Intervention de Olivier Véran

Réunion du mercredi 20 juin 2018 à 16h15
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Véran :

Quoi que l'on pense de la PMA ou de la GPA, après avoir entendu plusieurs fois parler de la souffrance de l'enfant ou même de celle des parents, j'ai pensé qu'il était utile de regarder ce qui se passait à l'étranger où l'on bénéficie parfois d'un recul de quelques années ou de quelques décennies sur ces sujets. Nous oublions trop souvent dans nos débats de porter le regard au-delà de nos frontières, et nous pouvons être surpris en le faisant. Il est par exemple étonnant de constater que le Portugal, qui n'est pas très en pointe en matière d'accès à l'IVG, a légalisé la GPA depuis 2016, avec une GPA altruiste. Les législations étrangères ne sont pas celles que l'on pourrait parfois intuitivement imaginer.

J'ai consulté plusieurs revues internationales qui revenaient sur la mise en oeuvre de la GPA et de la PMA dans certains pays en s'intéressant aux conséquences en termes de bien-être pour les enfants et les parents. Je n'ai trouvé aucune étude attestant d'une souffrance avérée sur le plan scientifique. Le champ psychanalytique pourrait, certes, être pris en compte, mais, en tout cas, d'un point de vue physique ou sociologique, je n'ai rien trouvé.

Plusieurs études montrent en revanche que les parents de familles qui ont fait appel à des nouvelles technologies de reproduction sont plus engagés émotionnellement dans l'éducation des enfants que les parents de familles dont les enfants ont été conçus naturellement.

« Aucune donnée empirique n'a été trouvée qui montrerait que le développement psychologique des enfants issus des nouvelles technologies de reproduction diffère de leurs homologues », d'après un article d'une revue américaine publiée en 2010. « La gestation pour autrui n'apparaît pas impacter négativement l'éducation des enfants ou leur développement au sein de familles avec des enfants de deux ans », constate une revue de psychiatrie américaine très cotée. « Les familles ayant procédé à une GPA ont maintenu une bonne relation dans le temps avec la gestatrice. Les enfants considéraient positivement leur mère porteuse et leur naissance par gestation pour autrui » lit-on ailleurs. On pourrait ainsi multiplier les exemples d'études.

On parle de la souffrance des parents, mais moins de 1 % des gestations pour autrui dans le monde finissent par un conflit qui se règle au tribunal – ce n'est pas énorme. « La majorité des gestatrices considèrent les expériences comme très positives » note aussi une revue de psychologie et psychiatrie américaine en 2002.

Les études nous montrent que nous avons un recul sur quinze à vingt ans. J'ai cherché une revue ayant publié un travail scientifique qui permettrait de parler à la place des gens et d'affirmer qu'il y a une souffrance chez les enfants ou chez les parents. Pour l'instant, je n'ai rien trouvé.

En revanche, il peut y avoir une souffrance concernant l'identification de la paternité ou de la maternité. L'individu se demande alors qui est à l'origine de sa création, mais l'on retrouve les mêmes questionnements chez les personnes issues d'une PMA, que les couples de parents soient homosexuels ou hétérosexuels.

Je me souviens avoir entendu, dans cette salle, pour la première fois, lors d'une audition dans le cadre des débats sur le texte relatif au mariage pour tous, un enfant né par PMA de deux femmes nous dire qu'il n'allait pas bien. Mais il n'allait pas bien, nous disait-il, uniquement depuis qu'il entendait les personnes réunies dans cette salle expliquer « qu'il avait été acheté » ou que son éducation « avait été dévoyée ». Après nous avoir entendus, pour la première fois de sa vie, il se sentait anormal, pour la première fois de sa vie il sentait que la cellule familiale dans laquelle il avait grandi n'était peut-être pas de nature à lui apporter le bonheur et l'équilibre. Vous le voyez, tout cela est très compliqué. Il y a des affects mais aussi, sans doute, des idéologies très fortes. Il reste que, d'un point de vue scientifique, j'aimerais vraiment savoir sur quoi vous étayer les arguments selon lesquels il y aurait une souffrance chez les parents ou chez les enfants ?

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