Il ne peut y avoir de pudeur ni d'hésitation en ce domaine : le seul critère pour nous guider doit être la sécurité des Français. S'agissant de l'interdiction du territoire, il nous avait été opposé que celle-ci était généralement prévue pour des crimes ou des délits très conséquents. Mon ancienne vie me donne la possibilité d'affirmer que l'interdiction du territoire français peut être prononcée pour un petit dealer. Nous devons donc apprécier les comportements en cause : prêcher le djihad mérite peut-être aussi cette peine complémentaire.
Trois autres amendements concernent les articles 1er, 4 et 4 bis du projet de loi. Le premier vise à renforcer la formation des agents des entreprises de sécurité privées. Ceux-ci auront plus de pouvoirs lorsqu'ils assureront la protection des périmètres de sécurité : il est légitime, lorsque l'on a plus de pouvoirs, d'être mieux formé – et bien formé.
Le deuxième amendement vise à faire en sorte que le procureur de la République de Paris puisse faire procéder à des perquisitions de nature judiciaire, en cas d'infraction, dans les lieux visés par les ordonnances du juge des libertés et de la détention, lorsque celui-ci aura été saisi à l'origine par le préfet. Cela existe déjà dans notre procédure, mais cela va mieux en l'écrivant et en adoptant cette disposition.
Le troisième amendement a pour objet, dans la perspective d'une éventuelle reconduction des mesures instaurées par les articles 3 et 4 du projet de loi, la création d'un comité de suivi, composé majoritairement de parlementaires des deux assemblées, d'un représentant du ministère de l'intérieur et d'un magistrat de l'ordre judiciaire. Cette dernière initiative me paraît doublement justifiée. Elle rentre tout à fait dans le cadre des attributions du Parlement : contrôler l'action du Gouvernement, évaluer les politiques publiques. Sa composition, réunissant et associant le Parlement, le pouvoir exécutif et l'autorité judiciaire, est particulièrement justifiée s'agissant de la lutte contre le terrorisme.
Enfin, le dernier amendement que soutiendra notre groupe concerne l'article 3 du projet de loi, relatif à la surveillance des personnes soupçonnées d'appartenir à la mouvance terroriste. Son objet n'est pas de discuter le contenu des mesures proposées par le projet de loi, ainsi que je l'ai dit à plusieurs reprises. Celles-ci prennent place dans la politique de prévention, soutenue par notre parti, des activités terroristes. Elles sont proportionnées, et nous avons trouvé le bon curseur entre sécurité et liberté.
Nos réserves ont trait à l'équilibre de nos institutions : les dispositions du projet de loi relatives aux mesures individuelles de surveillance déplacent, au détriment de l'autorité judiciaire et au profit de l'exécutif, les bornes qui, traditionnellement, marquent en France la séparation entre les différents pouvoirs de la République.
C'est, en effet, au ministre de l'intérieur et non à l'autorité judiciaire qu'est confié le pouvoir d'imposer des mesures de surveillance aux personnes suspectées. Il s'agit de dispositions contraignantes, pouvant aller jusqu'à devoir se présenter une fois par jour aux forces de police. Elles sont, sans nul doute, restrictives d'une des libertés individuelles les plus fondamentales : celle d'aller et venir.
Or l'article 66 de notre Constitution fait de l'autorité judiciaire la gardienne de la liberté individuelle. Il répond en cela aux prescriptions de la loi constitutionnelle du 3 juin 1958, portant le contreseing du président du Conseil de l'époque, Charles de Gaulle, et du garde des sceaux, Michel Debré, qui dispose expressément que l'autorité judiciaire assure « le respect des libertés essentielles telles qu'elles sont définies [… ] par la Déclaration des droits de l'homme ». La liberté d'aller et venir en fait manifestement partie.
Notre groupe défend donc un amendement qui vise à réintroduire l'intervention du juge judiciaire dans le dispositif du projet de loi. Nous avons voulu, par souci d'une plus grande efficacité et dans un esprit de responsabilité, conserver au ministre de l'intérieur, sous le contrôle du juge administratif, la décision initiale. Mais l'autorité judiciaire doit ensuite décider seule de son renouvellement.
Je n'entrerai pas dans une discussion technique sur la portée de l'article 66 de la Constitution, en opposant le texte même de la Constitution à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. J'observe simplement la tendance qui consiste, depuis presque une trentaine d'années, à restreindre, par petites touches, l'intervention de l'autorité judiciaire au profit de l'exécutif.