Intervention de Frédéric Moncany de Saint-Aignan

Réunion du jeudi 24 mai 2018 à 17h00
Mission d'information sur la gestion des évènements climatiques majeurs dans les zones littorales de l'hexagone et des outre-mer

Frédéric Moncany de Saint-Aignan, président du Cluster maritime français :

Tout d'abord, je ne peux qu'appuyer les propos de Jean-François Tallec sur la nécessité de s'organiser avant les catastrophes, en établissant des contrats-types en effet, mais aussi en créant une cellule de crise adéquate. L'un des premiers retours d'expérience dont nous pouvons témoigner concerne la méconnaissance de l'utilisation de l'outil maritime au sens large. Je répondrai tout à l'heure à la question de M. Lorion sur le sujet.

Dans une catastrophe telle que l'ouragan Irma, les secours ne peuvent venir de manière massive, dans un premier temps, que par la mer. Il est donc nécessaire de savoir de quels moyens on dispose en termes de navires de charge et de services. Un port peut être complètement dévasté, dans sa surface mais aussi dans son fond, si bien que l'on ne sait plus quel est le tirant d'eau admissible pour les navires. En quelques heures, les chenaux peuvent être totalement modifiés dans leur tracé du fait de l'effondrement des bancs sous-marins.

Il est important de disposer, au sein d'une task force, des connaissances et des matériels publics et privés qui permettront de répondre rapidement à ces questions essentielles. Jamais un armateur n'enverra un bateau dans un port dont il ne sait pas s'il peut y rentrer. Cela ne ferait qu'aggraver la situation en renforçant les risques d'accident, en particulier si le bateau s'échoue à l'entrée du port.

Qu'elles proviennent d'entreprises spécialisées dans le sismique, le sondage ou le pilotage, réunir ce vaste ensemble de connaissances est donc déterminant. Il faut répertorier les acteurs et être capable, comme dans toute gestion de crise, de les mobiliser rapidement, ne serait-ce qu'en disposant des bons numéros de téléphone. J'ai fait beaucoup d'opérationnel dans mon premier métier et je peux témoigner qu'un numéro de téléphone manquant peut à lui seul bloquer toute la chaîne. La cellule de crise qui sera capable d'être rapidement activée doit être bâtie au niveau national, avoir des déclinaisons locales et être dotée des outils nécessaires. Pour qu'elle soit efficace, elle doit s'entraîner. Il faut enfin que les gens se connaissent.

La mobilisation de CMA CGM après le passage d'Irma à Saint-Martin doit être saluée. La chance, si l'on peut dire, dans cette catastrophe, a été que la compagnie soit à proximité. Dans d'autres territoires, CMA CGM n'est pas présente.

Il serait bon de répertorier les principaux acteurs maritimes et les sociétés de logistique intégrée présents dans le Pacifique. Du service portuaire à l'assureur jusqu'au shipchandler, ils composent une chaîne très diversifiée, sans parler du secteur du tourisme, dont les ressources d'expertise et de débrouillardise sont relativement insoupçonnées. Or il est important, dans une crise, de savoir se débrouiller avec quelques bouts de ficelle.

Si les gens se connaissent, donc, et s'ils se sont entraînés, les réponses apportées pendant la crise sont plus efficaces.

Quant à votre question sur l'état des infrastructures et sur les politiques mises en oeuvre, ce n'est pas un scoop que de dire que certains ports sont délabrés. Il est nécessaire de les maintenir, de les remettre en état et de les inclure dans des dispositifs à même d'absorber les catastrophes. Toutefois, il vaut sans doute mieux préparer les hommes, les matériels et les entraînements. Le Titanic était insubmersible, mais ça ne l'a pas empêché de mal terminer. Pour se prémunir contre les catastrophes, il vaut donc mieux prévoir des réponses humaines, matérielles et procédurales adaptées.

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