Pour répondre à M. Carrez, je commencerai par dire que vous êtes dans votre rôle de contrôle quand vous vous interrogez sur l'apparition soudaine de primes à l'émission qui, en comptabilité maastrichtienne, ont des effets bénéfiques, dans la mesure où, l'année où elles sont enregistrées, la dette publique augmente moins que le déficit budgétaire. Reste à savoir si cela résulte d'un effet fortuit ou d'une intention maligne...
Pour ce qui est du caractère fortuit ou non de ces primes, j'affirme solennellement devant la représentation nationale que, depuis 2012, date à laquelle m'ont été confiées pour la première fois les fonctions que j'ai exercées jusqu'à ce jour à l'AFT sous divers gouvernements et administrations, je n'ai jamais reçu la moindre instruction d'un ministre, d'un directeur de cabinet ou d'un directeur général de l'administration centrale, pour me demander d'émettre des titres assortis d'une prime d'émission. Le choix des titres que nous retenons pour nos adjudications, effectuées par nos seize SVT, se fait en suivant une procédure très précise. Durant la semaine précédant une adjudication, nous réunissons nos seize SVT à Bercy et nous leur demandons de nous rendre compte des demandes sur le marché, ainsi que des titres dont ils ont besoin pour leur activité de teneurs de marché. Sur la base de leurs recommandations – souvent convergentes, mais pas systématiquement –, nous prenons une décision sur la nature des titres à émettre. Pour diminuer la charge d'intérêts et émettre des titres au mieux des intérêts du contribuable, notre fonction première consiste à servir la demande.
Que le titre soit avec décote, avec prime ou surprime, n'entre pas en considération dans la définition de la politique d'émission de l'État : cela n'a jamais été le cas jusqu'à présent et j'espère qu'il en sera toujours ainsi. Si je devais choisir les titres à émettre en fonction de cette caractéristique, je prendrais le risque de retenir un titre qui serait peut-être un gros coupon, mais ne répondrait pas forcément – et peut-être pas du tout – à la demande exprimée : ce titre serait alors émis dans de très mauvaises conditions. Il en serait de même si je devais choisir un portefeuille de titres à émettre dans l'intention de minimiser le montant de primes et décotes.
Il ne faut donc voir aucune intention maligne dans l'apparition des primes à l'émission, dont l'existence s'explique par la technique de réabondement de titres anciens, visant à favoriser la liquidité de la dette française en émettant ce que l'on appelle de « vieilles souches ». De tels titres, qui ne sont pas des titres de référence et portent des coupons élevés dans un contexte de taux bas, représentent 33 % à 40 % de nos émissions certaines années, et seulement 20 % d'autres années. En 2015, nous avons généré beaucoup de primes à l'émission, avec un volume important de titres off the run ; en 2016, alors que le montant de ces titres avait diminué de moitié, nous avons généré des primes à l'émission d'un montant comparable.
L'autre variable jouant sur la génération de primes à l'émission est le contexte des taux d'intérêt : quand les taux baissent, il est parfois impossible de ne pas générer de primes à l'émission. La courbe d'État française, qui correspond à un titre à six ans, est à taux négatif jusqu'en novembre 2023 – par le passé, elle est parfois restée neuf ans à taux négatif. Quand je crée, comme je le fais chaque année, de nouvelles souches de référence – à deux ans, cinq ans, dix ans –, sur les périodes de deux ans et cinq ans, il m'est impossible d'émettre un titre affichant un taux de coupon négatif : le mieux que je puisse faire est de retenir un taux de coupon à zéro. Mais même dans un environnement de taux négatifs, la création d'un titre à taux zéro génère des primes à l'émission. En résumé, ce sont donc les deux variables que sont la demande du marché et l'évolution des taux qui commandent le volume de primes à l'émission ou de décotes qui vont être générées.
Le troisième élément important est l'aspect comptable, sur lequel je n'ai pas non plus la main. La norme comptable, qui conditionne la manière dont le déficit ou la dette maastrichtienne sont comptabilisés, a été établie par les statisticiens européens et s'impose à moi depuis des années.