Maria nous a conduits à interrompre les rotations entre les escales du 16 et du 21 septembre à Saint-Martin, pour mettre le Midas à l'abri au sud de Sainte-Lucie.
Notre « Fleet Center », basé au siège de la compagnie, à Marseille, gère en permanence la position de nos navires sur toutes les mers du monde. Il est connecté à de très nombreux sites météo qui nous ont permis de calculer au plus juste le passage de Maria et d'interrompre les rotations du Midas uniquement le temps nécessaire.
C'est ainsi que nous avons permis l'approvisionnement en premiers secours de Saint-Martin. Les avions gros porteurs ne pouvaient atterrir ni dans la partie néerlandaise, ni dans la partie française. Le Midas a été le premier, avec le Marin, de la compagnie Marfret, à porter secours à Saint-Martin.
Puis s'est organisé, dans une deuxième phase, l'approvisionnement depuis la métropole. Le dimanche 10 septembre, j'ai reçu un appel téléphonique de Dominique Sorain, le directeur de cabinet de la ministre des outre-mer. Il fallait transporter à Saint-Martin des bâtiments modulaires pour accueillir la préfecture provisoire ; ils n'avaient pu être embarqués sur le navire de la marine nationale, le bâtiment de projection et de commandement (BPC). Nous avons rapidement mobilisé trois navires capables de faire l'acheminement depuis la métropole, soit en les retirant de leur ligne commerciale habituelle, soit en calculant leur rotation de manière à leur permettre de se rendre rapidement à Saint-Martin.
Je voudrais maintenant analyser les facteurs qui nous ont permis de répondre à la demande dans de bonnes conditions. Tout d'abord, nous sommes une compagnie française, dont le centre de décision est basé en France, soit une grande proximité avec les autorités françaises. Les relations entre notre directeur général en Guadeloupe et la préfecture, entre moi-même et le directeur général des outre-mer, ont donc été fluides dès le départ parce que nous nous connaissons bien.
Ensuite, notre implantation dans les outre-mer, et en particulier aux Antilles, est très ancienne. Nous entretenons donc des relations de proximité avec les acteurs locaux.
Elle est environ de 50 % en volume de fret transporté. Nous sommes les leaders du marché, mais nous ne sommes pas en situation de monopole. Notre réseau local est donc un atout et nous avons mis à la disposition du préfet notre connaissance des différents acteurs du domaine de la logistique. Par ailleurs, parce que nous sommes aussi agence maritime, manutentionnaires et transitaires sur le port de Pointe-à-Pitre, c'est finalement la totalité des fonctions logistiques que nous avons pu rassembler et mettre à disposition de la préfecture. Autre facteur important, notre compagnie propose une véritable chaîne intégrée de services de transport et de logistique entre l'implantation locale et le siège à Marseille.
Enfin, les caractéristiques du Midas, que j'ai déjà évoquées, ont joué favorablement. Ce navire permet de soulever des conteneurs et des palettes, mais aussi de les faire rouler.
Notre retour d'expérience, maintenant, et vous me pardonnerez, sur ce point, d'être concret et basique. Nous avons trouvé que l'interface entre les professionnels de la logistique que nous sommes et les services de l'État n'avait pas été des plus satisfaisants. Il existe une incompréhension mutuelle de nos métiers. Il est important que nous puissions mieux nous connaître. Nos interlocuteurs doivent savoir ce qu'est le transport maritime, quels sont les documents qui accompagnent une marchandise transportée et qui sont les acteurs qui interviennent dans une chaîne logistique.
Nous n'étions pas, à Saint-Martin, dans une situation de réquisition. Il fallait bien faire fonctionner notre chaîne logistique de manière habituelle, tout en la mettant, très rapidement, à disposition de l'État. Une meilleure connaissance de la manière dont s'organise une chaîne logistique à terre et en mer aurait probablement permis de gagner du temps et favorisé des relations plus fluides. Telle est ma première observation.
Deuxième observation, une meilleure connaissance des moyens nautiques qui peuvent être mis à disposition aurait également été profitable. On a tenté de stocker dans le bâtiment de la marine nationale des marchandises qui n'y entraient pas et que nous n'avons eu aucune difficulté à prendre en charge et à transporter. On aurait gagné du temps en dirigeant directement ces marchandises vers nos navires.
Troisième observation, notre directeur général en Guadeloupe avait proposé que l'on crée dans les locaux du service militaire adapté (SMA), à Pointe-à-Pitre, un poste de commandement logistique déporté. Le SMA est situé très exactement entre l'aéroport du Raizet et le port à conteneurs. Cette situation aurait été parfaite pour que la manoeuvre logistique puisse être organisée de façon beaucoup plus efficace.
Quatrième observation, nous pensons que des contrats préétablis auraient été utiles. Il n'est pas très difficile de préparer, en dehors des situations de crise, des contrats permettant d'encadrer nos prestations. Quand nous avons présenté nos factures, une fois la crise passée, les relations n'ont pas été aussi simples que pendant la phase opérationnelle.
Enfin, dernière observation, une meilleure articulation entre les moyens de transport militaires et les moyens de transport civils aurait permis d'être plus efficace.
Il me semble, pour conclure, que l'organisation d'exercices à froid pour tester le fonctionnement de la chaîne logistique dans un contexte de catastrophe naturelle, serait très utile. Elle permettrait aux acteurs de se connaître, de fluidifier les procédures et d'identifier les insuffisances de l'organisation. C'est un dispositif que nous appelons de nos voeux.
Une catastrophe naturelle devrait donc, selon vous, déclencher une procédure simplifiée entre une compagnie telle que la vôtre et l'État, dans l'intérêt des îles à secourir.
En effet, c'est tout à fait notre sentiment. Ce que nous avons fait, de manière un peu improvisée, pourrait sans aucun doute s'organiser à l'avance. Nos interlocuteurs doivent connaître les moyens dont nous disposons et les procédures qui permettent de réaliser un transport logistique. Nous pourrions aussi préparer des contrats-types pour ces prestations. Tout ceci nous permettrait d'être plus efficaces au moment où la catastrophe se produit.
Vous nous avez expliqué que CMA CGM intervient sur toute la chaîne logistique, ce qui a simplifié la coordination de vos différentes interventions à Saint-Martin. Est-il habituel qu'une compagnie maritime couvre plusieurs domaines de la logistique ou est-ce lié à l'implantation géographique ?
Notre coeur d'activité est le transport maritime. L'exploitation de terminaux portuaires tels que le multimodal est une extension de cette activité, et c'est une extension très importante pour nous car elle conditionne le bon fonctionnement de la partie maritime du transport. Quand l'un de nos navires arrive dans un port dont nous sommes nous-mêmes exploitants, l'escale se déroule évidemment beaucoup plus facilement.
Cette configuration n'est pas généralisée, mais elle existe assez largement. En outre-mer, nous sommes aussi manutentionnaires en Guadeloupe, à la Martinique, en Guyane et à La Réunion. Nous ne le sommes pas dans le Pacifique. Dans les ports non français, les configurations peuvent être très diverses.
Je voudrais vous remercier, messieurs, pour vos présentations toutes deux très claires.
Dans notre nouvelle économie mondiale, il va être possible, désormais, de commander très rapidement, à la vitesse de la lumière, un grand nombre de marchandises, mais il faudra toujours un bateau, puis un camion, pour pouvoir les transporter. Et comme ces marchandises vont pouvoir être commandées de n'importe quel point du globe, il faudra évidemment beaucoup plus de bateaux à l'avenir pour les transporter en toute sécurité.
Nous avons la chance, la présidente et moi-même, d'être des îliens. Nos îles sont un peu comme des bateaux qui auraient pris racine dans les profondeurs marines. Nous avons d'ailleurs les mêmes problèmes que les bateaux, problèmes d'alimentation, mais aussi de gros temps, avec des tempêtes qui parfois nous mettent à mal, comme à Saint-Martin. Ainsi que nous le prédit d'une certaine manière cette mission d'information, d'autres îles françaises seront touchées par une telle catastrophe, aux Antilles, à La Réunion ou dans le Pacifique.
Les ports, comme les aéroports, sont les seules portes d'entrée des îles. L'État a conçu pour elles des plans prévisionnels des risques (PPR) et de belles cartographies rouges, bleues et noires. Ces cartes multicolores sont magnifiques, mais, on l'a vu à Saint-Martin, elles sont incomplètes. Elles identifient les zones inondables, exposées au débordement des cours d'eau et à la submersion marine, mais comment fait-on pour protéger les ports, les routes, les réseaux et tout ce qui fait la vie d'une île ?
Comment s'organise-t-on avec les entreprises privées – CMA CGM, mais aussi Orange, Veolia,… - pour faire face à l'épreuve d'une catastrophe naturelle, qu'elle soit ou non d'origine climatique, et mettre en oeuvre la résilience ? Ces entreprises sont appelées au secours, dans une urgence absolue, mais c'est à chaque fois la débandade générale. J'ai vécu plusieurs catastrophes naturelles et je l'ai observé : on fait tout et n'importe quoi, et l'on n'hésite pas à ignorer le code général des collectivités territoriales et des marchés publics – que l'on ouvre bien évidemment à nouveau au moment où ces entreprises doivent être payées…
Tout ce que vous avez décrit, on le connaît bien, et il ne s'agit pas ici de faire le procès de qui que ce soit. La question est simple.
Quelles mesures doivent-elles être prises dans les ports français des outre-mer afin de permettre aux îles d'affronter dans de meilleures conditions les prochaines catastrophes naturelles ?
Les secours arrivent depuis les ports. Les îles ne disposent que de peu de ressources propres pour faire face.
Que pourrions-nous écrire dans notre rapport afin d'améliorer notre performance face aux catastrophes naturelles ?
En complément de cette belle question de M. Lorion sur la résilience des infrastructures, pouvez-vous nous dire quel regard vous portez sur les politiques publiques en matière d'anticipation des catastrophes naturelles, qu'elles concernent les programmes d'investissements dans les territoires d'outre-mer ou la consolidation des infrastructures ?
Par ailleurs, quelle est aujourd'hui la situation à Philipsburg, où un goulot d'étranglement subsistait encore il y a deux mois ?
Puisque vous êtes aussi manutentionnaires, et actionnaires, me semble-t-il, de ce port, pouvez-vous nous dire où en est le désenclavement de Saint-Martin, et par ricochet celui de Saint-Barthélemy ?
Tout d'abord, je ne peux qu'appuyer les propos de Jean-François Tallec sur la nécessité de s'organiser avant les catastrophes, en établissant des contrats-types en effet, mais aussi en créant une cellule de crise adéquate. L'un des premiers retours d'expérience dont nous pouvons témoigner concerne la méconnaissance de l'utilisation de l'outil maritime au sens large. Je répondrai tout à l'heure à la question de M. Lorion sur le sujet.
Dans une catastrophe telle que l'ouragan Irma, les secours ne peuvent venir de manière massive, dans un premier temps, que par la mer. Il est donc nécessaire de savoir de quels moyens on dispose en termes de navires de charge et de services. Un port peut être complètement dévasté, dans sa surface mais aussi dans son fond, si bien que l'on ne sait plus quel est le tirant d'eau admissible pour les navires. En quelques heures, les chenaux peuvent être totalement modifiés dans leur tracé du fait de l'effondrement des bancs sous-marins.
Il est important de disposer, au sein d'une task force, des connaissances et des matériels publics et privés qui permettront de répondre rapidement à ces questions essentielles. Jamais un armateur n'enverra un bateau dans un port dont il ne sait pas s'il peut y rentrer. Cela ne ferait qu'aggraver la situation en renforçant les risques d'accident, en particulier si le bateau s'échoue à l'entrée du port.
Qu'elles proviennent d'entreprises spécialisées dans le sismique, le sondage ou le pilotage, réunir ce vaste ensemble de connaissances est donc déterminant. Il faut répertorier les acteurs et être capable, comme dans toute gestion de crise, de les mobiliser rapidement, ne serait-ce qu'en disposant des bons numéros de téléphone. J'ai fait beaucoup d'opérationnel dans mon premier métier et je peux témoigner qu'un numéro de téléphone manquant peut à lui seul bloquer toute la chaîne. La cellule de crise qui sera capable d'être rapidement activée doit être bâtie au niveau national, avoir des déclinaisons locales et être dotée des outils nécessaires. Pour qu'elle soit efficace, elle doit s'entraîner. Il faut enfin que les gens se connaissent.
La mobilisation de CMA CGM après le passage d'Irma à Saint-Martin doit être saluée. La chance, si l'on peut dire, dans cette catastrophe, a été que la compagnie soit à proximité. Dans d'autres territoires, CMA CGM n'est pas présente.
Il serait bon de répertorier les principaux acteurs maritimes et les sociétés de logistique intégrée présents dans le Pacifique. Du service portuaire à l'assureur jusqu'au shipchandler, ils composent une chaîne très diversifiée, sans parler du secteur du tourisme, dont les ressources d'expertise et de débrouillardise sont relativement insoupçonnées. Or il est important, dans une crise, de savoir se débrouiller avec quelques bouts de ficelle.
Si les gens se connaissent, donc, et s'ils se sont entraînés, les réponses apportées pendant la crise sont plus efficaces.
Quant à votre question sur l'état des infrastructures et sur les politiques mises en oeuvre, ce n'est pas un scoop que de dire que certains ports sont délabrés. Il est nécessaire de les maintenir, de les remettre en état et de les inclure dans des dispositifs à même d'absorber les catastrophes. Toutefois, il vaut sans doute mieux préparer les hommes, les matériels et les entraînements. Le Titanic était insubmersible, mais ça ne l'a pas empêché de mal terminer. Pour se prémunir contre les catastrophes, il vaut donc mieux prévoir des réponses humaines, matérielles et procédurales adaptées.
En effet, comme vient de le dire Frédéric Moncany de Saint-Aignan, l'organisation d'une chaîne de compétences est primordiale pour l'ensemble du fonctionnement d'un port. Un port, ce n'est pas simplement un quai. Ce sont des hommes et des métiers différents qui le font fonctionner. Outre le strict problème des infrastructures, que vous avez évoqué, monsieur le député, la résilience de cette chaîne de compétences est donc un point fondamental.
Sur cette question des infrastructures, je n'ai pas de réponse miracle, mais j'aimerais formuler deux remarques.
Sans vouloir contredire Frédéric Moncany de Saint-Aignan, à Saint-Martin, notre première arrivée à Galisbay s'est déroulée de manière très prudente. Nous n'étions pas tout à fait sûrs d'accéder au port, mais le bateau, de faible tirant d'eau et relativement rustique, nous a permis d'accoster. Nous savions, en revanche, que Philipsburg n'était pas praticable.
Nous avons eu des difficultés à Saint-Barthélemy, où le cyclone avait considérablement réduit le tirant d'eau disponible dans le chenal. Nous l'avons immédiatement signalé, mais cela a pris beaucoup de temps avant que l'on ne se préoccupe de faire venir une drague pour rétablir la profondeur du chenal. Ce faible tirant d'eau avait pourtant des conséquences. Nous n'avons pas cessé d'approvisionner Saint-Barthélemy, mais nous pouvions charger beaucoup moins notre navire. Pour apporter la même quantité de marchandises, il fallait donc faire deux rotations au lieu d'une, soit un coût supplémentaire. Si les travaux de dragage étaient intervenus plus rapidement, on aurait gagné du temps et de l'argent. C'est dommage.
Seconde remarque sur la résilience des infrastructures, quand nous avons décidé d'installer notre hub dans l'océan Indien, nous avons dû faire un choix entre l'île de La Réunion et l'île Maurice. Cette dernière nous proposait des prix extrêmement intéressants pour l'exploitation de nos navires. L'un des éléments qui nous a fait choisir Port Réunion, outre que nous y étions en terre française, est que le nombre moyen de jours d'indisponibilité du port du fait de phénomènes cycloniques y était bien inférieur à celui de l'île Maurice. La disponibilité de l'infrastructure portuaire à La Réunion a été l'un des éléments déterminants de notre choix. La résilience que vous évoquez est donc un point important pour nous.
Quant à la situation de Philipsburg, nous avons mis en place un bateau pour évacuer les conteneurs vides, ce qui a permis de réduire considérablement l'encombrement du port. On y a apporté énormément de marchandises, mais la rotation des bateaux ne permettait pas de reprendre les conteneurs vides. La situation s'est désormais bien améliorée.
Nous ne sommes pas manutentionnaires à Philipsburg. Nous sommes simplement une compagnie maritime qui y fait escale.
Merci pour cette précision. Je rappelle, pour ceux qui nous suivent, que le port de Philipsburg est situé dans la partie néerlandaise et reçoit la quasi-totalité des marchandises. Celles pour Saint-Barthélemy partent aussi de ce point d'entrée. L'île de Saint-Martin est finalement très dépendante de la partie néerlandaise, qui accueille à la fois l'aéroport international et le port.
Un projet destiné à développer le port de Galisbay, en partie française, a été évoqué. Pouvez-vous nous dire où il en est ?
Le projet de développer Galisbay était antérieur au passage du cyclone Irma, mais celui-ci a renforcé l'intérêt de disposer, dans la partie française, d'un moyen autonome pour acheminer les marchandises.
Avant l'ouragan, nos navires faisaient uniquement escale à Philipsburg. Le président de la collectivité nous a sollicités afin de mettre en place une ligne régulière sur Galisbay. Il ne s'agirait pas d'une ligne directe avec la métropole, l'accès du port n'étant possible que pour des bateaux de taille limitée, mais d'une ligne régulière depuis la Guadeloupe et d'autres ports des Caraïbes.
Nous avons répondu favorablement à la demande qui nous a été faite, mais à la condition que le port de Galisbay se professionnalise et applique les normes internationales de sûreté qui doivent accompagner l'exploitation d'un port. Je pense en particulier au code ISPS mis en place par l'Organisation maritime internationale et qui fixe les normes de sûreté des installations portuaires : clôture, contrôle à l'entrée, surveillance du port. Si nos navires font escale dans un port qui ne répond pas à ces normes, ils peuvent ne pas être admis dans d'autres ports. Nous avons donc demandé la professionnalisation du port de Galisbay par l'application des normes internationales.
Nous souhaitons également qu'une véritable entreprise de manutention exploite l'enceinte du port de Galisbay. Actuellement, les gens peuvent venir chercher leurs conteneurs directement, ce qui rend difficile le contrôle du port.
J'aimerais évoquer un autre point : la nécessité de protéger les navires de plaisance.
Il y a une vingtaine d'années, sous la pression de l'Union européenne, le gouvernement avait lancé le dispositif « ports de refuge » afin de recenser, le long du littoral européen, tous les lieux où les bateaux pouvaient s'abriter, être mis en sécurité et secourus en cas de tempête. Il me semble qu'un tel dispositif serait intéressant à l'échelle des territoires ultramarins. Si la catastrophe n'est évidemment pas prévisible, les gens du cru connaissent les endroits où l'on pourra mettre à l'abri des embarcations, des navires de plaisance et même de très grande plaisance. C'est un élément qui mériterait d'être intégré dans le dispositif de préparation et qui n'est pas hors de portée, à condition de s'organiser.
Permettez-moi, par ailleurs, de vous soumettre une idée qui commence à se diffuser au nord de la côte Est américaine et notamment du côté de Saint-Pierre-et-Miquelon, dans des zones non cycloniques. Elle consisterait à organiser des hivernages de bateaux ou du moins à leur proposer des abris pendant la saison cyclonique. Certains navires transporteurs de colis lourds, de la compagnie Mammouth notamment, peuvent charger une cinquantaine de voiliers, d'embarcations de plaisance ou de yachts. Ils pourraient permettre à ceux qui le souhaitent de faire transporter leur bateau dans des zones de refuge et d'éviter ainsi une perte totale en cas d'accident climatique majeur. Ce marché est en train d'émerger et Saint-Pierre et Miquelon l'étudie avec intérêt. Il ne peut en aucun cas constituer une réponse d'urgence, mais plutôt un moyen de diminuer l'exposition au risque. Chacun sait que dans les ports de plaisance des Antilles, de nombreux navires ne sortent pas. Ils pourraient ainsi être mis à l'abri.
J'aimerais revenir aux projets de production d'électricité et d'eau douce à bord de navires. Comment voyez-vous le passage de la phase de recherche à la phase opérationnelle ? Que représenteraient ces projets en termes de services ? Pourraient-ils être généralisés ?
Pour la production d'électricité, le projet est immédiatement opérationnel. Il faut simplement recenser les navires équipés d'une puissance électrique suffisante. Certains d'entre eux sont actuellement inutilisés parce qu'ils ne trouvent pas d'affrètement ou d'occupation. Ils pourraient donc être mobilisés pour cette tâche. Ce ne sont pas forcément des navires français. Une cartographie des moyens disponibles serait en tout cas intéressante.
Elle est produite par les générateurs diesel à bord. Les navires ont besoin de leur propre électricité pour fonctionner, mais certains navires dits « de service » nécessitent plus d'électricité pour faire marcher des appareils embarqués, dans le domaine sismique notamment. Ces navires ont une production électrique excédentaire par rapport à leurs besoins propres. Il n'est donc pas très compliqué pour eux, sur le plan technologique, de produire de l'électricité. Je peux, si vous le souhaitez, vous donner les coordonnées de l'entreprise qui a proposé cette solution.
Pour la production d'eau douce, le projet est encore en phase amont, mais il revêt un intérêt économique fort pour quelques acteurs. On sait que l'eau douce va être un enjeu majeur des décennies à venir. Un certain nombre de pays vont souffrir du manque d'eau et des marchés vont s'ouvrir pour ceux qui seront capables de la leur apporter, soit en la transportant, soit en la fabriquant à proximité. Plusieurs compagnies françaises et étrangères s'équipent déjà pour produire et vendre de l'eau de consommation. Une entreprise française est très en pointe sur le sujet.
On peut imaginer, ce marché se développant, qu'il soit possible de le mobiliser sur des questions humanitaires, peut-être pas dès demain, mais probablement d'ici quelques années.
Plus largement, sur la question du développement du tourisme, j'aimerais partager avec vous notre grande inquiétude pour Saint-Martin compte tenu de l'état de destruction de l'île et de la fragilisation du bâti.
Nous nous sommes rendus dans l'île au mois de mars, dans le cadre de cette mission d'information, et nous avons constaté qu'il reste encore un très grand nombre de débris un peu partout. Près de deux cents épaves doivent encore être sorties de l'eau et traitées. Or l'île vit du tourisme et va devoir bientôt entrer dans une nouvelle saison cyclonique, qui s'annonce moyenne.
Le premier moyen de reconstruire l'économie de l'île est le tourisme, notamment dans la partie française. Nous pensons que le secteur maritime est l'un de ceux qui pourraient le plus contribuer à relancer rapidement le développement de l'île, notamment en y apportant des bâtiments modulaires.
Êtes-vous actuellement associés à une réflexion sur la refondation économique et sociale de Saint-Martin ?
L'organisation des acteurs du tourisme maritime sur l'île de Saint-Martin ne nous permet pas d'avoir des retours précis sur ce sujet. Je dois voir ce soir les représentants du cluster de Martinique et je leur poserai la question, mais je ne pense pas qu'ils aient non plus beaucoup d'informations à nous donner sur la relance du tourisme à Saint-Martin.
Quant à l'impact de la catastrophe Irma sur les croisières, il est sans doute très faible. Actuellement, l'escale de Saint-Martin est tout simplement sautée. L'économie locale, en revanche, subira pendant un certain nombre de mois la forte baisse du volume de croisiéristes qui débarquent généralement à Saint-Martin, si ce n'est leur désertion totale.
Quel est l'impact de cette diminution sur la reconstruction de l'écosystème touristique ? Sur ce point non plus, je n'ai pas d'éléments de réponse.
Quand nous nous étions rencontrés, madame la présidente, vous m'aviez interrogé sur la possibilité d'utiliser des conteneurs à titre de logements d'urgence. Je ne sais pas si l'on vous a transmis la réponse que je vous ai envoyée, mais elle était positive.
Nous avons une filiale spécialisée dans la réutilisation des conteneurs à des fins diverses, y compris d'habitation. Certains aménagements ont permis, dans plusieurs villes, de proposer des logements très convenables dans des conteneurs. Ce type d'équipement est donc possible et nous pouvons fournir l'ingénierie de conseil pour le mettre en place.
Cette intervention de Jean-François Tallec me fait penser à un autre sujet.
Depuis plusieurs semaines, un nombre croissant de membres du Cluster maritime français réclame une adaptation de la réglementation afin de pouvoir développer l'habitat flottant, en particulier dans le sud de la France. C'est un sujet complexe car il n'est pas aisé de dire si ce qui flotte est un bateau ou une maison. Un habitat flottant relève-t-il du domaine maritime ? Nous avons transmis le sujet à l'administration. Il fait peu de doute, compte tenu du dérèglement climatique et de la montée des eaux, qu'il nous faudra mieux le maîtriser dans les années à venir. Il est important que la réglementation française soit suffisamment agile pour le traiter rapidement.
Lors d'un déplacement en Guadeloupe, il y a quelques mois, j'ai rencontré les représentants d'une société qui développe le concept de marina mobile.
Oui, tout à fait. J'ai visité l'un de leurs bungalows flottants et je l'ai trouvé extrêmement plaisant.
Il y a donc là aussi une piste intéressante à creuser et peut-être une réponse au besoin de reconstruction rapide des îles.
Je vous remercie pour ces informations.
Nous avons rencontré hier l'Assemblée des départements de France (ADF) et nous avons évoqué la nécessité de réfléchir, en effet, à de nouvelles formes d'architecture. Les Pays-Bas, qui ont adopté depuis longtemps les constructions flottantes, ont été cités en exemple.
Je vous remercie également de vos précisions, monsieur Tallec. Lorsque nous nous sommes rencontrés, nous avons en effet évoqué les problèmes posés par l'enclavement de Philipsburg et par les deux mille conteneurs qui traînaient encore dans le port, ainsi que la possibilité d'utiliser la diversification de vos activités pour reconditionner ces conteneurs et répondre au besoin de logement de ceux qui, aujourd'hui, n'ont toujours pas d'abri à Saint-Martin. Je n'ai pas reçu votre réponse, mais nous sommes preneurs de tous les documents écrits que vous pourrez fournir à la mission d'information et que nous pourrions verser à notre étude.
Toutes ces pistes doivent être examinées dans le cadre d'un plan de préparation aux événements climatiques majeurs, afin de mieux répondre au besoin de logements d'urgence. L'accueil sur place des secours, des techniciens et des acteurs de l'ingénierie locale, dans la phase post-urgence que nous entamons aujourd'hui, mais aussi dans deux mois lors de la nouvelle saison cyclonique, reste problématique et nous inquiète fortement. C'est pourquoi nous sommes très intéressés par toutes les pistes et propositions de solutions innovantes.
Messieurs, je vous laisse le mot de la fin.
Parce que les clusters maritimes des outre-mer sont déjà organisés et connaissent bien leur territoire et ses acteurs, il est important qu'ils soient consultés et intégrés dans le cadre de la mise en place d'une cellule de crise ou task force d'entraînement.
C'est en tout cas l'offre de service que je vous fais aujourd'hui. Les clusters maritimes des outre-mer seraient ravis de pouvoir apporter leur pierre à un dispositif d'une telle importance.
Apprenons à mieux nous connaître, à travailler ensemble, et anticipons. Nous pourrions ainsi nettement améliorer les choses lors de la prochaine crise.
Au nom de l'ensemble des membres de la mission, je vous remercie, messieurs, d'être venus pour cette audition et d'avoir pris un peu de votre temps pour échanger avec nous sur des sujets primordiaux pour les territoires d'outre-mer et pour l'Hexagone.
Tirons les leçons du passé et progressons vers des solutions pour l'ensemble de nos territoires.
L'audition s'achève à dix-huit heures quinze.
Membres présents ou excusés
Réunion du jeudi 24 mai 2018 à 17 h 00
Présente. – Mme Maina Sage
Excusé. – M. Yannick Haury
Assistaient également à la réunion. – M. Lionel Causse, M. Jimmy Pahun