Intervention de Anthony Requin

Réunion du mercredi 20 septembre 2017 à 11h05
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Anthony Requin, directeur général de l'Agence France Trésor :

Monsieur Alauzet, vous le savez, l'ACOSS n'a pas la capacité d'émettre sur les marchés à un horizon supérieur à deux ans. Elle se situe donc délibérément sur la partie courte de la courbe. La courbe directrice étant la courbe d'État français, à taux négatif, les émissions de dette de l'ACOSS génèrent effectivement un produit. Si vous regardez dans le détail les comptes de l'AFT, vous verrez que les émissions de BTF, c'est-à-dire les émissions de titres à trois, six et douze mois pour un taux de – 0,62 % génèrent aussi des produits : pour cette année, nous devrions atteindre 800 millions d'euros de produits sur nos titres de court terme. Pour autant, cela ne doit pas nous conduire à surémettre. Nous n'émettons qu'à hauteur de nos besoins. Si nous émettions trop, naturellement les conditions de taux dont nous bénéficions se détérioreraient.

La question de la détention de la dette intéresse, outre votre commission, les organismes internationaux comme le FMI ou l'OCDE. Vous me demandez si une forte proportion de détenteurs non-résidents est une source de fragilité pour une dette donnée. J'essaie de convaincre le FMI que ce n'est pas le cas. Je crois qu'il a été traumatisé par la crise des pays asiatiques à partir de 1997, où une dépendance à l'égard d'investisseurs étrangers a pu accentuer les mouvements de marché et générer des crises lorsque l'environnement macroéconomique était bouleversé.

Au-delà de la qualité de résident ou de non-résident, il faut regarder la composition institutionnelle de cette dette. Autrement dit, il ne me gêne pas du tout que 60 % de la dette soit détenue par des non-résidents dans la mesure où plus de 50 % est détenue par des banques centrales. Ce sont des investisseurs buy and hold, autrement dit qui achètent et conservent dans leurs coffres jusqu'à maturité, qui sont davantage attirés par des caractéristiques de crédit et de liquidité de la dette française que par le niveau des taux d'intérêt – ils continuent donc à acheter même lorsque les taux d'intérêt sont très bas. De notre point de vue, ce sont donc de très bons investisseurs, non des gens à qui le papier va brûler les mains et qui, au moindre nuage, s'empresseront de jeter de la dette sur les marchés, ce qui pourrait provoquer effectivement des ajustements.

Je ne vous dirais pas la même chose si je devais constater que 50 % de la dette était détenue par des non-résidents hedge funds, car ce serait effectivement une source de fragilité. Il convient de mener ce travail d'analyse de la qualité ou de la nature des détenteurs pour savoir si la détention de la dette publique par les non-résidents est ou non un facteur de fragilité. Je considère cette base d'investisseurs de banquiers centraux plutôt comme une force.

M. Dufrègne me demande si la France est en faillite ; je ne reprendrai pas cette expression à mon compte parce que j'essaie de convaincre tous les investisseurs que la France est au contraire un excellent risque. La métrique à laquelle il faut se référer est celle du ratio dettePIB et, plus encore, la trajectoire. Je comprends évidemment qu'un ratio de 100 % soit un élément visible et un seuil symbolique ; remarquons toutefois que le fait que la dette espagnole ait franchi la barre des 100 % – cela dépend des trimestres – ne s'est pas traduit par une modification brutale des conditions d'endettement de l'État espagnol. Plus que le chiffre absolu, c'est la trajectoire qui importe, car c'est elle qui détermine la solvabilité d'un pays. Pour ce qui nous concerne, nous n'avons aucun problème à nous financer. Nous ne sommes pas en faillite dès lors que nous pouvons montrer à nos investisseurs que nos déficits se réduisent et que la trajectoire de dettePIB est sous contrôle, qu'elle s'est infléchie et que notre ratio de dettePIB diminue. Un État n'a pas vocation à rembourser sa dette ; il la roule, il la refinance. C'est ce que font les grands États comme le Japon ou les États-Unis. Cela dit, il est important de pouvoir rassurer l'investisseur sur le fait que cette dynamique d'endettement est sous contrôle. De ce point de vue, la métrique absolue est le ratio dettePIB.

Au cours de ces dernières années, nous avons répondu à la demande du marché, qui était d'acheter des titres de plus grande maturité, parce que nous avons eu le sentiment qu'il était de notre intérêt d'allonger la durée moyenne de vie de la dette française, ce qui réduisait notre risque de refinancement ; nous avons donc « cranté » des taux de financement bas pour une longue période de temps. Cela s'est fait via l'augmentation de la durée moyenne à l'émission, qui est passée de huit à treize ans, année après année, et grâce aux primes à l'émission que nous avons générées. Ce sont des ressources de trésorerie excédentaire que nous n'avions pas anticipées. Comme vous avez pu le voir sur le graphique que je vous ai montré tout à l'heure, le stock de BTF est revenu à un étiage historique autour de 8 %, après avoir atteint 18,6 % de la dette totale. Nous avons donc en proportion moins de dettes à court terme, ce qui signifie que nous sommes moins sensibles à un choc de taux. Cela fait partie des moyens de nous protéger contre l'augmentation du risque de refinancement.

Monsieur Laqhila, vous avez mentionné le montant de la dette publique supportée par chaque Français ; mais on oublie souvent de regarder le patrimoine et la richesse privés. Certes, les Français sont endettés si on rapporte la dette totale à la population française, mais, sur le plan patrimonial, on constate globalement un incroyable enrichissement de la France et des Français – je ne me prononcerai pas sur la répartition.

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