Intervention de Olivier Véran

Réunion du mercredi 6 juin 2018 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Véran :

Merci d'avoir cité Grenoble – je suis moi-même, dans le civil, neurologue au centre hospitalier universitaire (CHU) de Grenoble – et les professeurs Benabid et Pollak, qui ont participé à la prise en charge de la maladie de Parkinson par stimulation cérébrale profonde. Ce faisant, ils ont réhabilité, en quelque sorte – et c'est en France que cela s'est produit –, la neurochirurgie fonctionnelle, qui avait disparu depuis la Seconde Guerre mondiale – on comprend pourquoi. Sa caractéristique actuelle est d'être réversible : les électrodes cérébrales profondes que l'on implante peuvent toujours être retirées. Il ne s'agit donc plus d'interventions définitives, telles que celles que l'on a pu connaître auparavant ; je pense à la lobotomie ou à ce que l'on appelait les tapis de bombes, qui détruisaient des zones cérébrales.

La neurochirurgie fonctionnelle se développe également aujourd'hui dans la lutte contre l'obésité sévère, contre les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) ou contre les troubles de l'humeur, et laisse entrevoir des possibilités assez extraordinaires. Pardon de citer à nouveau Grenoble, mais c'est une terre d'expérimentation : Clinatec, qui y a récemment ouvert ses portes, a développé un projet intitulé Brain Computer Interface (BCI) qui permet, grâce à un micro-implant sur la dure-mère, c'est-à-dire à la surface du cerveau, à un patient tétraplégique de commander, par des ondes wifi, un ordinateur capable de commander un exosquelette, de sorte qu'il suffit à cette personne tétraplégique de penser qu'elle marche pour faire se déplacer l'exosquelette et évoluer dans une pièce. Le dispositif n'est pas parfait – il manque l'équilibre –, mais on voit que les choses évoluent à grande vitesse.

Ma question porte sur les techniques de neuro-marketing, c'est-à-dire l'application des neurosciences cognitives au marketing et à la communication. Au début, il s'agissait de mieux comprendre les comportements des consommateurs ; aujourd'hui, il s'agit de plus en plus d'interférer dans ces comportements, quitte à laisser des traces neurologiques. Les Anglais envisagent ainsi d'intenter des actions de groupe contre des industries agroalimentaires accusées d'utiliser un neuro-marketing agressif à l'encontre des enfants. On sait en effet qu'un enfant soumis à des publicités pour de la junk food, par exemple, avalera en moyenne 340 calories de plus par jour. Ne faudrait-il pas commencer à légiférer dans le champ des neurosciences en portant une attention particulière à ces techniques de neuro-marketing, qui pourraient donner une image très sombre des sciences cognitives alors qu'elles offrent des perspectives enthousiasmantes en matière d'amélioration de la santé humaine ?

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