Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, chers collègues, cette semaine, nous débattons d'un projet de loi fondamental, non seulement parce qu'il est désormais indispensable, même s'il peut être enrichi – j'aurai l'occasion d'y revenir dans quelques instants – , mais surtout parce que, pour la première fois, des mesures qui, il y a quelques années encore, auraient été considérées comme exceptionnelles, vont entrer dans le droit commun.
Nous vivons sous le régime de l'état d'urgence depuis près de deux ans. Au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, il était absolument nécessaire d'autoriser les pouvoirs publics à prendre des mesures dérogatoires pour pouvoir affronter immédiatement la menace terroriste. Cette nécessité s'est malheureusement renforcée avec l'attentat de Nice, les 86 morts et les 458 blessés qu'il a causés, sans oublier, bien sûr, le traumatisme vécu par les proches des victimes et par tous ceux qui ont assisté à cette barbarie et pour lesquels j'ai une pensée toute particulière.
J'ai également une pensée reconnaissante pour ces héros du quotidien qui risquent chaque jour leur vie pour leurs concitoyens. Je pense aux militaires, aux gendarmes, aux agents des polices nationale et municipales, aux pompiers professionnels et volontaires et aux personnels soignants. Ne l'oublions pas, ces hommes et ces femmes sont mobilisés au service de la France, et je voudrais, au nom du groupe Les Constructifs, leur dire toute notre gratitude et notre fierté.
L'état d'urgence a fait la preuve de son efficacité, notamment dans les premiers mois, en permettant de déjouer des dizaines d'attentats et en ébranlant la plupart des réseaux terroristes. Mais une fois passé l'effet de surprise, ces réseaux ont su s'adapter et son efficacité ne fait que décroître depuis. Ces six derniers mois, et en comparaison avec les six premiers mois, il y a eu trois à dix fois moins de perquisitions administratives, d'assignations à résidence et d'interdictions de séjour, alors que la menace n'a jamais été aussi forte – en témoignent malheureusement les récents événements qui n'ont pu être évités : le 18 mars à l'aéroport d'Orly, le 20 avril et le 19 juin sur l'avenue des Champs-Élysées, le 16 juin sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame, ou encore le 9 août contre des militaires à Levallois-Perret.
Bien sûr, les mesures prévues par l'état d'urgence permettent encore de faire échouer des attentats. Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre : douze ont déjà été déjoués depuis le début de l'année grâce à l'ensemble des forces qui oeuvrent quotidiennement à la sécurité de nos concitoyens, dans un contexte de plus en plus difficile.
Vingt-deux mois après sa déclaration, et alors que sa sixième prorogation touche à sa fin, le bilan de l'état d'urgence est contrasté. Il ne faudrait pas en espérer davantage, puisqu'il s'agit avant tout d'un régime d'exception, de réaction, prévu pour des actions de court terme, alors que la menace terroriste, elle, n'est plus seulement imminente : elle est devenue permanente. Pour pouvoir lutter efficacement et dans la durée contre le terrorisme, notre législation a donc besoin d'outils performants, encadrés par le droit commun.
Il était alors indispensable de préparer la sortie de l'état d'urgence en proposant une loi pour doter dès à présent l'État de nouveaux instruments de prévention et de lutte contre le terrorisme. Notre groupe salue cette initiative du Gouvernement.
Nous en convenons : ce texte va dans le bon sens. Néanmoins, le groupe Les Constructifs regrette le manque de mesures permettant aux maires de mettre en oeuvre des solutions efficaces contre le terrorisme à l'échelle locale. Nous regrettons également l'absence de propositions destinées à accorder une marge de manoeuvre plus importante à nos forces de l'ordre.
Ce projet de loi ne fera pas l'unanimité dans nos rangs. Il ne s'agit pas d'avoir raison ou tort, ni de faire valoir que l'on appartient à la majorité ou à l'opposition. Dès lors que la sécurité de nos concitoyens est en jeu, les clivages partisans n'ont pas leur place au sein de cet hémicycle. C'est pourquoi, mes chers collègues, notre responsabilité est collective. En juillet dernier, nos collègues sénateurs ont su débattre sereinement de ce projet de loi et ont réussi à l'enrichir. Quelle que soit notre sensibilité politique, il nous appartient désormais de suivre le même chemin, de faire appel à notre ouverture d'esprit et d'entendre chacun des arguments qui seront défendus.
Comme depuis le début de la législature et plus encore à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, le groupe Les Constructifs n'a que deux maîtres mots : responsabilité et proposition. Or nous pensons que ce texte ne va pas assez loin. Nous soumettrons donc à votre vote plusieurs amendements qui, nous l'espérons, sauront recueillir votre assentiment dans la mesure où ils répondent aux attentes de ceux qui sont les premiers concernés par le terrorisme : forces de l'ordre, familles des victimes, responsables religieux, associations ou encore élus locaux.
Il s'agit, par exemple, de permettre le recours à la reconnaissance faciale aux seules fins de prévenir le terrorisme. Cette technique, déjà utilisée dans plusieurs pays, a largement fait la preuve de son efficacité. Il serait déraisonnable de s'en priver, notamment au sein des périmètres de protection que prévoit le texte.
Il s'agit également de pénaliser une pratique indécente, malheureusement de plus en plus fréquente, à savoir la diffusion d'images montrant les victimes d'attentats et qui, des années après ces drames, continuent de hanter les familles endeuillées.
D'autres amendements viseront à permettre aux maires d'obtenir des informations sur les individus qui résident dans leur commune et qui seraient fichés pour radicalisation.