Intervention de Bertrand Labilloy

Réunion du mercredi 30 mai 2018 à 17h00
Mission d'information sur la gestion des évènements climatiques majeurs dans les zones littorales de l'hexagone et des outre-mer

Bertrand Labilloy, directeur général de la Caisse centrale de réassurance (CCR) :

Je ne suis pas ici pour défendre, ni attaquer, les assureurs. CCR est l'opérateur central du régime et nous souhaitons que l'indemnisation des sinistres, en cas de catastrophe naturelle, soit la plus utile possible, afin de permettre la résilience des territoires et un rétablissement des fonctions économiques le plus rapide possible. C'est toute l'utilité d'un régime d'assurance comme le régime « Cat Nat » que d'assurer une indemnisation rapide et complète des dommages, et donc un redémarrage rapide de la vie économique et sociale d'un territoire.

Il se trouve qu'un certain nombre de facteurs se sont conjugués dans le cas de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, et ont provoqué un retard à l'allumage, puis un décalage. Cela se voit très bien dans les courbes de règlement des sinistres. Pendant un mois, il ne s'est pas passé grand-chose, et nous en connaissons les raisons. Il y a eu, tout d'abord, l'incapacité d'accéder aux territoires eux-mêmes pendant les premières semaines. Ensuite, les moyens humains et matériels des assureurs étaient dévastés localement par la catastrophe. D'autres facteurs, tout aussi spécifiques à ces zones, ont joué. Ainsi, il était difficile de rentrer en contact avec certains propriétaires car ils vivent souvent en métropole. Il a donc été compliqué de lancer la mécanique de réparation des dommages et donc le processus d'indemnisation. Nous avons même eu des difficultés avec les justificatifs bancaires à fournir.

Nous avons pris conscience, à l'occasion de ce sinistre de fait, que des difficultés d'ordre pratique, au cas par cas, peuvent véritablement gripper la mécanique d'indemnisation. Il y a eu aussi, il faut le dire, l'intervention d'experts en assurance auprès des assurés qui n'a pas forcément aidé au règlement rapide des dossiers et à des relations fluides entre les assureurs et les assurés. Je me permets de suggérer que cette profession, si c'en est une, soit réglementée comme celle des experts en assurance auprès des assureurs. Cela garantirait un niveau de professionnalisme minimum et aiderait à indemniser rapidement les sinistrés.

Nous avons beaucoup appris, je crois, de ce sinistre. Le retard initial est en train d'être rattrapé. Le rythme actuel d'indemnisation des sinistres pour Irma est supérieur à celui des inondations dans le centre de la France à la même époque, compte tenu de l'effet de rattrapage. Sur des sinistres de très grande ampleur, il faut plusieurs mois, et presque une année, pour que la totalité des dommages soient indemnisés. Aujourd'hui, pour les sinistres automobile, qui sont de petits montants et pour lesquels les choses sont très cadrées et assez simples, il y a plus de trois quarts des dommages qui ont été indemnisés. On est entre 40 % et 45 % pour les autres sinistres, qu'il s'agisse des sinistres habitation ou des sinistres subis par les entreprises.

S'agissant des mesures conservatoires, Stéphane Pénet, qui m'a précédé, a souligné à juste titre que le régime « Cat Nat » est un régime très encadré et administré. Il repose, toutefois, sur un partenariat public-privé et s'appuie à la fois sur le réseau des assureurs, leur maillage territorial et leur expertise, sur la puissance publique, qui a introduit l'obligation d'extension de l'assurance aux dommages des catastrophes naturelles, et sur CCR. La question qui se pose est celle de savoir où l'on place le curseur entre la liberté contractuelle, le jeu de marché, et l'encadrement réglementaire. Aujourd'hui, un encadrement réglementaire existe sur le détail de l'indemnisation. La compétition concurrentielle entre les assureurs porte sur la manière d'aider au mieux les assurés dans leurs démarches pour obtenir une indemnisation. On l'a vu lors des inondations de mai et juin 2016 dans le centre de la France : certains avaient même dépêché sur place des camions-bureaux dans lesquels les gens pouvaient, sur place, rencontrer les intermédiaires d'assureur pour procéder aux premières démarches. La réglementation peut fixer des cadres. Le jeu concurrentiel oblige les assureurs à adapter leur service aux sinistrés. Les deux sont donc utiles. Faut-il encadrer juridiquement le montant de l'avance initiale ? Je suis incapable de répondre à cette question. Aujourd'hui, il n'y a pas de cadre, c'est tout à fait clair.

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