Intervention de Nathalie Loiseau

Réunion du jeudi 5 juillet 2018 à 10h00
Commission des affaires européennes

Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes :

Comment refonder l'Union européenne dans une période où il y a des tentatives pour la diviser ? Il faut effectivement bien mesurer qu'il y a des tentatives systématiques pour la diviser et des gens pour qui le projet européen est un ennemi. Pour ceux-là, tout ce qui peut l'affaiblir est bienvenu. Souvenez-vous des propos des partisans du Brexit, Nigel Farage en tête : d'abord, on sort de l'Union européenne ; ensuite, on la détruit. Nigel Farage n'a pas renoncé et il continue à soutenir ceux qui veulent faire en sorte que l'Union européenne se délite.

En même temps, au sein du Conseil européen, on constate une forte unité sur les questions commerciales, notamment vis-à-vis de Donald Trump et de ses mesures. L'unité européenne est plus forte et plus facile à construire qu'elle ne l'était dans le passé sur d'autres sujets comme la défense et l'innovation, qui font peut-être moins de bruit. L'environnement international crée un besoin d'Europe.

Nous devons relever le défi climatique, vous avez parfaitement raison de le rappeler. C'est une responsabilité de l'Union européenne et une attente de nos populations, comme le montrent les consultations citoyennes. L'Union européenne a déjà beaucoup avancé dans la définition et la mise en oeuvre des objectifs énergie-climat 2030. Nous avons beaucoup fait avec le système communautaire d'échange de quotas d'émission – Emission Trading Scheme (ETS) –, même s'il reste perfectible. Nous arrivons presque au bout du « paquet énergie », intitulé « Une énergie propre pour tous les Européens ». Nous avons énormément avancé et c'est satisfaisant. Il faut aller plus loin parce que nous voyons bien que les objectifs fixés, même s'ils sont sur de bons rails, ne sont pas suffisants pour limiter le réchauffement climatique mondial à 2 degrés ou 1,5 degré d'ici la fin du siècle. Il faut continuer à défendre cet engagement et en faire l'un des sujets du Conseil de décembre. Nous avons l'ambition de créer un prix plancher du carbone et un accompagnement des économies les plus dépendantes du charbon en Europe.

J'en viens au siège du Parlement européen. Angela Merkel ne nous a jamais parlé d'un siège unique, peut-être parce qu'elle connaît notre réponse. En tout cas, elle ne s'est jamais aventurée sur ce terrain-là avec Emmanuel Macron, pas plus que ses ministres ne l'ont fait avec leurs homologues français. Ils connaissent notre réponse, qui est bien sûr ancrée dans les traités mais qui est aussi plus ambitieuse que cela : elle consiste à défendre l'idée d'une Union européenne polycentrique.

Je partage votre constat sur le contrat triennal. Il faut apporter de vraies réponses en termes d'accessibilité et d'accueil à Strasbourg. Il pourra y avoir une opportunité, le jour où le Parlement européen sera suffisamment courageux pour reconnaître qu'il faudra que Strasbourg soit davantage capable d'accueillir des sessions du Parlement européen. Nous en parlons aux collectivités locales intéressées. Pour ma part, je ne vois que des avantages à ce que la commission des affaires européennes s'empare du sujet et nous fasse un bilan de l'état des lieux et des mesures à prendre pour que Strasbourg réponde mieux aux attentes des députés européens et de leurs collaborateurs.

Où en sont les consultations citoyennes sur l'Europe ? J'en reviens, si j'ose dire, puisque j'étais hier à Nancy pour ma trente-deuxième consultation citoyenne. Voici les chiffres exacts : 206 événements se sont déjà tenus à travers l'ensemble du territoire, et 145 sont prévus au cours des mois à venir ; nous avons enregistré 388 demandes de labellisation, 350 événements sont labellisés et figurent sur la carte du site ; vingt-trois événements sont en cours de finalisation et obtiendront le label dans les jours qui viennent ; douze ont été refusés pour non-respect de la charte et deux ont été abandonnés par les porteurs de projets. Il y a une belle dynamique, supérieure à ce qui se fait ailleurs en Europe. Ce n'est pas assez, il faut continuer.

Je partage votre souhait de voir davantage encore de membres du Gouvernement participer à ces consultations. Certains l'ont déjà fait. Bruno Le Maire a programmé quelque chose qui n'a pas encore eu lieu. Le Premier ministre a participé à deux consultations citoyennes et il est prêt à continuer. Florence Parly le fait dans quelques jours. Stéphane Travert a répondu favorablement à une sollicitation. Agnès Buzyn participe à une consultation avec moi et les Restaurants du coeur, fin septembre. J'en fais une bientôt avec Brune Poirson. Mounir Mahjoubi s'est aussi proposé. Nicolas Hulot a donné son accord de principe. Jean-Baptiste Lemoyne a fait une consultation citoyenne. Il en faut plus, nous sommes d'accord. Les députés peuvent inviter des ministres à participer à des consultations citoyennes thématiques. Je sais que certains ne se sentent pas outillés pour traiter de l'ensemble des sujets européens, ce qui est parfaitement normal. Dans ce cas-là, il est possible de choisir un angle, comme nombre de maires et de députés l'ont fait.

J'ajoute, et cela va à l'encontre de certaines idées reçues, que ces consultations citoyennes sont transpartisanes. Ainsi, celles auxquelles j'ai participé étaient organisées par des municipalités dont les majorités sont très diverses, et les publics eux-mêmes sont très divers. Je regrette que Danièle Obono ait dû nous quitter – mais elle lira sans doute le compte rendu de notre réunion – car j'aurais pu lui dire que le public avec lequel j'ai dialogué hier était composé de jeunes réalisant un service civique et comprenait en partie des militants de La France insoumise. Le débat a été vif, et c'est très bien ainsi. On rencontre donc tous types de publics, du point de vue de l'âge, des catégories socioprofessionnelles ou des convictions politiques, et c'est souhaitable. Je crois que ce n'était vraiment pas le cas lors des précédents débats organisés sur l'Europe.

En ce qui concerne les conditions de restitution finale, nous souhaitons impliquer des porteurs de projets ou leurs porte-parole et former une espèce d'assemblée des consultations citoyennes européennes ; nous y associerons probablement le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Cela aurait en effet du sens, dans la perspective de la transformation de cette institution telle qu'elle est prévue dans le cadre de la révision constitutionnelle. Nous envisageons de faire rédiger le rapport final français, non pas par les autorités de l'État, mais plutôt par des chercheurs indépendants, spécialistes des questions de délibération citoyenne, afin de conserver le caractère pluraliste et spontané des consultations citoyennes. Nous avons proposé qu'il en soit ainsi dans les autres États membres

Dans le cadre de la consultation numérique, nous avons reçu, à ce jour, 33 000 réponses. Les Français sont les plus nombreux. Il est intéressant de relever que les Hongrois participent beaucoup également. Probablement conscients que des débats en présentiel dans leur pays pouvaient susciter des difficultés, ils ont compris le profit qu'ils pouvaient tirer de la consultation numérique. C'est une bonne nouvelle. Les Allemands participent également. Nous organiserons à la rentrée, en septembre, une campagne de sensibilisation à cette consultation numérique mais, si je peux émettre un souhait, c'est que vous la fassiez connaître, vous aussi, dans vos circonscriptions.

S'agissant du « paquet mobilité », mieux vaut ne pas avoir d'accord qu'un mauvais accord. Les choses étaient mal engagées. On peut se féliciter que, hier, le rapport de la commission « Transports » n'ait pas été adopté. Mais on a en quelque sorte jeté le bébé avec l'eau du bain car, de ce fait, des amendements qui allaient plutôt dans le bon sens ont été également rejetés. Cela signifie que nous repartons de zéro. Il y avait de bonnes et de mauvaises raisons de tout envoyer valser : les bonnes, c'était la volonté d'améliorer davantage la protection sociale des transporteurs ; les mauvaises, c'était le souhait de certains pays d'origine des transporteurs de renforcer la libéralisation. Il nous faut avancer, et nous nous sommes engagés dans cette voie. Nous avons indiqué à la présidence autrichienne, qui, partant du principe que l'absence d'accord est préférable à un mauvais accord, était tentée de ne rien faire durant son mandat, que ce n'était pas raisonnable. Nous devrions reprendre le travail, probablement à la rentrée, avec ceux qui sont prêts à accepter un équilibre satisfaisant entre la nécessité de prendre en compte l'éloignement géographique de certains pays – je pense aux pays baltes ou au Portugal – et celle d'améliorer la protection sociale des travailleurs de ce secteur. C'est une position qu'il faut défendre avec force, notamment dans les sociétés civiles des États membres partenaires, pour que la notion d'Europe sociale vers le haut puisse avancer, comme ce fut le cas sur la question des travailleurs détachés. Nous nous étions engagés avec ceux de nos partenaires qui avaient travaillé sur les travailleurs détachés à ne pas bloquer le « paquet mobilité », mais il n'y aura pas n'importe quoi au Conseil ; nous y veillerons.

Comment être plus efficaces en Afrique, dont nous sommes le premier bailleur de fonds et qui connaît une croissance sans développement ? Il faut concentrer l'aide sur l'éducation, notamment des petites filles, car si elles ont accès à une vie professionnelle, cela provoquera une transformation démographique, comme celle qu'a connue le Maghreb. En effet, lorsque les femmes travaillent, elles ont moins d'enfants, la croissance est plus importante et souvent plus respectueuse de l'environnement, bref : on est gagnant dans tous les domaines. Les autres secteurs lesquels nous devons concentrer l'aide sont la santé, notamment maternelle et infantile, la formation, l'emploi et la gouvernance, car beaucoup quittent leur pays parce qu'ils ne croient pas dans sa gouvernance, qui ne leur garantit pas l'égalité des chances. Il faudra également veiller, dans le prochain cadre financier pluriannuel, à ce que les instruments d'aide extérieure soient bien axés sur nos priorités géographiques. Nous sommes ainsi attentifs à ce qu'un instrument de voisinage demeure à destination du Maghreb, notamment. Là encore, nous y avons vraiment intérêt : on ne travaille pas avec le Maghreb comme on travaille avec les Philippines ou la Colombie. Le Fonds européen de développement (FED) doit également avoir une priorité africaine bien marquée. C'est évidemment essentiel. Je crois que nous avons plus de chances d'être entendus que par le passé ; il y a une prise de conscience, un intérêt. C'est également un domaine dans lequel nous pourrons travailler, à l'avenir, avec le Royaume-Uni, qui est un intervenant important en matière d'aide au développement.

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