Quand M. Salvini dit qu'il veut de la solidarité européenne, j'attends qu'il nous explique pourquoi il la refuserait au moment où elle est proposée. Est-ce que l'on continue comme cela, ou est-ce que l'on considère qu'il faut une solidarité européenne, une capacité européenne à relocaliser rapidement dans des pays volontaires ? Sur l'Aquarius, nous avons pris 80 passagers, et sur le Lifeline, cinquante-sept : nous faisons partie des pays volontaires pour la relocalisation des personnes en besoin manifeste de protection. Mais, pour cela, il faut une présence européenne massive, en expertise, effectifs et soutiens financiers.
Je ne suis pas l'exégète du Gouvernement italien. Que la coexistence du Mouvement Cinq Étoiles et de la Ligue soit compliquée, ce n'est pas un scoop, mais la solidarité s'est dessinée : à l'Italie de nous dire ce qu'elle refuse et pourquoi.
S'agissant de Dublin, nous n'avons pas voulu nous livrer à la facilité consistant à boucler cinq des sept textes sur l'asile en Europe. Cinq textes sont déjà prêts ; il reste le texte sur les procédures et celui sur Dublin. Nous n'avons pas voulu déconnecter les uns des autres pour essayer de forcer la main sur Dublin. Nous maintenons le principe de responsabilité. Faisons attention à ne pas laisser s'installer un système qui ne créera que des tensions, des fractures, et que l'on ne saura pas réparer.
Vous avez indiqué, Monsieur Mendes, que la présidence autrichienne allait fixer les priorités. Oui et non. Elle a fixé ses priorités de présidence, appelant cela « l'Europe qui protège » – nous aurions pu demander des droits d'auteur mais nous ne mettons pas la même chose sous cette appellation. Le rôle d'une présidence est de fixer des thèmes mais aussi d'être l'honnête courtier des compromis, et nous l'avons dit à Sebastian Kurz. Je me suis rendue en Autriche quelques jours avant le démarrage de la présidence autrichienne pour voir sur quels sujets nous allions travailler et surtout comment les positions devaient être conciliées et réconciliées.
Nous avons demandé à la Commission européenne de nous indiquer précisément le cadre juridique des centres d'accueil contrôlés et la voilure du renforcement de Frontex. Elle a évoqué de porter Frontex à 10 000 hommes. J'ai rencontré Fabrice Leggeri, le patron de Frontex. La vraie question, c'est : quels redéploiements et quelles missions, et donc quelles transformations législatives ? Sur les centres, comment travailler avec Frontex, avec le HCR, comment appliquer le droit d'asile ? Sur ces deux aspects, la Commission doit revenir vers nous avec une étude sur la faisabilité juridique et matérielle, et sur les besoins logistiques, d'ici à la fin de l'été au plus tard, je pense, pour le mois d'octobre et le prochain Conseil.
S'agissant des plateformes régionales de débarquement au sud, nous pensons que le plus en amont nous agissons sur la route des migrants, pour rendre les réseaux de passeurs inopérants, le mieux c'est. Ce n'est pas tant le débarquement qui nous intéresse qu'informer sur les conditions d'obtention du droit d'asile et réinstaller en Europe les personnes en besoin manifeste de protection en leur évitant la traversée de la Libye, de la Méditerranée, et nous incitons nos partenaires à faire de même.
La création de plateformes en Tunisie a été évoquée. Les Tunisiens ont déjà exprimé leur réticence ; je la comprends et la partage, car cela pourrait créer de nouvelles routes et de nouveaux réseaux de passeurs, et donc une instabilité, dans un pays fragile.
Nous avons dénoncé comme vous, Madame Obono, ce qui se passait en Libye et nous n'avons pas changé de vision. Nous avons demandé, cela a été évoqué au Conseil, que les pays européens et l'Union européenne soutiennent davantage le HCR en Libye pour qu'il puisse développer ses propres centres, en faisant respecter les droits de l'homme, et faire ressortir des migrants de Libye. C'est notamment parmi ces migrants ressortis de Libye que nous réinstallons des demandeurs d'asile dans l'Union européenne. Il faut évidemment travailler à la stabilisation de la Libye, au soutien des populations au sud du pays, de façon qu'elles ne s'adonnent pas aux trafics en tous genres, notamment au trafic d'êtres humains.
Le Président de la République a de nouveau reçu les parties libyennes pour travailler à un règlement politique, même si ce n'est pas facile. Nous incitons aussi nos partenaires à travailler dans l'ensemble des pays africains et les pays africains à travailler avec nous contre les réseaux de passeurs, qui prospèrent sur l'absence d'État de droit et d'État tout court. Certains États africains nous entendent car ils savent que les réseaux de passeurs sont impliqués dans les trafics d'armes, les trafics de stupéfiants et luttent par tous les moyens contre la présence de l'État.