Merci, messieurs, pour cette discussion très enrichissante. En tant que juristes, nous sommes en grande difficulté face à un progrès fluide, exponentiel, qu'il est de plus difficile de canaliser. Pour être honnête, j'ai le sentiment que nous ne résisterons pas à l'injonction de performance que vous avez évoquée : l'homme augmenté aura des attraits tels que nous ne saurons y résister, de même que nous ne résisterons pas aux exigences de la commercialisation du progrès – vous l'avez dit, lorsqu'il n'y a rien à vendre, c'est que nous sommes le produit. Il n'en demeure pas moins que le législateur a pour mission de définir des cadres et qu'il doit légiférer à court terme. Va donc se poser la question de la récurrence des dispositifs législatifs que nous sommes appelés à adopter, car le droit doit être opératoire.
Cela me conduit à soulever deux questions plus fondamentales encore dont nous ne pourrons faire l'économie. Tout d'abord, comment pourrons-nous rester compétitifs si nous nous interdisons, dans la recherche, ce que d'autres, moins scrupuleux que nous, s'autorisent ? Ensuite, d'un point de vue démocratique, comment éviter un débat de spécialistes, qu'ils soient neuroscientifiques ou juristes, sur un tel choix de société ? De fait, le transhumanisme ne manquera pas de déboucher sur une forme de post-humanisme. Je suis convaincu, du reste, que nous faisons partie des dernières générations de sapiens sapiens que la nature aura produits naturellement.